Formation des compétences en littératie

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Incidence de la scolarisation et des antécédents
Effets d'âge et de génération
Formation de compétences en littératie dans le milieu de travail après les études

Incidence de la scolarisation et des antécédents

Nous nous reporterons aux données tant de l'EIAA 1994 que de l'EIACA 2003 pour examiner les sources de littératie. Nous effectuerons une suite de régressions où, une fois de plus, les résultats de maîtrise des textes schématiques seront notre mesure représentative. Plus précisément, nous prendrons le logarithme de ces résultats comme variable dépendante de manière à pouvoir interpréter les coefficients que nous estimerons comme indiquant les conséquences sous forme de variations en pourcentage de la littératie. Nous commencerons par le fonds d'information bien plus vaste de l'EIACA 2003 et cernerons l'incidence de l'éducation au foyer et de la scolarisation sur les résultats individuels en littératie.

Avant de présenter nos estimations, nous décrirons brièvement un modèle heuristique de la formation des compétences en littératie. Grâce à ce modèle, nous pourrons mieux mettre nos estimations en contexte, ainsi que mieux orienter nos réflexions sur les questions d'identification. Considérons un simple modèle où, à la naissance, les gens reçoivent une double caractérisation par leur capacité propre et les ressources parentales. Par ressources parentales, nous entendons quelque chose de plutôt général, c'est-à-dire à la fois le revenu des parents et le fait que ceux-ci soient à la fois désireux et capables de favoriser l'éducation et la littératie de leurs enfants. À l'âge préscolaire, les enfants commencent à développer des compétences en littératie à l'aide de ses caractéristiques fondamentales (la capacité propre et les ressources parentales). Une fois qu'ils entrent dans le système scolaire, ces mêmes caractéristiques seront en interaction avec des caractéristiques de l'école comme la qualité pédagogique, la taille des classes et les attitudes et aptitudes des pairs. Les nouveaux acquis en littératie avec chaque année de scolarité sont alors fonction de la capacité propre, des ressources parentales, des caractéristiques scolaires et du degré de littératie en début de période. L'interaction de ces facteurs peut s'avérer complexe. Il y a accumulation de gains de littératie jusqu'à l'âge de déscolarisation, après quoi les élèves décident chaque année de poursuivre leurs études jusqu'à la fin de leur fréquentation du palier secondaire. Une telle décision sera fonction une fois de plus de la capacité propre, des ressources parentales et des caractéristiques scolaires, mais aussi sans doute des compétences en littératie qui se sont formées jusque-là. Plus l'élève a des compétences en littératie, moins il trouve pénible de se trouver à l'école et plus il est enclin à décider d'y passer une année de plus. Après les études secondaires, la poursuite de la scolarisation sera déterminée à la fois par une décision propre de continuer à étudier et une décision d'admission du collège ou de l'université. Cette dernière décision sera sans doute fonction de la littératie de l'élève selon les notes qu'il a obtenues. Ainsi, scolarisation et littératie sont codéterminées et un surcroît de scolarisation mène à un surcroît de littératie et vice versa, plus particulièrement après l'âge de déscolarisation. Si nous tenons aussi compte des attentes, le rapport entre scolarisation et littératie peut se révéler encore plus étroit. Les gens qui ne s'attendent pas à continuer à étudier après l'âge de déscolarisation pourraient en effet rationnellement s'aviser de sous-investir dans l'acquisition de compétences en littératie pendant leur période de scolarisation.

La formation de compétences sera probablement plus difficile après le départ de l'école. Elle peut se faire au travail si l'intéressé a besoin de compétences pour l'accomplissement de certaines tâches, mais dans les autres cas il lui faudra investir activement dans ses heures de loisirs. En fait, il paraît fort possible que les gens perdent de leurs compétences en littératie après les études s'il s'agit de compétences qui se dégradent à force de ne pas être employées.

Nous voulons caractériser le plus grand nombre possible de facteurs de formation de compétences en littératie. Nous nous intéressons en particulier aux liens entre la littératie et les ressources parentales, car l'équité est foncièrement en cause. Dans la mesure même où la littératie d'une génération dépend des ressources de la génération qui la précède, on pourrait juger que les différences de littératie tiennent à des caractéristiques indépendantes de la volonté des intéressés. C'est là l'argument par excellence pour une politique de redistribution aux yeux de philosophes comme Dworkin et Rawls. Nous nous intéressons aussi aux liens entre la scolarisation et la littératie, puisque c'est là une grande voie par laquelle nous pouvons espérer agir sur la répartition des compétences en littératie. Il y a enfin la question de savoir si les compétences s'appauvrissent ou s'enrichissent après l'école et en quoi ce processus a à voir avec les caractéristiques de l'emploi de chacun. Si la littératie se perd à force de ne pas être « employée », il y a peut-être lieu d'adopter des politiques où, par exemple, on subventionnera les entreprises pour des activités de maintien des compétences (possibilités de retour aux études pour les salariés, etc.). Un grand nombre des paramètres d'intérêt font intervenir des rapports de causalité difficiles à établir en définitive. Nous nous efforcerons d'estimer les paramètres causaux si les données le permettent, mais le gros de ce qui suivra se présente nécessairement sous la forme de liens de corrélation, et non pas de liens nets de causalité.

À la colonne MCO 1  du tableau 3, nous présentons notre régression la plus simple par les moindres carrés ordinaires (MCO) où la variable dépendante est le logarithme des résultats individuels de maîtrise des textes schématiques et les variables indépendantes sont l'âge, l'âge en valeur quadratique, les années de scolarité, les années de scolarité en valeur quadratique et une variable fictive du sexe. Grâce à la taille appréciable de notre échantillon, toutes les variables sont significativement différentes de zéro au niveau de 1 % ou de 5 %, mais ce n'est pas dire pour autant que l'incidence effective est appréciable. Ainsi, nos estimations disent que les femmes ont moins de compétence en littératie que les hommes (ce qui dépend de la scolarisation et de l'âge), mais seulement dans une proportion de 1,4 %. De même, les coefficients de l'âge et de l'âge au carré sont statistiquement très significatifs, mais ils impliquent ensemble que l'incidence d'une année de scolarité de plus sur la littératie est en réalité de -0,1 % à l'âge de 30 ans1. Qu'il n'y ait essentiellement aucun rapport entre la littératie et l'âge ou l'expérience professionnelle tient une place de choix dans le traitement de la question par Green et Riddell (2003). La seule relation qui soit économiquement appréciable est celle de la littératie et de la scolarisation. Une année de scolarité de plus lorsque l'intéressé en compte déjà 12 accroît la littératie de 3,2 %. Cela ressemble à ce que Green et Riddell (2003) ont calculé à l'aide des données de l'EIAA 19942.

