Chapitre 3
Faible revenu dans divers groupes de personnes

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Enfants
Personnes âgées
Personnes vivant dans des familles monoparentales (parents seuls)
Personnes non âgées hors famille
Immigrants récents
Autochtones hors réserve
Personnes ayant des limitations d'activités
Sommaire

Début du texte

Au chapitre 2, nous avons brossé un tableau des Canadiens à faible revenu vivant dans les 10 provinces. Nous avons constaté que le faible revenu s'est amélioré considérablement pendant la période de 2000 à 2009, où il a été mesuré au moyen de normes fixes. De plus, l'ampleur et la gravité du faible revenu ont diminué de 2000 à 2007, même au moyen d'une norme variable, mais certains indices portent à croire qu'une tendance haussière du faible revenu pourrait avoir commencé à se profiler en 2008. Ces résultats décrivent-ils avec exactitude l'évolution du bien-être pour différents groupes de personnes? Le présent chapitre s'efforce de répondre à cette question.

Les personnes peuvent être classées en plusieurs groupes. Lorsqu'on les classe en fonction de l'âge, le faible revenu chez les enfants et les personnes âgées peut être examiné. Lorsqu'on les classe selon le type de famille, le faible revenu chez les personnes vivant dans les familles monoparentales (parents seuls) et les personnes hors famille peut être analysé. Lorsqu'on les classe en fonction de la race et du statut d'immigrant, le faible revenu chez les immigrants récents et les Autochtones hors réserve peut être étudié. Le présent chapitre décrit les résultats de l'étude sur le faible revenu en fonction des classifications par groupe.

Enfants

Comme on s'intéresse beaucoup au bien-être des enfants au Canada, commençons par examiner le faible revenu chez les enfants.1 La figure 3.1 indique le taux et l'écart relatif du faible revenu pour les enfants canadiens de 1976 à 2009. Le faible revenu chez les enfants peut être caractérisé par deux périodes de mouvement haussier et deux périodes de parcours à la baisse. De la fin des années 1970 au début des années 1980, le taux de faible revenu a augmenté d'environ 3 points de pourcentage selon le seuil de faible revenu (SFR) et la mesure du faible revenu (MFR). Ensuite, il y a eu une période où le taux de faible revenu s'est replié de 3 points de pourcentage selon la MFR et de 4 points de pourcentage selon le SFR. La deuxième période de mouvement à la hausse a commencé vers la fin des années 1980 et a duré jusqu'au milieu des années 1990. Ensuite, il y a eu une longue période d'amélioration du faible revenu, qui a duré une quinzaine d'années, jusqu'en 2007. Le repli du faible revenu chez les enfants a été particulièrement marqué selon les deux normes fixes, le SFR et la mesure du panier de consommation (MPC).

Le faible revenu chez les enfants canadiens comporte plusieurs caractéristiques intéressantes. D'abord, le faible revenu chez les enfants était parfois assez élevé. Par exemple, en 1997, les taux de faible revenu pour les enfants allaient jusqu'à 17 % et 18 % selon la MFR et le SFR respectivement, beaucoup plus que les proportions de 13 % et de 15 % chez les adultes en âge de travailler. Cependant, dans l'ensemble, le taux de faible revenu chez les enfants était inférieur au taux des personnes appartenant à plusieurs autres groupes vulnérables.

Deuxièmement, les mesures du faible revenu chez les enfants selon diverses lignes étaient très rapprochées les unes des autres jusqu'à la fin des années 1990. Dès les années 2000, les différentes lignes ont donné des résultats quelque peu différents. En particulier, le faible revenu selon la MFR est demeuré stable pendant la période de 2000 à 2009, tandis que le faible revenu selon le SFR et la MPC a continué de baisser pendant cette période. Selon le SFR, le taux de faible revenu a diminué de cinq points de pourcentage, passant de 14 % en 2000 à 9 % en 2009, tandis que selon la MPC, il a baissé de quatre points de pourcentage, passant d'environ 14 % en 2000 à 10 % en 2008. Toutefois, selon la MFR, le taux de faible revenu des enfants est demeuré pratiquement inchangé sur la même période.

