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  1. Introduction
  2. Répartition du secteur des entreprises en une composante des sociétés et une composante des entreprises non constituées en sociétés
  3. Importance relative du secteur des entreprises non constituées en sociétés
  4. Questions de méthodologie
  5. Productivité selon la forme juridique de l'entreprise
  6. Indice des prix pour la comparaison de la production du Canada et des États-Unis
  7. L'écart de productivité du travail du secteur des entreprises entre le Canada et les États-Unis
  8. Conclusion

1   Introduction

L'écart entre les niveaux canadien et américain de productivité du travail a été attribué à un certain nombre de facteurs, dont les différences de taille des marchés qui se concrétisent par des entreprises canadiennes plus petites ou des cycles de production plus courts, les prix plus élevés du capital par rapport à la main-d'oeuvre qui se traduisent par une quantité plus faible de capital par travailleur, ou des différences d'efficacité de gestion.

Le présent article contribue à notre compréhension de l'importance de la première explication, c'est-à-dire les différences de taille des marchés. Ce thème a été poursuivi par un certain nombre de chercheurs (Baldwin et Gorecki, 1986; Inwood et Keay, 2005; Leung, Meh et Terajima, 2008) 1  . L'examen de cette question est habituellement abordé en élaborant des estimations des améliorations de la productivité du travail découlant d'économies d'échelle, puis en apportant une correction pour tenir compte de l'effet des différences entre les tailles d'entreprises ou d'usines au Canada et aux États-Unis sur les estimations des niveaux relatifs de productivité du travail.

Dans le présent article, la question est abordée sous un angle nouveau. Après un examen en vue de déterminer si le Canada est doté d'un groupe particulièrement important d'un type particulier de petits producteurs, ce groupe est retranché des estimations de la productivité du travail dans les deux pays. Si les caractéristiques de l'économie canadienne sont la raison pour laquelle la part de ces producteurs est plus importante au Canada 2  , la technique susmentionnée offre un moyen d'étudier l'effet de la taille plus petite du marché sur l'écart entre les niveaux globaux de productivité.

Le group de petits producteurs sur lequel porte la présente étude est celui des travailleurs indépendants non constitués en société. Les entreprises non constituées en sociétés diffèrent de celles qui le sont en ce qui concerne leur forme juridique d'organisation et leurs caractéristiques économiques. Les entreprises non constituées en sociétés sont habituellement de petites entreprises formées d'un propriétaire qui est le seul travailleur ou d'un propriétaire et d'un petit nombre d'employés. Au Canada, l'importance de ce secteur a augmenté entre 1980 et 2000, mais a diminué après 2000 (Rispoli, 2009b, 2009c). La productivité du travail des entreprises non constituées en sociétés est plus faible que celle des sociétés (Baldwin et Rispoli, 2010). Les sections qui suivent examinent l'importance du secteur des entreprises non constituées en sociétés au Canada, à savoir sa productivité comparativement à celle du secteur des sociétés et l'effet de cette différence sur les niveaux de productivité au Canada et aux États-Unis.

Cette étude se concentre sur la période allant de 1998 à 2005, soit une période au cours de laquelle l'écart entre la productivité du Canada et celle des États-Unis s'est accentué de façon marquée. Bien que la productivité du Canada comparativement à celle des États-Unis ait continué de diminuer après 2005, cette année a été choisie comme année finale parce que les estimations canadiennes sur le secteur des sociétés et le secteur des entreprises non constituées en sociétés proviennent de Rispoli (2009a), et qu'elles ne sont disponibles que jusqu'en 2005.

La comparaison présentée ici pose plusieurs difficultés. Premièrement, elle requiert la comparaison de données recueillies dans deux pays dont les systèmes statistiques sont similaires, mais non identiques. La résolution des différences nécessite le rapprochement des concepts et des méthodes. Deuxièmement, elle requiert la répartition du produit intérieur brut (PIB) et des heures travaillées dans l'ensemble du secteur des entreprises entre des sous-catégories (entreprises non constituées en sociétés et entreprises constituées en sociétés) pour lesquelles les estimations ne sont normalement pas produites séparément. Pour résoudre ce problème, il faut faire appel au jugement professionnel en vue de formuler les hypothèses nécessaires pour ventiler les catégories en leurs composantes. Afin de donner une idée de l'exactitude des résultats, l'étude comporte l'évaluation de leur sensibilité à diverses hypothèses.

2   Répartition du secteur des entreprises en une composantedes sociétés et une composante des entreprises non constituéesen sociétés

L'analyse de la productivité présentée ici est axée sur le secteur des entreprises, dont la production est vendue à un prix du marché explicite et pour lequel des indices des prix sont disponibles pour produire des mesures du volume de production 3  .

Au Canada, le secteur des entreprises englobe toutes les sociétés et les entreprises non constituées en sociétés à but lucratif, ainsi que d'autres entités qui produisent des biens et des services pour les vendre à un prix qui est censé correspondre au moins approximativement au coût de production. Les entreprises publiques (EP) sont incluses dans le secteur des entreprises, mais le loyer imputé aux logements occupés par le propriétaire ne l'est pas 4  . Aux États-Unis, le secteur des entreprises comprend toutes les sociétés et les entreprises non constituées en sociétés. Le secteur non constitué en société aux États-Unis ressemble à celui au Canada. Alors que les EP font partie du secteur des sociétés au Canada, elles font partie du secteur des entreprises non constituées en sociétés aux États-Unis 5  . Par souci de cohérence avec la définition canadienne, les EP américaines sont transférées du secteur des entreprises non constituées en sociétés à celui des sociétés pour les besoins de l'analyse. Dans le présent article, le secteur non commercial du Canada et des États-Unis comprend les administrations publiques (appelées administrations générales au États-Unis), les activités sans but lucratif et le loyer qui est imputé aux logements occupés en propriété. Sur la base de cette définition, en 1999, le secteur canadien des entreprises représentait 77,2 % du PIB total du Canada, tandis que son homologue américain représentait 77,5 % du PIB total des États-Unis.

Des comparaisons seront faites entre les secteurs des sociétés et des entreprises non constituées en sociétés au Canada et aux États-Unis. Les règles utilisées pour répartir le secteur des entreprises entre ces deux formes différentes d'organisation juridique sont reliées aux différences entre les exigences en matière de déclaration de revenus des entreprises.

2.1  Le secteur des sociétés et le secteur des entreprises non constituées en sociétés au Canada

Dans le Système de comptabilité nationale du Canada, les entreprises sont classées en fonction de la forme juridique de l'organisation, conformément aux exigences de déclaration de revenus de l'Agence du revenu du Canada (ARC) visant les sociétés et celle visant les entreprises non constituées en sociétés (tableau 1). Pour créer une société, il faut rédiger des statuts constitutifs et les déposer auprès de l'autorité provinciale, territoriale ou fédérale compétente. Les sociétés doivent produire une formule T2 – Déclaration de revenus des sociétés. Dans le présent article, la production des sociétés, des EP et des fiducies de revenus est incluse dans le secteur des sociétés.

