Écarts entre les gains des immigrants et ceux des personnes nées au Canada : le rôle des compétences en littératie

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Différences entre les immigrants et les personnes nées au Canada en ce qui concerne les niveaux des compétences
Compétences en littératie et maîtrise du français ou de l'anglais
Incidence de l'expérience de travail et du niveau de scolarité sur les gains
Lien entre les compétences et les gains
Conclusion

Selon les données du Recensement de 2006, un Canadien sur cinq est né à l'extérieur du pays, soit la plus forte proportion depuis 1931. Les pays d'origine des nouveaux immigrants ont aussi changé au fil des ans. Parmi les immigrants arrivés au pays entre 2001 et 2006, dont le nombre s'élève à plus de 1,1 million, près de six sur dix sont nés en Asie ou au Moyen Orient. En 1971, 61,6 % des nouveaux arrivants venaient d'Europe. À la suite de ce changement dans les pays d'origine des immigrants, la proportion de la population née à l'étranger et originaire d'Asie et du Moyen Orient (40,8 %) a dépassé pour la première fois en 2006 celle de la population née en Europe (36,8 %)1. Cette évolution a pour conséquence, entre autres, que les nouveaux immigrants sont beaucoup moins susceptibles que les générations d'immigrants précédentes d'avoir le français ou l'anglais comme langue maternelle, et bon nombre d'entre eux auront fait leurs études dans une autre langue que le français ou l'anglais.

L'intégration des immigrants au marché du travail canadien présente un intérêt pour les responsables des politiques gouvernementales canadiennes de même que pour les immigrants actuels et futurs. Des analystes de Statistique Canada ont récemment signalé que la proportion d'immigrants de longue date possédant un diplôme universitaire et occupant des emplois qui requièrent un faible niveau d'instruction, comme ceux de commis, de camionneur, de vendeur, de caissier et de chauffeur de taxi, avait augmenté régulièrement entre 1991 et 20062. Le rapport sur les gains et les revenus des Canadiens, établi d'après les données du Recensement de 2006, montre que dans le dernier quart de siècle, l'écart salarial entre les travailleurs immigrants récents et les travailleurs nés au pays s'est considérablement accru. En 1980, les immigrants récents de sexe masculin qui avaient un revenu d'emploi touchaient 85 cents pour chaque dollar gagné par leurs concitoyens nés au Canada. En 2005, le ratio avait chuté à 63 cents. Chez les immigrantes récentes, les chiffres correspondants étaient de 85 cents et de 56 cents respectivement. Ces écarts se sont élargis même si le niveau de scolarité des travailleurs immigrants récents a augmenté beaucoup plus rapidement que celui de leurs concitoyens nés au Canada pendant cette période3.

D'importants travaux de recherche ont été réalisés pour comprendre les écarts salariaux entre les travailleurs immigrants et les travailleurs nés au Canada. Ces études montrent que les immigrants gagnent habituellement moins que les travailleurs nés au pays qui possèdent le même niveau de scolarité et la même expérience de travail. Les faibles gains des immigrants sont souvent attribués à la spécificité du capital humain, c'est-à-dire que les compétences acquises grâce à l'éducation ou à l'expérience de travail dans le pays d'origine ne sont pas directement transférables au pays d'accueil. Il s'ensuit que des immigrants apparemment qualifiés occupent des emplois faiblement rémunérés. Une autre explication de cet état des choses, plus simple celle-là, veut que les employeurs du pays d'accueil exercent une discrimination envers les travailleurs immigrants en les rémunérant moins, à productivité égale, que les travailleurs nés au Canada.

Dans leur récente analyse, Bonikowska, Green et Riddell examinent cette question de plus près en utilisant les données du volet canadien de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) pour mesurer les compétences en littératie des immigrants et des personnes nées au Canada ainsi que pour établir une corrélation entre ces compétences et les gains4. L'analyse tient compte des renseignements courants sur la démographie de même que sur l'endroit où les immigrants ont étudié et sur leur âge au moment de l'immigration, afin d'analyser d'encore plus près les écarts salariaux entre les immigrants et les personnes nées au Canada.