À la colonne MCO 2 du tableau 3, nous ajoutons les variables de la scolarisation parentale et de la situation d'immigrant à notre régression MCO. L'introduction de ces variables n'a pour ainsi dire aucun effet sur les variables du sexe et de la scolarisation, mais leur inclusion fait presque doubler le coefficient de l'âge. Comme le coefficient de la variable de l'âge en valeur quadratique devient aussi plus négatif, l'incidence nette de l'âge est toujours très restreinte. Les variables de la scolarisation parentale sont ensemble très différentes significativement de zéro, mais ce qui étonnera peut-être, c'est que l'effet se situe presque entièrement aux niveaux inférieurs de la scolarisation des parents. Que la mère ou le père ait décroché de l'école secondaire diminue la littératie moyenne de 3 % à 4 %. Il reste que la scolarisation parentale au-delà des études secondaires n'influe plus sur la littératie. Aspect intéressant, que l'on ignore le niveau de scolarité de la mère ou du père (tel est le cas pour environ 8 % de l'échantillon) a en soi un effet marqué, puisque cette indétermination diminue la littératie d'environ 6 %. Nous n'avions inclus cette variable que pour pouvoir conserver les observations pour lesquelles l'indication de la scolarisation parentale manquait, mais il paraît possible que cette catégorie d'ignorance permette d'appréhender quelque chose de bien réel. Par exemple, il se peut que les enfants qui ignorent la scolarité de leur mère ou de leur père n'avaient pas de rapports étroits avec l'intéressé. Ainsi, le coefficient estimé pourrait rendre compte du degré de formation des compétences en littératie par participation directe des parents. Enfin, que le père soit issu de l'immigration est en association modérée avec la littératie (augmentation de 1,5 %), mais que la mère vienne de l'étranger n'a aucune incidence. Nous avons aussi analysé des spécifications avec un ensemble de variables fictives de professions des parents, mais ensemble ces variables n'étaient jamais statistiquement significatives. Notons en particulier qu'une vérification de l'hypothèse selon laquelle l'ensemble de variables fictives de la profession du père est d'une incidence nulle dégage une valeur p de 0,13. Pour la profession de la mère, la valeur p est de 0,79. Nous constatons aussi qu'une variable fictive pour le travail de la mère lorsque l'enfant avait 16 ans n'a aucun effet statistiquement significatif. Dans l'ensemble, ces résultats font voir un lien étonnamment faible entre la littératie et les caractéristiques parentales. Il n'y a que la scolarisation qui aurait un effet appréciable sur la formation des compétences en littératie.

Tableau 3 Régressions du logarithme des résultats de maîtrise des textes schématiques. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 3
Régressions du logarithme des résultats de maîtrise des textes schématiques

Comme nous l'avons indiqué, la littératie et les années de scolarisation sont sans doute en codétermination, auquel cas notre coefficient MCO pour la scolarisation nous livre une estimation biaisée de l'incidence de la scolarisation sur la littératie. Nous traitons ce problème de deux façons. D'abord, il peut y avoir biais parce que la corrélation entre littératie et scolarisation tient à une capacité inobservée. Si les gens très capables ne jugent pas particulièrement coûteux d'améliorer leur niveau de littératie ou de se scolariser, nous pourrions dégager un fort coefficient positif pour la scolarisation dans notre régression, parce que les années de scolarité rendent compte de la capacité propre plutôt que de l'action causale de la scolarisation sur la littératie. On peut résoudre le problème par une mesure de cette capacité : une fois que nous prenons la capacité en compte, la relation dégagée entre la scolarisation et la littératie ne peut être due à un terme omis de la capacité propre. À noter toutefois que, dans bien des études où on essaie de prendre en compte la capacité (dans des régressions de gains, par exemple), on se reporte en réalité à des résultats d'examen un peu comme nos examens en littératie. Ce dont nous aurions besoin, ce sont des résultats d'examen à un très jeune âge, avant même que ne s'amorce effectivement le processus que nous voulons ici étudier. Comme nous n'avons pas de tels résultats, nous tenons compte de la capacité propre à l'aide de variables qui y sont vraisemblablement liées. Dans la troisième de nos régressions en particulier, nous incluons une variable fictive qui prend la valeur de 1 en cas d'acceptation simple ou appuyée d'un énoncé selon lequel l'intéressé aurait obtenu de bonnes notes en mathématiques à l'école, et une autre variable fictive où l'unité est l'acceptation correspondante d'un énoncé selon lequel il aurait souvent eu du mal à suivre les professeurs en classe. Ces deux énoncés rendent vraisemblablement compte de la capacité innée. Ce sont deux variables significatives avec une augmentation de 2,7 % de la littératie pour l'obtention de bonnes notes en mathématiques et une diminution de 2,6 % pour la lenteur de l'assimilation de matières scolaires. Il reste que l'inclusion de ces variables n'a presque aucun effet sur les autres coefficients estimés. Le plus remarquable est que cette inclusion ne change en rien l'incidence de la scolarisation sur la littératie.

