Section 4 : Les interventions en matière de violence envers les femmes

par Maire Sinha

Au cours des 30 dernières années, les interventions sociales et du système de justice pénale en matière de violence faite aux femmes ont évolué. Des actes de violence envers les femmes qui étaient auparavant considérés comme des affaires privées, tels que la violence conjugale, sont maintenant considérés comme de graves crimes violents (Schneider, 2007). Un exemple de ce virage a été l'adoption, durant les années 1980, de politiques favorables à l'inculpation en matière de violence conjugale; ces dernières ont eu pour effet de transférer de la victime à la police et à l'État le fardeau de la décision de déposer une accusation. La création et la croissance de tribunaux spécialisés en violence familiale ont été un autre élément d'intervention spécialisé en matière de violence conjugale qu'il convient de souligner (Johnson, 2006).

On peut également mentionner l'adoption de modifications législatives visant à lutter contre des types précis de crimes dont les victimes sont surtout les femmes. Parmi les modifications apportées au Code criminel, il y a eu l'abrogation de l'infraction de viol et la création des infractions d'agression sexuelle en 1983, ainsi que l'adoption de l'infraction de harcèlement criminel en 1993. Tous ces changements institutionnels sur le plan procédural et législatif ont accompagné une émergence de services s'adressant aux victimes d'actes criminels violents, dont des refuges pour femmes violentées et des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle (Johnson et Dawson, 2011).

Malgré l'évolution des interventions en matière de violence faite aux femmes, il se peut que certaines victimes de violence ne se tournent toujours pas vers le système judiciaire ou des sources de soutien officielles pour obtenir de l'aide. La présente section repose sur des données autodéclarées sur la victimisation pour permettre l'examen de la mesure dans laquelle les victimes signalent leur victimisation à la police, des raisons motivant cette décision, ainsi que de l'utilisation d'autres services par les victimes. Les tendances de la violence conjugale (commise par le conjoint actuel ou par d'ex-conjoints) et de la violence non conjugale font l'objet d'un examen distinct. Les données sur la violence conjugale sont basées sur les expériences de victimisation avec violence subies durant les cinq années précédentes, alors que les données sur la violence non conjugale sont fondées sur les affaires de violence survenues au cours des 12 mois précédant la tenue de l'enquête. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence lorsque l'on effectue des comparaisons entre la violence conjugale et la violence non conjugale.

Par ailleurs, on utilise les données déclarées par la police qui ont été recueillies dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire. Elles servent à examiner la fréquence à laquelle les affaires de violence sont classées par la police en ce qui a trait au lien de l'auteur présumé avec la victime et à la gravité de l'infraction. La disponibilité et l'utilisation des refuges et d'autres services gouvernementaux d'aide aux victimes sont également examinées au moyen de données administratives provenant des fournisseurs de services.

Signalement de la violence envers les femmes à la police

On note un recul du signalement de la violence conjugale faite aux femmes à la police

Les données sur la victimisation laissent entendre que la violence faite aux femmes n'est souvent pas signalée à la police. Selon les résultats de l'Enquête sociale générale (ESG) de 2009 sur la victimisation, moins du tiers (30 %) des victimes de sexe féminin ont indiqué que l'incident de violence conjugale commis contre elles a été signalé à la policeNote 1. Ce taux était inférieur à celui de 36 % enregistré en 2004, soit le cycle précédent de l'enquête (graphique 4.1). Ce recul n'a pas été observé chez les victimes masculines, qui demeuraient moins susceptibles que les victimes féminines d'indiquer que l'incident de violence conjugale a été porté à l'attention de la police (13 % en 2009 et 17 % en 2004Note 2). Les différences entre les sexes pour ce qui est du signalement à la police peuvent refléter la constatation selon laquelle les hommes victimes subissent des formes moins graves de violence conjugale que les femmes victimes (voir la section 1).

Graphique 4.1
Taux de signalement de la violence conjugale à la police, selon le sexe de la victime, Canada, 1993, 1999, 2004 et 2009

Description du graphique 4.1

Graphique 4.1 Taux de signalement de la violence conjugale à la police, selon le sexe  de la victime, Canada, 1993, 1999, 2004 et 2009

... n'ayant pas lieu de figurer
† catégorie de référence
* différence significative par rapport à la catégorie de référence (p < 0,05)
Note : Comprend les personnes mariées, séparées et divorcées, les conjoints de fait et les conjoints de même sexe ayant subi de la violence conjugale au cours des cinq années précédentes. Les données de l'Enquête sociale générale obtenues auprès des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut ont été recueillies au moyen d'une méthode différente et, par conséquent, ont été exclues.
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale de 1999, 2004 et 2009; Enquête sur la violence envers les femmes, 1993.

Avant qu'on observe le recul du signalement de la violence conjugale faite aux femmes, les taux de signalement à la police avaient augmenté entre 1993 et 1999, puis ils s'étaient stabilisés de 1999 à 2004. La croissance initiale des taux de signalement à la police était attribuable au fait que les femmes avaient davantage confiance en la capacité du système de justice pénale de venir en aide aux victimes de violence conjugale (Johnson et Hotton, 2001).