L'objectif premier de l'analyse consiste à répondre à quatre questions concernant les compétences des immigrants. Premièrement, les compétences en littératie des immigrants sont-elles différentes de celles des personnes nées au Canada et, dans l'affirmative, en quoi diffèrent-elles? Deuxièmement, les écarts entre les compétences des immigrants et celles des personnes nées au Canada dépendent-ils du pays où les immigrants ont acquis leur capital humain? Troisièmement, les immigrants obtiennent-ils un rendement de ces compétences sur le marché du travail différent de celui qu'obtiennent les travailleurs nés au Canada et possédant des compétences semblables? Quatrièmement, les différences de niveau et de rendement de ces compétences peuvent elles expliquer les écarts salariaux entre les travailleurs immigrants et les travailleurs nés au Canada?

Encadré 1:
Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes

L'analyse dont il est fait état ici se fonde sur les données de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) de 2003, le volet canadien de l'Enquête sur la littératie et les compétences des adultes (ELCA). Statistique Canada a mené cette enquête en 2003 pour étudier les compétences des Canadiens de 16 ans et plus.

Le principal objectif de l'EIACA est de produire des mesures de quatre compétences : la compréhension de textes suivis, la compréhension de textes schématiques, la numératie et la résolution de problèmes. Les tests pour chaque compétence ont été donnés soit en français, soit en anglais. De l'information sur certaines variables du marché du travail comme le salaire, la scolarité et la situation d'activité sur le marché du travail ont également été recueillies. Les personnes ont été regroupées selon qu'elles avaient fait la totalité ou une parte de leurs études au Canada ou à l'étranger. Nous avons écarté les étudiants afin de nous concentrer sur le lien entre l'incidence de la scolarisation achevée et les compétences. Les Autochtones ont aussi été exclus de l'analyse puisqu'ils font l'objet d'un rapport distinct.

Différences entre les immigrants et les personnes nées au Canada en ce qui concerne les niveaux des compétences

Pour ce qui est du niveau de scolarité, des différences sont évidentes, les immigrants, particulièrement les hommes, étant plus susceptibles d'être titulaires d'un diplôme universitaire : c'était le cas pour 31 % des immigrants de sexe masculin par rapport à 18 % des hommes nés au Canada. De même, une plus grande proportion d'immigrantes (21 %) que de femmes nées au Canada (17 %) possédaient un diplôme universitaire.

Néanmoins, les hommes et les femmes nés au Canada ont obtenu des notes considérablement plus élevées que leurs concitoyens immigrants dans les tests de compréhension de textes suivis, de compréhension de textes schématiques, de numératie et de résolution de problèmes. D'importantes différences se font jour lorsque les immigrants qui ont fait la totalité ou une partie de leurs études au Canada sont comparés à ceux qui ont fait toutes leurs études à l'étranger.

La note moyenne des hommes nés au Canada variait de 285 en résolution de problèmes à 293 pour la compréhension de textes schématiques, par rapport à 236 pour la résolution de problèmes et à 250 pour la numératie, qui étaient les notes moyennes des immigrants de sexe masculin ayant fait leurs études à l'étranger (graphique 1). Les notes des immigrants de sexe masculin qui avaient poursuivi la totalité ou une partie de leurs études au Canada variaient entre ces moyennes. Les plus importants écarts entre les immigrants qui avaient étudié à l'étranger et les hommes nés au Canada s'observaient sur les plans de la compréhension de textes suivis et de la résolution de problèmes, tandis que les plus petites différences portaient sur la numératie, lesquelles sont moins tributaires de la langue du test selon les auteurs.

Graphique 1
Notes moyennes en compréhension de textes suivis, en compréhension de textes schématiques, en numératie et en résolution de problèmes, travailleurs de sexe masculin immigrants et nés au Canada, Canada, 2003

Graphique 1. Notes moyennes en compréhension de textes suivis, en compréhension de textes schématiques, en numératie et en résolution de problèmes, travailleurs de sexe masculin immigrants et nés au Canada, Canada, 2003

Source : Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, Littératie et marché du travail : les capacités cognitives et les gains des immigrants, Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, Statistique Canada, 2008, numéro 89-552-M au catalogue, numéro 20, tableau 3.3.

L'écart entre les immigrantes et les femmes nées au Canada était généralement un peu plus prononcé lorsque les immigrantes avaient étudié à l'étranger : il passait de 39 points pour la numératie à 54 points pour la compréhension de textes suivis (graphique 2). Comme c'est le cas chez les hommes, les écarts les plus importants observés chez les femmes ayant étudié à l'étranger par rapport aux femmes nées au Canada concernaient la compréhension de textes suivis et la résolution de problèmes, tandis que les plus petits écarts portaient sur la numératie. Toujours comme chez les hommes, les immigrantes ayant étudié au Canada possédaient des niveaux de compétence quelque peu inférieurs à ceux des femmes nées au pays, mais nettement supérieurs à ceux des immigrantes ayant étudié à l'étranger.

