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  1. Introduction
  2. Description des données
  3. Intensité des changements de contrôle
  4. Cadre d'examen
  5. Résultats de la régression
  6. Conclusion

1   Introduction

Le présent document examine les caractéristiques des usines du secteur canadien de la fabrication qui subissent des changements de contrôle, afin de mieux comprendre les causes sous-jacentes des dessaisissements et des acquisitions.

Si la propriété des usines change, c'est en vue de créer de la valeur pour l'entreprise qui fait l'acquisition. Des travaux de recherche antérieurs reposant sur des données sur le secteur canadien de la fabrication ont fait ressortir la création de valeur, particulièrement dans les industries qui comportent des connaissances intégrées (Baldwin et Caves, 1991).

Les changements qui créent de la valeur peuvent provenir de nombreuses sources. D'une part, il y a les changements structurels à l'intérieur des industries, qui entraînent de nouvelles possibilités pour ceux qui reconnaissent les changements et réorganisent le processus de production pour en tirer parti. D'autre part, les économies d'échelle au niveau de l'usine peuvent entraîner la consolidation à l'intérieur d'une industrie. L'exploitation des différences entre les pays, du point de vue des coûts, peut être à la source de fusions internationales, par l'entremise de l'investissement direct étranger.

Les changements de contrôle sont également causés par des différences idiosyncrasiques individuelles émergeant de façon constante entre les entreprises par suite de la modification des compétences au niveau de l'entreprise, et celles exploitées grâce à la combinaison d'actifs d'entreprises différentes. Les entreprises développent des compétences qui, lorsqu'elles sont combinées à celles d'autres entreprises, créent davantage de valeur que les différentes parties prises individuellement.

Cela se produit notamment en raison des échecs des usines qui sont acquises. À tout moment, la population des entreprises se divise entre les entreprises en croissance et celles en déclin. Ces différences découlent des compétences différentes au chapitre de l'entrepreneuriat et de la gestion. Le processus concurrentiel fait en sorte que certaines des entreprises en déclin partent et que d'autres transfèrent des actifs, grâce à des changements de contrôle, à des entreprises qui sont en mesure de mieux les utiliser. La concurrence au chapitre des ressources dans les marchés des actifs limite la marge de manoeuvre des gestionnaires qui ne peuvent plus concurrencer.

D'autres (Jensen, 1988) ont mis l'accent sur l'influence du contexte financier sur les activités de fusion, soit en faisant ressortir les problèmes de bilan ou le contexte macroéconomique global. Dans le présent document, nous mettons l'accent ailleurs, c'est-à-dire sur les caractéristiques opérationnelles des entités qui sont dessaisies, acquises ou fusionnées, par suite des changements de contrôle (taux de rémunération, taille, intensité des connaissances, productivité, rentabilité, âge et diversité de la gamme de produits).

Afin d'expliquer la nature du processus qui entraîne un transfert de contrôle d'un propriétaire à un autre, nous utilisons les données sur toutes les usines canadiennes de fabrication de 1973 à 1999. Nous examinons la présence, dans les usines faisant l'objet d'un transfert de contrôle, des caractéristiques qui en principe sont censées mener au type de synergies produites par des fusions.

Nous mettons aussi l'accent sur les différences dans les caractéristiques selon la nationalité de l'entreprise propriétaire. De façon plus particulière, nous tentons de déterminer si l'acquisition d'entreprises de nationalités différentes vise des ensembles différents d'usines. Les usines et les entreprises sont hétérogènes. Elles diffèrent considérablement du point de vue de la technologie utilisée, de la somme de capital humain utilisé et de la quantité de capital incorporel servant à l'innovation. Même si nous nous servirons d'un nombre important de caractéristiques (comme la taille de l'usine, les taux de rémunération, la productivité, la rentabilité et l'intensité de la gestion) pour se demander quelles usines auront tendance à être acquises, il existe un certain nombre de caractéristiques que nous ne pouvons pas mesurer, particulièrement dans le domaine des actifs incorporels.

Les entreprises multinationales étrangères qui ont des activités au Canada affichent un profil considérablement différent des entreprises canadiennes, et cela prend la forme dans une large mesure d'actifs incorporels qui sont propres à l'entreprise. Les entreprises étrangères ont tendance à être plus productives, à verser une rémunération plus élevée et à être plus innovatrices (Baldwin et Gu, 2005), en raison de ces capacités particulières 1 . Par conséquent, la répartition de toutes les usines évoluant dans le secteur canadien de la fabrication entre les usines sous contrôle canadien et les usines sous contrôle étranger nous permet d'examiner les différences dans les probabilités de fusion des usines qui diffèrent dans ces domaines. Des travaux antérieurs de Baldwin et Caves (1991) démontrent que les fusions qui touchent les usines étrangères et canadiennes sont caractérisées par des résultats différents et peuvent être causées par des facteurs différents.

Nous menons une série d'analyses à partir de la taxonomie des entreprises canadiennes et des entreprises étrangères. Nous analysons d'abord les différences systématiques dans les caractéristiques des usines qui nous permettent de faire une distinction entre les prises de contrôle à l'intérieur du secteur sous contrôle étranger et à l'intérieur du secteur sous contrôle canadien. Nous nous demandons ensuite s'il existe des différences entre les caractéristiques dans les usines de chaque groupe dont la propriété est transférée à l'autre groupe. À cette fin, nous examinons quatre combinaisons différentes de changements de propriété : propriété canadienne à propriété canadienne (C à C); propriété canadienne à propriété étrangère (C à É); propriété étrangère à propriété canadienne (É à C); et propriété étrangère à propriété étrangère (É à É).

Le présent document est organisé de la façon suivante. La section 2 porte sur les données; la section 3 fait état de la taille et des types de changements de contrôle; la section 4 décrit le cadre d'analyse qui est adopté; la section 5 rend compte des résultats, et la section 6 conclut le document.

2   Description des données

Nos données sont uniques du point de vue de la portée de la couverture d'une population, de la durée couverte, ainsi que de la nature et de l'exactitude des identificateurs des entreprises qui servent à mesurer les changements de contrôle. Les données proviennent de l'Enquête annuelle sur les manufactures et l'exploitation forestière (anciennement le Recensement des manufactures) menée et mise à jour par Statistique Canada 2 . Le fichier de 1973 à 1999 comporte une classification constante des industries pour cette période, ce qui nous permet d'étudier les répercussions des caractéristiques des industries sur une base uniforme 3 .

Une base de données longitudinale a été créée à partir des données annuelles et comporte les identificateurs des usines et des entreprises qui permettent des études détaillées de la dynamique de la population. Les identificateurs des usines ont été créés afin d'exclure les changements au fil du temps attribuables aux changements de contrôle, ce qui permet de dresser un portrait exact du processus de création et d'expansion des usines 4 .

Les identificateurs des entreprises ont été tirés du Registre des entreprises de Statistique Canada, qui est mis à jour chaque année et qui permet le regroupement des usines selon l'entreprise propriétaire, que ce soit à l'intérieur d'industries ou pour l'ensemble du secteur de la fabrication 5 . Une attention spéciale a été accordée afin de vérifier que les changements de numéros d'entreprise dans le Registre des entreprises coïncident avec les changements de propriété des entreprises. L'identificateur de l'entreprise change lorsque le contrôle passe d'une entité juridique à une autre. L'identificateur de l'entreprise est élaboré au niveau de toutes les entreprises de propriété commune dans l'économie canadienne, et non pas à un niveau inférieur d'entité juridique 6 .

La base de données comporte des liens entre les usines et les entreprises qui permettent de suivre les mouvements d'une usine d'un propriétaire à un autre. Parfois, ces changements sont associés à la fusion de deux entités distinctes en une nouvelle entreprise, l'ancienne entreprise disparaissant et une entreprise complètement nouvelle étant créée. Dans d'autres cas, les usines deviennent une nouvelle entité juridique, tandis que le propriétaire original poursuit ses activités dans d'autres usines. Dans d'autres cas encore, le dessaisissement est le fait d'une entreprise qui continue d'exister et du transfert de l'usine à une entreprise déjà existante. Le tableau 1 résume le nombre de changements de contrôle qui se sont produits dans chacune de ces catégories. Au cours de l'ensemble de la période, 17 781 changements de contrôle étaient disponibles pour l'analyse. La majorité (12 832) sont liés à la disparition de l'entité qui se dessaisit d'une usine. Dans ce cas, le plus grand nombre d'usines (7 255) sont acquises par une entité complètement nouvelle. Cette dernière catégorie comprend les changements qui ressemblent le plus à une fusion traditionnelle, les usines de diverses entités étant combinées pour former une nouvelle entité. Toutefois, il est clair qu'un nombre important de transferts se produisent entre des entités qui continuent d'exister, tant avant qu'après le dessaisissement. Dans la présente étude, nous examinerons tous les changements de contrôle mis ensemble.