Comparativement à la violence conjugale, les taux de signalement à la police de la violence commise contre les femmes à l'extérieur d'une relation conjugale sont relativement stables depuis 1999. En 2009, 28 % des incidents de violence non conjugale envers les femmes ont été signalés à la police, soit une proportion semblable à celles enregistrées en 2004 et en 1999. Les niveaux de contact avec la police pour des incidents de violence non conjugale étaient presque identiques entre les femmes et les hommes, ce qui tranche avec la différence qui ressort entre les sexes lorsqu'il s'agit de violence conjugale.

Les taux de signalement à la police étaient semblables d'une province à l'autre. Cette constatation valait tant pour la violence conjugale que pour la violence non conjugale envers les femmes.

La police est plus souvent appelée lorsqu'il s'agit des formes de violence les plus graves

Un certain nombre de facteurs peuvent influer sur la décision de signaler ou non un acte de violence à la police. Lorsqu'il s'agit de violence conjugale, la gravité accrue de la violence accroît la probabilité que la police intervienne. Plus de la moitié des femmes victimes des formes les plus graves de violence conjugale ont indiqué que la police a été appelée, dont 53 % des femmes qui ont été agressées sexuellement et 60 % de celles qui ont été battues, étranglées ou agressées à l'aide d'une arme. Par comparaison, parmi les femmes victimes de formes moins graves de violence conjugale, soit celles qui ont été poussées, bousculées ou giflées, 14 %E ont signalé l'incident à la police (tableau 4.1; graphique 4.2). De même, les taux de signalement à la police étaient plus élevés chez les femmes victimes de violence conjugale qui ont subi des blessures corporelles, qui craignaient pour leur vie et qui ont vécu le plus grand nombre d'actes de violence conjugale.

Graphique 4.2
Taux de signalement à la police selon le type de violence conjugale envers les femmes, Canada, 2009

Description du graphique 4.2

Graphique 4.2 Taux de signalement à la police selon le type de violence conjugale envers les femmes, Canada, 2009

E à utiliser avec prudence
F trop peu fiable pour être publié
catégorie de référence
* différence significative par rapport à la catégorie de référence (p < 0,05)
Note : Comprend les personnes mariées, séparées et divorcées, les conjoints de fait et les conjoints de même sexe ayant subi de la violence conjugale au cours des cinq années précédentes. Les données des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut ont été recueillies au moyen d'une méthode différente et, par conséquent, ont été exclues.
Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sociale générale de 2009.

Les actes de violence commis par une personne autre que le conjoint contrastaient quelque peu avec ces tendances. Dans ces incidents, les taux de signalement étaient semblables peu importe si les victimes de sexe féminin ont subi des blessures ou non. Cependant, l'intervention policière était quatre fois plus fréquente dans les cas où une arme a été utilisée contre la femme victime de violence non conjugale que dans les cas où aucune arme n'a été utilisée (64 % par rapport à 16 %). La violence non conjugale faite aux femmes était également plus susceptible d'être portée à l'attention de la police lorsqu'elle impliquait plusieurs contrevenants (51 %) plutôt qu'un seul contrevenant (18 %).

Dans les incidents de violence non conjugale, le lien de l'auteur présumé avec la victime n'avait aucune incidence sur la décision d'appeler ou non la police. Autrement dit, les incidents de violence aux mains d'un étranger étaient tout aussi susceptibles que les incidents commis par une personne connue de la victime d'être portés à l'attention de la police. Cette tendance s'observait tant chez les victimes féminines que chez les victimes masculines.

Les agressions sexuelles non conjugales sont rarement signalées à la police

La police, qui est chargée d'intervenir dans toutes les affaires de violence, de faire enquête sur ces affaires et de les corroborer, était rarement mise au courant des agressions sexuelles commises par une personne autre que le conjoint. En effet, 9 agressions sexuelles sur 10 (90 %) commises sur les femmes par un auteur présumé autre que le conjoint n'ont jamais été signalées à la police. C'était surtout le cas des formes les moins graves d'agression sexuelle, notamment les attouchements sexuels autodéclarés, où 96 % des incidents dont les femmes ont été victimes n'ont pas été signalés à la police. Par comparaison, 63 % des attaques de nature sexuelleNote 3, 60 % des voies de fait et 53 % des vols qualifiés n'ont pas été signalés à la police.

Les femmes ayant de faibles niveaux de scolarité sont plus susceptibles de communiquer avec la police pour signaler la violence conjugale

Les caractéristiques des victimes peuvent aussi influer sur le fait que la violence à l'endroit des femmes est portée ou non à l'attention de la police, bien que ces caractéristiques diffèrent entre les victimes de violence conjugale et les autres victimes. Dans le cas de la violence conjugale, les femmes ayant les niveaux de scolarité les plus bas et les revenus les plus faibles (moins de 30 000 $) étaient les plus susceptibles d'indiquer que la police avait été appelée (tableau 4.2). Le niveau de scolarité et le revenu n'avaient aucune incidence sur le fait que les actes de violence non conjugale étaient portés ou non à l'attention de la police.

L'âge de la victime féminine ne déterminait d'aucune façon si la police était mise au courant ou non des incidents de violence conjugale, mais les jeunes femmes ayant été victimes de violence non conjugale étaient moins susceptibles que leurs aînées d'indiquer que l'incident avait été signalé à la police (tableau 4.3). Environ 15 %E des incidents de violence non conjugale envers les jeunes femmes de 15 à 24 ans ont été signalés à la police, comparativement à 39 %E des incidents dont ont été victimes les femmes de 25 à 34 ans et à 38 % de ceux commis contre les femmes de 35 ans et plus.