Graphique 2
Notes moyennes en compréhension de textes suivis, en compréhension de textes schématiques, en numératie et en résolution de problèmes, travailleuses immigrantes et travailleuses nées au Canada, Canada, 2003

Graphique 2. Notes moyennes en compréhension de textes suivis, en compréhension de textes schématiques, en numératie et en résolution de problèmes, travailleuses immigrantes et travailleuses nées au Canada, Canada, 2003

Source : Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, Littératie et marché du travail : les capacités cognitives et les gains des immigrants, Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, Statistique Canada, 2008, numéro 89-552-M au catalogue, numéro 20, tableau 3.4.

Enfin, l'analyse montre qu'une part plus importante d'immigrants que de personnes nées au Canada ont obtenu des résultats qui se situaient dans la partie inférieure de l'échelle des compétences (moins de 200). Cette concentration dans le bas de la distribution était particulièrement marquée chez les immigrants qui avaient terminé leurs études avant d'arriver au Canada.

Encadré 2:
Interprétation des notes comme indicateurs des niveaux de compétence

Les résultats de l'EIACA ont été groupés selon des niveaux de compétence croissants5. Cinq niveaux ont été définis pour la compréhension de textes suivis, la compréhension de textes schématiques et la numératie.

Niveau 1 : notes allant jusqu'à 225
Niveau 2 : notes de 226 à 275
Niveau 3 : notes de 276 à 325
Niveau 4 : notes de 326 à 375
Niveau 5 : notes de 376 à 500

En ce qui concerne le domaine de la résolution de problèmes, quatre niveaux de compétence ont été définis.

Niveau 1 : notes allant jusqu'à 250
Niveau 2 : notes de 251 à 300
Niveau 3 : notes de 301 à 350
Niveau 4 : notes de 351 à 500

D'un point de vue conceptuel, il est important de définir un « niveau souhaité » de compétence pour que les gens puissent faire face aux demandes grandissantes de compétences dans une nouvelle société axée sur le savoir et l'information. Pour les domaines de la compréhension de textes suivis et schématiques ainsi que de la numératie, le niveau 3 de performance est le point de repère généralement choisi parce que, dans les pays développés, une performance de ce niveau ou supérieure est habituellement associée à un certain nombre de résultats positifs, comme une participation accrue à la collectivité, une plus grande réussite et une plus grande autonomie sur le plan économique ainsi que de meilleures possibilités d'apprentissage continu. Les personnes dont le niveau de compétence est de 1 et 2 n'ont habituellement pas encore maîtrisé la base minimale de la littératie nécessaire pour atteindre des niveaux de rendement plus élevés.

À la différence des domaines de la compréhension de textes suivis et schématiques ainsi que de la numératie, aucun seuil « souhaitable » n'a été établi pour les compétences en résolution de problèmes.

Lorsqu'elles sont interprétées sous l'angle des niveaux de compétence, les différences dans les notes moyennes mettent au jour d'importantes distinctions entre ces trois groupes. Dans le cas des travailleurs de sexe masculin, les immigrants ayant étudié à l'étranger ont obtenu des résultats moyens inférieurs au niveau 3 aux échelles de la compréhension des textes suivis et schématiques ainsi qu'à celle de la numératie (tableau 1). C'était aussi le cas des immigrants qui avaient fait au moins une partie de leurs études au Canada à l'échelle de la compréhension des textes suivis. Le niveau 3 est considéré comme le seuil minimum à atteindre pour participer pleinement à la société canadienne et au marché du travail. Les notes moyennes des travailleurs de sexe masculin nés au Canada, quant à elles, leur permettaient d'atteindre le niveau 3 dans ces trois domaines.

Les contrastes étaient encore plus prononcés chez les travailleuses. Les deux groupes d'immigrantes ont obtenu des notes moyennes inférieures au niveau 3 aux échelles de la compréhension de textes suivis et schématiques ainsi qu'à celle de la numératie, tandis que les travailleuses nées au Canada, tout comme leurs concitoyens de sexe masculin, avaient atteint le niveau 3 dans les trois domaines.

Enfin, tant les immigrants que les immigrantes qui ont fait toutes leurs études à l'étranger ont atteint, en moyenne, le niveau 1 à l'échelle de la résolution des problèmes. Cela les plaçait à l'extrémité inférieure de l'échelle des compétences en résolution de problèmes, et à un échelon de moins que celui des personnes nées au Canada et des immigrants qui ont effectué au moins une partie de leurs études au Canada.