Les revenus nets de sociétés reçus de certaines sociétés de personnes sont également inclus dans le secteur des sociétés du Système de comptabilité nationale du Canada. Une société de personnes est une forme juridique qui chevauche le secteur des entreprises non constituées en sociétés et le secteur des sociétés; elle est décrite par l'ARC comme « le rapport qui existe entre des personnes qui exploitent une entreprises en commun (les associés) dans l'espoir d'en tirer un bénéfice » 6  . La société de personnes recoupe le secteur des entreprises non constituées en sociétés et celui des sociétés parce que les associés peuvent être des sociétés, des fiducies de revenus, d'autres sociétés de personnes ou des particuliers. Les associés d'une société de personnes déclarent leurs parts des bénéfices sur la formule de déclaration pertinente —T1 Générale – Déclaration de revenus et de prestations (particuliers); T2Déclaration de revenus des sociétés (sociétés) et État des revenus de fiducie(Répartitions et attributions) (feuillet T3) (fiducies de revenus) — et les sociétés de personnes doivent produire un État des revenus d'une société de personnes (formule T5013) (qui décrit comment les bénéfices de la société de personnes sont répartis) si elle compte cinq associés ou plus et/ou qu'un associé est une société.

Les entreprises individuelles ainsi que les sociétés de personnes dont les associés sont non constitués en société forment le reste du secteur des entreprises non constituées en sociétés. Les entreprises individuelles, c'est-à-dire les entreprises non constituées en sociétés et n'ayant qu'un seul propriétaire, produisent une T1 GénéraleDéclaration de revenus et de prestations (particuliers).

2.2  Secteur des sociétés et secteurs des entreprises non constituées en sociétés aux États-Unis

Dans les National Income and Product Accounts (NIPA) des États-Unis, les formes juridiques d'organisation sont réparties entre les sociétés et les entreprises non constituées en sociétés en fonction des exigences de déclaration de l'Internal Revenue Service (IRS). Les sociétés englobent toutes les entités qui sont tenues de produire une déclaration fédérale de revenus des sociétés, formule 1120 de l'IRS (U.S. Corporation Income Tax Return). Les sociétés sont subdivisées en sociétés C, sociétés S, sociétés d'investissement réglementées (RIC, pour regulated investment company) et en sociétés de placement immobilier (REIT, pour real estate investment trust) 7 , 8  . Les sociétés C sont imposées au niveau de l'entité (où le revenu imposable de la société est imposé) et au niveau des actionnaires (où les dividendes sont versés). Les sociétés S sont des sociétés fermées ayant peu d'actionnaires assujetties à diverses restrictions (y compris une restriction concernant la propriété). Le revenu d'entreprise des sociétés S, des RIC et des REIT sont transmis aux propriétaires qui sont par conséquent assujettis à l'impôt. Dans le présent article, les EP sont aussi incluses dans le secteur des sociétés. Elles comprennent les organismes gouvernementaux qui vendent des biens et services aux membres du public et couvrent une part importante de leur frais d'exploitation en vendant ces biens et services 9  .

Aux États-Unis, les sociétés de personnes relèvent à la fois du secteur des sociétés et du secteur des entreprises non constituées en sociétés. Leurs associés peuvent être des particuliers, des sociétés, d'autres sociétés de personnes, des organismes exonérés d'impôt et d'autres entités qui déclarent sur leur déclaration de revenus les parts des revenus et dépenses qui leur sont imputées (Luttrell et coll., 2006). Les sociétés de personnes sont des entités qui sont tenues de produire une déclaration fédérale de revenus des sociétés de personnes, formule 1065 de l'IRS (U.S. Return of Partnership Income). Les sociétés de personnes peuvent avoir la forme d'une société en nom collectif, d'une société en commandite, d'une société à responsabilité limitée (SARL), d'une société de personnes étrangère, ou d'une société de personnes à responsabilité limitée (SPARL). En plus de produire la formule 1065 de l'IRS, les sociétés de personnes doivent fournir un état des répartitions et attributions faites à chaque associé. Comme au Canada, aux États-Unis dans les NIPA, les revenus des sociétés de personnes sont affectés à la forme juridique des associés de la société de personnes, ceux-ci pouvant être constitués ou non en société.

Les SARL sont également incluses dans le secteur des sociétés. Depuis le milieu des années 1990, une part croissante des entreprises sont des SARL. Ces entités ont les responsabilités limitées des sociétés, et leurs revenus et dépenses sont transmis à leurs membres. Les SARL peuvent être imposées comme des sociétés, des sociétés de personnes ou des entreprises individuelles. Sous réserve de leur situation, les SARL peuvent choisir d'être imposées comme une société C ou comme une société S (dans ce dernier cas, à condition qu'elles satisfassent aux restrictions relatives à une société S). Le cas échéant, ces SARL seront classées dans le secteur des sociétés. Les SARL ayant plusieurs propriétaires sont imposées comme une société de personnes si elles choisissent de ne pas l'être comme une société (comme il est décrit plus haut). Les SARL ayant un propriétaire peuvent aussi choisir d'être imposées comme une entreprise individuelle. Dans ces deux dernières situations, elles seraient classées dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés.

À part les SARL qui choisissent d'être imposées comme des entreprises individuelles, le secteur américain des entreprises non constituées en sociétés comprend les entreprises individuelles, les associés non constitués en société de sociétés de personnes et d'autres entreprises privées. Les entreprises individuelles comprennent toutes les entités qui sont tenues de produire le Schedule C (Profit or Loss From Business[Sole Proprietorship]) ou le Schedule F (Profit or Loss From Farming) de la déclaration de revenus individuelle du propriétaire (formule 1040, U.S. Individual Income Tax Return) de l'IRS. Ce revenu d'entreprise est transmis au propriétaire de l'entreprise, qui est alors susceptible d'être imposé.

Les autres entreprises privées comprennent 1) toutes les entités qui sont (ou qui seraient) tenues de déclarer des revenus de location et de redevances sur le Schedule E (Supplemental Income and Loss) de la déclaration de revenus des particuliers (formule 1040) de l'IRS et 2) les coopératives exonérées d'impôt.

3   Importance relative du secteur des entreprises non constituéesen sociétés

À la présente section, nous commençons par comparer l'importance relative du secteur des entreprises non constituées en sociétés au Canada et aux États-Unis. Puis, nous examinons la différence de composition de ce secteur dans les deux pays.