On observe des taux semblables de signalement entre les femmes autochtones et non autochtones, entre les femmes de minorités visibles et celles n'appartenant pas à une minorité visible, et entre les immigrantes et les non-immigrantes

Alors que le risque de victimisation différait entre les femmes autochtones et les femmes non autochtones, ces premières étaient tout aussi susceptibles que ces dernières de signaler la victimisation à la police. Environ 4 femmes autochtones sur 10 ayant été victimisées par leur conjoint ont indiqué que la police avait été appelée; cette proportion ne différait pas considérablement de celle observée chez les femmes non autochtones. De même, parmi les incidents de violence non conjugale commis contre les femmes autochtones, environ le quart ont été signalés à la police, soit une proportion semblable à celle notée chez les femmes non autochtones.

Le signalement des incidents de violence conjugale à la police ne variait pas entre les femmes de minorités visibles et celles n'appartenant pas à une minorité visible (tableau 4.2). Les taux de signalement de la violence conjugale faite aux femmes étaient également semblables entre les immigrantes et les non-immigrantes. Dans le cas de la violence non conjugale, il n'était pas possible d'examiner les différences entre les sexes parmi ces populations en raison des chiffres peu élevés. Cependant, les taux globaux de signalement à la police étaient semblables entre les membres de minorités visibles et ceux n'appartenant pas à une minorité visible, ainsi qu'entre les immigrants et les non-immigrantsNote 4.

Le fait d'appeler la police est souvent lié au désir des femmes de mettre fin à la violence

Signaler la victimisation à la police est une décision personnelle où entrent en ligne de compte un certain nombre de facteurs. Le plus souvent, les femmes ont signalé elles-mêmes les incidents de violence conjugale à la police (84 %). Lorsqu'on leur a demandé pourquoi elles se sont tournées vers la police, la raison qui était de loin la plus souvent invoquée, soit par 95 % des répondantes, était leur désir de mettre fin à la violence et d'être protégées (tableau 4.4). Cette proportion était beaucoup plus élevée que celle observée chez les hommes victimes de violence conjugale qui ont dit avoir été motivés par ce facteur (70 %). Un sens du devoir était la deuxième raison en importance pour laquelle les femmes victimes de violence conjugale (47 %) avaient fait appel à la police. Le désir de mettre fin à la violence et le sens du devoir étaient aussi les principales raisons qui avaient poussé les hommes à signaler à la police la violence conjugale dont ils étaient victimes.

Par ailleurs, les femmes victimes de violence non conjugale étaient également plus susceptibles que les hommes victimes de communiquer avec la police pour mettre fin à la violence et être protégées (83 %). Elles étaient tout aussi susceptibles que les hommes victimes de faire appel à la police pour d'autres raisons (tableau 4.5).

Dans les incidents de violence faite aux femmes, l'intervention policière consiste le plus souvent à se rendre sur les lieux

On a demandé aux victimes qui ont dit que la police avait été mise au courant de l'incident de violence d'indiquer ce que la police avait fait lorsqu'elle en avait été informée. La majorité (85 %) des femmes victimes de violence conjugale ont mentionné que la police s'était rendue sur les lieux de l'incident, soit une proportion semblable à celle des hommes victimes de violence conjugale (82 %). Toutefois, les femmes victimes de violence conjugale étaient plus susceptibles que leurs homologues de sexe masculin de mentionner que la police avait donné un avertissement à leur conjoint, l'avait éloigné, l'avait arrêté ou avait porté des accusations contre lui (tableau 4.6). Il se peut que les différences entre les sexes quant à l'intervention policière reflètent le constat selon lequel la violence conjugale envers les femmes a tendance à être plus grave que celle perpétrée à l'endroit des hommes.

Parmi les femmes qui ont signalé des incidents de violence non conjugale à la police, 72 % ont dit que la police s'était rendue sur les lieux et 73 % ont indiqué qu'un rapport avait été fait ou qu'une enquête avait été menée (tableau 4.7). Des interventions policières semblables ont été effectuées dans le cas des incidents de violence non conjugale à l'endroit des hommes.

La plupart des victimes de sexe féminin sont satisfaites du travail de la police

Parmi les femmes victimes qui ont indiqué que la police avait été appelée, la plupart étaient satisfaites du travail de celle-ci. Environ les deux tiers (65 %) des femmes victimes de violence conjugale se sont dites plutôt ou très satisfaites de l'intervention policière. Lorsqu'il s'agissait de violence commise à l'extérieur d'une relation conjugale, 59 % des victimes de sexe féminin en étaient satisfaites. Ces niveaux de satisfaction étaient semblables à ceux des hommes victimes de violence tant conjugale que non conjugale.

Dans le cadre de l'ESG, on a également demandé aux victimes de violence conjugale si le comportement de leur conjoint violent avait changé après l'intervention policière. Près de la moitié (48 %) des femmes victimes de violence conjugale ont indiqué que les actes de violence avaient diminué après l'intervention de la police (tableau 4.6), alors que 23 %E ont dit que la violence était demeurée la même et 6 %E ont indiqué qu'elle avait augmenté.