3   Intensité des changements de contrôle

Le changement de contrôle doit être envisagé dans le contexte d'une dynamique plus large, qui entraîne la modification constante du visage de la population des entreprises. Chaque année, un nombre considérable d'emplois passent d'une usine à une autre, par suite de la croissance et du déclin de la population de producteurs. Certaines entreprises perdent des parts de marché, d'autres en gagnent. De nouvelles usines sont créées et des usines existantes sont fermées.

Ce processus s'intensifie lentement, mais inexorablement, au fil du temps. Par suite de l'examen de la période de 1960 à 1999, Baldwin et Brown (2004) indiquent qu'en moyenne 40 % des emplois du secteur de la fabrication existant au début de chaque période de 10 ans comprise dans cet intervalle sont disparus à la fin de la période de 10 ans, soit parce que les usines ont vu leur effectif diminuer ou parce qu'elles ont été fermées. Au cours de chaque décennie, un pourcentage similaire d'emplois sont « créés » par suite de l'augmentation du nombre d'emplois dans les entreprises existantes ou de la création de nouvelles usines. Par conséquent, sur une période assez courte, environ deux emplois sur cinq sont éliminés, à cause de fermetures d'usines ou de la réduction des effectifs, puis sont renouvelés. Si l'on allonge la période de référence, une plus forte proportion d'emplois sont renouvelés. Par exemple, sur une période de 20 ans, plus de 65 % des emplois du secteur de la fabrication sont renouvelés; sur une période de 30 ans, le renouvellement des emplois se situe à un peu plus de 75 %; et sur une période de 40 ans, un peu plus de 85 % des emplois sont renouvelés.

Les changements de contrôle entraînent un type différent de renouvellement, soit le transfert de la propriété d'une usine d'un propriétaire à un autre. Les taux annuels de renouvellement qui découlent du processus de sortie et d'entrée des usines sont comparés aux taux de changement qui découlent des transferts de contrôle dans le tableau 2. Annuellement, environ 2,7 % de l'effectif se retrouve dans des usines qui sont sur le point d'être fermées et un petit peu moins dans les usines qui viennent d'ouvrir. Il convient de souligner que le pourcentage de l'effectif touché par les changements de contrôle sur une base annuelle (4,8 %) est plus important que pour l'entrée d'usines (2,7 %) ou que pour la sortie d'usines (2,3 %) pour l'ensemble de la période étudiée.

Puisque notre intérêt dans cette étude porte également sur les différences entre les populations canadienne et étrangère, les taux d'entrée, de sortie et de changement de contrôle sont présentés tant pour la population canadienne que pour la population étrangère d'usines. Ces taux sont calculés en tenant compte de toutes les usines (colonnes de données 2 et 3), des usines étrangères seulement (colonne de données 4) et des usines canadiennes seulement (colonne de données 5). Les taux de sortie des usines sont beaucoup plus bas pour le segment étranger que pour le segment canadien selon que l'on utilise le taux calculé à partir de la population entière (0,6 % contre 2,0 %) ou les sous-populations de référence (1,8 % contre 3,1 %). On peut aussi noter des différences relatives similaires entre les segments canadien et étranger pour les taux d'entrée des usines.

À l'inverse, le taux de changement de contrôle est relativement plus élevé pour les usines étrangères. En particulier, un plus grand pourcentage d'usines étrangères connaissent un changement de contrôle (5,7 %) comparativement aux usines candiennes (4,3 %) pour l'ensemble de la période.

Il convient en outre de souligner que le taux de changement de contrôle a augmenté au fil du temps (tableau 3), tant dans le secteur canadien que dans le secteur étranger. Des modèles similaires ressortent pour le segment étranger et le segment canadien (graphique 1). Des périodes de pointe sont notées, tant au milieu des années 1980 qu'au milieu des années 1990, c'est-à-dire au milieu de longs cycles d'affaires décennaux.

En dépit des différences dans les proportions de roulement attribuables aux diverses sources dans les secteurs canadien et étranger, l'importance relative des entreprises sous contrôle étranger dans le secteur de la fabrication est demeurée relativement constante. Depuis 1960, le pourcentage de livraisons attribuables aux entreprises sous contrôle étranger s'est situé autour de 50 % (graphique 2). Même s'il a diminué légèrement au milieu de la période, par suite de la réglementation qui a imposé davantage de restrictions au flux d'investissements étrangers entrants (Baldwin et Gellatly, 2005), il est revenu, en 2000, aux niveaux atteints précédemment. Par conséquent, la présence étrangère dans le secteur canadien de la fabrication est importante et remonte à loin. Même si les changements dans le pourcentage de livraisons attribuables aux usines sous contrôle étranger se sont produits à l'intérieur de certains secteurs, le taux de pénétration global de l'étranger est demeuré relativement constant au cours de cette période.

Même si la population du secteur de la fabrication évolue continuellement, tant du fait de la création de nouvelles usines que des changements de contrôle, ces deux forces s'exercent généralement dans des parties différentes de la répartition selon la taille et dans des industries différentes. Les usines nouvelles et fermées représentent en moyenne moins de 40 % de la taille de toutes les usines (tableau 4). Les usines sujettes à des changements de contrôle sont 226 % plus grandes que l'usine moyenne. La différence de taille relative entre les nouvelles usines et celles qui subissent des changements de contrôle se vérifie aussi pour les populations étrangères et canadiennes, même si la différence, entre les unes et les autres est plus importante pour le secteur canadien que pour le secteur étranger.

Les entreprises étrangères et les entreprises canadiennes ont tendance à évoluer dans des parties différentes de la répartition selon la taille. Même si les entreprises canadiennes détenaient environ 89 % de toutes les usines entre 1976 et 1996, elles représentaient seulement 53 % des livraisons (tableau 5). Les usines sous contrôle étranger représentaient seulement 11 % de toutes les usines, mais 47 % des livraisons. Les usines sous contrôle étranger étaient relativement plus grandes. Si l'on répartit chaque industrie selon la taille médiane de ses usines, la part des usines et des livraisons était considérablement plus élevée pour les usines canadiennes de taille inférieure à la médiane que pour celles de taille supérieure. L'inverse était vrai pour les usines sous contrôle étranger.

Les changements de contrôle dont il est question dans la présente étude ont trait à la fois à des acquisitions par des entreprises qui sont dans la même industrie ou dans d'autres industries. Les changements de contrôle dans la même industrie sont horizontaux; les changements de contrôle dans d'autres industries comportent un niveau de diversification selon les limites de l'industrie. Les fusions horizontales entraînent parfois l'exploitation d'économies d'échelle, grâce à la combinaison de la production au sein d'une industrie, tandis que la diversification amène de nouveaux arrivants dans une industrie et permet d'exploiter les économies au niveau de l'entreprise ou les complémentarités de la chaîne d'approvisionnement.

La part des livraisons totales pour les fusions horizontales, par opposition aux fusions diversifiées, est tracée dans le graphique 3 pour la période de 1976 à 1996. Les fusions horizontales sont définies comme celles entre des entreprises qui ont des usines dans la même industrie à quatre chiffres. Cette catégorie est divisée entre les acquéreurs qui ne possédaient qu'une usine et ceux qui en possédaient plusieurs.

4   Cadre d'examen

4.1  Moteurs des fusions

Les auteurs d'études empiriques sur les fusions ont choisi plusieurs cadres différents pour étayer leur examen des raisons des changements de contrôle.

L'approche fondée sur la discipline de gestion (Meade, 1968) traite les prises de contrôle et les fusions comme une forme de sélection naturelle, qui donne lieu au remplacement des mauvais gestionnaires, par suite de la prise en charge des usines inefficaces. Si cette raison prédomine, les acquisitions seront dictées par la tentative de réformer les entreprises inefficaces. Les cibles des prises de contrôle figureront parmi les moins efficaces, en raison d'un contrôle de gestion intransigeant ou d'événements imprévus. Les tentatives en vue de vérifier cette hypothèse ont tendance à reposer sur des variables qui laissent supposer l'inefficacité ou l'échec, et définissent ces usines comme ayant un rendement inférieur, égal ou en baisse. On cherche des preuves que les usines sont plus susceptibles de connaître un changement de contrôle si elles se situent derrière les autres (selon une mesure donnée) ou tirent encore davantage de l'arrière (un concept de détérioration relative).

D'autres approches offrent une hypothèse plus générale de la création de valeur grâce aux fusions. Par exemple, l'hypothèse de la synergie suppose que les acquisitions créent un nouveau groupe hiérarchique qui est supérieur à la somme des valeurs des entreprises indépendantes. Nguyen et Ollinger (2006) prétendent que l'un des objectifs qui sous-tend le changement de propriété est l'amélioration de l'efficacité opérationnelle. Dans une veine similaire, la théorie de l'appariement (Lichtenberg et Siegel, 1987, 1990) postule que les changements de propriété sont le résultat de la recherche d'un meilleur appariement par les entreprises, en vue d'améliorer leur rendement. Encore une fois, cette théorie a servi à démontrer que les entreprises moins efficaces sont plus susceptibles d'être acquises (McGuckin et Nguyen, 1995). Dans ce qui suit, nous nous demanderons aussi si le fait de se situer derrière les autres ou de tirer encore plus de l'arrière mène à des fusions, afin d'évaluer l'importance de l'échec ou de la discipline de gestion comme motifs des acquisitions et des dessaisissements.

