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  1. Introduction
  2. Données
  3. Répartition des résultats de satisfaction à l'égard de la vie d'une année à l'autre
  4. Contenu des enquêtes et réponses à la question sur la satisfaction à l'égard de la vie
  5. Stabilité des coefficients des corrélats de la satisfaction à l'égard de la vie au fil du temps
  6. Résultats de satisfaction à l'égard de la vie dans une (courte) perspective longitudinale
  7. Conclusions

1   Introduction

Les mesures du bien-être subjectif occupent une place de plus en plus importante dans les discussions stratégiques qui se tiennent à l’échelle internationale concernant le meilleur moyen de mesurer le « progrès sociétal » et le bien-être des populations nationales. Ce point a des répercussions pour les organismes statistiques nationaux, car il leur a été demandé d’incorporer à leurs enquêtes-ménages des mesures du bien-être subjectif 1 . Des initiatives de collecte de données de cette nature soulèvent des questions très variées qu’il faut traiter : Comment devrait-on mesurer le bien-être subjectif? S’il est mesuré en fonction du degré de satisfaction, quels domaines devrait-on prendre en compte, et faudrait-il utiliser des questions à réponse unique ou à réponses multiples? Quelle est l’échelle de réponse qui convient le mieux? La complexité rattachée à toutes ces questions augmente dans un contexte international étant donné la variabilité des mesures du bien-être subjectif d’un pays à l’autre (Organisation de coopération et de développement économiques, 2013). Les organismes statistiques nationaux doivent prendre en compte leurs propres priorités ainsi que les demandes des parties prenantes de leur pays lorsqu’ils envisagent de mener des initiatives de collecte de données sur le bien-être subjectif.

Depuis 25 ans, Statistique Canada incorpore des mesures du bien-être subjectif — en particulier la satisfaction à l’égard de la vie — à ses enquêtes, quoique le libellé des questions et les catégories de réponse aient évolué avec le temps. L’Enquête sociale générale (ESG) et l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada fournissent une occasion appréciable d’examiner de plus près la stabilité des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie et de leurs corrélats au fil des ans à partir d’un cadre analytique cohérent. Il s’agit d’enquêtes à grande échelle qui sont représentatives de la population nationale et qui se déroulent annuellement. Chaque année, l’ESG est menée auprès d’un échantillon variant de 15 000 à 25 000 répondants; dans le cas de l’ESCC, le nombre de répondants dépasse les 60 000. Au cours de la période de 2003 à 2011, soit la période de référence de la présente analyse, l’ESG et l’ESCC ont utilisé une question relativement uniforme sur la satisfaction à l’égard de la vie; de même, les données sur les caractéristiques socioéconomiques des répondants ont été recueillies et codées de façon uniforme.

Tirant parti des points forts de ces enquêtes, la présente étude traite de deux questions. D’abord, quel degré de variabilité observe-t-on d’une année et d’une enquête à l’autre en ce qui concerne la répartition des réponses aux questions sur la satisfaction à l’égard de la vie? Ensuite, quel degré de variabilité observe-t-on dans l’orientation et l’ampleur de la corrélation entre la satisfaction à l’égard de la vie et un ensemble uniforme de caractéristiques socioéconomiques?

La présente étude nous apprend que le degré moyen de satisfaction à l’égard de la vie déclaré dans chaque ensemble de données transversales de l’ESG varie d’une année à l’autre, mais qu’il demeure stable lors des trois cycles de l’ESCC. Ces variations d’une enquête et d’une année d’enquête à l’autre sont probablement associées au large éventail de contenu de chaque enquête ainsi qu’aux questions précédant celles sur la satisfaction à l’égard de la vie. Cela dit, indépendamment des variations annuelles du degré de satisfaction moyen, l’association entre la satisfaction à l’égard de la vie et ses corrélats demeure généralement stable au fil du temps.

Le reste du document de recherche comporte six sections. La section 2 présente un aperçu de l’ESG et de l’ESCC. La section 3 fait état de la répartition des résultats de satisfaction à l’égard de la vie lors des années 2003, 2005, 2006, 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’ESG et des années 2009, 2010 et 2011 de l’ESCC. La section 4 porte sur le contexte des enquêtes, le positionnement des questions et le moment de la collecte en tant que facteurs pouvant concourir à la variabilité des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie au fil du temps. À la section 5, la variabilité de la corrélation entre la satisfaction à l’égard de la vie et certains facteurs socioéconomiques standard est examinée au cours des sept années de l’ESG et des trois années de l’ESCC. La section 6 présente une comparaison de la variabilité des résultats de satisfaction à l’égard de la vie entre les enquêtes de 2006 et de 2007 dans le cas d’un petit sous-échantillon de répondants à l’ESG qui ont participé à cette enquête lors des deux années en question. Les conclusions sont exposées à la section 7.

2   Données

L’Enquête sociale générale (ESG) de Statistique Canada vise deux grands objectifs : (i) recueillir des données afin de suivre l’évolution des conditions de vie et du bien-être des Canadiens au fil du temps; (ii) fournir des données sur des enjeux de politique sociale précis qui suscitent déjà ou qui susciteront de l’intérêt. Les thèmes abordés sont repris à tour de rôle à l’intérieur d’un cycle de cinq ans; ils sont présentés au tableau 1. La population cible de l’ESG comprend toute personne de 15 ans et plus ne vivant pas en établissement et résidant dans l’une des dix provinces du Canada  2 . Les données sont recueillies au moyen d’interviews téléphoniques assistées par ordinateur. La sélection des ménages se fait par des méthodes de composition aléatoire, et l’un des membres (de 15 ans ou plus) des ménages est choisi au hasard pour participer à l’enquête. Les interviews par procuration ne sont pas permises 3 . Au cours de la période de référence, soit de 2003 à 2011, la taille de l’échantillon allait généralement de 19 000 à 24 000 répondants environ, ce nombre étant toutefois un peu plus bas en 2010 (approximativement 15 400). Le taux de non-réponse a varié de 32 % à 45 % pour les années 2005 à 2010, mais il a été moins élevé en 2003 (22 %).

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) est l’une des principales sources de données à l’appui de la surveillance de la santé et de la recherche sur la santé de la population au Canada. Elle sert à recueillir un large éventail de données à propos de la santé et du bien-être, de facteurs qui ont une incidence sur la santé, de l’utilisation du système de santé ainsi que d’un ensemble standard de caractéristiques démographiques et socioéconomiques. L’ESCC vise la population canadienne de 12 ans et plus. La méthode d’interview sur place assistée par ordinateur a été utilisée pour environ la moitié des interviews; les interviews téléphoniques assistées par ordinateur représentant l’autre moitié. Le taux de non-réponse s’établit de 27 % (2009) à 30 % (2011). La taille totale de l’échantillon de l’ESCC a été de 61 673 répondants en 2009, de 63 197 en 2010 et de 63 542 en 2011. Par souci d’uniformité avec le groupe d’âge dans le cadre de l’ESG, seuls les répondants de 15 ans et plus ont été pris en compte dans l’analyse.