Une autre façon de résoudre le problème de détermination d'une action causale est de trouver une variable instrumentale pour la scolarisation et d'estimer la régression par la méthode des moindres carrés à deux degrés. Ce sont là des variables qui influent directement sur la variable endogène du côté droit, mais qui n'agissent sur la variable dépendante que par sa relation avec cette même variable endogène. Pour l'essentiel, nous pouvons estimer les effets en fonction de la partie de la variation de la variable endogène qui sera en corrélation avec la variable instrumentale et donc sans corrélation avec le terme d'erreur. Il devient possible d'estimer en toute cohérence l'incidence véritable de la scolarisation sur la littératie si deux conditions sont réunies : 1) la variable instrumentale influe en réalité sur la scolarisation et 2) elle n'appartient pas à la régression qui détermine notre variable dépendante en soi. Nous nous reportons à la province de résidence à la dernière fréquentation du palier secondaire ou primaire, et ce, en pleine interaction avec l'âge que comme variable instrumentale de la scolarisation. L'idée est que les ressources publiques de scolarisation variaient selon les provinces et les générations, d'où des résultats différents de scolarisation pour des gens semblables par ailleurs. Nous ne voyons pas pourquoi la province de résidence influerait sur la littératie autrement que par la variation des résultats de scolarisation. Il importe que, dans ce traitement, nous tenions également compte de la province actuelle de résidence tant au premier degré (régression de la scolarisation) qu'au second (régression de la littératie). La province actuelle de résidence pourrait être liée à la littératie si les gens plus scolarisés choisissent de migrer vers des provinces où les emplois de forte littératie sont proportionnellement plus nombreux et si les gens ayant un faible niveau de littératie optent au contraire pour des provinces où abonderaient les emplois dans les industries de ressources, par exemple. Dans ce cas et dans la mesure même où il y a corrélation des provinces de résidence à l'époque de la fréquentation de l'école secondaire et à l'heure actuelle, cette variable appréhenderait cet effet de migration plutôt que l'effet de scolarisation que nous visons. En tenant compte de la province actuelle de résidence, le problème est résolu, et nous cernons en réalité l'effet de scolarisation pour des gens qui résident actuellement dans la même province, mais qui ont été scolarisés dans d'autres provinces à des époques différentes.

On trouvera à la colonne IV les résultats de cette estimation à deux degrés par les moindres carrés où la province de résidence à l'époque de la fréquentation de l'école secondaire fait fonction de variable instrumentale. Nous sommes incapables de trouver une variable distincte pour la scolarisation en valeur quadratique. Une façon normale de le faire serait de prendre pour la valeur quadratique des termes d'ordre supérieur de la variable instrumentale, mais comme il s'agit d'une variable fictive (ou plus précisément d'un ensemble de telles variables), les termes d'ordre supérieur sont déjà cette variable fictive et nous nous retrouvons sans variable instrumentale distincte pour la scolarisation au carré. Nous estimons donc une spécification qui comprend seulement la variable linéaire de la scolarisation. À la colonne MCO 4, nous présentons des estimations de régression MCO par la même spécification à des fins de comparaison3.

Au premier degré (forme réduite) de la régression où le nombre d'années de scolarité est la variable dépendante, les covariables sont toutes celles de notre principale régression de la littératie, à savoir l'âge, l'âge en valeur quadratique, la scolarisation et l'immigration des parents et la province actuelle de résidence. Il y a aussi le jeu de variables fictives qui représentent la province de fréquentation de l'école secondaire. Comme on pouvait s'y attendre, la scolarisation parentale est en corrélation positive étroite avec le nombre d'années de scolarité. Si les parents sont issus de l'immigration, il y a aussi un lien avec la prolongation de la scolarisation. Les variables de la province à l'époque des études secondaires et leurs éléments d'interaction avec l'âge sont ensemble très significatifs statistiquement, indice que la condition de l'importance du lien de détermination entre la variable instrumentale et la variable endogène se trouve respectée4. On peut voir les estimations du premier degré à l'annexe B.

Dans les résultats de la colonne MCO 4 les effets estimés de la scolarisation sont hautement significatifs. Leur ordre de grandeur est celui que nous avons indiqué comme l'incidence en pourcentage d'une année de scolarité de plus sur la littératie lorsqu'on compte déjà 12 années de scolarité dans une spécification quadratique. L'estimation VI de l'effet de scolarisation à la colonne IV est environ deux fois plus élevée cependant, ce qui implique l'existence d'effets plus marqués que ceux que nous avons estimés dans les spécifications MCO. Ce qui est intéressant, c'est qu'une fois que nous prenons une variable instrumentale pour la scolarisation, les variables des caractéristiques parentales perdent de l'importance et de leur signification statistique. C'est peut-être dire que les effets de ces caractéristiques que nous avons estimés étaient en réalité des effets de lieu de scolarisation ou, du moins, qu'il y a une forte collinéarité des variables des caractéristiques parentales et du lieu de scolarisation. Comme dans les spécifications antérieures, le sexe et l'âge continuent à être d'une faible incidence sur la littératie. Par souci de concision, nous ne présentons pas les coefficients correspondant aux variables fictives de la province, mais précisons que les provinces de l'Atlantique et l'Ontario ont des niveaux de littératie essentiellement convergents, le Québec, des niveaux significativement inférieurs, et les Prairies et la Colombie-Britannique, des niveaux significativement supérieurs. Notre grande conclusion est que, si les hypothèses de choix de notre variable instrumentale sont justes, la scolarisation a une forte action causale sur la littératie et qu'elle en est la source prédominante5. Pour mettre l'effet estimé en perspective, disons que, d'après les estimations IV, une prolongation de quatre ans de la scolarisation (si on passe, par exemple, d'un diplôme du palier secondaire à un grade du palier universitaire) implique une augmentation de 21 % de la littératie, assez pour que l'on passe de la médiane au 90e percentile environ dans l'échelle de répartition de la littératie en 2003.

Effets d'âge et de génération

Un des résultats les plus frappants de nos régressions initiales est le manque de signification de la variable de l'âge. De prime abord, on pourrait penser que les gens ne perdent ni ne gagnent en littératie après avoir quitté l'école. Les compétences en littératie se formeraient avant tout à l'école et se maintiendraient tout simplement par la suite. Ce constat possible se trouve renforcé si nous remplaçons l'âge et l'âge en valeur quadratique par l'expérience et l'expérience élevée au carré dans la spécification de régression au tableau 36. Les coefficients de la scolarisation, de la scolarisation au carré et de la variable fictive du sexe féminin sont pour ainsi dire identiques à ceux du tableau 3. Le coefficient de la variable de l'expérience est très faible (0,00051) et l'erreur-type s'établit à 0,00045.

L'interprétation du coefficient de l'âge dans une régression transversale doit se faire avec une certaine prudence cependant. Ainsi qu'en témoigne le vaste examen de la question dans les études consacrées à la rémunération des immigrants, les différences entre deux groupes d'âge dans des données transversales seraient attribuables à des effets véritables d'âge et de génération dans diverses combinaisons possibles. Si nous sommes tentés de voir dans le niveau de littératie des 35 ans dans l'EIACA 2003 un reflet du niveau de littératie des 25 ans dans un horizon de 10 ans, nous devons garder à l'esprit que les 35 ans appartiennent à une génération plus âgée et que leur littératie observée est à mettre au compte d'une combinaison de différences générationnelles et d'effets de vieillissement. Ce n'est que lorsqu'il n'y a pas de différences systématiques entre les générations que le profil transversal littératie–âge rend véritablement compte de l'incidence du vieillissement sur la littératie.