Toutefois, tant l'approche de l'appariement que celle de la synergie sont compatibles avec le résultat que les fusions se produisent généralement entre les usines qui obtiennent relativement du succès, mais dont l'union serait encore plus avantageuse. L'approche de la synergie postule que les acquisitions se produisent lorsque la valeur du nouveau groupe hiérarchique d'entreprises combinées devant être créé par suite de l'acquisition sera supérieure à la somme de la valeur des entreprises prises individuellement. Dans ce scénario, il se peut que les entreprises acquéreures aient tendance à cibler les entreprises productives et efficaces, qui ont des actifs techniques et des actifs de marques spéciaux (Nguyen et Ollinger, 2006). McGuckin et Nguyen (1995) considèrent le changement de propriété comme étant motivé par le désir d'acquérir une efficacité opérationnelle, qui peut être obtenue autrement que par l'amélioration pure et simple de la discipline de gestion.

Les examens des fusions faisant intervenir des entreprises multinationales ont aussi été axés sur la création de valeur liée aux actifs spéciaux détenus par ces entreprises. Ces études commencent par reconnaître que les entreprises multinationales possèdent des actifs spéciaux qui les rendent supérieures aux entreprises canadiennes à bien des égards (Markusen, 1995) 7 . Ces caractéristiques s'expliquent par des actifs intégrés qui se présentent sous la forme d'actifs incorporels (technologie, commercialisation ou connaissance organisationnnelle) qui sont mieux exploités à l'étranger, non en raison de transactions entre sociétés indépendantes (vente de savoir-faire) mais à cause de la production étrangère (Caves, 1996). Une combinaison d'avantages spéciaux, dont certains sont incorporels et propres au pays, mène à l'investissement direct étranger (Dunning, 1977).

Les entreprises multinationales étrangères peuvent pénétrer un marché étranger grâce aux entrées ou aux acquisitions, et le choix du mode dépendra de plusieurs facteurs, comme le risque, la taille et l'expérience (Caves, 1996, chapitre 3). Les entreprises multinationales étrangères qui achètent une entreprise locale pour entrer sur un marché achètent aussi l'accès à un stock de données précieuses, y compris la connaissance par les gestionnaires locaux du marché national, et d'autres formes de savoir-faire qui peuvent se compléter.

Le modèle d'investissement direct étranger à la recherche d'actifs (Wesson, 1999) élargit cette approche en soutenant que les entreprises étrangères tentent de créer des avantages pour elles-mêmes, grâce à l'acquisition et à l'internalisation d'actifs de valeur dans le pays hôte. Buckley et Casson (1998) utilisent aussi l'approche de l'internationalisation en matière d'investissement direct étranger et comparent toute une gamme de stratégies pour l'entrée sur les marchés étrangers. Ils soutiennent que l'entrée grâce aux acquisitions sera probablement favorisée par rapport à l'entrée pure et simple lorsque les coûts de l'apprentissage du marché étranger et les coûts de la concurrence sur le marché étranger sont élevés, parce que l'investissement nouveau augmente la capacité au niveau local et intensifie la concurrence.

Dans la majeure partie des explications du processus de fusion qui repose sur la synergie figure l'hypothèse implicite ou explicite suivante : la différence entre les caractéristiques d'une usine et une certaine valeur moyenne de cette caractéristique dans l'ensemble de la répartition des usines fournit une indication du degré d'inefficacité ou de synergie disponible et pouvant être corrigé ou exploité grâce au changement de contrôle. Toutefois, dans un contexte d'agents hétérogènes, des synergies peuvent exister entre les concurrents à l'intérieur de segments. Il se peut que ces segments comprennent des usines qui se ressemblent. Si tel est le cas, les usines plus petites peuvent se combiner à d'autres petites usines ou les grandes usines peuvent se combiner entre elles. Dans ce cas, des possibilités de création de valeur par suite de l'acquisition et du dessaisissement peuvent être présentes dans la presque totalité des usines, qu'on les classe selon la taille ou selon d'autres caractéristiques.

La notion qui veut que les buts de la prise de contrôle aient de bonnes chances de posséder certains atouts qui facilitent le transfert des connaissances correspond tant aux prises de contrôle par les entreprises étrangères que par les entreprises canadiennes. Le changement de contrôle entraîne souvent l'expansion d'une entreprise, soit horizontalement, soit dans de nouvelles industries. Que cette expansion soit le fait d'une multinationale ou d'une entreprise canadienne, ces changements de contrôle facilitent le transfert de l'information. On s'attend à ce que les entreprises des deux nationalités soient à la recherche d'entreprises hôtes qui font en sorte que les connaissances soient exploitées le mieux possible. Ainsi, il est possible qu'il y ait des ressemblances entre les caractéristiques des usines qui connaissent une prise de contrôle par des entreprises tant étrangères que canadiennes.

On examine dans cette étude la mesure dans laquelle les caractéristiques des usines qui connaissent des prises de contrôle correspondent au modèle fondé sur la discipline de gestion et l'hypothèse de la synergie décrit précédemment. On se demande aussi si une performance en perte de vitesse mène à une fusion ou à une acquisition dans le but d'évaluer l'importance des motifs « déclin » ou « discipline ». On examine également comment les usines qui connaisssent des changements de contrôle se comparent avec l'usine non acquise moyenne en utilisant un large éventail de caractéristiques, allant de la taille des usines aux caractéristiques liées aux connaissances, et ce, afin de déterminer l'ensemble de caractéristiques qui attire les prises de contrôle. Finalement, on se demande si certaines caractéristiques des industries comptent vraiment, puisque les caractéristiques des industries peuvent fournir une dimension additionnelle qui englobe le potentiel ou le besoin de procéder à une entrée ou à une expansion d'une entreprise par le truchement d'une prise de contrôle. Et, bien sûr, il peut y avoir des circonstances technologiques particulières qui suscitent parfois des possiblités de fusion au niveau de l'industrie 8 . Dans cette analyse, les usines sont séparées entre celles qui sont la propriété d'entreprises canadiennes et celles qui sont la propriété d'entreprises étrangères, et les différences entre les déterminants des changements de contrôle dans chaque population et dans toutes les sous-catégories (de canadienne à étrangère et vice versa) sont examinées 9 .

4.2  Le cadre analytique

Notre objectif est d'examiner les caractéristiques des usines dessaisies ou acquises, afin de préciser les causes sous-jacentes des changements de contrôle d'usines. On présume que les acquéreurs sont à la recherche de cibles potentielles d'acquisition qui répondent à un certain nombre de mesures (on présume habituellement qu'il s'agit d'une valeur prévue) qui sont indiquées ici par v. La valeur de v qui provient d'un changement de contrôle est déterminée par une combinaison de caractéristiques d'usine et d'entreprise propriétaire, et de mesures au niveau de l'industrie. Posons que la valeur v pour l'usine i au moment t soit définie comme : 

(1)
Image

X est un vecteur des attributs spécifiques à une usine i au moment t, Y est un vecteur des attributs spécifiques à l'entreprise propriétaire (indexée par k), Z est un vecteur renfermant les caractéristiques de l'industrie dans laquelle l'usine se situe (l'industrie est indexée par j), et Image est un terme de l'erreur aléatoire saisissant les influences non observées.

On présume que les acquéreurs choisissent d'acquérir l'usine i à un moment donné dans le temps si la valeur prévue est plus élevée qu'un niveau critique non observé, soit Image.

La probabilité qu'une usine est acquise est donc définie comme la probabilité que Image.

(2)
Image

OC=1 révèle un changement de propriété et 0 autrement. Réécrire (2) nous donne : 

(3)
Image

Le choix du modèle statistique dépend de la forme des résidus. Si la distribution cumulative est normale, alors le probit est le choix approprié; si elle se conforme à une fonction logique, le modèle logit est le bon choix. À des fins pratiques, les différences sont habituellement petites et ici on présume que Image.

L'équation (3) peut ainsi être réécrite comme suit : 

(4)
Image

Image sont constants, Image est une constante d'une année spécifique et Image, la distribution normale cumulative.

Les variables qui sont utilisées se retrouvent dans trois groupes différents : 

  1. un changement de performance de l'usine juste avant la fusion,
  2. sa performance à plus long terme, et
  3. les caractéristiques de l'industrie dans laquelle elle se situe.

Chacun de ces ensembles est examiné séparément.

4.2.1  Mesures du rendement de l'usine : changements avant la prise de contrôle

Le premier ensemble de variables englobe les caractéristiques de rendement à court terme de l'usine. Nous examinons ici la nature du rendement antérieur d'une usine afin de vérifier l'hypothèse de la discipline de gestion, c'est-à-dire que ce sont les usines dont le rendement se détériore qui sont acquises, et ce, dans le but de profiter des possibilités de l'améliorer. Étant donné qu'on ne sait pas clairement durant quelle période la gestion peut se détériorer avant que le marché agisse comme force disciplinaire, on examine deux périodes différentes, soit les trois années précédentes et l'année qui précède seulement. Les mesures du changement à très court terme (une année) se sont comportées légèrement mieux dans l'analyse et sont présentées ici.