Tableau 1
Niveaux de compétence moyens aux échelles de compréhension de textes suivis et schématiques, de numératie et de résolution de problèmes, travailleurs de sexe masculin immigrants et nés au Canada, Canada, 2003

  Nés au Canada Immigrants – au moins une partie des études au Canada Immigrants – toutes les études à l'étranger
Hommes
Compréhension de textes suivis 3 2 2
Compréhension de textes schématiques 3 3 2
Numératie 3 3 2
Résolution de problèmes 2 2 1
Femmes
Compréhension de textes suivis 3 2 2
Compréhension de textes schématiques 3 2 2
Numératie 3 2 2
Résolution de problèmes 2 2 1
Source : Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, Littératie et marché du travail : les capacités cognitives et les gains des immigrants, Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, Statistique Canada, 2008, numéro 89 552 MIF au catalogue, numéro 20, tableau 3.4.

Compétences en littératie et maîtrise du français ou de l'anglais

Les répondants aux tests de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) avaient le choix de suivre le test soit en anglais, soit en français. Dans les circonstances, il devient impératif de déterminer si le fait d'avoir une langue maternelle qui n'est ni le français, ni l'anglais peut être associé aux performances en matière de littératie.

Des analyses antérieures des données de l'EIACA ont montré que les immigrants dont la langue maternelle était différente de celle du test obtenaient des résultats moyens plus bas dans les quatre compétences que les immigrants dont la langue maternelle était la même que celle du test6. Environ 43 % des immigrants dont la langue maternelle était différente de celle du test ont obtenu une note dans le niveau le plus bas de l'échelle de compréhension de textes suivis. Il s'agit là environ du double de la proportion des immigrants dont la langue maternelle était la même que celle du test (21 %) et presque le triple de la proportion de la population née au Canada (15 %). En outre, environ 30 % des immigrants dont la langue maternelle n'était ni le français, ni l'anglais ont atteint ou dépassé le niveau 3 en compréhension de textes suivis, alors que 47 % des immigrants dont la langue maternelle était la même que celle du test et 57 % des personnes nées au Canada ont fait de même.

Incidence de l'expérience de travail et du niveau de scolarité sur les gains

Afin de mesurer l'incidence des compétences en littératie sur les gains, Bonikowska, Green et Riddell ont tout d'abord établi la corrélation entre les gains et un certain nombre d'autres facteurs dont les effets sur les gains sont connus. Ces autres facteurs comprennent le nombre d'années d'expérience de travail, le niveau de scolarité, le statut d'immigrant, le nombre d'années depuis l'arrivée au Canada (pour les immigrants) et le fait d'avoir une autre langue que le français ou l'anglais comme langue maternelle.

L'analyse a montré que les immigrants de sexe masculin touchaient des gains hebdomadaires qui étaient plus de 50 % inférieurs à ceux des travailleurs nés au Canada possédant le même niveau total d'expérience et d'éducation. Chez les immigrantes, l'ampleur de cet écart n'était pas aussi prononcé mais restait substantiel, se situant à environ 44 %. Au cours des premières années qui suivent leur arrivée au pays, les gains des immigrants augmentent d'environ 2,5 % (chez les hommes) et 2,8 % (chez les femmes) de plus par année que ceux des travailleurs nés au Canada possédant les mêmes compétences, quoique ce taux de rattrapage par rapport aux personnes nées au Canada diminue avec le temps.

Ces différences s'expliquent en partie par le fait que les gains des immigrants à leur entrée sur le marché du travail canadien témoignent d'un rendement faible ou même nul de leur expérience de travail acquise à l'étranger. Lorsque seule leur expérience de travail canadienne est prise en considération, les gains des immigrants se rapprochent davantage de ceux des personnes nées au Canada et possédant le même nombre d'années d'expérience. Les auteurs en arrivent donc à la conclusion qu'une source importante de ce désavantage chez les récents immigrants, particulièrement les hommes, est l'incapacité de transférer au Canada le capital humain acquis sur un marché du travail étranger. L'écart salarial avec les personnes nées au Canada commence à rétrécir plus tard, au fur et à mesure que les immigrants acquièrent de l'expérience de travail au Canada.

La situation s'explique aussi en partie par les différences sur le plan des niveaux de compétences, particulièrement entre les immigrants qui ont étudié à l'étranger et ceux qui ont poursuivi toutes leurs études ou une partie de celles-ci au Canada.