Figure 3.1 Taux (graphique supérieur) et écart relatif du faible revenu (graphique inférieur) pour les enfantsFigure 3.1 Taux (graphique supérieur) et écart relatif du faible revenu (graphique inférieur) pour les enfants
Troisièmement, les variations à court terme des taux de faible revenu selon différentes lignes de 2007 à 2009 ont attiré notre attention. De 2007 à 2008, le taux de faible revenu selon le SFR a diminué d'une moitié de point de pourcentage. Cependant, cette baisse n'est probablement pas synonyme d'une augmentation du bien-être économique des enfants canadiens pendant cette période. D'une part, la baisse du taux de faible revenu n'était pas statistiquement significative.2 D'autre part, l'écart relatif (graphique inférieur, figure 3.1) et la gravité (non illustrée ici) selon le SFR ont en fait légèrement augmenté. Autrement dit, le « repli » du taux de faible revenu selon le SFR n'était pas influencé par les mouvements des indices de l'écart relatif et de la gravité selon la même ligne.

En revanche, le nombre d'enfants à faible revenu selon la MPC et la MFR a augmenté en 2008. Cette hausse s'est maintenue en 2009 selon la MPC, alors qu'elle a diminué légèrement selon la MFR. Comme on peut le voir à la figure 3.1, le taux de faible revenu des enfants selon la MPC a augmenté, pour passer de 9,4 % en 2007 à 10,3 % en 2008, puis à 11,6 % en 2009, le taux de faible revenu en 2009 étant plus élevé qu'en 2007 par une signifiance marginale.

Personnes âgées

Il y a eu une baisse à long terme du faible revenu chez les personnes âgées (65 ans et plus) depuis la fin des années 1970. La figure 3.2 indique que des baisses spectaculaires des taux de faible revenu pour les personnes âgées sont survenues de la fin des années 1970 au milieu des années 1990 selon le SFR et la MFR. Nous avons également relevé des tendances semblables en ce qui concerne l'écart relatif et les indices de gravité du faible revenu pour cette période selon le SFR et la MFR. Cependant, les tendances du faible revenu selon différentes lignes ont commencé à diverger au milieu des années 1990. Selon le SFR et plus tard selon la MPC, le faible revenu a continué de suivre une tendance généralement à la baisse. Cependant, selon la MFR, le faible revenu a commencé à suivre une tendance à la hausse.

Néanmoins, la tendance haussière du taux de faible revenu selon la MFR n'indique probablement pas une aggravation sérieuse de la situation de faible revenu pour les personnes âgées. D'une part, le taux de faible revenu selon le SFR a continué de se replier au cours des dernières années. Par exemple, selon le SFR, le taux de faible revenu pour les personnes âgées est passé d'environ 10 % en 1995 à environ 5 % en 2007. D'autre part, nos calculs (non montrés ici) portent à croire que d'autres indices du faible revenu étaient relativement bas, peu importe la ligne de faible revenu employé. Les écarts relatifs étaient toujours inférieurs à 2 %, tandis que les indices de gravité étaient généralement au-dessous d'un demi-point de pourcentage, soit bien au-dessous de ceux de l'ensemble de la population (figures 2.7 et 2.8).

Toutefois, le développement du faible revenu des personnes âgées de 2007 à 2009 mérite d'être mentionné. Comparativement à 2007, le taux de faible revenu des personnes âgées a augmenté selon la MFR et la MPC en 2009. L'augmentation selon la MFR se situait aux alentours d'un point de pourcentage, et la variation était légèrement significative. Cependant, selon la MPC, le taux de faible revenu a doublé entre 2007 et 2009, passant de 2,1 % à 4,2 % (une hausse significative). Ces changements portent à croire que le taux de faible revenu chez les personnes âgées est plus sensible aux fluctuations économiques que chez les autres groupes parce que, comme l'a indiqué Osberg (2001), il y a des sommets dans la répartition du revenu des personnes âgées autour du seuil de faible revenu, de sorte qu'une légère variation de leur revenu ou du seuil peut donner lieu à une forte variation de l'incidence. C'est aussi probablement la raison pour laquelle les variations de l'écart relatif ou de la gravité du faible revenu étaient faibles selon tous les seuils.