Pour une étude plus complète des effets de génération (souvent appelés effets de cohorte) et d'âge, il faut recourir soit à d'authentiques données longitudinales, soit à au moins deux ensembles de données transversales permettant de suivre des cohortes « synthétiques » dans le temps. Nous pouvons employer à cette fin l'EIAA 1994 et l'EIACA 2003. Plus précisément, nous pouvons relever, dans la version à grande diffusion des données de l'EIAA 1994, une suite de tranches quinquennales d'âge des répondants (26 à 35, 36 à 45, 46 à 55, 56 à 65 et 65 ans et plus). Comme la variable de l'âge est continue dans l'EIACA 2003, nous pouvons élaborer des tranches d'âge qui correspondent aux tranches d'âge de l'EIAA 1994 après décalage de 9 ans (35 à 44, 45 à 54, 55 à 64, 65 à 74 et 75 ans et plus). Notre cohorte 1 sera formée des gens âgés de 26 à 35 ans en 1994 et de 35 à 44 ans en 2003. Nous numéroterons les autres cohortes par ordre croissant. Si ces deux enquêtes comportent des échantillons indépendants, chacune livre une estimation sans biais de la répartition de littératie d'une cohorte à deux moments, et il est possible de suivre les progrès de cette cohorte dans le temps. Dans le cadre de cet examen, nous décomposerons les cohortes selon la scolarisation. Le couplage des années d'enquête ne donnerait pas d'estimation sans biais des progrès des groupes cohorte–scolarisation dans ce cas si la composition en scolarisation de ces groupes varie dans le temps. Si une partie des diplômés de l'école secondaire au départ ont poursuivi leurs études, il est impossible d'affirmer que la littératie moyenne des diplômés de l'école secondaire de 35 à 44 ans dans l'EIACA 2003 est une estimation fidèle de l'évolution des diplômés de l'école secondaire de 26 à 35 ans que nous observons dans l'EIAA 1994 sur une période de 9 ans. Dans ce cas, la littératie moyenne en 2003 combinerait les effets de vieillissement et une désélection automatique dans le groupe des diplômés de l'école secondaire. Pour éviter la difficulté, nous nous attacherons aux gens de plus de 25 ans, stade après lequel les variations ponctuelles de scolarisation sont rares parmi nos grandes catégories. Il convient en outre de noter que la cohorte la plus âgée (gens de plus de 65 ans en 1994) est particulière, étant d'une composition susceptible de varier dans le temps à cause des décès. Nous l'incluons dans notre analyse, mais nous n'insisterons pas outre mesure sur ses résultats dans nos conclusions.

Nous commençons par des estimations de densité des résultats de maîtrise des textes schématiques dans l'EIAA 1994 et l'EIACA 2003 en ventilation par l'âge, la scolarisation et la cohorte. Au graphique 2, nous livrons des estimations de densité des gens âgés de 26 à 35 ans en 1994 et des gens du même âge en 2003. Ces valeurs de densité de littératie sont celles de la cohorte la plus jeune en 2003 et de la cohorte qui précède immédiatement au même âge (observée en 1994). La densité propre à la cohorte la plus jeune (observée en 2003) est perceptiblement moins étalée et les queues de gauche et de droite sont plus minces. En d'autres termes, cette cohorte voit sa littératie s'améliorer à l'extrémité inférieure de la distribution et se détériorer à l'extrémité supérieure. C'est ce dont témoignent un 10e percentile de 223 et un 90e percentile de 363 en 1994 comparativement à des valeurs de 248 et 354 en 2003. Les baisses d'inégalité aux deux extrémités s'annulent presque avec une médiane de 299 en 1994 et de 306 en 2003. On pourrait conclure, par la tendance centrale, que les choses n'ont guère changé et, par les queues de distribution, que les différences sont plus appréciables.

Graphique 2 La compréhension de textes schématiques, âgée de 26 à 35 ans. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 2
La compréhension de textes schématiques, âgée de 26 à 35 ans

Au graphique 3, nous faisons la même comparaison de valeurs de densité, mais pour les gens âgés de 36 à 45 ans. Le résultat est en gros le même qu'au graphique 2 sauf que l'amélioration relative n'est pas si marquée à l'extrémité inférieure et que la détérioration relative à l'extrémité supérieure l'est décidément plus qu'à cette même graphique. En revanche, le graphique 4 indique que, pour les 46 à 55 ans, les résultats s'améliorent en 2003 dans toute la distribution. Le fait est important, en partie parce que l'observation de variations relatives qui diffèrent entre 1994 et 2003 pour divers groupes donne l'impression de constater quelque chose de bien réel plutôt que de simples différences d'examen entre les deux périodes. Si toutes les estimations de tous les groupes marquent une amélioration à l'extrémité inférieure et une détérioration à l'extrémité supérieure entre 1994 et 2003, l'explication la plus simple en serait que l'examen a changé et que, par conséquent, il donne de meilleurs résultats aux questions faciles qui sont à la base de la plupart des résultats du bas, mais de pires résultats aux questions plus difficiles qui définissent la forme du haut de la distribution. Remarquons enfin que, au graphique 5, il y a amélioration en 2003 pour les 56 à 65 ans, bien que les valeurs de densité se ressemblent de près tout au haut de la distribution entre 1994 et 2003.

Graphique 3 La compréhension de textes schématiques, âgée de 36 à 45 ans. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 3
La compréhension de textes schématiques, âgée de 36 à 45 ans

Graphique 4 La compréhension de textes schématiques, âgée de 46 à 55 ans. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 4
La compréhension de textes schématiques, âgée de 46 à 55 ans

Graphique 5 La compréhension de textes schématiques, âgée de 56 à 65 ans. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 5
La compréhension de textes schématiques, âgée de 56 à 65 ans

Nous examinons ensuite les variations entre les deux années selon les groupes de scolarisation. Au graphique 6, nous faisons une estimation de densité pour 1994 et 2003 dans le cas de la maîtrise des textes schématiques en visant les gens ayant fait moins que les études secondaires, c'est-à-dire n'ayant pas le diplôme du palier secondaire. L'amélioration à l'extrémité inférieure de la distribution générale se remarque une fois de plus au bas de la distribution de ce groupe et sa valeur est plutôt élevée. Pour ce groupe de décrocheurs, le 10e percentile monte de 145 en 1994 à 175 en 2003. À l'autre extrémité, les différences sont moindres. Si le 95e percentile diminue de 1994 à 2003, le 90e percentile est en réalité le même. Bien sûr, le 90e percentile de la distribution du groupe est relativement bas, correspondant approximativement au 70e percentile de la distribution générale.