Lien entre les compétences et les gains

Pour fins d'analyse, les résultats des individus dans chacune des compétences, compréhension de textes suivis, compréhension de textes schématiques, numératie et résolution de problèmes, ont été combinés en une seule mesure des compétences. Dans l'ensemble, tant chez les hommes que chez les femmes, l'incidence directe des niveaux de compétences sur les gains est considérable : une augmentation de 100 points des compétences hausse les gains de près de 30 %. En outre, le rendement estimatif du niveau de scolarité diminue nettement chez les personnes nées au Canada et les immigrants ayant étudié au Canada après avoir pris en considération les niveaux de compétences, ce qui révèle qu'une bonne part du rendement de la scolarité découle de l'incidence des études sur les compétences et de l'importance accordée à ces compétences sur le marché du travail. Une fois les compétences prises en considération, le rendement estimatif de la scolarité acquise à l'étranger diminue encore plus que dans le cas des natifs du Canada. En effet, chez les hommes ayant étudié à l'étranger, le rendement de l'éducation diminue d'environ 50 %; chez les femmes, le recul est encore plus important et, après neutralisation des niveaux de compétence, ce qui reste du rendement de l'éducation n'est plus significativement différent de zéro. Aussi les compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes, plus qu'un simple diplôme ou un grade, constituent-elles une grande partie de ce que la scolarité semble offrir, du moins en ce qui concerne les compétences recherchées par les employeurs canadiens.

Il est important de savoir si le rendement des compétences des immigrants sur le marché du travail est inférieur à celui des personnes nées au Canada. Les données montrent que non. En fait, les immigrants de sexe masculin obtiennent un taux de rendement plus élevé pour leurs compétences, correspondant à une amélioration de 37 % de leurs gains pour une augmentation de 100 points des compétences, par comparaison à une amélioration de 24 % dans le cas des hommes nés au Canada. De plus, les améliorations associées aux compétences étaient plus fortes pour les immigrants de sexe masculin qui avaient étudié à l'étranger. Chez les femmes, l'amélioration des gains associée à une augmentation de 100 points des compétences était égale à celle des femmes nées au Canada, soit 28 %.

Dans l'ensemble, les immigrants ayant terminé leurs études avant d'arriver au Canada obtiennent donc un rendement des compétences nettement supérieur à celui des personnes nées au Canada, mais un rendement inférieur de la formation scolaire lorsque nous neutralisons les compétences. On est porté à conclure que, lorsque les études poursuivies à l'étranger produisent aussi des compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes pouvant être appliquées au marché du travail canadien, les immigrants se tirent bien d'affaire en matière des gains.

Les auteurs font observer que ce résultat renvoie à la notion de compétences transférables dans le marché du travail canadien. Il se peut que les immigrants obtiennent des notes supérieures en compétences s'ils subissent le test dans leur langue maternelle. Cependant, l'analyse indique aussi que les immigrants obtiennent un rendement des compétences, mesuré en français ou en anglais, qui n'a rien à envier à celui obtenu par les travailleurs nés au Canada. Enfin, les auteurs concluent qu'il existe un rapport entre compétences et expérience. Le rendement de l'expérience de travail est plus élevé chez les immigrants de sexe masculin ainsi que chez les femmes et les hommes nés au Canada qui ont des compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes plus élevées.

Conclusion

Les conclusions suivantes se dégagent en ce qui concerne les quatre questions posées au début du présent article.

Premièrement, les compétences en matière de littératie, de numératie et de résolution de problèmes des immigrants diffèrent-elles de celles des personnes nées au Canada? À cela il faut répondre oui. La répartition des compétences est plus élevée pour les personnes nées au Canada que pour les immigrants. Ces écarts dans les compétences mesurées témoignent en partie de la maîtrise du français ou de l'anglais.

Deuxièmement, les écarts entre les compétences des immigrants et celles des personnes nées au Canada dépendent-ils du pays où les immigrants ont acquis leur capital humain? La réponse à cette question est également affirmative. Des différences considérables peuvent être observées dans la situation des immigrants ayant terminé leurs études avant d'arriver au Canada par rapport à ceux qui ont fait une partie ou la totalité de leurs études au Canada. Les immigrants ayant étudié à l'étranger possèdent des niveaux moyens de compétence et touchent des gains nettement inférieurs à ceux des immigrants ayant étudié au Canada. À bien des égards, ce dernier groupe ressemble davantage aux personnes nées au Canada qu'aux immigrants ayant étudié à l'étranger. Cela soulève à nouveau la question de savoir à quel point la maîtrise de la langue agit sur le rendement des compétences acquises à l'étranger.