Figure 3.2. Taux de faible revenu chez les personnes âgées, 1976 à 2009Figure 3.2. Taux de faible revenu chez les personnes âgées, 1976 à 2009
Depuis 1995, l'augmentation du taux de faible revenu pour les personnes âgées selon la MFR indiquait que leur revenu n'a pas augmenté aussi rapidement que le revenu des personnes non âgées. Comme on peut le constater à partir du graphique supérieur de la figure 3.3, l'évolution du revenu (après impôt et transferts) des personnes âgées et des personnes non âgées de 1976 à 2009 peut être divisée en trois étapes. De 1976 à 1989, le revenu des personnes âgées et des personnes non âgées suivait une tendance semblable. De 1990 à 1997, les revenus des deux groupes ont augmenté lentement, tandis que le revenu des personnes âgées a augmenté légèrement plus vite que celui des personnes non âgées. Toutefois, dès 1998, les parcours du revenu des personnes âgées et des personnes non âgées ont commencé à diverger, le revenu des personnes non âgées ayant crû à un taux de plus en plus élevé par rapport à celui des personnes âgées.

Un facteur possible pouvant expliquer la croissance plus lente du revenu des personnes âgées à la troisième étape était la croissance au ralenti des transferts gouvernementaux aux personnes âgées. Le graphique inférieur de la figure 3.3 indique la croissance du total des transferts gouvernementaux aux Canadiens âgés pendant la période de 1976 à 2009. Dès le début des années 1990, la médiane des transferts gouvernementaux aux personnes âgées a augmenté à un rythme plus lent par rapport à la période précédant le début des années 1990. En effet, de 1976 à 1994, le taux de croissance annualisé de la médiane des transferts gouvernementaux aux personnes âgées se chiffrait à 8,7 %, tandis que de 1995 à 2009, le taux de croissance annualisé se situait à 2,0 %.

Figure 3.3 Revenu moyen par groupe d'âge (graphique supérieur) et transferts gouvernementaux aux personnes âgées (graphique inférieur)Figure 3.3 Revenu moyen par groupe d'âge (graphique supérieur) et transferts gouvernementaux aux personnes âgées (graphique inférieur)

Personnes vivant dans des familles monoparentales (parents seuls)

Le faible revenu chez les parents seuls au Canada a été récemment examiné par Richards (2010), qui caractérisait la remarquable baisse du taux de faible revenu pour les parents seuls comme une réussite. Le présent rapport ajoute deux perspectives à ses travaux.3
D'abord, nous avons examiné les statistiques sur le faible revenu de l'ordre plus élevé, en plus du taux de faible revenu, pour les parents seuls. Comme on peut le voir d'après le graphique supérieur de la figure 3.4, les taux de faible revenu chez les parents seuls ont fluctué de 40 % à 50 % pendant une vingtaine d'années, de 1976 à 1996, selon le SFR et la MFR. Richards (2010) a remarqué une tendance à la baisse à long terme du taux de faible revenu, commencée en 1997, le repli s'étant fait plus prononcé pour atteindre un creux historique en 2007. Toutefois, l'écart relatif et les indices de gravité ont évolué quelque peu différemment par rapport au taux de faible revenu. Le graphique inférieur de la figure 3.4 suggère que l'ampleur du faible revenu a amorcé une tendance à la baisse à long terme bien avant 1997, au moment où le taux de faible revenu commençait à diminuer. Nous avons également calculé les indices de gravité selon différents seuils de faible revenu pour la période de 1976 à 2009 et constaté que la tendance était semblable à celle de l'écart relatif.

Figure 3.4 Taux (graphique supérieur) et écart relatif (graphique inférieur) de faible revenu pour les parents seulsFigure 3.4 Taux (graphique supérieur) et écart relatif (graphique inférieur) de faible revenu pour les parents seuls
Deuxièmement, en dépit de la légère hausse du faible revenu pour l'ensemble de la population de 2007 à 2009, le faible revenu pour les parents seuls n'a pas augmenté pendant cette période. Au lieu de cela, il a maintenu une tendance à la baisse amorcée plus tôt (1997 dans le cas du taux de faible revenu et 1986 dans le cas de l'écart relatif du et de la gravité du faible revenu) selon le SFR et la MFR (et plus tard, selon la MPC). En outre, la baisse du taux de faible revenu selon le SFR, les replis de l'écart relatif et de l'indice de gravité du faible revenu de 2007 à 2009 étaient tous minimes. Par conséquent, la tendance du faible revenu chez les parents seuls était différente de celle de l'ensemble de la population.