3.1  Les secteurs canadien et américain des entreprises non constituées en sociétés

Au Canada, l'importance relative des travailleurs indépendants propriétaires d'une entreprise dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés a augmenté au cours des années 1980 et des années 1990 (graphique 1). La part de l'emploi total imputable aux entrepreneurs indépendants non constitués en société a augmenté au cours des deux décennies, atteignant en 1998 un sommet de 14 %, nettement supérieur aux 11 % observés au cours des années 1980. Toutefois, après 2000, cette part est retombée au niveau observé au début des années 1980.

Aux États-Unis, la part des emplois des entrepreneurs indépendants non constitués en société représentait environ 9 % de l'emploi total de la fin des années 1980 au milieu des années 1990, puis a baissé pour atteindre 7 % en 2008 10  .

Si l'on considère les propriétaires seulement, le Canada possède un pourcentage plus élevé d'emplois dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés. Cependant, de nombreuses entreprises non constituées en sociétés engagent des employés et une évaluation de l'importance globale du secteur des entreprises non constituées en sociétés en fonction du nombre global de personnes employées doit tenir compte des propriétaires de ces entreprises ainsi que de leurs employés salariés. Si l'on additionne les deux groupes, l'importance relative du secteur américain des entreprises non constituées en sociétés est plus grande que celle du secteur homologue canadien. Alors que le secteur des entreprises non constituées en sociétés représentait environ le même pourcentage du nombre total d'heures travaillées (18 %) dans les deux pays à la fin des années 1990, cette part est tombée à moins de 14 % au Canada en 2005, tandis qu'elle a augmenté légèrement aux États-Unis pour s'établir à plus de 20 % la même année (graphique 2).

Le secteur américain des entreprises non constituées en sociétés est un peu moins important que son homologue canadien si l'on examine seulement les propriétaires de ces entreprises, mais est plus important si l'on compare le nombre total d'heures travaillées par les propriétaires et leurs employés salariés. Cela tient au fait que le secteur des entreprises non constituées en sociétés engage un nombre relativement plus élevé de travailleurs salariés aux États-Unis qu'au Canada.

Si l'on compare les parts du PIB du secteur des entreprises non constituées en sociétés exprimées en pourcentage du PIB du secteur des entreprises, le secteur des entreprises non constituées en sociétés des États-Unis s'avère encore plus important (graphique 3). Dans les deux pays, la part était très élevée au cours des années 1960. Aux États-Unis, cette part était de 28 % en 1961 et au Canada, elle a atteint un sommet de 23 % en 1963. Des années 1960 à la fin des années 1980, la part a diminué dans les deux pays. Par après, la part a augmenté aux États-Unis, pour passer de 20,0 % en 1986 à 23,7 % en 2005, tandis qu'elle a diminué au Canada, pour passer de 11,2 % en 1986 à 9,5 % en 2005.

3.2  Subdivision du secteur des entreprises non constituées en sociétés en entreprises individuelles et en sociétés de personnes

Le secteur des entreprises non constituées en sociétés comprend deux grands groupes, à savoir les entreprises individuelles et les associés non constitués en société des sociétés de personnes. L'importance relative de chaque groupe n'est pas la même au Canada qu'aux États-Unis (graphique 4). Au Canada, en 2008, les entreprises individuelles ont produit environ 70 % du PIB du secteur des entreprises non constituées en sociétés, tandis que les sociétés de personnes ont produit le reste 11  . Aux États-Unis, les entreprises individuelles n'ont produit que 29% du PIB du secteur des entreprises non constituées en sociétés, tandis que les sociétés de personnes ont produit le reste 12  .

Quand le PIB des sociétés de personnes est supprimé de la part du PIB des entreprises non constituées en sociétés dans les deux pays, l'importance relative des entreprises individuelles au Canada et aux États-Unis (mesurée par le ratio du PIB des entreprises individuelles au PIB du secteur des entreprises) est assez similaire.

Les différences globales entre les parts du PIB imputables aux entreprises non constituées en sociétés (graphique 3) sont par conséquent dues au groupe des sociétés de personnes, qui est plus important aux États-Unis qu'au Canada. Les deux pays diffèrent en ce qui concerne les secteurs d'activité dans lesquels les sociétés de personnes se retrouvent (tableau 2). Aux États-Unis, les sociétés de personnes du secteur des entreprises non constituées en sociétés sont fortement concentrées dans les industries de la finance (investissements financiers et activités immobilières) et des services professionnels 13  . Au Canada, les sociétés de personnes exercent leurs activités dans des industries habituellement associées aux secteurs des entreprises non constituées en sociétés, à savoir l'immobilier (bailleurs de biens immobiliers), les services professionnels, les soins de santé, l'agriculture, la foresterie, la pêche et la chasse, et la construction. Elles ne sont pas fortement concentrées dans le secteur de la finance comme cela est le cas aux États-Unis.

4   Questions de méthodologie

La productivité du travail est un indicateur de l'efficacité avec laquelle l'économie utilise la main-d'oeuvre pour produire des biens et des services. La productivité du travail sera plus grande dans les secteurs où les travailleurs disposent de plus de capital et où les entreprises exploitent des économies d'échelle, emploient des travailleurs plus spécialisés ou utilisent des technologies plus avancées.

La productivité du travail est définie ici comme étant la production [PRODUCTION] par unité d'intrant travail [T]. Le produit est mesuré par le PIB calculé aux prix du marché, et le facteur travail est mesuré en nombre d'heures travaillées. Les différences de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis sont examinées au cours de la période allant de 1998 à 2005.

La productivité du travail relative est définie comme étant le ratio de la productivité du travail au Canada (PTCAN) à la productivité du travail aux États-Unis (PTÉ.-U.).

(1)
PT(i) relative CAN-É.-U.=PT(i) CAN/PT(i) É.-U.
(2)
PT(i) CAN=PRODUCTION (i) CAN/T(i) CAN
(3)
PT(i) É.-U.= PRODUCTION (i) É.-U./T(i) É.-U.

(i) est le secteur des entreprises, le secteur des entreprises non constituées en sociétés, les entreprises individuelles ou le reste du secteur des entreprises.

Les méthodes et les sources de données utilisées pour estimer les niveaux relatifs Canada-États-Unis de production et de facteur travail qui entrent dans la formule de la PT relative (équation 1) et les prix relatifs qui sont utilisés pour transformer les estimations des valeurs monétaires relatives du PIB en mesure du volumes relatif de production sont discutées dans la suite de la présente section.

4.1  Production

Dans le présent article, le PIB du secteur des entreprises des deux pays est mesuré aux prix du marché 14  . Au Canada, le PIB officiel du secteur des entreprises est évalué aux prix de base et est ajusté dans le présent article afin de refléter les prix du marché. Les estimations officielles pour les États-Unis sont évaluées aux prix du marché.