Même lorsque, au graphique 7, nous visons les diplômés de l'école secondaire, une détérioration à la queue à droite de la distribution ressort davantage, tout comme une amélioration à la queue de gauche qui le cède nettement à celle du groupe des décrocheurs de l'école secondaire.

Graphique 6 La compréhension de textes schématiques, moins que des études secondaires. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 6
La compréhension de textes schématiques, moins que des études secondaires

Graphique 7 La compréhension de textes schématiques, études secondaires. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 7
La compréhension de textes schématiques, études secondaires

Aux graphiques 8 et 9 respectivement, on relève pour les groupes « études postsecondaires non universitaires » et « études universitaires » une détérioration à l'extrémité supérieure de la distribution avec, pour le premier de ces groupes, des baisses ailleurs dans la distribution. Pour l'un et l'autre de ces groupes, le 90e percentile diminue environ de 10 % entre les deux années, passant de 373 à 338 pour le groupe « études postsecondaires non universitaires » et de 392 à 359 pour le groupe « études universitaires ». Ainsi, sur le plan des variations intragroupes de cette ventilation selon la scolarisation, l'amélioration constatée au bas de la distribution générale se remarque clairement seulement dans la distribution du groupe des décrocheurs de l'école secondaire et les baisses au haut de la distribution générale s'observent principalement dans les distributions des deux groupes supérieurs.

Graphique 8 La compréhension de textes schématiques, études postsecondaires non universitaires. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 8
La compréhension de textes schématiques, études postsecondaires non universitaires

Graphique 9 La compréhension de textes schématiques, université. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 9
La compréhension de textes schématiques, université

Les différences relevées d'avec la distribution générale pourraient en partie s'expliquer aussi par une évolution de la composition de scolarisation de la population entre 1994 et 2003. Qu'à des cohortes moins scolarisées succèdent des cohortes plus scolarisées a pour effet d'infléchir la distribution selon la scolarisation. Ainsi, la proportion de la population titulaire d'un baccalauréat monte de 17 % en 1994 à 21 % en 2003. La progression a sûrement pour effet d'améliorer la situation à l'extrémité inférieure de la distribution générale. On voit mal cependant comment elle pourrait causer les baisses à l'extrémité supérieure. Si avec la même capacité foncière on est diplômé d'école secondaire dans la cohorte la plus ancienne, mais diplômé d'université dans la cohorte la plus récente, le remplacement de la première par la seconde aurait pour effet une amélioration dans la distribution générale (les études universitaires augmentant la littératie) ou à tout le moins une absence de changement (au cas où cet effet ne se manifesterait pas). Même le changement au haut de la distribution pour les diplômés d'université n'a probablement rien à voir avec un accroissement du nombre de gens ayant fait des études universitaires. Si ce surcroît de diplômés d'université (qui n'auraient pas fréquenté l'université dans une génération antérieure) sera sans doute d'une capacité inférieure à celle des diplômés d'université dans les deux périodes, c'est l'extrémité inférieure qui serait touchée – et non pas l'extrémité supérieure – dans la distribution du groupe « études universitaires ».

Aux graphiques 10 à 13, nous présentons des estimations d'intensité par année pour des cohortes déterminées de naissances, ainsi que nous les avons définies. À noter le contraste avec les graphiques 2 à 5 où nous examinons les gens d'un même âge dans les deux enquêtes. Les comparaisons des graphiques 2 à 5 sont donc des comparaisons entre cohortes (du même âge) et les comparaisons des graphiques 10 à 13 permettent, elles, de suivre individuellement les cohortes dans le temps.

Graphique 10 La compréhension de textes schématiques, âgée de 26 à 35 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 10
La compréhension de textes schématiques, âgée de 26 à 35 en 1994

Graphique 11 La compréhension de textes schématiques, âgée de 36 à 45 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 11
La compréhension de textes schématiques, âgée de 36 à 45 en 1994

Graphique 12 La compréhension de textes schématiques, âgée de 46 à 55 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 12
La compréhension de textes schématiques, âgée de 46 à 55 en 1994

Graphique 13 La compréhension de textes schématiques, âgée de 56 à 65 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 13
La compréhension de textes schématiques, âgée de 56 à 65 en 1994

Le graphique 10 livre les estimations relatives à la cohorte âgée de 26 à 35 ans en 1994 et de 35 à 44 ans en 2003. On ne voit guère de différence à l'extrémité inférieure de la distribution pour ces deux années, mais il y a nettement détérioration à l'extrémité supérieure. En fait, le 10e percentile de l'échelle de répartition de la littératie monte de 223 à 232 pour cette cohorte et le 90e percentile tombe de 363 à 344. La tendance est très convergente pour la cohorte âgée de 36 à 45 ans en 1994 au graphique 11; par contre, les valeurs de densité de la cohorte de 46 à 55 ans font voir à tout le moins une amélioration de 1994 à 2003 (graphique 12). Le 10e percentile monte de 187 à 200 dans ce cas et le 90e percentile, de 320 à 328 entre 1994 et 2003. La chose est importante, redisons-le, pour des raisons de comparabilité des données, puisqu'on constate que cette cohorte répond à toutes les questions presque aussi bien (ou peut-être un peu mieux encore) en 2003 qu'en 1994. Les différences de tendances entre cohortes seraient très difficilement justifiables simplement parce qu'on aurait posé, au haut de la distribution, des questions plus difficiles en 2003 qu'en 1994. Une explication plus vraisemblable est que les compétences en littératie se dégradent après les études, mais que le rythme de cette décroissance diminue avec l'âge.