L'évolution du faible revenu pour les parents seuls de 1976 à 2009 semblait coïncider avec un bassin croissant de main-d'œuvre chez les parents seuls. La figure 3.5 montre le pourcentage de parents seuls travaillant 50 semaines ou plus pendant cette période. Avant 1998, le pourcentage de parents seuls travaillant 50 semaines ou plus variait, mais il ne dépassait jamais 40 %. Depuis, une tendance haussière est ressortie, et le pourcentage de parents seuls travaillant 50 semaines ou plus dépassait normalement 50 %.

Figure 3.5 Pourcentage de parents seuls travaillant de 50 à 53 semaines par annéeFigure 3.5 Pourcentage de parents seuls travaillant de 50 à 53 semaines par année
Néanmoins, la variation du faible revenu pour les parents seuls de 2007 à 2009 donne lieu à une question intéressante : le faible revenu chez les parents seuls est-il moins sensible à une récession que pour l'ensemble de la population? Une direction pour une analyse approfondie serait d'examiner les industries ou les professions où travaillaient les parents seuls. Par exemple, de 2007 à 2008, le PIB des industries de biens a diminué de près de 4 %, tandis que le celui du secteur tertiaire a augmenté de 5 %. La vaste majorité des parents seuls sont des femmes, et compte tenu de leur activité accrue sur le marché du travail, on ne s'attendrait pas à une hausse du taux de faible revenu dans ce groupe, qui a tendance à travailler dans des industries ou des professions moins vulnérables à une récession.

Personnes non âgées hors famille

Ici, nous définissons les personnes non âgées hors famille comme les personnes de 45 à 64 ans qui vivent seules. Les incidences du faible revenu pour ce groupe pendant la période de 1976 à 2009 sont indiquées dans la figure 3.6. L'incidence , ainsi que l'écart relatif et la gravité du faible revenu, étaient généralement élevés pour ce groupe de personnes. Par exemple, les incidences demeuraient au-dessus de 30 % selon le SFR, la MFR et la MPC, même pendant la période de 2000 à 2009. De même, leurs écarts relatifs et leurs indices de gravité de faible revenu (non indiqués) étaient également beaucoup plus élevés que ceux de l'ensemble de la population.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer les indices élevés du faible revenu dans ce groupe. D'abord, la limite d'âge supérieure de 64 ans suggère que ces personnes ne sont pas à l'âge normal de la retraite et donc, une proportion considérable d'entre elles n'est pas admissible à des pensions de retraite et à d'autres prestations de vieillesse. Ensuite, ces personnes peuvent souffrir d'autres risques et vulnérabilités. Par exemple, de 2000 à 2009, environ un quart du groupe avait également un handicap.4 Enfin, la façon dont le faible revenu est mesuré suppose que, toutes choses étant égales par ailleurs, les statistiques sur le faible revenu pour les personnes vivant seules seraient plus élevées que pour les personnes vivant avec d'autres, parce qu'elles ne bénéficient pas d'économies d'échelle de la consommation autant que les autres.

Figure 3.6 Taux de faible revenu pour les personnes non âgées hors famille et pourcentage de ces personnes qui ne travaillent pasFigure 3.6 Taux de faible revenu pour les personnes non âgées hors famille et pourcentage de ces personnes qui ne travaillent pas
Compte tenu du taux d'activité relativement faible, on pourrait être tenté de jumeler les transferts gouvernementaux à ce groupe de personnes avec leur catégorie de faible revenu. Une analyse plus poussée révèle que l'activité sur le marché du travail, et non pas les transferts gouvernementaux, était fortement corrélée au faible revenu pour les personnes non âgées hors famille. Une caractéristique particulière de ce groupe était qu'une importante proportion de ses membres ne travaillait pas. La figure 3.6 (axe de droite) indique que, de 1976 à 1980, environ le tiers d'entre eux ne travaillaient pas. Cette proportion a augmenté de façon constante, pour atteindre 45 % en 1998. Depuis, le pourcentage de personnes hors famille ne travaillant pas a diminué, pour tomber à 35 % pendant la période de 2007 à 2009. Ces résultats semblent suggérer que le taux de faible revenu de ces personnes a évolué parallèlement à la proportion de personnes non âgées hors famille qui ne travaillaient pas.