Afin de transformer le PIB canadien calculé en se servant des prix de base en une mesure fondée sur les prix du marché, les taxes sur les produits moins les subventions ont été ajoutées aux estimations fondées sur les prix de base. Pour ce faire, une estimation imputant environ 90 % des impôts sur les produits moins les subventions au secteur des entreprises a été fournie par la Division des comptes des revenus et des dépenses de Statistique Canada.

Les estimations pour les secteurs des sociétés et des entreprises non constituées en sociétés ont été calculées d'après les estimations aux prix de base publiées dans Rispoli (2009a), puis converties aux prix du marché en ventilant le total des impôts sur les produits moins subventions entre les deux secteurs en se fondant sur la proportion du PIB, mesuré aux prix du marché, imputable à chaque secteur. Les estimations pour les entreprises individuelles sont fondées sur le fichier T1 de 2008 (T1 Générale – Déclaration de revenus et de prestations), qui contient des données sur les entreprises individuelles et sur les sociétés de personnes. La part du revenu du travail attribuable aux entreprises individuelles a été obtenue d'après les données T4 (État de la rémunération payée) (voir la note en bas de page 12).

Pour les États-Unis, les estimations du revenu national des secteurs des sociétés et des entreprises non constituées en sociétés ont été tirées du tableau 1.13 (Net National Income by Sector, Legal Form of Organization, and Type of Income) du Bureau of Economic Analysis (BEA) des États-Unis. Pour passer du concept de revenu national au concept de PIB, plusieurs ajustements ont été effectués en se servant du tableau 1.7.5 (Relationship of Gross Domestic Product, Gross National Product, Net National Product, National Income, and Personal Income) du BEA. La différence entre les deux correspond presque entièrement à la consommation de capital fixe, chiffre qui a été obtenu d'après le tableau 6.22D (Corporate Capital Consumption Allowances by Industry) et le tableau 7.5 (Consumption of Fixed Capital by Legal Form of Organization and Type of Income) du BEA. Cette estimation a été ajoutée à la valeur nette du revenu national. Toute autre différence entre le PIB total calculé aux prix du marché et l'estimation du revenu national (très faible, valant en moyenne 2,4 % du PIB de 1998 à 2005) a été répartie entre les deux secteurs en se fondant sur leurs parts respectives du revenu national.

L'estimation du PIB pour les entreprises individuelles a été fondée sur le tableau 10 (Nonfarm Sole Proprietorship Returns : Selected Income Statement Items) et le tableau 11 (Partnership Returns : Selected Balance Sheet and Income Statement Items) de l'IRS 15  . Cette estimation a ensuite été utilisée pour calculer le PIB des entreprises individuelles et des sociétés de personnes et pour subdiviser la composante des entreprises non constituées en sociétés 16  .

4.2  Facteur travail

Dans le présent article, le facteur travail est mesuré en nombre d'heures travaillées. La méthode et les sources de données utilisées dans les programmes de la productivité officiels du Canada et des États-Unis pour estimer le nombre d'heures travaillées ne sont pas exactement les mêmes. Si les estimations officielles des programmes de productivité de chaque pays étaient utilisées pour comparer la productivité du travail du Canada avec celle des États-Unis, les estimations de la productivité canadienne seraient biaisées à la baisse comparativement à celles pour les États-Unis (Baldwin et coll., 2005).

Afin d'éviter ce biais, l'estimation de référence (1999) des heures travaillées dans les secteurs des entreprises du Canada et des États-Unis figurant dans Baldwin et coll. (2005) est utilisée dans le présent article. Baldwin et coll. ont calculé le nombre d'heures travaillées dans le secteur américain des entreprises en se servant de la même méthode que celle utilisée au Canada. Pour le présent article, l'estimation de 1999 a été mise à jour en vue de refléter la situation en 2002, puis extrapolée jusqu'en 2005 en utilisant les estimations américaines officielles pour l'ensemble du secteur des entreprises.

Les deux sous-sections qui suivent décrivent la méthodologie utilisée pour estimer le facteur travail dans les secteurs canadien et américain des entreprises de 1998 à 2005 et la façon dont le secteur des entreprises est divisé en un secteur des sociétés et un secteur des entreprises non constituées en sociétés. Le secteur des entreprises est également divisé en un groupe d'entreprises individuelles et le reste du secteur des entreprises (incluant les sociétés de personnes et le secteur des sociétés).

4.2.1  Méthode de calcul du facteur travail canadien

Statistique Canada utilise le nombre d'heures travaillées pour mesurer le volume d'intrant travail dans ses estimations de la productivité. Dans le présent article, la série de données du nombre total d'heures travaillées dans le secteur des entreprises a été fournie par le Programme de la productivité de Statistique Canada.

La série de données sur les heures travaillées est ensuite répartie entre le secteur des entreprises non constituées en sociétés et le secteur des sociétés (tableau 3). Pour les entreprises non constituées en sociétés, les heures travaillées comprennent les heures des propriétaires qui travaillent pour leur propre compte et les heures des personnes qui travaillent pour les propriétaires à titre de salariés. Les données sur les heures travaillées par les propriétaires indépendants proviennent directement de la composante définie comme étant les propriétaires indépendants actifs d'exploitations agricoles, d'entreprises ou de pratiques professionnelles non constituées en sociétés; cette composante fait partie du Programme de la productivité du travail (PPT) de Statistique Canada. Les heures travaillées des employés des travailleurs indépendants sont déterminées d'après leur masse salariale en supposant que la rémunération par employé dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés est la même que celle des employés en général. Les deux composantes (travailleur indépendant et salariés des entreprises non constituées en sociétés) ont été additionnées afin d'arriver au nombre d'heures travaillées pour le secteur des entreprises non constituées en sociétés 17  .

L'estimation des heures travaillées dans le secteur des sociétés comprend les heures des propriétaires actifs des sociétés et des employés salariés des sociétés. On obtient cette estimation en soustrayant l'estimation des heures travaillées du secteur non constitué en société du nombre total d'heures travaillées dans le secteur des entreprises.

La série des heures travaillées a également été ventilée entre les entreprises individuelles et le reste du secteur des entreprises. Pour les entreprises individuelles, les heures travaillées comprennent les heures des propriétaires des entreprises individuelles travaillant pour compte propre et celles des personnes qui sont des employés salariés de ces propriétaires. La proportion du nombre d'entreprises individuelles par rapport au nombre de sociétés de personnes (tirée du fichier T1 de 2008) a été appliquée aux données sur les heures travaillées des propriétaires indépendants. Cela suppose que les propriétaires des entreprises individuelles travaillent le même nombre d'heures que les propriétaires des sociétés de personnes et que la société de personnes compte un propriétaire actif 18  .

