Répartition de la littératie

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Nous commençons par une simple description de la répartition des compétences dans le domaine des textes schématiques en nous fondant sur les données de l'EIACA 2003. Au graphique 1, nous présentons une estimation de densité noyau de ces compétences pour notre échantillon. La courbe de densité est légèrement en asymétrie négative avec une moyenne de 280, une médiane de 287 et un écart-type de 50. Qu'il y ait asymétrie négative dans ce qui serait normalement une distribution en asymétrie positive comme la distribution lognormale tient peut-être à l'insuffisance des questions pouvant permettre de différencier les répondants ayant un haut niveau de littératie. Pour l'échantillon, le résultat minimal est de 84 (niveau extrêmement bas de maîtrise des textes schématiques) et le résultat maximal, de 4361. De l'inégalité de cette distribution témoignent un coefficient de Gini de 0,107 et une valeur de 0,513 pour le logarithme du rapport 90e percentile au 10e percentile. Mettons le tout en perspective en disant que, pour le revenu familial avant impôt et transferts au Recensement canadien de 2001, le coefficient de Gini est de 0,438 et le logarithme du ratio du 90 à 10, de 3,48 (Frenette et coll., 2006). Ainsi, la répartition de la littératie est bien moins inégale que celle du revenu du travail, ce dont on ne s'étonnera pas puisque les compétences en littératie ne sont qu'un des facteurs de formation du revenu du travail.

Graphique 1 Les résultats à l'échelle des textes schématiques, 2003. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 1
Les résultats à l'échelle des textes schématiques, 2003

L'autre comparaison possible avec ces données peut porter sur le degré d'inégalité de la répartition de la littératie en 1994. Dans ce cas, le coefficient de Gini est de 0,151 et le logarithme du ratio du 90 à 10, de 0,76. Ainsi, la distribution se fait bien moins inégale dans les neuf ans compris entre les deux années d'enquête. C'est en partie à cause d'une amélioration à l'extrémité inférieure de la distribution de la littératie. En 1994, le 10e percentile est de 160 et, en 2003, de 197. La nouvelle n'est pas si bonne cependant si on considère que, de 1994 à 2003, le 95e percentile est en fait tombé de 359 à 351. Ainsi, cette baisse de l'inégalité dans l'échelle de répartition de la littératie s'explique à la fois par une amélioration appréciable à l'extrémité inférieure de la distribution et par une certaine détérioration à l'extrémité supérieure. Nous reviendrons sur ces différences, mais pour le moment nous chercherons à caractériser la répartition de 2003.

Au tableau 1, nous dépeignons une corépartition de la littératie et du revenu familial et indiquons le pourcentage d'observations dans chaque cellule d'une grille définie par les cinq quintiles de la distribution des compétences en textes schématiques et les cinq quintiles de la distribution du revenu du ménage (avant impôt et transferts). Entre le revenu du ménage et la littératie, la corrélation est de 0,31, indice d'une association positive, mais plutôt lâche, ce qui, au tableau 1, se remarque aux valeurs de la diagonale principale (aux traits plus prononcés) qui ne sont pas beaucoup plus élevées que les autres valeurs. La cellule la plus intéressante est peut-être celle qui correspond au quintile du bas des deux distributions et qui contient un peu plus de 8 % de la population. On peut considérer que les intéressés sont victimes d'une double pauvreté en compétence et en revenu. Dans cette cellule, tout le monde a un bas niveau de littératie pour reprendre l'expression de Crompton (1996). Pour ce qui est de la maîtrise des textes schématiques, cet auteur décrit les « marginaux de la littératie » comme étant sans doute incapables de relever sur un horaire d'autobus quand le dernier autobus quittera tel ou tel arrêt le samedi soir (Crompton, 1996). Ce sont des gens lourdement handicapés dans leur fonctionnement en milieu social. On ne s'étonnera sans doute pas que ces doubles victimes soient extrêmement peu scolarisées et que 80 % d'entre elles aient décroché de l'école secondaire. Il en va de même de leurs antécédents familiaux, car plus de 90 % d'entre elles ont aussi des pères décrocheurs. En revanche, les 7,4 % de gens qui appartiennent aux deux quintiles supérieurs de la littératie et du revenu sont très scolarisés et appartiennent aux milieux instruits. Une proportion de 30 % des intéressés sont des diplômés d'université et une proportion supplémentaire de 21 % ont fait des études universitaires supérieures. Le quart des pères sont aussi allés à l'université, proportion bien supérieure à celle que l'on peut relever dans la population en général où un peu plus de 9 % des pères sont titulaires d'un grade universitaire.