En revanche, les transferts gouvernementaux ont évolué différemment des revenus non liés aux transferts. La moyenne et le revenu médian après impôt de ce groupe de personnes ont significativement augmenté au fil du temps. La seule exception s'est produite au cours des années 90, où il y a eu peu de changement. Par ailleurs, les transferts gouvernementaux à ce groupe ont augmenté rapidement de 1976 jusqu'au début des années 1990, mais ils sont demeurés au même niveau par la suite.5 De 1976 à 1994, le ratio des transferts gouvernementaux moyens par rapport au revenu moyen après impôt pour ce groupe a augmenté constamment, passant de 10 % à 23 %, puis il s'est replié rapidement pour tomber à environ 14 % en 2007 et par la suite.

Lorsque l'on compare l'évolution du revenu et des transferts gouvernementaux avec l'évolution du faible revenu pour les personnes non âgées hors famille, on peut constater que : (a) malgré l'augmentation du revenu de 1976 au début des années 1990, le faible revenu dans le groupe n'a pas diminué, et (b) malgré les transferts gouvernementaux stables après le début des années 1990, le faible revenu a continué de diminuer. Par conséquent, la corrélation entre les transferts gouvernementaux et le faible revenu pour ce groupe était mitigée, tandis que la corrélation entre l'offre de main-d'œuvre et le faible revenu dans ce groupe était assez forte à long terme6.

Immigrants récents

Il est bien connu que les gains des cohortes récentes d'immigrants se sont détériorés au cours des deux dernières décennies. De plus, certaines données suggèrent également que le taux d'activité sur le marché du travail et le taux d'emploi des nouveaux immigrants se sont détériorés.7 Toutes choses étant égales par ailleurs, ces facteurs supposent que les immigrants récents auraient une meilleure chance de tomber dans la catégorie du faible revenu que leurs homologues des décennies précédentes.8 Toutefois, l'évolution du faible revenu chez les immigrants récents s'est avérée plus complexe. La figure 3.7 présente les taux de faible revenu des immigrants récents pendant la période de 1976 à 2009.9 La figure montre que le taux de faible revenu des immigrants récents était relativement faible dans les années 1970. Il avait triplé au milieu des années 1990, et il s'est replié considérablement depuis. Cependant, ces dernières années, le taux de faible revenu des immigrants récents a commencé à afficher une tendance à la hausse.

La détérioration de la capacité de gain des immigrants récents était associée à un plus grand écart entre les gains des immigrants récents et ceux de la population née au Canada. Cette tendance se reflète directement dans les statistiques du faible revenu pour les immigrants récents. Toutefois, d'autres facteurs jouaient également un rôle important. En particulier, l'évolution du faible revenu chez les immigrants récents semble fortement touchée par l'emploi total des familles d'immigrants récents. La figure 3.7 contient le nombre moyen de semaines travaillées par les membres de la famille d'immigrants récents pendant la période de 1976 à 2009. Il avait diminué par rapport aux années 1970, pour atteindre le plus bas niveau au milieu des années 1990. Au cours des années 90, il oscillait aux alentours de 30 semaines par année. Par conséquent, le revenu des immigrants récents a stagné pendant la majorité de la décennie. Toutefois, dès la fin des années 1990, une tendance à la hausse de l'emploi pour les immigrants récents a commencé, parallèlement aux replis du taux de faible revenu et d'autres indicateurs.

L'augmentation du taux de faible revenu chez les immigrants récents et le fait que ce taux était plus élevé après les années 1990 pourraient également être touchés par un facteur moins bien connu : la proportion d'étudiants parmi les immigrants récents a progressivement augmenté au cours des 30 dernières années. Avant le milieu des années 1990, environ 15 % des immigrants récents étaient des étudiants. Cette proportion était semblable à celle des étudiants dans la population née au Canada et la population d'immigrants plus âgés. Toutefois, après le milieu des années 1990, la proportion d'étudiants a augmenté pour atteindre plus de 25 % chez les immigrants récents, bien plus que la proportion de 18 % pour les immigrants plus âgés et pour les personnes nées au Canada.10