Plusieurs mesures du rendement sont disponibles : 

  1. l'intensité de connaissances de l'usine,
  2. sa taille relative,
  3. son taux de rémunération, et
  4. sa rentabilité.

Chacun des éléments est mesuré par rapport à la moyenne de l'industrie à quatre chiffres dans laquelle l'usine se trouve et est défini comme la différence entre le rendement pour la période actuelle (pour lequel un changement de contrôle peut se produire ou pas) et le rendement un an auparavant 10 . La réduction de l'intensité de connaissances est le signe de la détérioration d'un actif clé des grandes usines. La réduction de la taille relative de l'usine est une indication d'une perte de part de marché. La réduction du taux de rémunération moyen relatif est le signe que les usines perdent leur avantage concurrentiel sur le marché du travail. La réduction des bénéfices a des répercussions directes sur le bien-être des actionnaires. La détérioration de l'une ou de toutes ces mesures de la performance est le signe pour les acquéreurs que des gains possibles sont à tirer de la fusion.

Toutes les mesures de la performance ont été utilisées ensemble dans la présente analyse. Si la discipline de gestion représente un motif important de la fusion, elle devrait comporter des signes négatifs. Par ailleurs, si les entreprises utilisent ces caractéristiques comme une indication d'une vigueur pouvant mener à des gains additionnels dans le cadre d'une fusion synergétique, elles seront liées à des coefficients positifs.

Les variables utilisées sont les suivantes : 

ΔRel_NL_L_1_0 : modifications du ratio de main-d'oeuvre administrative (non liée à la production) et du nombre total de travailleurs d'une usine par rapport à la moyenne pour l'industrie à laquelle elle appartient : mesure du changement dans les connaissances de l'usine.

ΔRel_L_1_0 : modifications de la taille de l'effectif de l'usine par rapport à la moyenne de l'industrie : mesure du changement dans la part de marché.

ΔRel_TR_1_0 : modifications du taux de rémunération de l'usine par rapport à la moyenne de l'industrie à laquelle elle appartient : mesure du changement dans la capacité d'une usine de concurrencer sur les marchés du travail 11 .

ΔRel_TB_1_0 : modifications du taux de bénéfice d'une usine (valeur ajoutée 12  moins les salaires et les traitements divisés par la valeur ajoutée) par rapport à la moyenne de l'industrie à laquelle elle appartient : mesure du changement de rentabilité de l'usine.

Toutes les modifications sont définies comme la différence de rendement pour une année particulière moins le rendement un an plus tôt.

4.2.2  Mesures du rendement de l'usine : niveaux des caractéristiques de l'usine

Le deuxième ensemble de variables a trait au niveau de certaines caractéristiques de l'usine. Ces variables rendent compte de la mesure dans laquelle certains types d'actifs sont choisis pour la synergie. Nous commençons avec la taille relative de l'usine, qui est une approximation générale des types de compétences qui permettent à certaines usines d'augmenter leur taille. Les grandes usines profitent d'économies d'échelle. Les grandes entreprises possèdent des actifs qui leur permettent de s'organiser et de contrôler la production à grande échelle. Elles diffèrent aussi considérablement du point de vue de leur base de connaissances. Elles sont plus susceptibles d'être innovatrices, d'exécuter de la recherche et du développement et de compter sur un effectif scientifique. Ce sont ces caractéristiques qui laissent supposer le type de connaissances intégrées que les acquéreurs recherchent, surtout ceux dont les objectifs premiers sont le transfert de connaissances. Nous incluons en outre le nombre de produits, afin de rendre compte de la possibilité d'économies de gamme au niveau de l'usine. Si ces caractéristiques sont associées à de plus grandes synergies, les coefficients comporteront un signe positif.

Même si la taille représente une approximation générale des compétences qui peuvent être à la source de synergies dans le cadre d'une fusion, nous incluons aussi une variable particulière, l'intensité de connaissances de l'usine, représentée par le ratio de la main-d'oeuvre administrative à l'emploi total. La main-d'oeuvre administrative constitue le groupe de gestionnaires et de professionnels qui coordonnent la production. Une base de connaissances élevée devrait être associée à ce type d'actifs qui fournissent des synergies pour les changements de contrôle et qui devraient comporter un signe positif.

L'« âge de l'usine » est aussi utilisé comme une approximation des mêmes caractéristiques. Les usines plus âgées ont intégré de l'expérience et des connaissances à partir de l'expérience de production cumulative, et cette variable devrait comporter un signe positif.

Enfin, nous incluons la distance entre l'usine et l'entreprise mère. Les entreprises prennent souvent de l'expansion au-delà des limites des industries, dans le cadre d'un processus de diversification. Ces fusions ont tendance à être les moins réussies (Lecraw, 1984). Par conséquent, il se peut que ces usines soient plus vulnérables aux prises de contrôle, parce qu'elles valent davantage aux yeux des entreprises qui ont plus d'expérience dans l'industrie, ou parce qu'elles comportent une part plus grande d'expérimentation et sont plus susceptibles d'échouer. Nous incluons par conséquent une variable binaire qui prend la valeur de « 1 » si une usine est possédée par une entreprise dont l'activité principale se situe dans une autre industrie à quatre chiffres. À partir des recherches sur le rendement de la diversification non liée, on s'attend à ce qu'elles prennent un signe négatif.

Les variables utilisées sont les suivantes : 

Rel_NL_L_1_3 : ratio de la main-d'oeuvre administrative au nombre total de travailleurs d'une usine par rapport à la moyenne pour l'industrie, mis en moyenne sur les trois années précédentes. Une moyenne sur trois ans est utilisée pour éliminer les fluctuations annuelles du rendement relatif de l'usine.

Rel_L_1_3 : taille de l'usine du point de vue de l'effectif total par rapport à la moyenne de l'industrie à laquelle elle appartient, mise en moyenne sur les trois années précédentes.

Âge : âge de l'usine pour celles qui ont commencé à exister après 1961.

Usine_1961 : âge d'une usine pour les usines étant apparues en 1961 ou avant. Puisqu'il n'existe pas d'information sur l'âge exact de ce groupe parce que la base de données date de 1961, leur âge est codé à partir de 1961.

Numéro de produit : la mesure de la diversification des produits d'une usine calculée comme l'équivalent du nombre de produits, selon la mesure d'Herfindahl de la diversification des produits des usines 13 .

Non lié : variable binaire servant à saisir les fusions et les acquisitions liées ou non liées. Elle prend une valeur de « 1 » si l'usine acquise est détenue par une entreprise dont l'activité principale se situe dans une autre industrie, et de « 0 » dans les autres cas.

4.2.3  Variables de l'industrie

Le troisième ensemble de variables correspond aux caractéristiques de l'industrie qui tiennent compte du fait que certaines industries comprennent davantage d'usines du type de celles qui offrent de plus grandes possibilités de synergie. Baldwin et Caves (1991) indiquent que certaines industries (à vocation scientifique et à économies de gamme) comprennent des usines dont les connaissances sont intégrées et où le changement de contrôle représente la meilleure méthode pour combiner les nouvelles connaissances aux anciennes grâce aux changements de contrôle.

Même si les effets de l'industrie pourraient être saisis au moyen des variables binaires de l'industrie, nous préférons une approche plus informative. Par conséquent, nous avons inclus les caractéristiques de l'industrie, comme la taille relative des usines, l'intensité relative de la main-d'oeuvre administrative dans l'industrie (une approximation des connaissances), ainsi que le taux relatif de rémunération et de bénéfices de l'industrie. Dans chaque cas, les caractéristiques de l'industrie sont mesurées par rapport à la moyenne pour le secteur de la fabrication. La probabilité de prise de contrôle devrait être positive pour chacune des caractéristiques, si celles-ci agissent comme des approximations de caractéristiques particulières de l'industrie, outre les caractéristiques de l'usine qui facilitent les synergies par suite de la prise de contrôle.

Par ailleurs, nous incluons une variable de l'industrie qui rend compte du nombre d'usines dans une industrie. Elle mesure l'intensité de la concurrence dans une industrie ou la facilité d'y entrer par le truchement de la création de nouvelles usines. Le nombre d'usines dans une industrie est inversement lié à la difficulté d'entrée et d'expansion grâce à la création d'usines, et on s'attend à ce qu'il soit négativement lié à la probabilité de prise de contrôle. Lorsqu'il y a peu d'usines, l'entrée est plus susceptible de se faire grâce à une prise de contrôle que par une nouvelle expansion, la première ayant moins d'effet sur la capacité et, par conséquent, moins d'effet à la baisse sur les prix.