Lors de l’Enquête sociale générale de 2003, de 2005 et de 2006, on posait aux répondants une série de questions sur leur satisfaction à l’égard de différentes sphères de la vie. Les répondants devaient fournir des réponses selon une échelle de dix points.

  1. Je vais vous demander d'évaluer certains aspects de votre vie. Veuillez évaluer ces aspects de votre vie à l'aide d'une échelle de 1 à 10, où 1 signifie « Très insatisfait » et 10 signifie « Très satisfait ».
  1. Que diriez-vous de... votre santé?
  2. ... votre emploi ou votre activité principale?
  3. ... l'emploi de votre temps libre?
  4. ... votre situation financière?
  1. En utilisant la même échelle, quel sentiment éprouvez-vous maintenant à l'égard de votre vie?

Dans le cadre de l’Enquête sociale générale de 2008, de 2009 et de 2010, une seule question était posée aux répondants concernant leur satisfaction à l’égard de la vie, toujours selon une échelle de dix points.

  1. À l'aide d'une échelle de 1 à 10, quel sentiment éprouvez-vous [maintenant] à l'égard de votre vie, où 1 signifie « Très insatisfait / insatisfaite » et 10 signifie « Très satisfait / satisfaite »?

Cette même question a été posée lors de l’ESG de 2007, mais l’échantillon était limité aux personnes de 45 ans et plus 4 . L’Enquête sociale générale de 2004 (sur le thème de la victimisation) ne comportait pas de question sur la satisfaction à l’égard de la vie. Avant 2003, une question très différente était posée sur la satisfaction à l’égard de la vie, et quatre catégories de réponse étaient proposées 5 .

Bien que le libellé de la question sur la satisfaction à l’égard de la vie ait changé à l’intérieur de la période de référence (de 2003 à 2011), les deux versions de la question comportaient le passage « quel sentiment éprouvez-vous [maintenant] à l’égard de votre vie ». La présente étude vise notamment à déterminer si l’inclusion ou l’exclusion des quatre questions précédentes concernant des sphères particulières de la vie a pu influer sur les réponses à cette question.

La question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans l’ESG de 2011 et dans l’ESCC de 2009, de 2010 et de 2011 est la même que celle utilisée dans l’ESG de 2008, de 2009 et de 2010 6 . Toutefois, en 2011, l’échelle de réponse dans le cadre de l’ESG est passée à 11 points, où 0 (et non plus 1) signifiait « très insatisfait » et 10, « très satisfait ». Cette modification de l’échelle a un effet négligeable sur la comparabilité du degré de satisfaction à l’égard de la vie au fil du temps (discussion à la section 3). Une échelle de 11 points a été utilisée lors des trois années de l’ESCC 7 .

Lors de chaque année d’enquête de 2003 à 2011, de 96 % à 99 % environ des répondants à l’ESG et à l’ESCC ont fourni une réponse valide à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie; la non-réponse à cette question a varié de 1,3 % à 4,2 % (tableau 2). Il s’agit d’un taux légèrement supérieur à celui observé pour des variables démographiques standard, comme le niveau de scolarité (de 0,9 % à 1,9 %), l’état de santé autoévalué (de 0,1 % à 1,7 %) et le pays de naissance (de 1,3 % à 1,6 %), mais ce taux est beaucoup plus bas que celui rattaché au revenu personnel (de 17 % à 30 %). Seules les réponses valides à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie sont prises en compte aux fins de la présente analyse.

3   Répartition des résultats de satisfaction à l'égard de la vie d'une année à l'autre

Dans le cadre de discussions internationales actuellement en cours, il est proposé que les organismes statistiques nationaux utilisent des mesures du bien-être subjectif — dont la satisfaction à l’égard de la vie — pour évaluer le bien-être (Organisation de coopération et de développement économiques, 2013). Les tendances associées à la satisfaction à l’égard de la vie peuvent être observées au fil du temps de manière à en suivre l’évolution, et il est possible d’évaluer les écarts entre les groupes géographiques et démographiques infranationaux. Dans les deux cas, il est important de mesurer d’autres variables susceptibles d’expliquer les changements reliés à la satisfaction à l’égard de la vie au fil du temps ainsi que ceux entre les sous-groupes de la population.

Les répartitions brutes des répondants à l’ESG de 2003 à 2011 sur l’échelle d’évaluation de la satisfaction à l’égard de la vie et à l’ESCC de 2009, 2010 et 2011 sont présentées au tableau 3. Le niveau médian est de 8 lors de chaque année; il y a au plus 2 % des répondants dont le résultat de satisfaction global est de 2 ou moins et au plus 5 % des répondants qui ont indiqué un résultat inférieur à 5, et ce, que l’échelle utilisée compte 10 ou 11 points (échelle de 1 à 10 ou de 0 à 10, respectivement). Il semble que le passage d’une échelle de 10 points à une échelle de 11 points ait principalement une incidence sur les profils de réponse dans la partie inférieure de l’échelle. Si l’on fait exception de l’ESG de 2010, de 0,6 % à 0,7 % des répondants ont choisi le résultat 1 sur l’échelle de dix points de l’ESG; à la suite du passage à l’échelle de 11 points dans l’ESG de 2011, 0,5 % des répondants ont choisi le résultat 0, et 0,2 % ont choisi le résultat 1. Donc, là encore, 0,7 % des répondants ont choisi le résultat 0 ou 1. De même, de 0,5 % à 0,7 % des répondants à l’ESCC ont choisi le résultat 0 ou 1 sur l’échelle de 11 points.

La variation dans la répartition des résultats de satisfaction à l’égard de la vie au fil des dix années d’enquête se situe à l’intérieur des limites enregistrées lors de l’ESG de 2005 et de 2010 (limite inférieure) et lors de l’ESG de 2009 (limite supérieure). À titre d’exemple, la proportion de répondants ayant choisi un résultat de 9 ou de 10 sur l’échelle de réponse a été de quelque 31 % lors de l’ESG de 2005, de 29 % lors de l’ESG de 2010 et de 47 % lors de l’ESG de 2009, soit un écart de quelque 18 points de pourcentage. De 36 % à 42 % environ des répondants ont choisi un résultat de 9 ou de 10 lors des quatre autres années de l’ESG (2003, 2006, 2008 et 2011) et lors des trois années de l’ESCC. Le résultat moyen de satisfaction à l’égard de la vie dans le cadre de l’ESG va de 7,60 à 8,32, avec un écart type de 1,61 à 1,78. Les résultats de satisfaction à l’égard de la vie étaient uniformes lors des trois années de l’ESCC (tableau 4).