Les heures travaillées des employés salariés des entreprises individuelles ont été calculées en répartissant les heures travaillées des employés salariés des travailleurs indépendants en se fondant sur les masses salariales des entreprises individuelles et du secteur des entreprises (tirées des données T4) pour la période de 2001 à 2005. Les deux composantes (heures travaillées des propriétaires d'entreprises individuelles et heures travaillées des employés salariés des entreprises individuelles) ont été additionnées afin d'arriver au nombre d'heures travaillées par les entreprises individuelles 19  .

L'estimation des heures travaillées par le reste du secteur des entreprises comprend les heures travaillées par les propriétaires indépendants de sociétés de personnes et d'entreprises du secteur des sociétés ainsi que les heures travaillées par leurs travailleurs salariés. On obtient cette estimation en soustrayant l'estimation des heures travaillées dans les entreprises individuelles du nombre total d'heures travaillées dans le secteur des entreprises.

4.2.2  Méthode de calcul du facteur travail aux États-Unis

Les problèmes de mesure qui doivent être résolus pour obtenir une estimation des heures travaillées aux États-Unis comparable à celle produite pour le Canada sont exposés dans Baldwin et coll. (2005). Les programmes de la productivité des deux pays ne se servent pas de la même méthode ni des mêmes sources de données pour calculer les estimations officielles des heures travaillées. Le Canada se sert des données d'une enquête auprès des ménages, tandis que les États-Unis utilisent principalement une enquête auprès des employeurs. Le Canada fait une correction pour les jours fériés qui surviennent durant une semaine de référence, mais les États-Unis ne le font pas.

Baldwin et coll. (2005) ont calculé une estimation comparable des heures travaillées qui peut être utilisée pour les comparaisons entre le Canada et les États-Unis en estimant pour les deux pays le nombre moyen d'heures travaillées d'après une enquête sur la population active. Une méthode similaire est utilisée ici pour extrapoler l'estimation des heures travaillées pendant la semaine de référence de l'enquête auprès des ménages à d'autres semaines du mois, en tenant compte des jours fériés qui surviennent durant la semaine de l'enquête ainsi que de ceux qui surviennent durant d'autres semaines du mois. Les estimations du nombre moyen d'heures travaillées par emploi provenant, dans les deux pays, d'une enquête auprès des employeurs fournissent la valeur de référence des heures travaillées dans le secteur des entreprises en 1999 qui est utilisée dans le tableau 4.

Les données sur les heures travaillées dans le secteur des entreprises et par les travailleurs indépendants provenaient d'une totalisation spéciale effectuée par le PPT de Statistique Canada pour produire des données pour les États-Unis en harmonie avec la méthode utilisée au Canada. Les données sur le secteur des entreprises ont été mises à jour par le PPT pour la période allant de 1998 à 2002, tandis que les données sur les travailleurs indépendants ont été mises à jour pour la période de 1998 à 2004. Ces données sur le secteur des entreprises ont été extrapolées aux années 2003 à 2005, tandis que les heures travaillées par les travailleurs indépendants du secteur des entreprises non constituées en sociétés ont été extrapolées pour 2005. Les estimations américaines officielles des heures travaillées dans le secteur des entreprises et des heures travaillées par les travailleurs indépendants du secteur des entreprises non constituées en sociétés produites par le Bureau of Labor Statistics (BLS) ont été utilisées pour les extrapolations.

La série de données sur les heures travaillées est estimée pour le secteur des entreprises non constituées en sociétés ainsi que pour le secteur des sociétés.

Pour le secteur des entreprises non constituées en sociétés, les heures travaillées comprennent les heures des propriétaires indépendants (personnes qui travaillent pour leur propre compte) et les heures des personnes qui travaillent pour ces propriétaires à titre de salariés. Les données sur les heures travaillées par les propriétaires indépendants sont tirées d'une totalisation spéciale (voir le paragraphe précédent). Les heures travaillées des employés des travailleurs indépendants sont calculées d'après leur masse salariale en supposant que la rémunération par employé dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés est la même que celle des employés en général.

L'estimation du nombre d'heures travaillées du secteur des sociétés englobe les propriétaires indépendants de sociétés et les employés salariés des sociétés. Les données pour le secteur des sociétés ont été obtenues par différence, en soustrayant l'estimation des heures travaillées pour l'ensemble du secteur des entreprises des heures travaillées estimées pour le secteur des entreprises non constituées en sociétés.

Les données sur les heures travaillées par les propriétaires indépendants d'entreprises individuelles ont été obtenues en ventilant les données sur les travailleurs indépendants du secteur des entreprises non constituées en sociétés entre les entreprises individuelles et les sociétés de personnes (tableau 4). La ventilation a été faite en utilisant les parts du nombre d'entreprises individuelles et de sociétés de personnes tirées du tableau 10 (Nonfarm Sole Proprietorship Returns : Selected Income Statement Items) et du tableau 11 (Partnership Returns : Selected Balance Sheet and Income Statement Items) de l'IRS 20  . Cela suppose que tous les propriétaires d'entreprises individuelles travaillent le même nombre d'heures que les propriétaires de sociétés de personnes, et qu'il n'y a qu'un propriétaire actif dans les sociétés de personnes 21  . Les heures travaillées par les employés des entreprises individuelles sont calculées en se basant sur la masse salariale de ces entreprises et sur la masse salariale du secteur des entreprises. Le calcul s'appuie sur l'hypothèse que la rémunération par employé dans les entreprises individuelles est la même que celle des employés du secteur des entreprises en général 22  .

L'estimation des heures travaillées pour le reste du secteur des entreprises englobe la part restante du secteur des entreprises non constituées en sociétés (c.-à-d. les sociétés de personnes) et le secteur des sociétés. Cette estimation a été obtenue par différence, en soustrayant les heures travaillées des entreprises individuelles des heures travaillées du secteur des entreprises.

5   Productivité selon la forme juridique de l'entreprise

5.1  Productivité du travail au Canada

Au Canada, les entreprises du secteur des sociétés sont plus grandes et utilisent plus de capital que celles du secteur des entreprises non constituées en sociétés. La plupart de ces dernières sont petites et exploitées par un propriétaire indépendant n'ayant que peu ou pas de personnel. En 2005, le niveau de productivité, mesuré par le PIB nominal par heure travaillée, était beaucoup plus élevé pour les sociétés (47,9 $) que pour les entreprises non constituées en sociétés (30,6 $) (tableau 5). Un écart entre les niveaux de productivité du travail du secteur des entreprises non constituées en sociétés et du secteur des sociétés existait pendant toute la période allant de 1987 à 2005 (graphique 5).