Enfin, nous reconnaissons qu'il existe certains effets d'industrie qui ne sont pas saisis dans les caractéristiques d'industrie qui précèdent, et nous incluons un ensemble de variables binaires au niveau de l'industrie; toutefois, même dans ce cas, nous expliquons notre choix de regroupement d'industries à partir des recherches antérieures qui ont divisé les industries à quatre chiffres en cinq grands groupes 14 , chaque groupe étant défini principalement sur la base des facteurs qui influencent le processus de concurrence : 

  1. Les industries à base de ressources naturelles : le déterminant premier du succès concurrentiel est l'accès à des ressources naturelles abondantes.
  2. Les industries à forte intensité de main-d'oeuvre : le déterminant premier du succès concurrentiel est le coût de la main-d'oeuvre.
  3. Les industries à base d'économies d'échelle : le déterminant premier du succès concurrentiel est l'étendue des cycles de production.
  4. Les industries à produits différenciés : le déterminant premier du succès concurrentiel est la capacité de cibler la production en fonction des demandes des divers marchés.
  5. Les industries à vocation scientifique : le déterminant premier du succès concurrentiel est l'application des connaissances scientifiques.

Les industries à produits différenciés et les industries à vocation scientifique reposent sur des actifs incorporels de marques et de connaissances.

Les variables utilisées sont les suivantes : 

Ind_Rel_L : taille moyenne des usines de l'industrie (effectif) par rapport à la taille moyenne de l'effectif des usines dans le secteur de la fabrication.

Ind_Rel_NL : ratio de la main-d'oeuvre administrative au nombre total de travailleurs divisé par le ratio de la main-d'oeuvre administrative du secteur de la fabrication et de l'emploi total.

Ind_Usine : nombre d'usines dans une industrie.

Ind_Rel_TR : taux de rémunération de l'industrie par rapport au taux de rémunération moyen de tout le secteur de la fabrication.

Ind_Rel_TB : taux de bénéfice de l'industrie (valeur ajoutée moins les salaires et les traitements divisés par la valeur ajoutée) en rapport avec la moyenne du même ratio pour l'ensemble du secteur de la fabrication. Il convient de souligner que, sur une base transversale, cette variable est principalement liée aux différences entre les industries dans l'intensité du capital.

IND : variables binaires de l'industrie ou du secteur.

IND1 : représente les industries à base de ressources naturelles.

IND2 : représente les industries à forte intensité de main-d'oeuvre.

IND3 : représente les industries à base d'économies d'échelle.

IND4 : représente les industries à produits différenciés.

IND5 : représente les industries à vocation scientifique.

IND3 : est la catégorie omise des régressions.

L'estimation de régression est la suivante : 

(5)
Image

i, k et j désignent l'usine, l'entreprise et l'industrie, respectivement, et t, l'année.

Du fait de l'inclusion d'un ensemble de variables de l'industrie reprises dans toutes les observations individuelles d'usine, l'analyse de régression utilise des techniques de mise en grappes robustes pour les variables de l'industrie.

Les changements de contrôle se divisent en quatre ensembles, afin de déterminer les différences entre les types de nationalité. Les quatre ensembles sont les suivants : 

  1. entreprises canadiennes prenant le contrôle d'autres entreprises sous contrôle canadien (C à C),
  2. entreprises étrangères prenant le contrôle d'entreprises sous contrôle canadien (É à C),
  3. entreprises étrangères prenant le contrôle d'autres entreprises sous contrôle étranger (É à É) et,
  4. entreprises canadiennes prenant le contrôle d'entreprises sous contrôle étranger (C à É).

La répartition des changements de propriété à l'intérieur et entre les groupes de nationalité utilisés dans l'analyse est présentée dans le tableau 6. Des changements de contrôle se produisent plus fréquemment dans les usines sous contrôle canadien (47 %), ainsi que dans les usines sous contrôle étranger (24 %). On comptait un nombre légèrement plus élevé d'entreprises étrangères faisant l'acquisition d'usines canadiennes (15 %) que d'entreprises canadiennes faisant l'acquisition d'usines étrangères (14 %).

Afin d'éviter la possibilité que nos résultats empiriques soient assujettis à des observations aberrantes, les usines qui comportent des estimations statistiquement exceptionnelles au chapitre des variables du changement de rendement ont été supprimées. Nous utilisons des fichiers de microdonnées brutes qui sont recueillies dans le cadre du processus qui alimente le système d'entrées-sorties des comptes nationaux. Les fichiers de microdonnées sont corrigés uniquement pour saisir les agrégations inhabituelles au niveau de l'industrie. Plutôt que d'imposer nos propres programmes de contrôle détaillé à toutes les usines, nous excluons celles des groupes compris dans les 1 % inférieur ou supérieur de la population pour chacun des changements dans les variables de la taille relative de l'usine et du taux de rémunération, puis les groupes compris dans les 2 % supérieur et inférieur pour les changements dans la rentabilité relative. Nous excluons aussi les usines où il existait des lacunes dans les données du fichier, entre le dessaisissement et l'acquisition, en raison probablement du retard pur et simple de la collecte des données au cours de la période de transfert de propriété. Une fois ces contrôles effectués, 524 063 usines sont demeurées dans l'échantillon avec des observations utilisables pour l'ensemble complet de variables; quelque 11 117 de ces usines ont connu des changements de contrôle.

Le tableau 7 offre une comparaison des statistiques sommaires (moyennes) pour la population de chaque classe et couvrant toute la dichotomie du changement de propriété étranger/canadien. Si on les compare aux usines de la même nationalité qui ne connaissent pas de changement de contrôle, les usines qui sont dessaisies dans les catégories (C à C) et (C à É) sont plus grandes, ont une plus grande proportion de main-d'oeuvre administrative, sont plus âgées, ont plus de gammes de produits, sont plus susceptibles de se retrouver dans des industries qui ne sont pas reliées à l'industrie première de leurs entreprises d'appartenance et sont plus susceptibles de se retrouver dans des industries qui ont, en moyenne, des usines de plus grande taille, des ratios plus élevés de main-d'oeuvre administrative, des taux de salaire plus élevés et des taux de bénéfice plus importants. Pour le secteur étranger, les usines qui sont dessaisies dans la catégorie (É à É) ont en commun la plupart de ces différences dans la comparaison avec (C à C), à l'exception du taux de salaire de l'industrie. Comparées aux usines étrangères qui ne connaissent pas de changement de propriété, les usines dans la catégorie (É à C) ont en commun la plupart des différences que l'on retrouve dans la catégorie (É à É), avec toutefois quelques exceptions.

5   Résultats de la régression

5.1  Tous les changements de contrôle

Nous commençons par estimer la probabilité d'un changement de contrôle pour toutes les usines pour la période de 1973 à 1999. Nous combinons à la fois les usines canadiennes et étrangères et nous examinons les différences entre les deux en utilisant une variable binaire (étrangère). Les coefficients et les effets secondaires (évalués à la valeur médiane des variables) de l'équation probit sont présentés dans les tableaux 8 et 9. Chacun des trois ensembles de variables explicatives a été additionné de façon séquentielle mais les signes et les niveaux de signification des variables n'ont généralement pas été touchés alors que des variables additionnelles étaient ajoutées. Ainsi, l'étude portera uniquement sur l'ensemble complet des covariables.

Tous les effets secondaires associés aux variables au niveau de l'usine sont positifs et significatifs; de plus, ils confirment généralement que les usines qui connaissent un changement de contrôle possèdent des types de compétences absorbantes nécessaires pour rendre possibles les prises de contrôle qui permettent le transfert des connaissances parmi toutes les entreprises. La probabilité d'un changement de propriété augmente avec l'âge et la taille, deux variables qui englobent les compétences générales. La relation à la taille de l'usine est également compatible avec l'explication voulant que les économies d'échelle de l'usine sous-tendent les fusions. Ce résultat correspond à celui de Nguyen et McGuckin (1993), qui ont utilisé un échantillon d'établissements de fabrication américains. La probabilité d'un changement de contrôle augmente avec le nombre de produits fabriqués dans l'usine, ce qui est compatible avec une explication d'économies de gamme. Les changements de contrôle sont aussi plus susceptibles de se produire si l'effectif des superviseurs et des gestionnaires est plus important en nombre, ce qui suggère que l'intensité de la connaissance associée à une grande main-d'oeuvre de cols blancs joue un rôle important pour déterminer si une usine est une bonne candidate pour une prise de contrôle 15 . Les usines qui sont moins liées aux entreprises principales de leur entreprise d'appartenance sont plus susceptibles de connaître un changement de contrôle. Une diversification non liée entraîne davantage de roulements en raison de dessaisissements d'usines, un résultat qui correspond à celui de Lecraw (1984).

Les variables de la variation de performance d'avant la prise de contrôle fournissent la preuve qu'une baisse systématique de la performance d'une usine est associée à des augmentations de probabilité de prise de contrôle. Les changements dans la variable relative « taux de salaire » sont négatifs et significatifs au niveau de 10 %. Les usines qui perdent leur compétitivité sur le marché du travail sont plus susceptibles d'être acquises. Les changements dans la variable « bénéfice » et dans la taille de l'usine ne sont pas significatifs.