Différentes raisons peuvent faire en sorte que les résultats de satisfaction à l’égard de la vie varient d’une année à l’autre. La variabilité d’échantillonnage est l’une des raisons étant donné que les proportions de répondants présentant des caractéristiques associées à la satisfaction à l’égard de la vie peuvent varier de façon aléatoire d’une année à l’autre et influer sur la répartition des résultats au niveau de l’échelle de réponse. À cet égard, des techniques multivariées permettent de prendre en compte les différences dans les caractéristiques observées au fil des ans, dans la mesure où l’on dispose de données sur toutes les covariables pertinentes au regard des enquêtes examinées.

Lorsque l’on apporte des ajustements au titre des différences concernant les caractéristiques socioéconomiques des répondants, on obtient des résultats similaires aux profils des résultats de satisfaction à l’égard de la vie sans ajustement (tableau 4). Un modèle de régression par les moindres carrés ordinaires (MCO) dans lequel les résultats de satisfaction à l’égard de la vie servent de variable dépendante a été exécuté de façon distincte pour chacun des dix échantillons ainsi que pour un échantillon regroupé comprenant des répondants des dix échantillons. Au total, 13 caractéristiques socioéconomiques ont été utilisées à titre de variables indépendantes (pour de plus amples renseignements, consulter la section 5). De plus, des variables nominales indiquant l’année d’enquête ont été incorporées au modèle à partir des données regroupées. Lorsque des caractéristiques observées ont été prises en compte, des écarts importants ont subsisté dans les résultats de satisfaction à l’égard de la vie d’une enquête et d’une année à l’autre (voir aussi le tableau 5, modèle 2) 8 . Qu’ils soient ajustés ou non, les résultats de satisfaction à l’égard de la vie ont culminé lors de l’ESG de 2009, tandis que leur niveau le plus bas est survenu lors de l’ESG de 2005 et de celle de 2010. L’écart le plus marqué survient entre l’ESG de 2009 et celle de 2010 — 0,72 lorsque le résultat n’est pas ajusté, et 0,59 lorsqu’il est ajusté. Ces résultats laissent penser que les écarts concernant les caractéristiques observées des répondants ne rendent pas compte des variations des résultats de satisfaction à l’égard de la vie d’une enquête et d’une année d’enquête à l’autre.

Outre la variabilité d’échantillonnage, la variation des résultats moyens de satisfaction à l’égard de la vie ou de la répartition des résultats au fil des ans peut tenir à des changements dans la manière dont les gens évaluent leur vie. De plus, les réponses peuvent différer en raison des caractéristiques de l’enquête elle-même, comme le genre de questions précédant celle sur la satisfaction à l’égard de la vie. Par exemple, il semble ressortir d’expériences d’enquête menées par l’Office for National Statistics du Royaume-Uni que les répondants tendent à faire état d’un degré de satisfaction à l’égard de la vie qui est moins élevé lorsque la question à ce sujet suit des questions sur des mesures affectives du bien-être subjectif (p. ex. heureux, anxieux) que lorsque cet ordre est inversé (Office for National Statistics, 2012). Ces explications possibles sont examinées dans la prochaine section.

4   Contenu des enquêtes et réponses à la question sur la satisfaction à l'égard de la vie

Les changements concernant le contenu et le plan des enquêtes d’une année à l’autre expliquent sans doute une partie des écarts dans les résultats moyens de satisfaction à l’égard de la vie. On peut le constater en comparant les répartitions et le niveau moyen des résultats de satisfaction à l’égard de la vie selon les données de l’ESG et de l’ESCC recueillies au cours de la même période. La question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans l’ESCC de 2009, de 2010 et de 2011 est la même que celle de l’ESG de ces mêmes années, si ce n’est que l’échelle utilisée compte 11 points. La question se situe tout près du début de l’ESCC; elle suit les questions sur les caractéristiques démographiques de base et est précédée de questions sur l’état de santé autoévalué. Le sujet de l’ESCC demeure le même au fil des ans; au contraire, dans le cas de l’ESG, les thèmes généraux changent chaque année, habituellement selon un cycle de cinq ans. Il y a aussi eu des changements en ce qui concerne le positionnement de la question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans l’ESG. L’ESG de 2009 met l’accent sur le thème de la victimisation, et la question sur la satisfaction à l’égard de la vie se trouve près de la fin du questionnaire. Dans l’ESG de 2010, le thème principal est l’emploi du temps, et la question sur la satisfaction à l’égard de la vie suit des questions sur l’emploi du temps. Le thème clé de l’ESG de 2011 est la famille, et la question sur la satisfaction à l’égard de la vie est positionnée vers la fin du questionnaire. Étant donné que le contenu de l’enquête est constant dans le cas de l’ESCC mais qu’il varie dans celui de l’ESG, on peut s’attendre à ce que la variabilité des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie soit plus marquée pour cette dernière.

De fait, tandis que la répartition des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie est essentiellement identique en ce qui concerne l’ESCC de 2009, de 2010 et de 2011, une variation importante est constatée dans le cas des données de l’ESG des années correspondantes (graphiques 1 et 2). Également, si les résultats moyens de satisfaction à l’égard de la vie sont presque constants au fil des trois années de l’ESCC, ils diffèrent dans une proportion de 0,21 à 0,72 lors des trois années de l’ESG.

Considérant la cohérence des périodes d’enquête et des variables de contrôle, ces résultats donnent à penser que le contexte des enquêtes et le positionnement de la question influent sur l’évaluation des répondants concernant leur degré de satisfaction à l’égard de la vie. Quatre différences sont considérées.

En premier lieu, la position relative des questions sur la satisfaction à l’égard de la vie et sur l’état de santé autoévalué est un point qu’il faut prendre en compte. Dans l’ESG de 2010 et celle de 2011, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie précède celle sur l’état de santé général. Lors d’autres années de cette enquête et lors des trois années de l’ESCC, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie suit immédiatement celle sur l’état de santé général. Il existe une corrélation étroite entre l’état de santé autoévalué et la satisfaction à l’égard de la vie (Helliwell et Huang, 2010). Certains soutiennent même que ces deux indicateurs reflètent probablement des caractéristiques connexes du bien-être global des gens (Oshio et Kobayashi, 2010; Veenhoven, 2000). Si la question sur la santé fait augmenter l’importance de l’état de santé dans le contexte de l’évaluation de la vie, et si l’effet est plus marqué chez les personnes qui ne sont pas en bonne santé, le fait que la question sur la santé précède celle sur la satisfaction à l’égard de la vie peut entraîner un degré déclaré moins élevé de satisfaction à l’égard de la vie.