Aux graphiques 14 à 16 enfin, nous présentons les valeurs de densité d'un groupe déterminé cohorte-scolarisation. Là, nous constituons des cohortes plus larges pour disposer d'un nombre suffisant d'observations. Le graphique 14 indique les valeurs de densité du groupe ayant fait moins que les études secondaires. On relève de clairs indices d'une détérioration des compétences en littératie au fil des ans, et ce, à tous les niveaux audessus du 10e percentile environ. La même constatation vaut pour les diplômés de l'école secondaire au graphique 15. Pour les diplômés d'université (voir le graphique 16), les variations sont inégales presque jusqu'à la médiane, mais là encore il y a détérioration nette au-dessus. Il y aurait donc dégradation des compétences supérieures en littératie dans tous les groupes de scolarisation.

Graphique 14 La compréhension de textes schématiques, moins que des études secondaires, âgée de 26 à 45 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 14
La compréhension de textes schématiques, moins que des études secondaires, âgée de 26 à 45 en 1994

Graphique 15 La compréhension de textes schématiques, études secondaires, âgée de 26 à 45 en 1994 . Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 15
La compréhension de textes schématiques, études secondaires, âgée de 26 à 45 en 1994

Graphique 16 La compréhension de textes schématiques, université, âgée de 26 à 45 en 1994. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira.

Graphique 16
La compréhension de textes schématiques, université, âgée de 26 à 45 en 1994

Pour étudier encore mieux ces questions d'effets de vieillissement et de cohorte, nous estimons une suite de régressions où nous réunissons les données de l'EIAA 1994 et de l'EIACA 2003 et prévoyons des variables fictives de cohorte dans notre spécification type. La version des données à grande diffusion de l'EIAA 1994 ne comporte pas de variable continue de l'âge, et nous devons rajuster notre spécification type en faisant appel à des variables fictives de l'âge au lieu de variables directes de l'âge et de l'âge au carré. Nous livrons pour cette spécification les résultats d'une estimation simple MCO à la colonne MCO du tableau 4. À noter que, dans toutes les spécifications qui suivent, il y a des variables de l'immigration et de la scolarisation des parents. Dans tous les cas, ces variables se comportent comme dans les estimations antérieures (la faible scolarisation des parents a une incidence négative, mais les autres variables n'ont rien de significatif) et, par souci de concision, nous ne les mentionnons pas. Comme dans la spécification précédente, l'importance des variables de la scolarisation est élevée et significative. L'effet de la scolarisation est plus marqué que dans les tableaux antérieurs. Cela ressort nettement une fois que nous tenons compte des variables fictives de cohorte. Pour l'essentiel, la variable de la scolarisation dans les spécifications antérieures n'appréhendait qu'en partie les effets de cohorte que nous indiquons : les cohortes plus anciennes sont à la fois moins scolarisées et ont un plus haut niveau de littératie, d'où une sous-estimation de l'incidence véritable de la scolarisation.

Tableau 4 Régressions de regroupement avec les effets de cohorte. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 4
Régressions de regroupement avec les effets de cohorte

Dans les résultats MCO de regroupement pour l'âge et la cohorte, on relève des tendances intéressantes qui correspondent à celles des graphiques. Si nous estimons en particulier notre spécification type à l'aide des données de l'EIACA 2003 et remplaçons les variables de l'âge et de l'âge au carré par les variables fictives des intervalles d'âge, nous dégageons une fois de plus un profil d'âge relativement plat sur la majeure partie de la variation d'âge. Notons en particulier que les deux premières variables fictives (celles des tranches d'âge 36 à 45 et 46 à 55) ne présentent pas de coefficients élevés ni de différences statistiquement significatives par rapport à la tranche de référence (26 à 35 ans). Pour les deux groupes plus âgés, il y a des effets négatifs et, pour la tranche 65 ans et plus, le coefficient est de -0,16. Cela correspond de près aux tendances estimées à l'aide des variables de l'âge et de l'âge au carré. Avec les variables fictives de cohorte cependant, les effets d'âge présentent des valeurs continues en pente avec une diminution de la littératie moyenne de 2,4 % pour les 36 à 45 ans et de 5 % pour les 46 à 55 ans par rapport au groupe de référence. Par ailleurs, toutes les variables fictives de cohorte sauf la dernière ont des effets positifs significatifs qui s'accroissent avec la cohorte. Ainsi, la cohorte des 56 à 65 ans en 1994 se caractérise par des niveaux de littératie moyenne qui sont supérieurs de 5 % à ceux de la cohorte de référence des 26 à 35 ans en 1994. La cohorte la plus ancienne présente des niveaux qui correspondent en gros à ceux de la cohorte la plus jeune. Dans l'ensemble, l'implication est qu'un profil d'âge de la littératie qui est plat (du moins jusqu'à l'âge de 55 ans) s'explique par une combinaison de perte de littératie avec l'âge et de diminution de la littératie moyenne pour les cohortes plus récentes.

Dans le reste des colonnes du tableau 4, nous étudions ces phénomènes à l'aide de régressions par quantiles sur tout l'échantillon. Nous montrons comment, par exemple, le 10e percentile de l'échelle de répartition de la littératie en fonction des variables incluses évolue au gré des variations marginales des diverses covariables. Ainsi, on peut se reporter au coefficient de la scolarisation pour répondre à la question suivante : comment le 10e percentile de la distribution des résultats de littératie pour les gens ayant 11 ans de scolarité diffère-t-il du percentile correspondant pour les gens ayant 10 ans de scolarité? Plusieurs points ressortent dans ces régressions. Premièrement, l'incidence de la scolarisation diminue selon les quantiles : les années de scolarité ont plus pour effet de modifier les quantiles inférieurs que les quantiles supérieurs. Dans l'examen de ces données, il importe de tenir compte des termes de second ordre, car l'effet de la scolarisation diminue plus rapidement avec la prolongation de la scolarisation dans le quantile le plus bas et prend plus la forme d'une progression linéaire au haut de la distribution. C'est que la scolarisation a bien plus pour effet de changer le bas que le haut de la distribution pour un petit nombre d'années de scolarité, mais qu'elle présente des effets à peu près égaux au haut et au bas pour environ 16 années de scolarité. Deuxièmement, la diminution de la littératie avec l'âge est bien plus prononcée au haut qu'au bas. Comme dans les graphiques, le bas de la distribution est relativement le même pour diverses tranches d'âge, mais pour les groupes plus âgés, le 90e percentile est bien moindre. À regarder le tableau par exemple, on constate que le groupe des 56 à 65 ans présente un 90e percentile qui est inférieur de 17 % à celui du groupe de référence (de 26 à 35 ans) après prise en compte de la scolarisation et de l'instruction des parents. Troisièmement, si les effets de cohorte ressortent dans toute la distribution, ils sont bien plus marqués à l'extrémité supérieure. Ainsi, la cohorte des 56 à 65 ans en 1994 (qui sont nés entre 1929 et 1938) a un 90e percentile supérieur de 13 % à celui du groupe de référence (gens nés entre 1959 et 1968). La question à se poser est de savoir s'il y a eu perte d'efficacité du système scolaire. Que les chiffres fassent voir une certaine amélioration de la littératie parmi les cohortes du bas de la distribution et que les résultats de régression montrent une détérioration, voilà qui est sans doute attribuable au fait que, dans ce dernier cas, on tient compte de la scolarisation et de l'instruction des parents, les cohortes plus jeunes étant plus instruites, tout comme les parents de leurs membres. Collectivement, ces résultats sont peut-être l'indice que l'école réussit moins bien à améliorer la littératie à un niveau déterminé, mais qu'il y a aussi l'avantage bien réel d'une progression de la scolarisation de génération en génération.