Figure 3.7 Taux de faible revenu chez les immigrants récents et leurs semaines travaillées par annéeFigure 3.7 Taux de faible revenu chez les immigrants récents et leurs semaines travaillées par année
Comme mentionné au chapitre précédent, le faible revenu dans l'ensemble de la population a maintenu une tendance à la baisse jusqu'en 2007. Une tendance semblable a été relevée chez les immigrants récents au moyen de la MPC.11 Cependant, le taux de faible revenu des immigrants récents, lorsque mesuré selon le SFR et la MFR, a légèrement augmenté de 2005 à 2007. Nous avons également examiné les indices du faible revenu d'ordre plus élevé et constaté que les variations de l'écart relatif et des indices de gravité selon les trois lignes suivaient la même tendance à la baisse du taux de faible revenu que selon la MPC. Ces données suggèrent que les statistiques sur le faible revenu selon le SFR et la MFR réagissent différemment aux données selon la MPC pour les immigrants récents. Comme mentionné dans Zhang (2010), les immigrants récents sont les plus enclins à s'établir dans les grandes villes, où le coût de la vie est normalement élevé. Par ailleurs, nous savons que le même SFR et la même MFR s'appliquent à toutes les grandes villes, tandis que la MPC est différente dans chaque ville12.

La figure 3.7 indique également que le début de la récession en 2008 a touché le taux de faible revenu pour les immigrants récents. Alors que leur nombre de semaines travaillées en 2008 a diminué subitement, leurs taux de faible revenu ont augmenté de 3 points de pourcentage selon le SFR et d'environ 4 points de pourcentage selon la MFR et la MPC, comparativement à ceux de 2007. Cependant, seule la variation selon la MPC était légèrement significative. L'écart relatif et les indices de gravité selon différentes lignes ont également augmenté, mais ces variations n'étaient pas significatives.

Autochtones hors réserve

Le faible revenu chez les Autochtones est une préoccupation au Canada. Cependant, les données de l'EDTR nous permettent seulement d'examiner le faible revenu des Autochtones hors réserve pendant la période de 1996 à 2009. Nous considérons une personne comme autochtone si elle répond à au moins un des trois critères suivants : (1) une personne a déclaré être un membre du groupe désigné des Autochtones aux fins de l'équité en matière d'emploi; (2) une personne a déclaré avoir des antécédents autochtones; ou (3) une personne s'est identifiée comme faisant partie du groupe des Indiens visés par un traité ou des Indiens inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada.

La figure 3.8 contient les tendances du taux et de l'écart relatif du faible revenu pour les Autochtones hors réserve pour la période de 1996 à 2009 selon le SFR, la MFR et la. À l'instar du taux de faible revenu pour les parents seuls et les immigrants récents, le taux de faible revenu des Autochtones hors réserve a fléchi selon les trois lignes ces dernières années. La baisse du taux de faible revenu suivait de près les replis de l'écart relatif (figure 3.8, graphique inférieur) et les indices de gravité (non montrés). Cependant, le taux de faible revenu selon la MFR affiche une tendance plus stable depuis 2000, même si cette tendance ne s'accompagnait pas de variations semblables de l'écart relatif correspondant et des indices de gravité. En effet, les statistiques sur le faible revenu d'ordre plus élevé selon la MFR ont augmenté brièvement de 2000 à 2003 et, comme pour les deux autres lignes, elles ont affiché une tendance à la baisse de 2004 à 2008. Les tests statistiques portent à croire que l'écart relatif et les indices de gravité selon les trois lignes ont tous subi une baisse significative de 2003 à 2008.

À l'instar des autres groupes de personnes, le faible revenu des Autochtones hors réserve est fortement corrélé à leurs régimes d'emploi. Le graphique supérieur de la figure 3.8 indique la proportion d'Autochtones (de 18 à 64 ans) qui travaillaient à temps plein toute l'année (axe de droite). De 1996 à 2000, la proportion a augmenté de plus de 10 points de pourcentage et est demeurée aux alentours de 46 % par la suite (jusqu'en 2008). Le taux de faible revenu reflétait ces variations, mais en sens inverse : les taux de faible revenu selon la MFR et le SFR se sont repliés d'environ 10 points de pourcentage de 1996 à 2000.