En deuxième lieu, les deux années de l’ESG pour lesquelles les résultats de satisfaction à l’égard de la vie sont les plus bas (2005 et 2010) présentent un point commun : dans l’un et l’autre cas, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie était précédée de questions sur l’emploi du temps en général, sur des aspects particuliers associés à l’emploi du temps ainsi que sur les perceptions du temps. Plus précisément, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie était précédée de dix questions servant à constituer une mesure du manque de temps. Par exemple, on demandait aux répondants : « Vous sentez-vous pris(e) dans une routine quotidienne? Lorsque vous avez besoin de plus de temps, êtes-vous porté(e) à réduire vos heures de sommeil? Vous inquiétez-vous du fait que vous ne consacrez pas assez de temps à votre famille ou à vos amis? » L’orientation négative de ces questions pourrait avoir prédisposé des répondants à faire une évaluation moins positive de leur vie que l’auraient fait des questions plus neutres sur des caractéristiques démographiques. Présentant une grande similitude au chapitre du contenu de l’enquête et du positionnement des questions, ces deux enquêtes donnent lieu à des répartitions presque identiques des résultats de satisfaction à l’égard de la vie (graphique 3), et ce, malgré le fait qu’elles ont été menées à cinq ans d’intervalle et qu’elles se sont déroulées dans des contextes économiques différents. Bref, le fait que les questions sur l’emploi du temps aient précédé celle sur la satisfaction à l’égard de la vie dans l’ESG de 2005 et celle de 2010 pourrait expliquer le degré moins élevé de satisfaction à l’égard de la vie observé lors de ces années.

La différence que présente la structure des réponses entre les années pour lesquelles l’ESG abordait le thème de l’emploi du temps et les autres années ressort tout aussi clairement lorsque l’on examine le profil des résultats de satisfaction à l’égard de la vie selon l’âge. Ainsi que le montre le graphique 4, si ces résultats sont plus bas pour tous les groupes d’âge dans les enquêtes axées sur l’emploi du temps, l’écart est nettement plus marqué chez les personnes de 30 à 59 ans que chez les personnes plus jeunes et celles plus âgées. Le contenu des enquêtes sur l’emploi du temps est associé à un degré de satisfaction à l’égard de la vie qui est moins élevé de 0,253 point chez les personnes de 25 à 29 ans, de 0,407 point chez celles de 30 à 59 ans et de 0,245 point chez celles de 60 à 89 ans. Cela signifie que l’effet rattaché au manque de temps est plus marqué chez les personnes de 30 à 59 ans que chez celles de 25 à 29 ans (écart de 0,154 à p<0,001) et celles de 60 à 89 ans (écart de 0,162 à p<0,001). La forme en U est plus prononcée dans le cas des enquêtes portant sur l’emploi du temps, ce qui reflète probablement le fait que le manque de temps est l’une des raisons expliquant cette forme particulière. En outre, l’écart plus marqué des résultats de satisfaction à l’égard de la vie entre les cycles de l’ESG axés sur l’emploi du temps et les autres cycles de cette enquête en ce qui concerne les groupes d’âge les plus exposés au manque de temps vient confirmer l’hypothèse voulant que l’accent mis sur l’emploi du temps soit à l’origine des résultats plus bas lors des cycles de l’ESG pour lesquels on aborde le thème de l’emploi du temps.

En troisième lieu, on constate que les résultats les plus élevés concernant la satisfaction à l’égard de la vie ont été enregistrés lors de l’ESG de 2009, qui portait sur le thème de la victimisation. Si l’on considère la divergence entre les résultats à cet égard lors de l’ESG de 2009 par rapport à ceux de l’ESG de 2010 et de 2011, alors que les résultats de l’ESCC de 2009 sont identiques à ceux enregistrés lors des deux années suivantes, on est en droit de penser que la divergence en question tient au contexte de ces enquêtes plutôt qu’à des changements concernant les conditions macroéconomiques et sociales. Lors de l’ESG de 2009, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie était située assez près de la fin du questionnaire (treizième module sur seize) et suivait de nombreuses questions sur les expériences vécues d’actes criminels, de victimisation et d’abus. Les réponses à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans l’enquête peuvent avoir été plus positives du fait que la plupart des répondants prenaient conscience que rien de « mal » ne leur était arrivé durant la période de référence. L’absence de la question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans le cycle précédent de l’ESG portant sur le thème de la victimisation (2004) rend la conclusion de la présente étude quant à un effet lié à l’absence d’expérience de victimisation plus incertaine que la conclusion précédente concernant l’effet du manque de temps. Observer un niveau et une répartition similaires sur l’échelle d’évaluation de la satisfaction à l’égard de la vie pour les deux enquêtes abordant le thème de la victimisation permettrait d’étayer les données probantes ayant trait à l’existence de cet effet lié à l’absence d’expérience de victimisation.

En quatrième et dernier lieu, l’inclusion de questions sur la satisfaction à l’égard de différentes sphères de la vie, comme la situation financière ou l’état de santé, est un autre aspect à prendre en considération sous l’angle du plan d’enquête. Ces questions sur la satisfaction à l’égard de sphères particulières de la vie — finances, état de santé, emploi ou activité principale, et façon dont les gens emploient leur temps libre — précédaient immédiatement la question sur la satisfaction à l’égard de la vie en général dans l’ESG en 2003, en 2005 et en 2006, mais elles n’étaient pas posées lors des cycles de 2007 à 2011 de l’ESG ni dans l’ESCC. La répartition des résultats bruts de satisfaction à l’égard de la vie est très similaire à celle observée en 2006 — alors que les questions sur la satisfaction à l’égard de différentes sphères de la vie ont été posées — et en 2008 — alors qu'elles ne l’ont pas été (graphique 5). De même, parmi un échantillon de personnes de 45 ans et plus, il n’existait essentiellement aucun écart dans la répartition des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie de 2006 à 2007, alors que des questions sur la satisfaction à l’égard de différentes sphères de la vie étaient posées en 2006 mais pas en 2007 (graphique 69 .