« Tout a été réglé d'une autre façon » est la raison la plus fréquente de ne pas signaler la violence conjugale

Les femmes ont diverses raisons de ne pas signaler leurs expériences de violence à la police. Parmi les 69 % de femmes victimes de violence conjugale qui ont indiqué que l'incident n'était pas venu à l'attention de la police, le fait de régler la situation d'une autre façon ou le sentiment qu'il s'agissait d'une affaire personnelle figuraient parmi les raisons les plus souvent invoquées pour ne pas avoir signalé l'incident (79 % et 74 %). Même si ces raisons étaient semblables à celles invoquées par les hommes, les femmes étaient six fois plus susceptibles que ces derniers de dire que l'incident n'avait pas été signalé par peur de leur conjoint (19 % par rapport à 3 %). En outre, elles étaient près de deux fois plus susceptibles que les hommes de dire qu'elles ne voulaient pas que quelqu'un d'autre soit au courant de l'affaire (44 % par rapport à 26 %) (graphique 4.3).

Graphique 4.3
Raisons pour lesquelles la violence conjugale n'a pas été signalée à la police, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Description du graphique 4.3

Graphique 4.3 Raison pour  laquelle la violence conjugale n'a pas été signalée à la police, selon le sexe  de la victime, Canada, 2009

† catégorie de référence
* différence significative par rapport à la catégorie de référence (p < 0,05)
Note : Comprend les personnes mariées, séparées et divorcées, les conjoints de fait et les conjoints de même sexe ayant subi de la violence conjugale au cours des cinq années précédentes et ayant indiqué que la violence n'est pas venue à l'attention de la police. En raison des réponses multiples, la somme des pourcentages ne correspond pas à 100. Les données des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut ont été recueillies au moyen d'une méthode différente et, par conséquent, ont été exclues.
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale de 2009.

Des raisons semblables de ne pas appeler la police ont été données lorsqu'il s'agissait de violence non conjugale. Les femmes étaient tout aussi susceptibles de dire que l'incident n'était pas assez grave ou qu'elles ont réglé l'affaire d'une autre façon (60 % dans chaque cas). Comme pour la violence conjugale, la crainte de représailles était une plus grande préoccupation chez les victimes féminines que chez les victimes masculines (18 % par rapport à 9 %) (graphique 4.4).

Graphique 4.4
Raisons pour lesquelles la violence non conjugale n'a pas été signalée à la police, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Description du graphique 4.4

Graphique 4.4 Raison pour  laquelle la violence non conjugale n'a pas été signalée à la police, selon le  sexe de la victime, Canada, 2009

F trop peu fiable pour être publié
† catégorie de référence
* différence significative par rapport à la catégorie de référence (p < 0,05)
Note : Désigne la violence non conjugale autodéclarée au cours des 12 mois précédents qui n'est pas venue à l'attention de la police. En raison des réponses multiples, la somme des pourcentages ne correspond pas à 100. Les données des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut ont été recueillies au moyen d'une méthode différente et, par conséquent, ont été exclues.
Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale de 2009.

Ordonnances de restriction

Environ 1 femme victime de violence conjugale sur 7 a obtenu une ordonnance de restriction

Non seulement les victimes peuvent demander l'aide de la police, mais elles peuvent aussi se tourner vers les tribunaux civils ou les tribunaux de juridiction criminelle pour obtenir une protection supplémentaire contre l'auteur de la violence sous forme d'une ordonnance de restriction ou d'une ordonnance préventive. Les ordonnances de restriction visent à protéger les victimes qui craignent pour leur sécurité ou la sécurité d'une personne qu'elles connaissent; elles peuvent prévoir un certain nombre de mesures, comme interdire à l'auteur de la violence de communiquer avec la victime ou de fréquenter un lieu particulier, ou encore le placement de l'auteur de la violence conjugale à l'extérieur du domicile.

L'ESG a permis de recueillir des données sur la question de savoir si les victimes de violence conjugale ont obtenu une ordonnance de restriction ou une ordonnance préventive contre leur conjoint. En 2009, 15 % des victimes de sexe féminin ont indiqué avoir obtenu ce type de protection, soit une proportion trois fois supérieure à celle de leurs homologues de sexe masculin qui ont obtenu une ordonnance de restriction (5 %). Cependant, ces ordonnances n'empêchent pas toujours que la violence se reproduise. En effet, le tiers (32 %) des femmes ont dit qu'il y avait eu un manquement aux conditions de l'ordonnance. Les deux tiers (65 %) de ces femmes ont signalé le manquement à la police.

Utilisation des services sociaux par les femmes

La plupart des femmes dévoilent leur victimisation à des membres de leur famille ou à des amis

Les femmes ont souvent recours à des sources autres que le système de justice pénale à la suite d'une expérience de victimisation. Dans le cadre de l'ESG, on a demandé aux victimes non seulement si elles ont signalé ou non la violence à la police, mais également si elles se sont tournées vers d'autres sources de soutien. Ainsi, 8 femmes sur 10 qui ont été victimisées par leur conjoint ont parlé de l'incident à des membres de leur famille, à des amis ou à une autre source de soutien informel. Cette proportion était plus élevée que celle des hommes victimes de violence conjugale (56 %).