Figure 3.8 Taux de faible revenu des Autochtones hors réserve et pourcentage d'entre eux travaillant à temps plein toute l'année (graphique supérieur),  etécart relatif du faible revenu des  Autochtones hors réserve (graphique inférieur) Figure 3.8 Taux de faible revenu des Autochtones hors réserve et pourcentage d'entre eux travaillant à temps plein toute l'année (graphique supérieur), etécart relatif du faible revenu des Autochtones hors réserve (graphique inférieur)
De 2000 à 2008, la proportion d'Autochtones hors réserve travaillant toute l'année à temps plein était très stable (sauf en 2002, où la proportion a atteint un sommet de 50 %). De même, le taux de faible revenu mesuré par la MFR était également très stable. Cependant, ce taux de faible revenu stable selon la MFR était accompagné d'une tendance à la baisse de l'écart relatif et des indices de gravité. Ce phénomène était probablement attribuable au fait que, pendant cette période, la proportion de travailleurs à temps partiel dans ce groupe a augmenté de plusieurs points de pourcentage. Cette augmentation, bien qu'elle n'ait pas nécessairement réduit l'incidence du faible revenu, favoriserait la réduction de l'écart relatif et de l'indice de gravité.

Toutefois, la récente récession semble avoir touché les Autochtones hors réserve. De 2008 à 2009, le pourcentage de ce groupe de personnes (de 18 à 64 ans) travaillant toute l'année à temps plein a diminué de près de quatre points de pourcentage, pour atteindre environ 42 %, le plus faible niveau depuis 2000. Cette baisse s'est manifestée immédiatement dans les augmentations de l'incidence et l'écart relatif du faible revenu pour les Autochtones hors réserve selon les trois lignes de faible revenu.

Personnes ayant des limitations d'activités

La classification des personnes ayant des limitations d'activités a fait l'objet de quelques révisions à la fin des années 1990. Nous nous sommes concentrés sur les années postérieures à 1999, où une personne est considérée comme ayant des limitations d'activités si elle a déclaré avoir de la difficulté à effectuer des activités quotidiennes ou si elle a déclaré avoir une affection physique ou mentale ou un problème de santé qui réduisait la quantité ou le type d'activités qu'elle pouvait faire à la maison, à l'école ou au travail.

Nous tenons à souligner que les statistiques sur le faible revenu selon les pratiques actuelles au Canada pourraient bien sous-estimer les difficultés éprouvées par les personnes ayant des limitations d'activités. Pour toute personne souffrant de problèmes de santé , on peut raisonnablement présumer que le coût de la vie serait plus élevé que pour une personne identique sauf sur ce point. Cependant, aucun des trois lignes de faible revenu n'en tient compte. En effet, les statistiques sur le faible revenu pour les personnes ayant des limitations d'activités sont calculées de la même façon que celles de toutes les autres personnes, et les statistiques ci-après n'échappent pas à la règle. Néanmoins, nous accordons une attention particulière aux tendances du faible revenu, au lieu du niveau des statistiques.

La figure 3.9 présente les indices des taux et de l'écart relatif du faible revenu pour les personnes ayant des limitations d'activités.13 Le faible revenu selon différentes lignes semblait avoir évolué dans différentes directions au cours de la dernière décennie : le taux , l'écart relatif et les indices de gravité du faible revenu selon la MFR ont augmenté au fil du temps, tandis que ceux selon le SFR et la MPC ont diminué. Par exemple, de 1999 à 2009, le taux de faible revenu selon la MFR a augmenté de 17 % à 20 %, tandis qu'il a diminué de 18 % à 14 % selon le SFR. Cela dit, selon la MPC, il y a eu peu de changement de 2000 à 2009.

En 2004, bien que les taux de faible revenu n'aient pas beaucoup changé par rapport à l'année précédente selon toutes les lignes, il y a eu des hausses ponctuelles marquées de l'écart relatif et des indices de gravité. Par exemple, selon la MPC et la MFR, l'écart relatif a augmenté d'environ un demi-point de pourcentage, et certaines de ces variations étaient statistiquement significatives. Ce phénomène est probablement attribuable à la croissance beaucoup plus lente du revenu des personnes ayant des limitations d'activités par rapport à la variation du revenu de l'ensemble de la population; nos données révèlent que de 2003 à 2004, le revenu médian pour la population générale a augmenté d'environ 3 %, alors que le revenu médian pour les personnes ayant des limitations d'activités est demeuré constant.