De manière à mesurer conjointement la taille des effets associés aux quatre aspects du contenu des enquêtes mentionnés précédemment, les variables nominales relatives au type d’enquête et à l’année d’enquête dans le modèle 2 du tableau 5 sont remplacées par quatre variables. La première est « État de santé général, question placée avant », le code 1 étant attribué aux années 2003, 2005, 2006, 2008 et 2009 de l’ESG et aux années 2009, 2010 et 2011 de l’ESCC, et le code 0, aux années 2010 et 2011 de l’ESG. Dans ces deux dernières enquêtes, contrairement aux huit précédentes, la question sur la satisfaction à l’égard de la vie précède celle sur l’état de santé général. La deuxième variable est « Enquête – Emploi du temps », le code étant 1 pour l’ESG de 2005 et celle de 2010, et 0 pour les autres enquêtes. La troisième variable est « Enquête – Victimisation », avec le code 1 pour l’ESG de 2009 et 0 pour les autres enquêtes. Il convient de préciser que, étant donné qu’il y a une seule enquête dans laquelle le thème de la victimisation est abordé, il n’est pas possible de faire une distinction entre l’effet contextuel rattaché à ce thème et l’effet de l’année associé à l’ESG de 2009. La quatrième variable est « Sphères de la vie », le code étant 1 pour les années 2003, 2005 et 2006 de l’ESG et 0 pour toutes les autres enquêtes. Les résultats de la régression à partir de ces quatre variables sont présentés dans le modèle 3 au tableau 5. Au total, trois de ces quatre variables liées au contexte de l’enquête sont statistiquement significatives. Le positionnement de la question sur l’état de santé général avant celle sur la satisfaction à l’égard de la vie dans une enquête tend à réduire le degré déclaré de satisfaction à l’égard de la vie de 0,06 point, et la baisse est de 0,25 point lorsque les questions sur l’emploi du temps précèdent la question sur la satisfaction à l’égard de la vie. À l’opposé, le positionnement des questions sur la victimisation avant celle sur la satisfaction à l’égard de la vie tend à faire augmenter le degré déclaré de satisfaction à l’égard de la vie de 0,28 point. Enfin, lorsque les questions sur la satisfaction à l’égard de sphères particulières de la vie précèdent celle sur la satisfaction à l’égard de la vie, cela tend à faire baisser le degré déclaré de satisfaction à l’égard de la vie de 0,02 point; il faut ajouter que cette dernière estimation n’est pas statistiquement significative.

Dans le but d’illustrer l’effet combiné des quatre variables reliées au contexte de l’enquête sur la variation des résultats de satisfaction à l’égard de la vie selon le type d’enquête et l’année d’enquête, les estimations du modèle 3 sont utilisées afin de prédire l’écart dans les résultats entre une année donnée et l’année de référence (l’ESG de 2011, à laquelle aucune des variables contextuelles ne s’applique). Les résultats prédits sont présentés dans la dernière colonne du tableau 5. Ainsi, les variables « État de santé général, question placée avant » et « Sphères de la vie » s’appliquent à l’ESG de 2003. L’écart prédit entre l’ESG de 2003 et l’ESG de 2011 est dès lors de -0,08 (soit la somme des coefficients des deux variables en question). De même, les variables « État de santé général, question placée avant », « Enquête – Emploi du temps », et « Sphères de la vie » s’appliquent à l’ESG de 2005, de sorte que l’écart prédit entre cette dernière et celle de 2011 est de -0,33 (ce qui correspond là encore à la somme des coefficients de ces trois variables dans le modèle 3). Les écarts sont prédits de la même manière pour les autres années d’enquête. La plupart des écarts prédits ont environ la moitié de l’ampleur des écarts obtenus avec le modèle 2, ce qui laisse penser que les quatre facteurs contextuels pris en compte peuvent expliquer de 50 % à 100 % de la variabilité annuelle des résultats de satisfaction à l’égard de la vie.

4.1  Moment de la collecte des données — jour de la semaine et mois de l’enquête

Des facteurs circonstanciels ou contextuels à court terme concernant les répondants au moment de l’interview peuvent influer sur les réponses données. Si cela se produit, les analyses subséquentes doivent pouvoir rendre compte de telles variations. L’une des possibilités qu’il est facile de vérifier consiste à voir si les réponses varient selon le jour de la semaine ou le mois de l’année lors de laquelle l’enquête est menée. Selon certaines autres données probantes, il se pourrait que les gens soient plus heureux la fin de semaine que les jours de semaine (Helliwell et Wang, 2013), et l’on suppose parfois que l’humeur des gens est meilleure durant l’été, lorsque les troubles affectifs saisonniers s’apaisent. Cela dit, les pays où le climat varie au fil des saisons tendent depuis plus d’un siècle à afficher des taux de suicide plus élevés durant l’été que durant l’hiver (Durkheim, 1897, 1952; Helliwell, 2007). L’ESG de 2005 et celle de 2010 sont assorties de renseignements sur le jour de la semaine lors duquel les répondants ont participé à l’enquête, et l’on dispose aussi de renseignements sur le mois d’interview pour les sept cycles de l’ESG et les trois cycles de l’ESCC.

Le jour de la semaine et le mois de l’année ne semblent pas avoir d’incidence sur l’évaluation de la satisfaction à l’égard de la vie. Des données descriptives mettent en lumière un certain degré de variation aléatoire selon le jour d’enquête (notamment celles présentées par Helliwell et Wang, 2013), et l’examen de résultats multivariés ne révèle aucune corrélation significative entre le degré de satisfaction et le jour d’enquête (tableau 6). De même, les réponses relatives à la satisfaction à l’égard de la vie ne semblent pas présenter de variation constante selon le mois d’enquête lorsque l’on examine les données brutes. Ni les données de l’ESG ni celles de l’ESCC ne montrent d’effets liés au mois de l’année, peu importe que des ajustements soient apportés au titre de caractéristiques au niveau des personnes (tableau 7). Ces résultats concordent tout à fait avec ceux observés récemment à la suite du sondage quotidien de portée beaucoup plus vaste mené par Gallup Healthways aux États-Unis (Stone et coll., 2012) et de la mise à l’essai de questions expérimentales sur le bien-être subjectif par l’Office for National Statistics du Royaume-Uni (Office for National Statistics, 2012). Bien qu’il existe des effets importants liés au jour de la semaine dans le cas de questions sur les émotions ressenties « hier », on n’observe pas de tels effets en ce qui a trait aux réponses à des questions plus générales sur l’évaluation de la vie (Helliwell et Wang, 2013). Cela vient étayer la validité des deux types de questions, car on peut s’attendre à ce que les effets liés au jour de la semaine se manifestent pour des questions ayant trait aux émotions ressenties lors d’une journée donnée mais soient absents, ou sinon moins apparents, pour les évaluations plus générales de la vie.