Tout comme les femmes victimes de violence conjugale, la plupart (91 %) des femmes victimes de violence non conjugale ont discuté de leur expérience de victimisation avec quelqu'un. Cependant, contrairement aux hommes victimes de violence conjugale, les hommes victimes de violence non conjugale étaient tout aussi susceptibles que les femmes victimes de recourir à d'autres sources de soutien. La famille et les amis ou les voisins étaient les sources les plus communes de soutien informel pour les femmes, peu importe que l'incident ait été commis par le conjoint ou par une autre personne.

Le quart des femmes victimes de violence conjugale ont utilisé les services sociaux officiels

Les femmes victimes de violence peuvent avoir recours à une variété de services sociaux, tels que des conseillers, des lignes d'écoute téléphonique, des centres communautaires, des refuges, des centres d'aide aux femmes et des groupes de soutien. Selon les résultats de l'ESG de 2009, 38 % des femmes qui ont été victimisées par leur conjoint ont fait appel à un service social, soit une proportion deux fois supérieure à celle des victimes de sexe masculin (18 %). Les femmes victimisées se sont le plus souvent tournées vers des conseillers ou des psychologues (32 %). Au nombre des services les plus souvent utilisés par les femmes venaient ensuite les centres d'aide ou les lignes d'écoute téléphonique, et les centres communautaires ou familiaux; le taux combiné s'établissait à 26 % (tableau 4.8).

En ce qui concerne la violence non conjugale, 12 % des femmes ont communiqué avec un quelconque service officiel d'aide aux victimes, ce qui dépassait la proportion correspondante chez les victimes de sexe masculin (6 %).

Insérer l'encadré 4.1

Encadré 4.1
Signalement à la police et utilisation des services de soutien sociaux dans les territoires

Six femmes sur dix qui ont été victimes de violence conjugale dans les territoires ont signalé l'incident à la police

Une différente méthode de collecte des données sur la victimisation a été utilisée dans les territoires. Par conséquent, les données territoriales sur le signalement à la police et le recours à d'autres services de soutien font l'objet d'une analyse distincte des données provinciales.

Conformément aux constatations issues de rapports antérieurs, le taux de signalement de la violence conjugale à la police dans les territoires était généralement supérieur à ce qu'il était dans les provinces. Environ 6 femmes sur 10 (58 %) qui ont été victimes de violence conjugale au cours des cinq années précédentes ont eu des contacts avec la police par suite de la violence, comparativement à 30 % dans les provinces. Comme c'est le cas dans les provinces, les femmes victimisées par leur conjoint dans les territoires ont indiqué avoir communiqué avec la police pour mettre fin à la violence ou être protégées.

Selon les femmes victimes de violence conjugale, les trois mesures les plus souvent prises par la police consistaient à : faire un rapport ou mener une enquête (84 %); se rendre sur les lieux de l'incident (82 %); et donner un avertissement à l'auteur présumé (81 %). Comme dans les provinces, la plupart des victimes féminines vivant dans les territoires étaient satisfaites de l'intervention policière à leurs expériences de violence conjugale (69 %).

Pour ce qui est de la violence non conjugale, les taux de signalement à la police dans les territoires reflètent ceux qui sont observés dans les provinces. Bien que les chiffres peu élevés aient empêché d'obtenir des estimations fiables selon le sexe, 31 % des incidents de violence commis contre les femmes dans les territoires ont été signalés à la police. Les victimes ont indiqué qu'elles avaient choisi de régler l'incident d'une autre façon (61 %), qu'elles considéraient que l'incident n'était pas assez grave pour qu'il soit justifié de faire appel à la police (53 %), qu'elles ne voulaient pas que la police intervienne (51 %E) et qu'elles considéraient qu'il s'agissait d'une affaire personnelle qui ne concernait pas la police (48 %E).

Lorsque la police a été appelée à intervenir dans des incidents de violence non conjugale, 75 % des victimes ont indiqué que la police s'était rendue sur les lieux et 81 % ont dit que la police avait fait un rapport ou mené une enquête. Il n'était pas possible d'examiner les différences selon le sexe en raison des chiffres peu élevés.

Sources de soutien informel souvent utilisées par les victimes de sexe féminin

Les femmes victimes de violence dans les territoires ont souvent recours à des sources de soutien informel. Près de 9 femmes victimes de violence conjugale sur 10 (88 %) se sont tournées vers des sources de soutien informel, soit une proportion plus élevée que celle observée chez les victimes de sexe masculin (58 %E). Toutefois, lorsque la violence mettait en cause une personne autre que le conjoint, les femmes étaient moins susceptibles que les hommes de se tourner vers quelqu'un pour obtenir de l'aide (77 % par rapport à 94 %).

Peu importe qui était l'auteur de la violence, les victimes féminines vivant dans les territoires se sont le plus souvent tournées vers des membres de leur famille et des amis ou des voisins pour obtenir de l'aide ou des conseils. En 2009, 79 % des femmes victimisées par leur conjoint se sont confiées à un membre de leur famille, alors que 64 % ont parlé de l'incident à un ami ou à un voisin. De même, lorsque les femmes étaient victimisées par une personne autre que leur conjoint, plus de la moitié se sont tournées vers leur famille (59 %) et des amis ou des voisins (55 %E).