L'écart entre les niveaux de productivité du secteur des entreprises non constituées en sociétés et du secteur des sociétés est nettement plus prononcé dans les industries productrices de biens que dans les industries de services (Baldwin et Rispoli, 2010). En 2005, la productivité du travail du secteur des entreprises non constituées en sociétés était égale à 34 % du niveau de productivité du secteur des sociétés, soit 21,5 $ de l'heure pour les entreprises non constituées en sociétés contre 63,0 $ de l'heure pour les sociétés. Dans le secteur des services, les différences étaient plus faibles; en 2005, la productivité du travail du secteur des entreprises non constituées en sociétés s'approchait de 70 % du niveau de productivité des sociétés. Cette année-là, la productivité du travail était de 23,9 $ de l'heure pour les entreprises non constituées en sociétés contre 34,1 $ de l'heure pour les sociétés 23  .

La plupart des entreprises individuelles sont également petites et exploitées par des propriétaires indépendants n'ayant que peu ou pas de personnel. Le niveau de productivité des entreprises individuelles, mesuré par le PIB nominal par heure travaillée, était beaucoup plus faible (26,5 $ en 2005) que celui du reste du secteur des entreprises (47,9 $ en 2005) (tableau 624  .

5.2  Productivité du travail aux États-Unis

En 2005, alors que le secteur des entreprises non constituées en sociétés représentait 9,5 % du PIB total au Canada, il était à l'origine d'environ 23,7 % du PIB du secteur des entreprises aux États-Unis. Dans ce pays, la plupart de ces entreprises font partie de sociétés de personnes formées par des particuliers ou des SARL. Selon Luttrell et coll. (2006), la croissance des SARL a été très rapide après le milieu des années 1990. En 2003, elles représentaient près de 46 % de toutes les déclarations produites par des sociétés de personnes.

Contrairement à la situation observée au Canada, en 2005, le niveau de productivité mesuré par le PIB nominal par heure travaillée était plus élevé dans le secteur des entreprises non constituées en sociétés (50,0 $) que dans le secteur des sociétés (41,1 $) (tableau 7).

La plupart des entreprises individuelles sont également petites et exploitées par des propriétaires indépendants n'ayant que peu ou pas de personnel 25  . En 2005, le niveau de productivité mesuré par le PIB nominal par heure travaillée est plus faible pour les entreprises individuelles (31,5 $) que pour le reste du secteur des entreprises (44,1 $) (tableau 8)  26  .

Le niveau de productivité du reste du secteur des entreprises était environ 2 % à 3 % plus élevé que celui du secteur des sociétés de 1998 à 2005.

6   Indice des prix pour la comparaison de la production du Canadaet des États-Unis

La productivité relative du travail s'obtient par comparaison du volume de la production par heure travaillée au Canada au volume de production par heure travaillée aux États-Unis. Ces estimations sont produites en premier lieu à partir de mesures du PIB en valeur nominale (dollars courants) calculé dans les devises nationales de chaque pays; ces estimations sont ensuite déflatées par un indice des prix relatifs afin de convertir les estimations en dollars en estimations en volume.

L'indice des prix relatifs nécessaire pour cet exercice est une mesure de la parité de pouvoir de production; il ne s'agit pas de la mesure des parités de pouvoir d'achat fondée sur les dépenses habituellement produite par Statistique Canada pour les comparaisons entre pays. Cette dernière est calculée d'après des données sur les prix pour les catégories de dépenses finales, qui produisent des parités de pouvoir d'achat et non des parités de pouvoir de production (Baldwin et Macdonald, 2009). Les estimations des parités de pouvoir d'achat ont été conçues en vue de couvrir raisonnablement les dépenses en biens finaux, mais non pour les produits intermédiaires ou les mesures de la valeur ajoutée (produit brut moins les matières premières, les services et les intrants énergétiques), pour lesquels des déflateurs sont nécessaires pour le produit brut ainsi que les intrants intermédiaires.

Baldwin, Gu et Yan (2008) combinent les données sur les produits pour les catégories de demande finale et les tableaux d'entrées-sorties afin d'obtenir des mesures des prix relatifs qui peuvent être utilisées pour les sorties ainsi que pour les entrées au niveau de l'industrie. Baldwin, Gu et Yan utilisent les prix détaillés obtenus pour 2 000 articles (fournis par le Programme des parités de pouvoir d'achat bilatérales Canada-États-Unis) et les apparient à quelque 221 groupes de produits dans les tableaux d'entrées-sorties, puis calculent des déflateurs pour les sorties ainsi que les entrées pour chaque industrie. Les parités de pouvoir de production (PPP) aux prix du marché sont en harmonie avec le concept de la production aux prix de base. Ces PPP entre le Canada et les États-Unis sont exprimées comme étant le prix en dollars américains d'un dollar canadien de produit.

Dans le présent article, un ajustement a été apporté à cette PPP de référence de 1999 (concordant avec le concept de production aux prix de base) afin de convertir les PPP à un concept de prix du marché (tableau 9). Cet ajustement est fondé sur les taux relatifs Canada-États-Unis d'impôt sur les produits — ou le ratio du PIB aux prix du marché au PIB aux prix de base — pour l'ensemble de l'économie 27  .

7   L'écart de productivité du travail dusecteur des entreprises entre le Canada et les États-Unis

L'effet du secteur des entreprises non constituées en sociétés sur l'écart global de productivité du secteur des entreprises peut être évalué en examinant la différence pour le secteur des entreprises dont on a supprimé le secteur des entreprises non constituées en sociétés, c'est-à-dire la différence pour les secteurs des sociétés seulement.

En 1998, la productivité du travail du secteur canadien des entreprises était égale à 88 % de celle du secteur américain des entreprises. Cette différence de productivité du travail diminue si l'on élimine de la comparaison les entreprises canadiennes et américaines non constituées en sociétés. En 1998, la productivité du travail des sociétés canadiennes était à peu près la même (99 %) que celle des sociétés américaines (tableau 10).

Après 2000, l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis s'est élargi, principalement à cause d'une diminution de la performance relative des secteurs de la fabrication et des télécommunications (Baldwin et Gu, 2009). L'écart global, qui était de 12 points de pourcentage en 1998, avait atteint 19 points de pourcentage en 2005 pour l'ensemble du secteur des entreprises et était passé de 0,8 à 11 points de pourcentage si l'on ne considère que le secteur des sociétés.

L'effet du secteur des entreprises non constituées en sociétés sur la grandeur de l'écart passe d'environ 11,2 points de pourcentage (différence entre 99,2 et 88 selon le tableau 10) en 1998 à environ 8,1 points de pourcentage (différence entre 88,9 et 80,8) en 2005. Durant cette période, la productivité du secteur canadien des entreprises non constituées en sociétés par rapport à la productivité du secteur américain des entreprises non constituées en sociétés est demeurée à peu près la même, mais la productivité relative du secteur des sociétés a diminué. En 2005, l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis était imputable à la fois au secteur des sociétés et au secteur des entreprises non constituées en sociétés.