5   Stabilité des coefficients des corrélats de la satisfaction à l'égard de la vie au fil du temps

Un nombre sans cesse croissant d’études documentent les facteurs entourant l’évaluation que les personnes font de leur vie. L’âge, la santé et les relations avec les membres de la famille et les amis sont au nombre des facteurs qui présentent constamment une corrélation avec la satisfaction à l’égard de la vie. Des données transversales répétées de l’ESG et de l’ESCC permettent d’examiner de façon plus approfondie ces corrélats. Lors des sept années de l’ESG et des trois années de l’ESCC, on a utilisé la même méthodologie d’échantillonnage et on a recueilli des renseignements uniformes sur les caractéristiques socioéconomiques des répondants. Dès lors, on peut s’attendre à ce que les caractéristiques présentant une corrélation avec la satisfaction à l’égard de la vie affichent des similitudes en ce qui concerne la signification, l’orientation et l’ampleur. Des modèles de régression par les MCO et des modèles probit ordonnés (dont les résultats sont constants et ne sont donc pas présentés) sont exécutés à partir des données. Ces modèles englobent un ensemble uniforme de variables indépendantes — le sexe, le groupe d’âge, l’état matrimonial, le nombre d’enfants 10 , le niveau de scolarité, le statut d’immigrant, l’activité 11 , le revenu du ménage, la taille du ménage, la propriété du logement, l’état de santé autoévalué, la région de résidence et le lieu de résidence urbain/rural 12 . Selon les travaux de recherche sur le sujet, il existe une corrélation significative entre la satisfaction à l’égard de la vie et la plupart de ces variables 13 .

Les résultats des dix modèles de régression par les MCO sont présentés au tableau 8. Pour chaque modèle, la constante va de 7,5 à 8,3. Il s’agit du résultat de base (sur 10), auquel on peut ajouter ou dont on peut retrancher les coefficients pour d’autres variables de manière à estimer un résultat de satisfaction à l’égard de la vie relativement à des personnes présentant un ensemble particulier de caractéristiques. Les coefficients ont été arrondis à deux décimales près.

Les modèles de régression donnent des résultats très similaires pour chacune des dix années d’enquête, les coefficients de régression variant de 0,3 ou moins dans la plupart des cas. Par exemple, comparativement aux personnes mariées, les personnes séparées ou divorcées affichent des résultats de satisfaction à l’égard de la vie qui sont de 0,5 à 0,8 point plus bas lors de chacune des années examinées; dans le cas des veufs et des veuves, le résultat est de 0,3 à 0,5 point plus bas. De même, il n’y a pratiquement aucune différence entre les personnes de 30 à 39 ans et celles de 40 à 49 ans, peu importe l’enquête et l’année, tandis que l’écart entre les personnes de 60 à 69 ans et celles de 40 à 49 ans oscille de 0,3 à 0,5. De fait, la forme en U du profil de la satisfaction à l’égard de la vie selon l’âge est observable lors de chaque année d’enquête. Ce degré d’uniformité est constaté pour la plupart des variables incluses dans le modèle. Parfois, les coefficients de régression sont statistiquement significatifs lors de certaines années mais pas lors d’autres années. Cela dit, dans de tels cas, les corrélations significatives sont peu importantes — en général de 0,1 à 0,2 — et les corrélations non significatives sont à peu près toujours orientées dans la même direction que les corrélations significatives (et ont souvent une ampleur similaire) 14 .

Il convient de commenter un ensemble particulier d’écarts entre les années. En effet, les coefficients reliés à l’état de santé autodéclaré présentent des variations relativement marquées. À titre d’exemple, le coefficient associé à une mauvaise santé déclarée se situe de -2,55 à -2,91 dans les modèles relatifs aux trois années de l’ESCC, mais il n’est que de -1,75 dans le modèle de l’ESG de 2011. De même, le coefficient associé à un état de santé passable est de 1,39 dans le cas des données de l’ESCC, mais de -1,01 pour l’ESG de 2011 et de -1,04 pour l’ESG de 2010. Comme indiqué précédemment, il se peut que le positionnement des questions sur la santé avant celles sur la satisfaction à l’égard de la vie ait comme effet d’accentuer l’incidence d’un mauvais état de santé sur l’évaluation que les gens font de leur vie. Le phénomène d’« illusion de fixation » (focusing illusion) dont traitent Kahneman et ses collaborateurs (2006) y est lié. Au terme d’une étude expérimentale portant sur un petit échantillon, Smith et ses collaborateurs (2006) ont montré que la corrélation entre la satisfaction à l’égard de la santé et la satisfaction à l’égard de la vie est beaucoup plus marquée lorsque l’évaluation porte en premier sur la santé que lorsque c’est le contraire. De manière à vérifier si cette observation se vérifie à partir des données des deux enquêtes à grande échelle et représentatives de la population nationale utilisées dans la présente étude, des termes d’interaction entre l’ordre des questions sur l’état de santé général et l’état de santé autodéclaré sont incorporés au modèle 3 du tableau 5. Les résultats sont présentés au tableau 9.

On observe une association plus étroite entre la santé autoévaluée et la satisfaction à l’égard de la vie lorsque la question sur la santé est posée en premier (modèle 2, tableau 9). Cette association plus forte se situe principalement chez les gens faisant état d’un état de santé mauvais ou passable. L’ordre des questions donne lieu à un écart dans les résultats de satisfaction à l’égard de la vie déclarés qui s’élève à 0,54 et à 0,26 point chez les personnes faisant état d’un état de santé mauvais et passable, respectivement. À titre de comparaison, l’ordre des questions n’engendre qu’un écart de 0,07 point dans le cas des personnes déclarant être en excellente santé. Ces résultats semblent indiquer qu’une question sur la santé placée avant celle sur la satisfaction à l’égard de la vie attire l’attention des répondants sur leur état de santé lorsqu’ils évaluent leur vie dans son ensemble, mais que c’est davantage le cas chez les personnes en mauvaise santé que chez celles en excellente santé.

L’étude a aussi abordé les caractéristiques de l’emploi occupé par une personne et leur lien avec la satisfaction à l’égard de la vie des répondants qui avaient un emploi au moment de l’interview (tableau 10). Des modèles de régression sont exécutés de façon distincte pour chaque année de l’ESG, mais pas pour les années de l’ESCC, étant donné que la plupart des caractéristiques de l’emploi ne sont pas disponibles. Il ne semble pas y avoir d’écart important au chapitre de la satisfaction à l’égard de la vie entre les travailleurs autonomes et les employés rémunérés, et ce, que l’on tienne compte des heures travaillées et d’autres caractéristiques de l’emploi de façon séparée ou non. Pour ce qui est de l’horaire de travail, les travailleurs qui travaillent par quarts, sur appel ou qui ont un horaire de travail irrégulier tendent à faire état d’un degré de satisfaction à l’égard de la vie qui est moins élevé que ceux qui ont un horaire de jour régulier.