Fin de l'encadré

Intervention déclarée par la police à la violence envers les femmes

Lorsqu'une affaire de violence faite aux femmes est portée à l'attention de la police et fait l'objet d'une enquête, la police peut déposer une accusation ou elle peut régler ou classer l'affaire (c.-à-d. résoudre) d'une autre façon, notamment en exerçant son pouvoir discrétionnaire (p. ex. mise en garde ou avertissement donné à l'auteur présumé, ou aiguillage vers un programme communautaire). Par ailleurs, il se peut que l'affaire ne soit pas classée si personne n'a été inculpé dans l'affaire, ou si un suspect a été identifié mais qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour déposer une accusation contre lui.

La plupart des crimes violents commis contre les femmes et déclarés par la police ont été classés

Les données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire révèlent que la police a classé 76 % des affaires de violence faite aux femmes en 2011. Dans environ 7 de ces affaires sur 10 (71 %), une accusation a été portée ou recommandée, alors que 3 affaires sur 10 ont été classées autrement que par le dépôt d'une accusation officielle. Parmi les raisons les plus fréquentes de classer l'affaire autrement, il y avait le fait que la victime de sexe féminin a demandé de ne pas déposer d'accusations officielles, ainsi que l'utilisation du pouvoir discrétionnaire de la police.

La probabilité que les affaires soient classées variait d'une région à l'autreNote 5. Les provinces des Prairies et les territoires affichaient généralement les taux les plus élevés de classement des crimes violents commis contre les femmes et déclarés par la police. Cela correspond aux tendances régionales relatives au classement de l'ensemble des crimes (Hotton Mahony et Turner, 2012) (tableau 4.9).

Différentes variations régionales ressortaient de l'examen de la proportion des affaires classées par le dépôt d'accusations officielles. Plus particulièrement, les proportions des affaires de violence à l'endroit des femmes ayant donné lieu à des accusations étaient les plus élevées en Ontario (77 %) et en Colombie-Britannique (77 %), et elles étaient les moins élevées en Saskatchewan (57 %), à l'Île-du-Prince-Édouard (57 %) et dans les Territoires du Nord-Ouest (51 %)Note 6.

Des accusations sont plus souvent portées dans les affaires de violence impliquant le conjoint ou un partenaire amoureux

La possibilité que la police élucide ou classe une affaire de violence faite aux femmes variait selon le lien de l'auteur présumé avec la femme. Les taux de classement étaient généralement les plus élevés lorsque le contrevenant était une personne connue de la femme, comme le conjoint (90 %), un partenaire amoureux (86 %) ou un membre de la famille autre que le conjoint (82 %). En revanche, moins de la moitié (47 %) des affaires de violence perpétrées par un étranger étaient élucidées par la police, ce qui se traduit par le taux de classement le plus bas. Cette tendance n'est guère étonnante si l'on considère qu'il est généralement plus difficile d'identifier l'auteur présumé et de l'appréhender lorsqu'il est inconnu de la victime.

Une fois que le crime avait été résolu, le lien de l'auteur présumé avec la victime influait également sur le fait que des accusations étaient déposées ou non. La violence dont les femmes étaient victimes aux mains du conjoint ou d'un partenaire amoureux était la plus susceptible de donner lieu à des accusations criminelles (84 % et 83 %), alors que la violence perpétrée par des membres de la famille autres que le conjoint, des amis ou de simples connaissances était la moins susceptible d'entraîner des accusations (51 %, 51 % et 52 %) (graphique 4.5). À titre d'exemple, des études antérieures ont montré que le taux supérieur de dépôt d'accusations criminelles dans les affaires de violence entre partenaires intimes s'explique peut-être par les niveaux plus élevés de blessures et de voies de fait associés à la violence faite aux partenaires intimes, combinés à l'existence de politiques favorables à l'inculpation (Sinha, 2012).

Graphique 4.5
Proportion d'affaires classées de violence faite aux femmes ayant donné lieu à des accusations, selon le lien de l'auteur présumé avec la victime, Canada, 2011

Description du graphique 4.5

Graphique 4.5 Proportion d'affaires classées de violence faite aux femmes ayant donné  lieu à une accusation, selon le lien de l'auteur présumé avec la victime,  Canada, 2011

Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Programme de déclaration uniforme de la criminalité fondé sur l'affaire.

Une autre constatation digne de mention est le taux relativement plus élevé d'inculpation dans les affaires de violence subie par les femmes aux mains d'un étranger. Ce type de violence présentait le taux de classement le plus faible, mais le troisième taux d'inculpation en importance, 73 % des affaires ayant été classées.

Les taux d'inculpation sont plus élevés pour les formes les plus graves de violence faite aux femmes

Les taux de classement et les taux d'inculpation ont tendance à être plus élevés lorsqu'il s'agit des formes plus graves de violence faite aux femmes. Par exemple, la police a élucidé 85 % des affaires dans lesquelles la femme victimisée a été blessée, comparativement à 72 % des affaires où il n'y a pas eu de blessures.

Parmi les crimes résolus, des accusations officielles ont été déposées dans 96 % des affaires où la femme a subi des blessures corporelles graves, dans 80 % des affaires où elle a subi des blessures mineures et dans 63 % des affaires où elle n'a pas été blessée. De même, les affaires dans lesquelles une arme a été utilisée contre la femme étaient plus susceptibles de donner lieu à des accusations, comparativement aux affaires qui n'impliquaient pas d'arme (84 % par rapport à 69 %).