Dans les comparaisons qui précèdent, les secteurs canadien et américain des entreprises non constituées en sociétés, qui englobent les sociétés de personnes ainsi que les entreprises individuelles, sont éliminés entièrement. La ressemblance entre les entreprises individuelles des deux pays est plus grande que celle entre les sociétés de personnes.

Si l'on élimine seulement les entreprises individuelles des estimations de la productivité du travail du secteur des entreprises de chaque pays (afin de comparer le reste du secteur des entreprises, c'est-à-dire les sociétés de personnes et le secteur des sociétés), la différence de productivité du travail diminue également. Si l'on élimine les entreprises individuelles, la productivité du reste du secteur canadien des entreprises passe de 88,0 % à 92,4 % du niveau de productivité des sociétés américaines en 1998, soit une réduction de l'écart d'environ 4,4 points de pourcentage (tableau 11).

Les 5,8 points de pourcentage restants (soit la différence entre 99,2 et 92,4) provenant du secteur des entreprises non constituées en sociétés est attribuable à la productivité plus élevée des sociétés de personnes américainse. La contribution des entreprises individuelles à l'écart entre le Canada et les États-Unis en ce qui a trait à la productivité du travail a diminué pour se situer à 2,1 points de pourcentage en 2005, puisqu'un écart est apparu entre le secteur des sociétés au Canada et celui des États-Unis.

Une autre méthode peut être employée pour estimer le nombre d'heures travaillées des entreprises individuelles et pour tester la sensibilité des résultats antérieurs à d'autres hypothèses dans ce domaine. Dans le tableau 11, le nombre d'heures de travail des employés des travailleurs indépendants propriétaires d'une entreprise individuelle est estimé en supposant que le ratio des heures travaillées de ce groupe par rapport aux heures travaillées de l'ensemble du secteur des entreprises est égal au ratio de la masse salariale de ce groupe par rapport à la masse salariale de l'ensemble du secteur des entreprises. D'une autre façon, dans le tableau 12, les heures travaillées des entreprises individuelles sont calculées d'après les parts de l'emploi 28  . Cette méthode permet de relâcher l'hypothèse selon laquelle tous les employés du secteur des entreprises ont la même rémunération 29  , et de supposer plutôt que les employés travaillent le même nombre d'heures dans chaque secteur. La première méthode donne lieu à une sous-estimation des heures travaillées par les entreprises individuelles si celles-ci offrent aux travailleurs salariés une rémunération plus faible que les sociétés. La deuxième méthode produit une surestimation des heures travaillées des entreprises individuelles si les employés des petites entreprises individuelles travaillent un moins grand nombre d'heures 30  .

Les deux méthodes de ventilation des heures travaillées entre les entreprises individuelles et le reste du secteur des entreprises bornent les estimations de la contribution des entreprises individuelles à l'écart de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis. Les tableaux 3 et 4 donnent à penser que les employés salariés sont à l'origine d'un plus grand nombre d'heures travaillées dans les entreprises individuelles américaines que dans les entreprises individuelles canadiennes 31  . Par conséquent, la mesure dans laquelle la productivité du travail des entreprises individuelles est surestimée ou sous-estimée est plus importante aux États-Unis. Si l'on se sert de la masse salariale pour ventiler les heures travaillées, le nombre d'heures travaillées dans les entreprises individuelles est sous-estimé et la productivité du travail est surestimée; toutefois, le degré de surestimation est plus important aux États-Unis. De même, si l'on se sert de l'emploi pour ventiler les heures travaillées, la productivité du travail des entreprises individuelles est sous-estimée davantage aux États-Unis qu'au Canada. Par conséquent, la productivité du travail réelle des entreprises individuelles canadiennes relativement à la productivité du travail réelle des entreprises individuelles américaines et les estimations de la contribution des entreprises individuelles à l'écart de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis devraient vraisemblablement se situer entre celles qui figurent dans les tableaux 11 et 12.

Les entreprises individuelles sont à l'origine d'un plus grand nombre d'heures travaillées lorsque l'on applique la deuxième méthode. Au Canada, le nombre d'heures travaillées dans les entreprises individuelles a augmenté pour atteindre 3 149 millions d'heures en 2005, chiffre supérieur de 16 % à celui de 2 708 millions d'heures présenté au tableau 3. Aux États-Unis, le nombre d'heures travaillées des entreprises individuelles a augmenté pour atteindre 23 587 millions d'heures en 2005, chiffre qui est 12 % plus élevé que celui de 21 148 millions d'heures présenté au tableau 4. Cette seconde méthode fait baisser le PIB par heure travaillée des entreprises individuelles calculé pour 2005 de 26,5 $ à 22,8 $ (dollars canadiens) pour le Canada et de 31,5 $ à 25,9 $ (dollars américains) pour les États-Unis.

Cependant, lorsque les heures travaillées sont ventilées en fonction des parts de l'emploi au lieu des parts de la masse salariale, on constate que la contribution des entreprises individuelles à la différence de la productivité du travail entre le Canada et les États-Unis est à peu près la même. En 2005, la productivité relative du secteur des entreprises était de 80,8, soit 2,0 points de pourcentage plus faible que la productivité relative pour le reste du secteur des entreprises (82,8) (tableau 12) — mais presque la même quantité que celle présentée au tableau 11 pour la même année.

En résumé, en 1998, le secteur canadien des entreprises non constituées en sociétés a été à l'origine d'une part notable de l'écart de productivité du travail (environ 11 points de pourcentage) entre le Canada et les États-Unis. La contribution de ce secteur a diminué au cours du temps, parce que l'écart de productivité du travail s'est accentué à mesure que la productivité relative du secteur des sociétés a diminué. Cet écart est dû à des différences entre les productivités du travail des entreprises individuelles et des sociétés de personnes. Puisque la notion de petite entreprise est plus étroitement associée aux entreprises individuelles qu'aux grandes sociétés de personnes qui, aux États-Unis, sont plus fortement concentrées dans le secteur financier, l'exercice a été répété en supprimant les entreprises individuelles.