Une corrélation négative entre les heures travaillées et la satisfaction déclarée à l’égard de la vie existe uniquement dans le cas des années 2005, 2006 et 2010 de l’ESG (tableau 10). Par exemple, un nombre très élevé d’heures travaillées (plus de 56 heures par semaine) est associé à un résultat de satisfaction à l’égard de la vie de 0,20 à 0,26 point moins élevé que celui correspondant à un nombre normal d’heures travaillées (de 37 à 40 heures par semaine). L’ESG de 2005 et celle de 2010 abordaient toutes deux le thème de l’emploi du temps et elles comportaient des questions très détaillées à ce sujet ainsi que sur les perceptions relatives au manque de temps, lesquelles précédaient la question sur la satisfaction à l’égard de la vie. Quant à l’ESG de 2006, bien qu’elle ait été axée sur les transitions familiales plutôt que sur l’emploi du temps, elle comportait aussi, avant la question relative à la satisfaction à l’égard de la vie, des questions sur le manque de temps. On ne retrouve pas de telles questions lors des autres années de l’ESG. L’effet du contenu des enquêtes ayant trait au manque de temps sur l’association entre les heures travaillées et la satisfaction à l’égard de la vie fait l’objet d’un test formel au moyen d’un modèle regroupant les sept cycles de l’ESG. Ce modèle comporte toutes les variables de contrôle des modèles figurant dans le tableau 10 ainsi qu’un indicateur du contenu d’enquête ayant trait au manque de temps et ses termes d’interaction avec des variables nominales correspondant aux groupes établis selon le nombre d’heures travaillées (tableau 11). Les résultats confirment que l’effet d’un nombre très élevé d’heures travaillées ou d’un nombre élevé (plus de 40 heures à 56 heures par semaine) est significativement plus marqué lorsque des questions relatives au manque de temps précèdent celle sur la satisfaction à l’égard de la vie.

En ce qui concerne les régimes de travail flexibles permettant de choisir les heures de début et de fin du travail, on dispose de renseignements à ce sujet uniquement pour les années 2005, 2006 et 2010 de l’ESG. C’est seulement dans le cas des deux enquêtes ayant abordé le thème de l’emploi du temps que les employés disposant d’un régime de travail flexible ont fait état d’un degré de satisfaction à l’égard de la vie plus élevé que les autres travailleurs (tableau 10).

Lors de cinq des sept cycles de l’ESG, on a demandé aux répondants dans quelle mesure ils étaient satisfaits en ce qui a trait à l’équilibre entre leur travail et leur vie familiale. On observe une association étroite entre la satisfaction à ce chapitre et la satisfaction générale à l’égard de la vie lors des cinq enquêtes en question (tableau 10). Cette association ne présente pas de corrélation significative avec le contenu concernant l’emploi du temps.

6   Résultats de satisfaction à l'égard de la vie dans une (courte) perspective longitudinale

L’Enquête sociale générale de 2006 et celle de 2007 présentaient une particularité conceptuelle commune en ce qu’un sous-échantillon de quelque 10 000 répondants de 45 ans et plus ont pris part à l’enquête lors de ces deux années. Cet ajout a fourni l’occasion d’examiner les réponses à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie données par les répondants lors de deux années successives et également d’évaluer la sensibilité des réponses à cette question aux changements concernant la situation personnelle, comme l’état matrimonial et l’état de santé.

Environ 38 % des répondants à l’ESG de 45 ans et plus ont donné la même réponse à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie à la fois en 2006 et en 2007, tandis que de 17 % à 19 % ont donné une réponse d’un niveau plus élevé ou d’un niveau plus bas (graphique 7). À peu près les trois quarts des répondants ont fourni des réponses similaires lors des deux années si l’on considère que des réponses sont similaires quand elles présentent un écart de plus ou moins un point sur l’échelle de dix points. Le quart restant comprend les répondants dont la réponse a été d’au moins deux points supérieurs ou inférieurs. Il est difficile de déterminer si la répartition des changements d’une année à l’autre est attribuable à des changements reliés à la situation personnelle. Bien qu’il y ait des données probantes donnant à penser que la satisfaction déclarée à l’égard de la vie est sensible aux événements de la vie, certains ont fait valoir que l’adaptation à des situations nouvelles peut ramener le bien-être subjectif à des niveaux de base qui sont fonction de la personnalité de chacun (Headey et Wearing, 1989; Suh et coll., 1996; Clark et coll., 2008). Toutefois, des méta-analyses récentes ont montré que, bien qu’il y a un ajustement de la satisfaction à l’égard de la vie à la suite d’événements de la vie (par exemple, la perte accidentelle d’un membre), le degré d’adaptation dépendra de la gravité de la perte et l’adaptation sera rarement intégrale; dans le cas du chômage, les ajustements sont rares (Lucas, 2007). De plus, on a couplé des données sur le bien-être subjectif qui ont été recueillies dans le cadre d’enquêtes de Statistique Canada et qui couvrent des décennies, ce qui a mis en évidence une hausse tendancielle du bien-être sur une période de vingt ans au Québec — en particulier parmi les francophones —, soit une hausse dont l’ampleur exclut l’existence de valeurs de consigne psychologiques invariables au niveau des personnes (Barrington-Leigh, 2010, 2013).

Bien que ce sous-échantillon de l’ESG de 2006 et de celle de 2007 offre une occasion intéressante de faire le suivi des réponses sur la satisfaction à l’égard de la vie au fil du temps, il est assorti d’une limite, du fait qu’il n’y a qu’un petit nombre de répondants qui font état de changements en ce qui a trait à leur satisfaction à l’égard de la vie et à leurs caractéristiques socioéconomiques d’une année à l’autre. Prenons l’exemple de l’état matrimonial : moins de 20 répondants ont changé leur état matrimonial pour passer de célibataires à mariés, et moins de 40 sont passés de mariés à séparés. Les coefficients relatifs à la satisfaction à l’égard de la vie qui sont associés à ces changements ne devraient pas être significatifs dans le cas d’échantillons aussi réduits, et c’est bien ce que l’on constate généralement, quoique les signes de ces coefficients sont selon les attentes a priori 15 . Le passage de l’état de célibataire à celui de personne mariée ou vice versa a généralement des effets très lissés sur la satisfaction à l’égard de la vie, étant donné que le changement proprement dit est généralement prévu et ne constitue qu’une étape du processus aboutissant à la création ou à la rupture d’une relation sociale importante et à long terme. À titre d’exemple, une étude récente faisant appel aux données de la British Household Panel Survey montre que le degré de satisfaction à l’égard de la vie augmente graduellement pendant dix ans avant le mariage, puis qu’il diminue au cours des dix années suivantes tout en demeurant significativement supérieur à celui observé chez les membres du groupe de contrôle — non mariés —, dont le degré de satisfaction à l’égard de la vie diminue en moyenne pour la même tranche d’âge (Yap et coll., 2012, figure 1, p. 483).