Par contre, les hausses dans la taille relative de la composante de la main-d'oeuvre administrative comportent un lien positif avec la probabilité de prise de contrôle. Les acquéreurs visent non seulement les usines qui comptent un effectif professionnel relativement important, mais ils mettent aussi l'accent sur les usines qui améliorent leurs capacités à ce chapitre. Cela indique que les acquisitions ont lieu dans les usines où les bases de connaissances sont de plus en plus propices à la production des connaissances.

Un certain nombre de caractéristiques des industries sont significatives. Les changements de contrôle d'usine sont considérablement plus élevés dans les industries ayant des taux de salaires moyens plus hauts et une intensité de capital plus élevée (l'approximation de l'intensité de capital), ces deux caractéristiques étant révélatrices d'une intensité de connaissance plus élevée. De plus, la probabilité d'un changement de contrôle est beaucoup plus élevée là où il y a moins d'usines dans une industrie (ou beaucoup moins élevé lorsqu'il y a plus d'usines). Ces industries sont également celles où l'entrée de nouvelles entreprises est moins probable.

Les industries à fortes économies d'échelle (IND3), le secteur omis, sont plus susceptibles de subir des changements de contrôle au même titre que les industries des ressources naturelles (IND1), suivies des industries à vocation scientifique (IND5), des industries productrices de biens différenciés (IND4) et enfin, des industries à forte intensité de main-d'oeuvre (IND2). Les changements de contrôle sont donc plus intensifs là où les facteurs d'échelle ou les actifs spécialisés comme les compétences technologiques ou les marques sont importants 16 .

Même après que les contrôles sont inclus pour ce qui est des variables de niveau et de changement, les usines de propriété étrangère sont plus susceptibles de connaître un changement de contrôle en comparaison avec les usines de propriété canadienne. Cela va dans le sens de l'hypothèse voulant que ces usines possèdent le type d'actifs qui font d'elles les candidates idéales pour une prise de contrôle et que le roulement est plus élevé dans les usines étrangères en raison de seuils de prime plus élevés.

L'importance relative des différentes variables peut également être mesurée en examinant la manière dont la probabilité de prise de contrôle varie en fonction des augmentations discontinues d'une variable parmi différentes usines dans la population, en utilisant les renseignements sur l'ampleur de la variation d'une caractéristique particulière parmi les usines (tableau 10). La hausse de la probabilité d'une prise de contrôle qui se produit lorsque l'on passe d'une usine ayant une valeur médiane d'une certaine variable (par exemple, l'âge, la taille, etc.) à une usine ayant une valeur pour cette variable au 75e percentile est présentée dans le tableau 10. Par exemple, lorsque l'on en vient à considérer la variable « âge », on compare en fait une usine qui a 9 ans d'âge avec une usine qui est âgée de 15 ans.

Les répercussions les plus importantes résultant du fait de passer d'un point à l'autre de la distribution d'une variable touche l'intensité des connaissances. La probabilité d'une prise de contrôle augmente de 44 %, lorsque l'on compare des usines au 50e percentile et au 75e percentile des valeurs de l'intensité relative de la main-d'oeuvre administrative. La variable « âge » a aussi des répercussions relativement importantes : quelque 11,5 % pour les usines construites après 1961 et près de 10 % pour les usines construites avant 1961. Le passage de la médiane au 75e percentile pour la taille relative de l'usine et le nombre de produits a moins de répercussions. Les variables de changement d'usine ont également un impact moins grand.

Parmi les variables d'industrie, le nombre d'usines a les répercussions les plus fortes sur les variations de la probabilité d'une prise de contrôle. Passer de la caractéristique médiane de l'industrie pour cette variable au 75e percentile entraîne une baisse de la probabilité d'une prise de contrôle de 14 %. Les prises de contrôle sont beaucoup moins nombreuses dans les industries ayant une plus faible concentration, c'est-à-dire celles qui ont davantage d'usines. Les autres répercussions dignes de mention sont liées au taux de salaire moyen de l'industrie et aux bénéfices relatifs (l'approximation de l'intensité de capital). La probabilité d'une prise de contrôle augmente dans une proportion de 5 % à 7 % pour les usines dont l'intensité de capital et les taux de salaire moyens dans l'industrie dont elles font partie varient de façon considérable.

Alors que le coefficient des changements dans les taux de salaire indique que le marché a connu une performance sous la normale dans ce domaine, les changements importants dans cette variable parmi les usines n'ont pas de répercussions considérables sur la probabilité d'une prise de contrôle, du moins en ce qui concerne le niveau individuel de l'usine et les caractéristiques de l'industrie.

Les répercussions des deux variables binaires sont plus importantes par rapport aux variables continues. Le fait d'appartenir à une entreprise dont les activités principales se situent ailleurs augmente la probabilité de prise de contrôle de 127 %, tandis que le fait d'appartenir à une entreprise étrangère augmente la probabilité de prise de contrôle de 86 %. La nationalité d'une usine a une influence considérable sur la probabilité d'une prise de contrôle.

5.2  Changements de contrôle étrangers comparativement aux changements de contrôle canadiens

Afin de comparer les différences systématiques entre les corrélats des changements de propriété des usines acquises et des entreprises acquérantes de diverses nationalités, l'équation (5) est réestimée pour quatre différents ensembles de transferts à l'intérieur de la taxonomie des propriétés canadiennes et des propriétés étrangères (C à C, C à É, É à C et É à É). Pour les changements de propriété des deux ensembles (C à C) et (C à É), le groupe de comparaison est constitué des usines sous contrôle canadien sans changement de propriété. Pour les changements de propriété des deux ensembles (É à C) et (É à É), le groupe de comparaison est constitué des usines sous contrôle étranger sans changement de propriété.

Les comparaisons entre les échanges d'usines entre propriétaires de différentes nationalités (C à É et É à C) offrent une méthode visant à déterminer s'il existe des différences significatives dans les motivations qui sous-tendent les changements de contrôle à l'intérieur du secteur étranger et du secteur canadien. Les motivations de changement ont probablement trait à la fois aux caractéristiques des usines acquises et des entreprises acquérantes. Si les premières dominent, l'équation pour les transferts de C à É et de É à C devrait s'apparenter dans une large mesure à celle pour les transferts de C à C et de É à É, respectivement, dont il est question ci-dessus. Si, toutefois, il existe des facteurs spéciaux qui émanent de l'entreprise qui acquiert l'usine, les deux équations ressembleront davantage aux transferts É à É et C à C, respectivement.

Les effets secondaires respectifs provenant des régressions probit pour (C à C) et (C à É) sont présentés dans le tableau 11. Les signes et la signification des variables pour le groupe, de même que pour la dichotomie entre propriété canadienne et propriété étrangère, sont présentés dans le tableau 13 pour faciliter la comparaison.

5.2.1  Changements de propriété entre entreprises canadiennes

Les signes et les coefficients des caractéristiques de l'usine tout autant que les variables de l'industrie pour l'échantillon canadien ressemblent généralement aux résultats de l'échantillon regroupé, bien qu'avec des différences d'ampleur. La plupart des synergies liées à la taille présentes dans l'échantillon d'ensemble sont également présentes dans l'échantillon canadien. Les entreprises canadiennes ont tendance à cibler les usines canadiennes qui : 

  1. ont relativement plus de capital humain,
  2. sont plus grandes,
  3. ont davantage de produits,
  4. sont plus âgées, et
  5. sont dans les industries qui
  1. ne sont pas liées à leur entreprise mère,
  2. ont une composante de main-d'oeuvre administrative importante, et
  3. ont des taux de salaire plus élevés et sont à forte intensité de capital.

Il y a une exception, soit la variation des changements d'avant la fusion dans la taille relative de l'usine et les taux de salaire. En comparaison avec l'échantillon d'ensemble, les fusions canadiennes sont beaucoup plus susceptibles de se produire lorsque la taille de l'usine augmente. Et à l'opposé des résultats obtenus pour l'échantillon dans son ensemble, il n'est pas plus probable que cela se produise quand les salaires diminuent. Le motif disciplinaire a ainsi disparu pour le groupe canadien. Plutôt, les dessaisissements et les acquisitions surviennent lorsqu'il existe des signaux positifs concernant la performance.

5.2.2  Changements de propriété entre entreprises étrangères

Le tableau 12 présente les résultats de la régression pour (É à É) et (É à C) respectivement. Plusieurs des mêmes caractéristiques qui étaient liées aux prises de contrôle (C à C) sont également associées à la prise de contrôle d'usines étrangères par des entreprises étrangères, quoiqu'il y ait de nombreuses exceptions considérables qui indiquent qu'il existe des différences entre les raisons qui motivent soit un dessaisissement, soit une prise de contrôle.