Troisièmement, les immigrants obtiennent-ils un rendement différent des compétences par rapport aux travailleurs nés au Canada? La réponse à cette question est négative. Rien ne prouve que les immigrants obtiennent un rendement inférieur des compétences mesurées lors des tests de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) par rapport à leurs concitoyens nés au Canada. Si la notion de discrimination sur le marché du travail signifie une rémunération inégale pour des travailleurs également productifs, on peut en déduire que les écarts salariaux entre les immigrants et les personnes nées au Canada ne sont pas attribuables à la discrimination, du moins à l'égard de cet aspect.

Quatrièmement, les différences concernant les niveaux de compétence et la façon dont ces niveaux sont reconnus sur le marché du travail peuvent elles contribuer à expliquer les écarts salariaux entre les travailleurs immigrants et les travailleurs nés au Canada? Ici encore, la réponse est affirmative : les compétences de littératie, de numératie et de résolution de problèmes ont une incidence significative sur les gains. Une augmentation de 100 points de la note en littératie hausse les gains des hommes et des femmes de près de 30 %. Lorsque les notes moyennes aux échelles de compétences sont prises en considération, l'incidence positive des études sur les gains est réduite d'environ 10 % à 20 % pour les personnes nées au Canada et d'un pourcentage considérablement plus élevé pour les immigrants ayant étudié à l'étranger.

Le résultat selon lequel les compétences ont une incidence significative sur les gains laisse croire que les niveaux inférieurs de compétence des immigrants peuvent aider à comprendre les écarts salariaux entre les immigrants et les personnes nées au Canada. Si les immigrants possédaient les mêmes compétences moyennes que les personnes nées au Canada, l'écart salarial entre les immigrants et les natifs du Canada ayant fait des études secondaires rétrécirait d'environ 13 à 16 points de pourcentage. Cette variation remplacerait le désavantage salarial de 11 % des immigrants de sexe masculin ayant fait des études secondaires par un avantage de 5 % et hausserait l'avantage de leurs concitoyennes sur les femmes nées au Canada dans une proportion presque trois fois plus grande. De même, cette variation réduirait de moitié le désavantage salarial des immigrants chez les diplômés universitaires de sexe masculin et éliminerait le désavantage de 19 points de pourcentage chez les diplômées universitaires.

Enfin, il est important de signaler que la prise en compte des compétences en littératie, en numératie ainsi qu'en résolution de problèmes n'influe nullement sur les tendances concernant le rendement de l'expérience de travail acquise à l'étranger et au Canada. L'analyse des données de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes (EIACA) indique que le rendement sur le marché du travail du Canada de l'expérience de travail acquise à l'étranger est très faible et qu'il est même fort probablement nul. C'est l'expérience de travail acquise au Canada qui compte sur le plan de la croissance des gains. Cela est particulièrement vrai dans le cas des immigrants de sexe masculin. Lorsque seule l'expérience de travail acquise au Canada est prise en considération, les gains des immigrants ressemblent davantage à ceux des personnes nées au Canada et ayant le même nombre d'années d'expérience. En fait, les auteurs en viennent à la conclusion que le faible rendement de l'expérience acquise à l'étranger est un facteur plus important pour expliquer l'écart entre les gains des travailleurs immigrants masculins et ceux qui sont nés au Canada que ne l'est la différence entre les niveaux de compétences.

Notes

  1. Statistique Canada, 2008, « Immigration au Canada : un portrait de la population née à l'étranger, Recensement de 2006 », numéro 97-577-X au catalogue.

  2. Diane Galarneau et René Morissette, 2008, « Scolarité des immigrants et compétences professionnelles requises », L'emploi et le revenu en perspective, volume 9, numéro 12, produit numéro 75-001-X au catalogue.

  3. Statistique Canada, 2008, « Gains et revenus des Canadiens durant le dernier quart de siècle, Recensement de 2006 », numéro 97-563-X au catalogue.

  4. Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, 2008, Littératie et marché du travail : les capacités cognitives et les gains des immigrants, Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, numéro 89-552-M au catalogue.

  5. Pour une description exhaustive de la méthodologie employée afin de convertir les résultats des tests en notes et niveaux de compétence, voir Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Statistique Canada, 2003, « Miser sur nos compétences : résultats canadiens de l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes », numéro 89-617-X au catalogue.

  6. Ibid.