Un autre facteur fortement lié aux taux de classement est le type d'infraction (Hotton Mahony et Turner, 2012). Certaines infractions dont les femmes sont victimes sont peu susceptibles d'être classées par mise en accusation ou par d'autres moyens. Ainsi, 44 % des infractions sexuelles commises contre les femmes et 61 % des vols qualifiés n'étaient pas résolus en 2011, ce qui signifie que personne n'a été inculpé ou qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour porter une accusation.

De plus, le type d'infraction influait sur le fait que des accusations étaient déposées ou recommandées. Parmi les affaires élucidées en 2011, 83 % des homicides sur des femmes ont donné lieu à des accusations officielles, tout comme 94 % des tentatives de meurtre, 98 % des voies de fait graves (niveau 3) et 86 % des voies de fait armées ou causant des lésions corporelles (niveau 2). Les infractions qui ont le moins souvent donné lieu à des accusations étaient les menaces (61 %), le harcèlement criminel (60 %) et les propos indécents au téléphone (17 %).

La violence envers les femmes donne plus souvent lieu à des accusations que celle à l'endroit des hommes

Les affaires de violence dans lesquelles la victime était une femme étaient plus susceptibles que celles dont la victime était un homme d'être résolues et de donner lieu à des accusations officielles. Par exemple, 71 % des affaires classées de victimisation contre les femmes ont donné lieu à des accusations, comparativement à 63 % des affaires de victimisation envers les hommes. Ces différences entre les sexes découlent en partie des caractéristiques différentes des crimes violents à l'endroit des femmes et des hommes, y compris les variations quant au type d'auteur de la violence (violence perpétrée par une personne connue ou non de la victime) et à la gravité du crime violent (p. ex. fréquence des blessures).

Intervention des tribunaux en matière de violence faite aux femmes

À la suite du dépôt d'une accusation, les personnes accusées de crimes violents comparaissent devant un tribunal provincial ou la cour supérieure, selon la gravité de l'infraction (infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou acte criminel) (ministère de la Justice Canada, 2005). Outre ces tribunaux traditionnels de juridiction criminelle, les personnes accusées de violence envers un partenaire intime peuvent comparaître devant l'un des 50 tribunaux spécialisés dans l'instruction de causes de violence familiale et plus qu'on trouve dans presque chaque province et territoire. La création de ces tribunaux permet de tenir compte des caractéristiques uniques de la violence commise au sein de la famille et de remédier à quelques-uns des problèmes que posent en particulier les victimes et les témoins réticents dans les affaires de violence familiale (Johnson, 2006). Bien souvent, ces tribunaux sont réservés à des infractions de nature moins grave.

Malgré le fait que les modèles particuliers de tribunaux spécialisés en violence familiale diffèrent d'un secteur de compétence à l'autre, les principaux objectifs sont les suivants :

  • offrir des mécanismes conçus pour s'attaquer à la nature unique de la violence familiale;
  • encourager l'intervention et la dénonciation précoces dans les cas de violence contre des membres d'une famille;
  • offrir un soutien approprié aux victimes;
  • accroître la responsabilité de l'agresseur (Agence de la santé publique du Canada, 2009).

Il est difficile d'examiner les taux de condamnation et les tendances relatives à la détermination de la peine dans les causes de violence faite aux femmes dont sont saisis les tribunaux traditionnels de juridiction criminelle ou les tribunaux spécialisés dans l'instruction de causes de violence familiale. Il en est ainsi parce que les tribunaux de juridiction criminelle ne recueillent pas systématiquement des renseignements sur le sexe de la victime. Plus précisément, l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle de Statistique Canada reçoit des données sur les caractéristiques des personnes accusées de crimes violents, y compris leur sexe et leur âge, mais ne reçoit pas de données sur les victimesNote 7. Par conséquent, il n'est pas possible d'examiner comment les tribunaux traitent et tranchent en particulier les affaires de violence envers les femmes.

Programmes de traitement pour les hommes violents

Dans certains cas, la participation à un programme de traitement représente une composante de la peine infligée aux personnes reconnues coupables de violence envers un partenaire intime. Depuis 1984, Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada tiennent une liste des programmes auxquels les hommes dont le comportement est violent sont tenus de participer par les tribunaux, ainsi que des programmes de traitement communautaires. D'après ces dossiers, le nombre de programmes de traitement pour les hommes violents a généralement augmenté de 1984 à 1998, est demeuré stable de 1998 à 2004, et a récemment diminué (graphique 4.6).

Graphique 4.6
Nombre de programmes de traitement pour les hommes violents, Canada, 1984 à 2008

Description du graphique 4.6

Graphique 4.6 Nombre de  programmes d'aide pour les hommes violents, Canada, 1984 à 2008

Source : Santé Canada, Répertoire canadien des programmes de traitement pour les hommes violents envers leur conjointe, 1994, 1997, 1999, 2002 et 2004; Agence de la santé publique du Canada, Répertoire canadien des programmes de traitement pour les hommes violents envers leur conjointe, 2008.

Selon l'Agence de la santé publique du Canada (2008), il y avait 165 programmes de traitement pour les hommes violents en 2006, soit un nombre semblable à celui noté en 1997. Ces chiffres représentent probablement une sous-estimation, puisqu'ils ne comprennent pas de nombreux services correctionnels fédéraux, provinciaux et territoriaux.