Au tableau 5, nous présentons les régressions par quantiles pour les gens ayant le diplôme de l'école secondaire ou moins que les études secondaires et pour les gens ayant fait des études universitaires, le but étant de regarder de plus près les effets liés à la scolarisation. Dans le premier de ces groupes, les effets du vieillissement sont pour ainsi dire inexistants aux quantiles les plus bas, ce qui indique peut-être qu'une littératie très sommaire ne se perd guère avec l'âge. On est aussi porté à penser que les quantiles les plus bas pour ce groupe de scolarisation se sont en réalité élevés parmi les cohortes. À l'extrémité supérieure de la distribution cependant, les résultats concordent en gros avec les résultats généraux du tableau 4 avec une détérioration marquée avec l'âge et des baisses pour les cohortes récentes. Il paraît donc possible que les variations de l'instruction publique et de la scolarisation secondaire se soient compensées à l'échelle des cohortes avec une amélioration de la littératie au bas de la distribution et une certaine détérioration au haut. Dans le cas des gens ayant fait des études universitaires, la diminution avec l'âge se remarque dans toute la distribution. Il y aurait aussi des baisses parmi les cohortes, mais celles-ci ne sont pas statistiquement bien définies. Il pourrait simplement s'agir d'un problème de taille d'échantillon ou on pourrait penser que les problèmes réels de littératie parmi les générations sont liés aux études postsecondaires non universitaires plutôt qu'aux études universitaires. Il nous faudra pousser l'examen de cette question.

Tableau 5 Régressions de regroupement de quantiles avec les effets de cohorte selon les groupes de scolarisation. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 5
Régressions de regroupement de quantiles avec les effets de cohorte selon les groupes de scolarisation

Avant de terminer cet examen des différences d'âge et des questions intergénérationnelles, il importe d'y aller d'une mise en garde. Notre traitement est fondé sur l'idée d'une comparabilité des données d'examen entre l'EIAA 1994 et l'EIACA 2003. Il y a lieu de croire à cette comparabilité (puisque il y a des questions communes et les autres ont été mises en alignement pour que des comparaisons soient possibles, et aussi à cause des différences évoquées de tendances entre les groupes), mais c'est quand même là un éventuel sujet d'inquiétude. Nos résultats seraient renforcés si nous avions accès aux résultats pour la seule proportion de 40 % des questions communes aux deux enquêtes.

Formation de compétences en littératie dans le milieu de travail après les études

Les résultats présentés à la section précédente indiquent que, au fil des ans, les adultes perdent de leurs compétences en littératie après avoir quitté l'école. Dans la présente section, nous étudions ce que serait un modèle de compétences qui « se perdent à force de ne pas être employées ». Nous regardons en particulier si les gens qui se servent des compétences acquises dans leur emploi maintiennent un plus haut niveau de littératie une fois l'âge pris en compte. Nous réexécutons à cette fin notre spécification de base à l'aide des données de l'EIACA 2003, sans oublier les variables relatives à l'utilisation des compétences au travail et dans la profession exercée. Par les questions sur l'emploi des compétences au travail, on s'enquiert de la fréquence d'accomplissement des tâches de lecture, d'écriture et de calcul. Il y a des questions qui portent respectivement sur cinq tâches de lecture, d'écriture et de calcul. Nous élaborons des variables fictives dont la valeur est l'unité si l'enquêté répond avoir accompli quatre ou cinq des tâches de lecture au moins une fois par semaine. Nous construisons des variables semblables pour les tâches d'écriture et de calcul. Il y a également des variables fictives pour l'accomplissement d'une à trois des tâches visées de lecture, d'écriture et de calcul au moins une fois par semaine. Enfin, nous construisons une variable fictive qui correspond aux gens ayant répondu avoir accompli « rarement » toutes les tâches d'un domaine (celui de la lecture, par exemple). Dans les régressions, la catégorie omise est donc formée des gens qui ont dit avoir accompli certaines des tâches, mais moins d'une fois par semaine.