Les deux variables qui englobent les synergies liées aux occasions d'échelle d'usine et de gamme d'usine ont moins d'importance dans le secteur étranger que dans le secteur canadien. La taille de l'usine n'importe pas pour les prises de contrôle (É à É) : la taille relative de l'usine est négative et non significative alors qu'elle est positive et significative pour les prises de contrôle (C à C). Cette différence peut survenir parce que la taille moyenne de l'usine étrangère est déjà plus grande ou parce que l'ensemble des habiletés recherchées par les acquéreurs étrangers est davantage idiosyncratique. Le coefficient lié au nombre de produits est négatif et non significatif pour (É à É), tandis qu'il était positif et significatif pour (C à C). Le manque de signification pour la variable du nombre de produits a aussi été le fait de la catégorie (C à É). Les résultats pour les variables de la taille de l'usine et du nombre de produits laissent supposer que les synergies dans le secteur étranger ne sont pas générées à partir de l'échelle de production et des économies de gamme bien que cela soit important dans le secteur canadien. Les entreprises étrangères utilisent principalement les changements de contrôle pour transférer des connaissances plutôt que pour tenter d'obtenir une usine d'une certaine taille qui leur permettrait de faire des économies d'échelle et de gamme.

Contrairement à ce qui est le cas pour les prises de contrôle (C à C), où les augmentations de la taille de l'usine laissent envisager de plus fortes probabilités de changements de propriété, les prises de contrôle (É à É) se produisent plus fréquemment lorsqu'il y a une diminution de la taille de l'usine, des taux de salaire ou des taux de bénéfice, et chacune de ces trois variables sont significatives. Toutes trois indiquent un échec. Soit les usines étrangères qui commencent à faiblir sont plus susceptibles d'être dessaisies, soit les acquéreurs étrangers sont plus susceptibles d'agir en tant que force disciplinaire. Comme il le sera démontré ci-après, des coefficients négatifs similaires existent dans la catégorie (É à C) mais non pas dans la catégorie (C à É), ce qui laisse supposer que c'est dans la catégorie (É à C) où la probabilité de dessaisissement est la plus grande. Une conduite déréglée est davantage susceptible de mener les entreprises étrangères que les entreprises canadiennes à se départir d'usines.

5.3  Échanges entre les nationalités

Les échanges d'usines entre propriétaires de différentes nationalités dans les catégories C à É et É à C offriront peut-être une méthode pour déterminer s'il existe des différences significatives dans les motivations qui sous-tendent les changements de contrôle à l'intérieur du secteur étranger et du secteur canadien. Les motivations de changement ont probablement trait à la fois aux caractéristiques des usines acquises et des entreprises acquérantes. Si les premières dominent, l'équation pour les transferts de C à É et de É à C devrait s'apparenter dans une large mesure à celle pour les transferts de C à C et de É à É, respectivement, dont il est question ci-dessus. Si, toutefois, il existe des facteurs spéciaux qui émanent de l'entreprise qui acquiert l'usine, les deux équations ressembleront davantage aux transferts É à É et C à C, respectivement.

5.3.1  Changements de propriété entre entreprises canadiennes et entreprises étrangères

Une comparaison entre les signes et les niveaux de signification pour les coefficients entre les prises de contrôle (C à É) et (C à C) (tableau 11) révèlent que les caractéristiques des usines canadiennes qui sont dessaisies au profit d'entreprises étrangères sont assez similaires à celles des usines canadiennes qui sont acquises par des entreprises canadiennes. Cela laisse supposer que ce sont les facteurs qui sous-tendent les dessaisissements dans le segment canadien qui dominent les changements de contrôle, tant au profit d'autres entreprises canadiennes que d'entreprises étrangères.

Les similitudes entre (C à C) et (C à É) disparaissent quand il s'agit du nombre de produits fabriqués et du changement de la taille de l'usine d'avant la fusion, ces deux variables n'étant significatives que dans les prises de contrôle (C à C). Les entreprises étrangères, donc, recherchent moins les économies de gamme lorsqu'elles évaluent les prises de contrôle canadiennes et s'intéressent également moins aux signaux positifs provenant du changement de la part de marché d'avant la fusion.

5.3.2  Changements de propriété entre entreprises étrangères et entreprises canadiennes

Les résultats pour les prises de contrôle (É à C) sont présentés au tableau 12. Il y a moins de variables significatives dans cette catégorie. Seulement 5 covariables sur 14 principales ont des répercussions significatives sur les changements de propriété. Il s'agit de la taille de l'usine, du nombre de produits, de la variable du statut « non relié », du changement dans l'intensité des connaissances et du changement des taux de salaire. Les prises de contrôle (É à C) ont un point commun majeur avec toutes les autres catégories. Les usines qui ne sont pas liées aux activités de base de leur société mère sont plus susceptibles de connaître des changements de propriété.

Dans le cas des autres variables, il existe des similitudes et des différences entre (É à C) et (É à É) ou (C à C) qui nous permettent de nous pencher sur la question de savoir comment la nationalité interagit avec les caractéristiques des usines dessaisies.

Par exemple, les prises de contrôle (É à C) sont inversement reliées à la taille de l'usine, comme c'était le cas pour les prises de contrôle (É à É). C'est exactement le contraire des deux catégories où les usines candiennes sont dessaisies (C à C) et (C à É). Cela nous amène à penser que la motivation liée à la taille est liée davantage aux raisons entraînant un dessaisissement qu'une acquisition parce que la caractéristique commune est la nationalité des usines qui se dessaisissent dans les deux paires (É à C, É à É) (C à C, C à É), et qu'elle diffère entre les secteurs canadien et étranger. Les grandes usines canadiennes sont plus susceptibles d'être dessaisies, alors que c'est exactement le contraire pour les grandes usines étrangères. Cette différence peut se produire si la croissance du côté canadien est attribuable au fait d'avoir été acquis à une certaine étape de la croissance du cycle de vie. La transition qu'entraîne une fusion est moins importante dans le secteur étranger.

La seconde tendance révélatrice est que les prises de contrôle (É à C) sont liées de façon positive et significative aux nombres de produits, comme elles l'étaient en (C à C) mais non en (É à É). Cela incite à penser que la caractéristique des nombres de produits de l'usine est recherchée par les acquéreurs canadiens mais non par les acquéreurs étrangers, ce qui renforce la conclusion précédemment posée voulant que les économies de gamme étaient plus susceptibles d'être à l'origine des acquisitions canadiennes plutôt qu'étrangères.

Finalement, les prises de contrôle (É à C) partagent le même ensemble de signes quant aux catégories de changement de performance (part de marché et taux de salaire) que les prises de contrôle (É à É). Les changements de contrôle sont plus probables là où il y a une diminution de la part de marché et une baisse du taux de salaire. Cette dernière baisse, comme c'était le cas pour la catégorie (É à É), est significative. Les usines étrangères qui perdaient de l'ampleur, et qui perdaient leur compétivité sur le marché du travail, étaient plus susceptibles d'être dessaisies, tout comme elles l'étaient dans la catégorie (É à É). Comme il a été dit plus haut, cela laisse supposer qu'il existe une tendance commune dans les usines étrangères visant à compenser l'échec par le dessaisissement.

Les autres différences dans le groupe (É à C) en comparaison des autres catégories sont suffisamment nombreuses pour laisser supposer qu'il s'agit d'une catégorie spéciale. Le manque de similitudes révèle qu'il y avait d'autres causes inhérentes aux fusions dans ce groupe. Les changements de contrôle (É à C) ont pu se produire en raison des changements structuraux inhérents qu'ont connus ces groupes particuliers d'usines, que ce soit en raison de rajustements globaux dans l'économie qui donnent lieu à un retrait des entreprises sous contrôle étranger, ou parce que les usines ainsi touchées traversent une période d'adaptation qui signifie que les types particuliers de compétences liées aux activités multinationales ne sont plus aussi importants qu'ils l'étaient 17 . Ce qui est clair dans ce cas est que les entreprises canadiennes, quand elles considèrent les usines de propriété étrangère comme des objets possibles d'acquisition, réagissent souvent de façon passablement différente aux signaux que le font les usines sous contrôle canadien.

5.3.3  Modèle sectoriel

Les coefficients des variables binaires sectorielles révèlent des modèles différents selon les groupes de nationalité (tableaux 11 et 12). Tout d'abord, aucun des coefficients IND1, IND2, IND4 ou IND5 ne diffère de façon significative de la catégorie omise IND3 pour les transferts à l'intérieur du secteur étranger, tandis qu'il existe des différences significatives pour les transferts à l'intérieur du secteur canadien, le secteur à base d'économies d'échelle comportant la probabilité la plus forte et le secteur à forte intensité de main-d'oeuvre et à produits différenciés, la plus faible.

L'absence de modèle à l'intérieur du groupe de changements de contrôle du secteur étranger laisse supposer que ces acquisitions sont idiosyncrasiques et dépendent de facteurs particuliers qui s'appliquent aux usines visées par la prise de contrôle ou à l'acquéreur. Cela s'inscrit dans un contexte où des actifs de connaissances très particuliers guident le processus d'acquisition, et où les possibilités de changements de contrôle perçues par les intervenants étrangers existent également ailleurs, même dans des secteurs qui n'ont pas été particulièrement marqués par la possession d'actifs de connaissances.