De plus grands nombres de répondants ont indiqué des états de santé autoévalués différents en 2007 comparativement à 2006, ce qui rend possible une estimation plus précise de la corrélation avec la satisfaction à l’égard de la vie. Ainsi que le montre le graphique 8, chez les personnes dont l’état de santé autoévalué a diminué de trois points ou plus sur une échelle de cinq points (par exemple, dont la santé autoévaluée passe d’excellente à passable), le degré de satisfaction à l’égard de la vie diminuait en moyenne de 1,5 point sur l’échelle d’évaluation de dix points. Pour leur part, les personnes dont l’état de santé autoévalué augmentait de trois points ou plus affichaient un résultat de satisfaction à l’égard de la vie de 0,9 point plus élevé en moyenne. Il convient de faire preuve de prudence dans l’interprétation de ces résultats. Tant la satisfaction à l’égard de la vie que l’état de santé sont évalués de façon subjective et leur évaluation se fait sur des échelles différentes (de dix points et de cinq points, respectivement). Le signe et l’importance de la corrélation entre les changements relatifs à ces deux variables concordent avec une somme importante de données factuelles donnant à penser qu’un meilleur état de santé fait augmenter le bien-être subjectif et que les personnes présentant un bien-être subjectif élevé sont moins susceptibles de devenir malades par la suite.

7   Conclusions

Statistique Canada a recueilli une grande quantité d’information sur le bien-être subjectif des Canadiens, et il continue de le faire. La satisfaction à l’égard de la vie constitue un élément important de ces fonds de données.

Il ressort des données de multiples années d’enquête tant pour l’ESG que pour l’ESCC que la plupart des répondants sont capables de répondre aux questions sur leur satisfaction à l’égard de la vie et sont disposés à le faire. La prévalence de la non-réponse à ces questions est généralement inférieure à 2 %; elle n’est que légèrement supérieure à celle enregistrée pour de nombreuses variables démographiques standard, et elle est nettement plus basse que dans le cas des questions sur le revenu personnel.

L’orientation et l’ampleur de la relation entre la satisfaction à l’égard de la vie et ses covariables standard sont généralement uniformes au fil des ans, indépendamment du contenu du cycle particulier de l’ESG et de l’ESCC. Ces résultats correspondent en général à ceux obtenus à partir d’autres sources de données canadiennes et internationales (p. ex. Helliwell et Putnam, 2004) et ils viennent étayer un point exposé dans de nombreuses études antérieures, soit que les déclarations sur la satisfaction autoévaluée à l’égard de la vie constituent une mesure du vécu qui demeure constamment informative. Cela signifie notamment que le regroupement des données de différents cycles de l’ESG et de l’ESCC pour accroître la taille de l’échantillon et, du coup, ouvrir de nouvelles perspectives de recherche est une stratégie viable.

L’effet associé à la santé autoévaluée et aux heures travaillées constituent l’exception en ce qui concerne la stabilité générale des coefficients reliés à l’ESG. Dans les deux cas, le contenu de l’enquête qui précède la question sur la satisfaction à l’égard de la vie a probablement comme effet d’attirer l’attention des répondants sur des aspects particuliers de leur vie, ce qui influera sur leur réponse à la question sur la satisfaction à l’égard de la vie. Lorsque l’on aborde l’état de santé général avant la satisfaction à l’égard de la vie, les personnes qui déclarent être en mauvaise santé sont plus susceptibles qu’elles ne le seraient autrement de faire état d’un plus faible degré de satisfaction à l’égard de la vie. De même, les personnes venant de répondre à des questions sur le manque de temps semblent faire une association entre un nombre élevé d’heures travaillées et un plus faible degré de satisfaction à l’égard de la vie.

Malgré la stabilité générale de la relation entre la satisfaction à l’égard de la vie et ses covariables lors des années d’enquête étudiées, les résultats globaux de satisfaction à l’égard de la vie ont affiché leur niveau le plus bas en 2005 et en 2010, et leur niveau le plus élevé en 2009. En ce qui concerne les enquêtes de 2005 et de 2010, le positionnement de la question sur la satisfaction à l’égard de la vie et l’accent mis sur l’emploi du temps pourraient expliquer les résultats plus bas quant à la satisfaction à l’égard de la vie déclarée pour ces années. Le contenu de l’enquête ayant trait à l’emploi du temps a un effet particulièrement marqué sur les niveaux déclarés de satisfaction à l’égard de la vie chez les personnes appartenant aux groupes dans la force de l'âge actif. Les résultats de satisfaction à l’égard de la vie relativement élevés en 2009 sont quant à eux probablement attribuables au thème de la victimisation présent dans l’ESG. La possibilité que ces résultats soient causés par des facteurs autres que le contenu des enquêtes cesse d’être vraisemblable lorsque l’on prend en compte les données de l’ESCC, étant donné que, ainsi que le montre le graphique 1, les moyennes et les répartitions des résultats de satisfaction à l’égard de la vie sont à peu près identiques en 2009, en 2010 et en 2011, sans compter que, selon les estimations présentées au tableau 4, l’effet associé à l’emploi du temps dans l’ESG de 2010 est le même que celui observé en 2005.

Le fait que la question sur la satisfaction à l’égard de la vie dans son ensemble soit précédée ou non par des questions sur la satisfaction à l’égard de sphères particulières de la vie, comme la santé ou l’emploi, ne présente pas de corrélation significative avec les résultats de satisfaction à l’égard de la vie (coefficient de 0,02). Ce résultat concorde avec l’idée selon laquelle les répondants peuvent poser des jugements distincts sur leur satisfaction à l’égard de sphères particulières de leur vie et sur leur satisfaction à l’égard de leur vie en général. Ces jugements peuvent fort bien dépendre de la sphère de la vie qui est évaluée. En règle générale, pour éviter le risque que les questions sur des sphères particulières de la vie influent sur l’évaluation de la vie en général, ces questions devraient être posées après la question de portée générale. Le jour de la semaine et le mois de l’année lors desquels les répondants ont été interviewés sont d’autres éléments n’ayant généralement pas d’incidence sur la satisfaction déclarée à l’égard de la vie. Cette observation concorde avec celles faites lors de travaux de recherche antérieurs.

Un dernier point à souligner est que tant l’ESG que l’ESCC contiennent de nombreuses questions portant sur des enjeux variés. Ainsi, il est possible d’examiner un large éventail de questions reliées à la satisfaction à l’égard de la vie allant au-delà de la relation entre cette dernière et des covariables standard comme l’âge, la scolarité, la santé et les pratiques religieuses. On pourrait, par exemple, se pencher sur la qualité de vie des immigrants, y compris les immigrants de deuxième génération, relativement à des dimensions autres que le revenu. Un échantillon regroupé comprenant les répondants à plusieurs cycles de l’ESG et de l’ESCC permettrait d’obtenir une taille d’échantillon suffisamment importante pour mener une analyse des régions géographiques détaillées, par exemple des quartiers.

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