Nous présentons les résultats de la régression MCO de base avec ces variables de la littératie au travail et une variable de durée d'emploi à la colonne MCO 1 du tableau 6. Pour ne pas encombrer le tableau, nous n'y mentionnons pas les données sur l'immigration et la scolarisation des parents, tout en prenant ces aspects en compte. Les effets ainsi estimés sont fort semblables à ceux qui figurent dans les tableaux antérieurs. L'échantillon comprend tous les gens, qu'ils travaillent ou non. Nous appréhendons les non-travailleurs par la variable fictive de la durée indéterminée d'emploi. L'effet estimé de la durée d'emploi est positif et statistiquement significatif, mais très modeste : si l'occupation d'un emploi se prolonge d'un an, la littératie augmente de 0,06 %. Ainsi, cette dernière ne change pas réellement avec la durée d'emploi. Les variables de littératie au travail indiquent que ceux qui font un usage intensif au travail de leurs compétences en littératie (en déclarant accomplir quatre tâches ou plus dans un groupe au moins une fois par semaine) ont en réalité un meilleur niveau de littératie. L'accomplissement des tâches de lecture au travail est en corrélation étroite avec l'accomplissement des tâches d'écriture, puisque 83 % de ceux qui disent lire rarement précisent écrire aussi peu fréquemment dans leur milieu de travail. Dans l'interprétation des coefficients, il est préférable d'additionner les coefficients de lecture et d'écriture. C'est ainsi que la personne qui accomplit respectivement quatre tâches et plus de lecture et d'écriture par semaine a un meilleur niveau de littératie en moyenne, et ce, dans une proportion approximative de 3,7 %. À l'autre extrême, celui qui écrit ou lit rarement au travail est d'une moindre littératie moyenne dans une proportion d'environ 2 %. Ce sont des effets assez perceptibles pour être dignes de mention, mais ils ne sont pas énormes. S'il y a clairement corrélation entre la littératie d'une personne et l'utilisation des compétences correspondantes au travail, ceux qui exploitent ces compétences n'ont pas un plus haut niveau de littératie. À noter que nous ignorons en quel sens joue la causalité dans ces résultats. Les gens qui ont un plus haut niveau de littératie auront peut-être plus de chances d'occuper des emplois de haute littératie ou bien de tels emplois pourraient aider les gens à maintenir leurs compétences. Autre possibilité, les deux phénomènes pourraient entrer en jeu l'un et l'autre. L'utilisation des compétences en mathématiques n'est pas autant en corrélation avec les deux autres domaines de compétence au travail que ne le sont ces domaines entre eux. Ainsi, sur le nombre de gens que nous caractérisons comme lisant rarement, 43 % seulement disent aussi utiliser rarement leurs compétences en calcul. Les résultats d'estimation n'indiquent pas une incidence positive sur la maîtrise des textes schématiques d'une utilisation fréquente des compétences en calcul au travail, mais ceux qui ne s'en servent que rarement ont un niveau de littératie moins élevé que le groupe de référence dans une proportion de plus de 3 %.

Tableau 6 Régressions avec les variables de la profession et de l'utilisation au travail des compétences en littératie. Une nouvelle fenêtre s'ouvrira

Tableau 6
Régressions avec les variables de la profession et de l'utilisation au travail des compétences en littératie

À la colonne MCO 2 du tableau 6, nous ajoutons des variables fictives de la profession. Leur inclusion a une certaine incidence sur les variables de littératie en milieu de travail, mais surtout en accroissant les erreurs-types causées par la collinéarité plutôt que par une nette diminution des effets estimés. Ainsi, le recours fréquent aux compétences en lecture et en écriture au travail implique toujours une augmentation de 2,5 % de la littératie et une utilisation rare, une diminution de 2,1 %. Le groupe professionnel de référence est celui des gestionnaires et, par rapport à lui, les groupes de professionnels, des commis de bureau et des techniciens ne se distinguent pas dans leurs niveaux de littératie. Aspect intéressant, il en va de même des travailleurs agricoles qualifiés, des artisans et des gens de métiers (tous ces résultats sont après prise en compte de la scolarisation). En revanche, les travailleurs des services, les opérateurs de machines et les simples manœuvres ont tous un niveau de littératie moins élevé. Là encore, les effets sont loin d'être considérables. Ainsi, la différence de littératie moyenne entre le gestionnaire et le simple manœuvre est de 5 %. Cette valeur est à comparer à une différence de plus de 30 % entre les gens comptant respectivement 12 et 16 ans de scolarité.

Comme dernière vérification de l'importance de l'utilisation au travail des compétences en littératie, nous avons réexécuté les spécifications regroupées, mais seulement pour les groupes des professionnels, des techniciens et des commis de bureau en posant qu'il s'agit de professions à forte utilisation de compétences. Si l'appartenance à de telles professions permet le maintien des compétences en littératie, nous nous attendrions à ce que le profil d'âge négatif estimé ait une pente moins raide pour ce groupe. Lorsque nous effectuons l'estimation, les coefficients d'âge dégagés sont fort semblables à ceux de l'ensemble des gens à la colonne MCO du tableau 4, et ce peut-être par « glissement » des échantillons (les gens qui occupent les mêmes professions en 1994 ne sont pas nécessairement les mêmes qu'en 2003), mais cet effet est probablement faible au regard de la force probante des résultats. Dans l'ensemble, les indications sont inégales quant à l'incidence de l'utilisation au travail des compétences en littératie. La corrélation est nette entre cette utilisation et les niveaux de littératie moyenne, mais elle demeure modeste par rapport à l'incidence de la scolarisation. Disons enfin que l'appartenance à une profession de forte littératie ne semble rien empêcher de la perte de compétences que subissent les membres de cet échantillon avec l'âge.


Notes

  1. Nous parvenons à cette valeur en prenant la première dérivée du profil d'âge et en évaluant à l'âge de 30 ans. Dans ce profil quadratique, la première dérivée correspond au coefficient des variables linéaires de l'âge, plus deux fois le coefficient de la variable de l'âge au carré en multiplication par 30.
  2. Le calcul se fait comme nous le décrivons à la note 1.
  3. À noter que le nombre d'observations est moindre maintenant, car nous avons retranché les observations pour lesquelles la province de fréquentation de l'école secondaire est indéterminée.
  4. La variable de test correspondant à l'hypothèse commune selon laquelle les variables fictives de la province de résidence et leurs éléments d'interaction avec l'âge sont significativement différents de zéro présente une distribution F (22 13821) et une valeur p de 0,009.
  5. Cette conclusion ne se vérifierait pas si la province de résidence à l'époque de la fréquentation de l'école secondaire influait directement sur les résultats de littératie. Tel serait peut-être le cas si les gens qui résident dans des provinces riches en ressources à l'époque de cette fréquentation sous-investissaient à dessein dans leur littératie, sachant d'avance qu'ils vont décrocher et prendre un emploi qui n'exige pas qu'ils aient des compétences en littératie lorsqu'ils atteindront l'âge de l'emploi. Nous devons supposer pour l'essentiel qu'une telle relation n'existe pas, du moins après prise en compte de la province actuelle de résidence.
  6. Nous définissons l'expérience par l'expression type de Mincer (expérience = âge – nombre d'années de scolarité - 6). Le coefficient de la variable de l'expérience dans notre régression MCO la plus simple (avec seulement la variable fictive du sexe féminin, la scolarisation, la scolarisation en valeur quadratique, l'expérience et l'expérience en valeur quadratique) est de 0,00051 avec une erreur-type de 0,00045. Le coefficient de cette même variable au carré est de -0,000073 avec une erreur-type de 0,0000083.