Par ailleurs, les prises de contrôle à l'intérieur du secteur canadien sont les plus marquées dans les industries à base d'économies d'échelle, et beaucoup plus faibles dans les industries qui comprennent de nombreuses entreprises détenant des actifs incorporels liés aux industries à vocation scientifique ou aux industries à produits différenciés. La concentration de changements de contrôle canadiens à l'intérieur des industries à base d'économies d'échelle renforce les constatations selon lesquelles les changements de contrôle canadiens comportent un lien positif avec la taille au niveau de l'usine et de l'industrie. Dans ce dernier cas, cela laisse supposer que les fusions canadiennes font intervenir un moins grand nombre d'unions synergétiques fondées sur des actifs incorporels à caractère scientifique ou liés à des marques.

Les différences dans les modèles d'industrie où les usines changent de nationalité laissent supposer encore davantage de différences dans les motifs de changements de contrôle entre les nationalités. Les usines canadiennes sont acquises plus fréquemment par des entreprises étrangères dans les industries à produits différenciés et à vocation scientifique, où les actifs de marques et les actifs technologiques sont plus importants. Il s'agit des industries où les multinationales sont considérées comme possédant ces actifs incorporels et où elles sont susceptibles de chercher des occasions d'exploiter ces actifs et, à cette fin, d'acquérir des usines canadiennes.

Par ailleurs, les usines étrangères sont plus susceptibles de passer à des entreprises canadiennes dans les industries à forte intensité de main-d'oeuvre et à base de ressources naturelles. Ces industries ont connu une restructuration au cours de la majeure partie de la période, et les entreprises étrangères sont sorties de ce secteur en se dessaisissant d'usines. Les industries à base de ressources naturelles ont aussi connu une restructuration au cours de cette période, le contrôle étranger ayant diminué au moment de l'application d'une réglementation restrictive par l'organisme responsable de l'examen des investissements étrangers (Baldwin et Gellatly, 2005).

6   Conclusion

Cette étude a porté sur le modèle qui sous-tend les dessaisissements et les acquisitions dans le secteur de la fabrication canadien dans le but de déduire les causes qui sont à l'origine des changements de contrôle. La première est celle de l'échec de la gestion, voulant que les changements de contrôle visent à remettre sur la bonne voie les entreprises qui ont échoué. La seconde est celle selon laquelle les changements de contrôle sont des méthodes utilisées pour transférer des actifs intégrés d'une entreprise à l'autre et en visant ainsi, généralement, des usines qui ont la capacité d'exploiter ces actifs. Dans cette étude, on se demande par conséquent si les usines dont le rendement s'est détérioré au cours des dernières années étaient plus susceptibles ou moins susceptibles d'être acquises par d'autres. On se demande aussi si les usines qui avaient un rendement supérieur (mesuré par une gamme de mesures) étaient plus susceptibles ou moins susceptibles d'être acquises.

Les résultats viennent à l'appui de l'hypothèse de l'échec de l'entreprise. Dans le cas de l'ensemble de l'échantillon, des changements de contrôle étaient plus susceptibles de se produire si les taux de salaires relatifs payés étaient en baisse. Mais cette tendance était le fait des entreprises étrangères plutôt que celui des entreprises canadiennes et concernait dans le processus du changement de contrôle la composante du dessaisissement plus que celle de l'acquisition. Les entreprises étrangères sont plus susceptibles de se dessaisir d'usines que de commencer à perdre leur capacité de payer des salaires compétitifs, leur part de marché et leur rentabilité.

Les changements de contrôle ne se produisent pas seulement dans les usines moins productives. En moyenne, c'est dans les grandes usines, qui comptent plus de produits, qui ont une proportion plus grande de main-d'oeuvre administrative, qui sont plus âgées et qui appartiennent à des industries qui ont des salaires relativement plus élevés et une plus grande intensité de capital, que les changements de contrôle sont plus susceptibles de se produire. En outre, les augmentations du pourcentage de travailleurs dans le groupe professionnel sont plus susceptibles de mener à des changements de contrôle. Toutes ces caractéristiques nécessitent un ensemble de capacités qui sont liées à la gestion du processus de production à forte intensité de capital, à des travailleurs relativement qualifiés et à une proportion plus forte de gestionnaires et de professionnels. Ces conditions produisent un contexte fertile dans lequel des actifs intégrés provenant d'entreprises existantes peuvent être injectées par l'entremise des changements de contrôle.

Les données recueillies montrent en outre que les dessaisissements ne se produisent pas exclusivement dans les usines qui ont un mauvais rendement, ni dans les entreprises qui ont un rendement supérieur à la moyenne. Les acquéreurs visent les populations qui, en moyenne, fournissent des synergies pour le transfert de nouvelles idées, grâce aux changements de contrôle, mais qui ont temporairement échoué. Néanmoins, les répercussions les plus grandes des différences dans la probabilité de prise de contrôle entre les entreprises de l'échantillon découlent de différences dans les caractéristiques de l'usine et de l'industrie, et non pas de différences dans le rendement antérieur.

Le présent document a aussi examiné les différences qui sous-tendent les acquisitions et les dessaisissements par les entreprises et entre les entreprises dont la nationalité diffère, c'est-à-dire les entreprises sous contrôle canadien et les entreprises sous contrôle étranger. La probabilité d'une prise de contrôle pour une usine étrangère est supérieure dans une proportion de 85 % à celle d'une usine canadienne, une fois prises en compte les différences dans les caractéristiques de l'industrie et de l'usine. Les usines étrangères diffèrent considérablement des usines canadiennes au chapitre de l'environnement propice à la transmission des connaissances grâce aux prises de contrôle.

Il existe aussi des preuves que les acquisitions et les fusions sont plus susceptibles de se produire quand la concentration est plus élevée, ce qui va dans le sens de l'hypothèse que les changements de contrôle représentent une option de rechange à l'entrée reposant sur la création d'usines. Il est intéressant de constater que la probabilité de dessaisissement augmente pour les usines qui n'appartiennent pas à l'industrie de base de l'entreprise qui les possède. Les répercussions sont considérables. Les usines non liées sont plus susceptibles dans une proportion de 127 % de connaître un changement de contrôle que les usines qui sont situées à proximité industrielle étroite de leurs semblables. Compte tenu des conclusions précédentes concernant les problèmes auxquels la diversification non liée fait face, cela correspond plus étroitement à l'hypothèse de l'usine qui échoue ou à la reconnaissance qu'il existe davantage d'expérimentation dans certains secteurs de l'économie, et que lorsqu'il y a expérimentation, il y aura davantage de roulement par suite de changements de contrôle.

Nous avons aussi examiné les différences à l'origine des acquisitions et des dessaisissements en nous demandant si les acquéreurs étrangers à l'encontre des acquéreurs canadiens ciblent différents ensembles d'usines. Des similitudes existent entre les dessaisissements qui se produisent entièrement dans le secteur canadien ou dans le secteur étranger, ce qui laisse supposer un ensemble commun de motifs, c'est-à-dire que le niveau d'intensité relative de la main-d'oeuvre administrative de l'usine acquise, l'âge, le nombre d'usines par industrie et la mesure dans laquelle une usine est liée à l'entreprise propriétaire, ont des coefficients comportant un signe similaire. Toutefois, la taille de l'usine a moins d'importance dans les dessaisissements entre entreprises étrangères. Cela laisse supposer que les motifs de rationalisation liés aux économies d'échelle et de gamme sont moins importants dans ce cas. Il existe également une différence importante entre les forces à court terme expliquant le dessaisissement. Les usines étrangères qui commencent à tirer de l'arrière dans plusieurs dimensions (part de marché, taux de salaire, rentabilité) sont plus susceptibles d'être dessaisies. Par ailleurs, les usines canadiennes profitent des augmentations de parts de marché pour transférer la propriété à de nouveaux propriétaires.

Les usines canadiennes ont généralement les mêmes caractéristiques qu'elles soient dessaisies au bénéfice d'entreprises canadiennes ou étrangères. Par contre, ces dernières recherchent ces usines de façon plus intensive dans les secteurs dans lesquels les entreprises possèdent des actifs liés à l'innovation incorporelle et à la marque, soit le secteur des produits différentiés et le secteur à vocation scientifique. Cela concorde avec l'hypothèse que ces types de connaissances sont davantage intégrés dans les entreprises que dans les secteurs et que les multinationales intègrent certaines formes de connaissances selon qu'elles sont dans des secteurs dans lesquels ces types de connaissances sont plus répandus parmi toutes les usines ou dans des secteurs ou cela est moins commun.

C'est dans les transferts entre le secteur étranger et le secteur canadien que les différences les plus importantes se retrouvent. Ces transferts se produisent plus fréquemment dans le secteur à forte intensité de main-d'oeuvre et le secteur à base de ressources naturelles desquels les entreprises étrangères se sont retirées du Canada au cours de cette période. Dans le cas des changements de contrôle dans ces secteurs, plusieurs variables significatives diffèrent de façon marquée des variables similaires dans les trois autres catégories (canadienne à canadienne, canadienne à étrangère et étrangère à canadienne).