Quand les entreprises individuelles sont soustraites des estimations pour le secteur des entreprises de chaque pays (ce qui permet de comparer ce que l'on appelle ici le « reste du secteur des entreprises », constitué des sociétés de personnes et du secteur des sociétés), l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis diminue aussi. Le fait de soustraire les entreprises individuelles fait augmenter le niveau de productivité relative qui passe de 88,0 % à 92,4 % pour 1998. L'effet des entreprises individuelles sur la taille de l'écart de productivité relative est d'environ 4,4 points de pourcentage en 1998 et de 2,1 points de pourcentage en 2005. Cette baisse de la contribution des entreprises individuelles à l'écart entre le Canada et les États-Unis en ce qui a trait à la productivité du travail est robuste relativement à la méthode employée pour ventiler les heures travaillées entre les entreprises individuelles et le reste du secteur des entreprises.

En 1998 et 2005, la majorité de l'effet global de l'ensemble du secteur des entreprises non constituées en sociétés était expliquée par un avantage de productivité très important des États-Unis dans l'autre composante du secteur des entreprises non constituées en sociétés, à savoir les sociétés de personnes, qui, dans ce pays, ont leur fondement dans les secteurs financier et immobilier.

8   Conclusion

Le présent article décrit l'examen de la source de l'écart entre les niveaux de productivité au Canada et aux États-Unis. Les résultats montrent qu'une part de la différence est attribuable à la plus grande importance du secteur des travailleurs indépendants non constitués en société au Canada et de son niveau relativement plus faible de productivité.

L'estimation de la grandeur de l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis imputable au secteur des entreprises non constituées en sociétés dépend de la validité de diverses hypothèses formulées pour produire les données utilisées ici. Cependant, d'autres approches aboutissent à des conclusions qui sont qualitativement les mêmes, à savoir que le secteur canadien des entreprises non constituées en sociétés est à l'origine d'une part appréciable de l'écart de productivité du travail entre le Canada et les États-Unis. La contribution de ce secteur était plus importante durant les années 1990; après 2000, elle a diminué à mesure que l'écart de productivité entre les secteurs canadien et américain des sociétés a augmenté. La plupart de l'écart attribuable au secteur des entreprises non constituées en sociétés n'est pas tant imputable au secteur des entreprises individuelles qu'à la taille et à la profitabilité relativement grandes des sociétés de personnes américaines.

Le groupe du secteur des entreprises individuelles défini comme étant les entreprises individuelles représente environ 4 points de pourcentage de l'écart total — soit environ le tiers de l'écart total en 1999 — et environ 2 points de pourcentage de l'écart total en 2005. Bien que ce groupe ne rende pas compte de la totalité de l'écart, il convient de souligner qu'il ne représente qu'une partie seulement de l'univers des petites entreprises. D'autres travaux devront être exécutés afin d'examiner le rôle d'autres petites entreprises du secteur des sociétés dans l'écart de productivité entre le Canada et les États-Unis.

Déterminer la source de l'écart de productivité et comprendre les raisons de cet écart sont des questions différentes, puisque les différences de productivité relative entre le secteur des entreprises non constituées en sociétés et le secteur des sociétés sont dues à plusieurs causes distinctes.

Ces différences pourraient découler de la plus petite taille du marché canadien. Certains économistes ont attribué les différences de taille d'entreprise à des différences de taille du marché (Kumar, Rajan et Zingales, 1999; Davis et Henrekson, 1999). De plus petits marchés pourraient empêcher les petites entreprises de croître pour devenir de plus grandes entités. Les entreprises non constituées en sociétés sont à la première étape du cycle de vie des entreprises. Les nouveaux producteurs démarrent souvent en tant qu'entités non constituées en sociétés et font plus tard la transition vers la constitution en société s'ils peuvent en absorber le coût et établir la forme organisationnelle requise pour limiter les responsabilités.

S'il s'agit de la raison pour laquelle la part de petits producteurs non constitués en société est plus grande au Canada, la taille du marché est indirectement à l'origine des différences qui sont mentionnées ici. Les différences entre les niveaux de productivité du Canada et des États-Unis seraient dues dans ce cas non pas à un manque d'entrepreneurs au premier stade de développement, mais à l'échec de croissance de ce groupe dynamique.

D'autres explications pourraient tenir à des différences institutionnelles qui ne sont pas nécessairement reliées à la taille des marchés (Garen, 2006). Il se pourrait qu'au Canada, seules les petites entreprises les moins productives demeurent non constituées en sociétés, tandis que les petites entreprises les plus productives se constituent en société. Cela pourrait se produire si les avantages fiscaux offerts aux très petites entreprises exploitées par des travailleurs indépendants en vue de se constituer en société étaient plus importants au Canada qu'aux États-Unis et qu'ils influaient plus fortement sur les petites entreprises les plus productives. Le régime fiscal peut aussi encourager les travailleurs salariés à devenir indépendants (Schuetze, 2000; Bruce, 2000), s'il permet aux travailleurs indépendants non constitués en société de déduire ce qui, autrement, serait des dépenses de consommation.

Des différences de politique fiscale pourraient alors être à l'origine du désavantage canadien dû à un secteur des travailleurs indépendants moins productifs. L'évaluation de cette possibilité dépasse le cadre du présent article 32  .

D'autres différences éventuelles dans la structure sous-jacente des deux économies pourraient aussi expliquer la taille relativement grande du secteur des travailleurs indépendants moins productifs au Canada. Les travailleurs indépendants non constitués en société sont particulièrement nombreux en agriculture et leur importance dans cette industrie est relativement plus grande au Canada qu'aux États-Unis. En outre, le Canada étant situé plus au nord, son climat relativement plus rigoureux pourrait donner lieu à une plus faible productivité dans ce secteur que celle observée aux États-Unis.

Il pourrait également exister des différences entre les deux pays en ce qui concerne les incitatifs qu'ont les sociétés à externaliser le travail, c'est-à-dire à faire passer un effectif de l'état d'employé à celui de travailleur engagé en sous-traitance. Ce changement peut réduire les avantages sociaux que doivent verser les entreprises (Zeytinoglu et Cooke, 2005). Certains de ces avantages sont prescrits par la loi, tandis que d'autres découlent de différences de cotisations sociales (Lin, 2000). Si cette approche est adoptée plus fréquemment pour les travailleurs hautement rémunérés et que ces travailleurs choisissent de devenir des entrepreneurs non constitués en société, il s'ensuit une augmentation du revenu mesuré des travailleurs non constitués en société dans un pays comparativement à l'autre 33  .

Enfin, les différences entre les secteurs financier et immobilier des deux pays semblent découler de différences entre les deux économies (en raison du rôle central joué par les États-Unis sur les marchés financiers mondiaux) ou de différences entre les droits fiscaux régissant les placements immobiliers.

La gamme d'explications possibles de la source de la différence entre les tailles des secteurs canadien et américain des entreprises non constituées en sociétés offre un riche ensemble d'hypothèses quant aux facteurs à l'origine de l'écart de productivité globale entre le Canada et les États-Unis imputable au secteur des entreprises non constituées en sociétés.

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