Tableau 1 Codistribution de la littératie et du revenu. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 1
Codistribution de la littératie et du revenu

Pour répandre un autre éclairage sur les difficultés qui peuvent être liées à la faiblesse de la littératie, nous livrons au tableau 2 des mesures de la participation sociale et du bien-être individuel des gens ayant un faible niveau de littératie et un haut niveau de littératie. Les gens avec un faible niveau de littératie sont ceux qui se situent au niveau 1 parmi les cinq niveaux de maîtrise des textes schématiques. C'est là un groupe extrêmement défavorisé et sans doute incapable d'accomplir des tâches comme reconnaître des similarités entre plusieurs tableaux (Crompton, 1996). Les gens avec un haut niveau de littératie sont ceux qui appartiennent aux deux niveaux supérieurs de maîtrise. Les premiers seraient plus susceptibles d'avoir voté aux élections municipales que les seconds, mais c'est la seule mesure de participation où ils dominent. Ceux avec un haut niveau de littératie sont plus susceptibles d'avoir participé aux élections fédérales ou provinciales, mais la différence n'est pas marquée. Les divergences sont importantes cependant dans le cas de l'appartenance aux organismes politiques et aux groupements communautaires et scolaires, ceux avec un haut niveau de littératie ayant au moins deux fois plus de chances de participer aux activités de tels groupes. Nous ne prétendons pas qu'il y ait rapport de causalité entre la littératie et la participation (et qu'en augmentant la littératie, on augmenterait la participation), mais le constat de franche corrélation fait bel et bien ressortir l'importance de la littératie pour une pleine participation à la vie sociale au dire même de Sen (1999). Ceci ce manifeste dans le fait que près de 11 % des gens ayant un faible niveau de littératie aient évoqué l'anxiété qu'ils éprouvent à faire de simples calculs comme le calcul d'un pourboire. Là où le lien se fait le plus étroit, c'est pour l'autoévaluation de la santé. Environ 76 % des gens avec un haut niveau de littératie se disaient en excellente ou en très bonne santé comparativement à 30 % seulement des gens avec un faible niveau de littératie. Pour nous assurer que ce n'est pas seulement le mauvais état de santé qui fait que les gens ont de la difficulté à réussir aux examens de littératie, nous calculons ces pourcentages après avoir écarté les gens dont nous savions qu'ils n'avaient pas répondu au questionnaire de base à cause d'ennuis de santé ou d'une incapacité. L'écart santé-littératie tient en partie à ce que les gens avec un faible niveau de littératie soient bien plus âgés, ce qui révèle l'existence d'une variation intergénérationnelle de la littératie. Toutefois, si nous excluons les gens de plus de 65 ans et estimons la régression probabiliste linéaire d'une variable fictive égale à l'unité pour l'autodéclaration d'une très bonne ou excellente santé en fonction de l'âge, des années de scolarité et du revenu familial, ainsi que d'une variable fictive correspondant aux gens avec un faible niveau de littératie, cette dernière variable garde un coefficient de -0,16 et est hautement significative statistiquement (avec une erreur-type de 0,041). Ainsi, les gens avec un faible niveau de littératie ont environ 16 % moins de chances de se dire en bonne santé même après prise en compte de l'âge, des années de scolarité et du revenu familial. Là encore, on ne peut clairement parler de rapport de causalité, mais on peut sérieusement s'interroger sur la façon dont peuvent fonctionner les gens avec un faible niveau de littératie dans la société canadienne.

Tableau 2 Caractéristiques liées à la forte et à la faible littératie. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 2
Caractéristiques liées à la forte et à la faible littératie


Note

  1. Nous avons tronqué l'estimation de la densité à 96 pour conserver la partie principale. Nous éliminons seulement cinq observations, mais à cause du lissage propre aux estimations de densité noyau, la distribution aurait été visuellement dominée par une longue queue mince à gauche. Dans cette estimation, nous employons les valeurs implicites de Stata 7 pour les paramètres de représentation noyau et de lissage.