Figure 3.9 Taux (graphique supérieur) et écart relatif (graphique inférieur) de faible revenu pour les personnes ayant des limitations d'activités, 1999 à 2009Figure 3.9 Taux (graphique supérieur) et écart relatif (graphique inférieur) de faible revenu pour les personnes ayant des limitations d'activités, 1999 à 2009
À l'instar du faible revenu pour l'ensemble de la population, le faible revenu pour les personnes ayant des limitations d'activités a augmenté en 2008 par rapport au taux de 2007. L'augmentation était robuste selon la MFR, mesurée par les hausses significatives du taux et de l'écart relatif du faible revenu. Fait intéressant, de 2008 à 2009, les statistiques sur le faible revenu n'ont pas changé beaucoup pour les personnes ayant des limitations d'activités.

Sommaire

Dans ce chapitre, nous avons examiné le faible revenu dans des groupes de personnes souvent considérés comme des groupes à risque d'exclusion sociale. Le résultat démontre qu'au cours des dernières décennies, les mesures du faible revenu se sont améliorées le plus pour les Canadiens âgés. Les parents seuls ont également accompli des progrès remarquables, mais leur taux de faible revenu demeurait élevé par rapport aux autres groupes. Toutefois, la situation des personnes non âgées hors famille était probablement la plus grave de tous les groupes, malgré les améliorations observées au cours des 10 dernières années pour ces personnes.

De plus, bien que l'économie canadienne ait joui d'une croissance presque ininterrompue au cours de la dernière décennie et que bon nombre de groupes vulnérables en aient bénéficié en enregistrant des replis significatifs de leur faible revenu, ces groupes n'ont pas tous bénéficié équitablement de la croissance. Par exemple, le faible revenu chez les Canadiens âgés et les Canadiens ayant des limitations d'activités a augmenté dernièrement, du moins selon les mesures relatives.

Enfin, le faible revenu chez les Autochtones hors réserve, les enfants, les immigrants récents ou même les personnes ayant des limitations d'activités représentait environ la moitié de celui des personnes non âgées hors famille ou des parents seuls. Il pourrait encore y avoir des cas où des personnes sont lésées pour d'autres dimensions. Dans le prochain chapitre, nous allons examiner la dimension régionale.


Nota

1. Les enfants sont définis comme les personnes de 17 ans ou moins.

2. Les estimations de l'intervalle de confiance de 95 % en 2007 et en 2008 étaient de [0,0874, 0,1037] et de [0,0823, 0,0994]. Les deux intervalles se recoupent en grande partie.

3. Nous avons également examiné le faible revenu pour les parents seuls au moyen du seuil de la MPC. Le résultat selon ce seuil est essentiellement le même que selon le SFR.

4. Le faible revenu chez les personnes ayant des limitations d'activités était également élevé. Nous y reviendrons plus tard.

5. Il y avait toutefois une certaine différence entre les hommes et les femmes du groupe. Le transfert moyen pour les hommes a diminué pendant cette période, tandis que pour les femmes, il a recommencé à augmenter à la fin des années 1990.

6. Malgré la présence d'une corrélation relativement solide, entre 2008 et 2009, le chômage et le nombre de  bénéficiaires de l'AE ont augmenté, mais l'incidence du faible revenu a diminué pour les personnes non âgées hors famille.

7. À titre d'exemple, voir Aydemir et Skuterud (2004) et les renvois qui s'y trouvent.

8. Dans le présent rapport, les immigrants récents sont définis comme les personnes ayant vécu au Canada de 2 à 10 ans au moment de l'enquête.

9. Les indices de l'écart relatif et de gravité ont suivi une tendance semblable au taux de faible revenu pratiquement toutes les années, sauf en 2006 et en 2007 selon la MPC. Nous reparlerons plus tard de cette différence.

10. Lorsque les étudiants ont été exclus des immigrants récents, le taux de faible revenu a été généralement réduit de 2 à 3 points de pourcentage ces dernières années.

11. Selon la MPC, la baisse du taux de faible revenu pour la population générale de 2005 à 2007 était significative au niveau de confiance 95 %, et celle pour les immigrants récents n'était que légèrement significative.

12. La MPC à Toronto est 8,8 % plus élevée que la MPC à Montréal, et 3,5 % plus élevée que la MPC à Vancouver. La proportion d'immigrants à Toronto et à Vancouver représente au moins le double du niveau à Montréal, mais Vancouver a une plus forte proportion d'immigrants récents que Montréal ou Toronto.

13. La tendance de l'indice de gravité est semblable à celle de l'écart relatif.

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