Refuges pour femmes violentées

À l'extérieur du système officiel de justice pénale, il existe un éventail de services d'aide aux femmes victimes de violence. L'une de ces mesures est le système de refuges pour femmes violentées, qui offrent des services d'hébergement et d'autres formes de soutien aux femmes et à leurs enfants qui fuient une situation de violence. À l'heure actuelle, il existe dans chaque province et territoire des refuges qui offrent des services aux femmes et aux enfants victimes de divers types de violence. Ils visent à procurer aux femmes violentées et à leurs enfants un endroit temporaire et sécuritaire où vivre.

En s'appuyant sur les données de l'Enquête sur les maisons d'hébergement — une enquête administrative menée tous les deux ans auprès des établissements d'hébergement au Canada qui offrent des services aux femmes violentées à la recherche d'un refuge —, il est possible d'examiner les tendances et les caractéristiques des clients qui y reçoivent des services, y compris des services destinés aux Autochtones.

On observe une hausse du nombre de refuges pour femmes violentées

Le nombre de refuges pour femmes violentées augmente de façon constante au fil des ans. En 2010, 593 refuges étaient en activité au Canada, soit 4 % de plus qu'en 2008 et 17 % de plus qu'en 2000 (graphique 4.7). L'ensemble des provinces et des territoires fournissant des données ont déclaré que le nombre de services d'hébergement en activité a augmenté ou est demeuré inchangé depuis 2008, la Nouvelle-Écosse ayant fait état de la hausse la plus marquée (13 %) (tableau 4.10).

Graphique 4.7
Nombre de refuges pour les femmes violentées, Canada, 1975 à 2010

Description du graphique 4.7

Graphique 4.7 Nombre de  refuges pour les femmes violentées, Canada, 1975 à 2010

Source : Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête sur les maisons d'hébergement.

Les types de refuges qui se sont multipliés au cours des 10 dernières années ont moins recours au financement des administrations provinciales et territoriales, et ils tirent une plus grande partie de leur financement des administrations municipales, des dons de bienfaisance et des frais d'utilisation (Burczycka et Cotter, 2011). Grâce à la croissance du nombre de refuges, en particulier des établissements de grande capacité, le nombre de lits qui s'offrent à la clientèle a également augmenté. Plus précisément, l'offre de lits s'est accrue de 7 % entre 2008 et 2010.

Le nombre d'admissions dans les refuges demeure stable

Le nombre de femmes utilisant les refuges est demeuré relativement stable ces dernières années. En 2009-2010, 64 500 femmes ont été admises dans les refuges au Canada, ce qui se traduit par un taux de 452 admissions pour chaque tranche de 100 000 femmes. Il s'agit d'une hausse de 2 % par rapport à 2007-2008. Les taux avaient tendance à être plus élevés dans l'Ouest et dans les territoires, et ils avaient tendance à être moins élevés dans les provinces de l'Est.

Par ailleurs, les femmes ayant des responsabilités parentales peuvent également être admises en compagnie de leurs enfants dans la plupart des refuges. En 2009-2010, 39 208 enfants ont été admis avec leur mère ou une autre personne qui s'occupe d'eux, comme une grand-mère.

La plupart des femmes à la recherche d'un refuge fuyaient une situation de violence

Le 15 avril 2010 — le jour de l'instantané —, 4 645 femmes résidaient dans des refuges. La plupart d'entre elles fuyaient une situation de violence (71 %). Parmi les autres raisons motivant les femmes à chercher un refuge, il y avait l'incapacité de trouver un logement abordable (30 %), le désir de protéger leurs enfants contre la violence ou d'empêcher qu'ils n'en soient témoins (24 %), des problèmes de santé mentale (23 %) et des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie (19 %)Note 8.

Malgré la hausse du nombre de refuges et de lits offerts, les constatations issues de l'Enquête sur les maisons d'hébergement indiquent que 426 femmes ont été refusées dans les établissements d'hébergement le jour de l'instantané. La moitié de ces femmes ont été refusées parce que le refuge affichait complet et les autres, en raison de problèmes de santé mentale, d'alcoolisme ou de toxicomanie, ou d'autres problèmes. Dans certains cas, la cliente peut être aiguillée vers un autre refuge ou un autre type de service aux victimes.

La majorité des refuges offrent des programmes adaptés à la réalité culturelle des femmes autochtones

Parmi les 593 refuges pour femmes violentées, 7 % (39) se trouvaient dans des réserves, alors que 25 % (146) offraient des services aux résidentes des réserves. L'Alberta et la Nouvelle-Écosse comptaient les plus fortes proportions de refuges situés dans des réserves (18 % et 17 % respectivement). C'est au Manitoba où se trouvait la plus grande proportion de refuges offrant des services aux résidentes des réserves (48 %).

De plus, la plupart des refuges ont déclaré offrir certains types de programmes adaptés à la réalité culturelle des femmes autochtones, y compris des méthodes traditionnelles en matière de santé, la participation des aînés comme chefs spirituels et l'accès à des ressources en langues autochtones. Plus précisément, 79 % des refuges offrant des services à la population des réserves et 59 % des autres refuges proposaient des services adaptés à la réalité culturelle des Autochtones.

Autres services d'aide aux victimes

Outre les services d'hébergement, les femmes peuvent bénéficier de toute une gamme d'autres services d'aide aux victimes. Ceux-ci comprennent notamment les programmes qui relèvent de la police, les services qui relèvent des tribunaux, les organismes communautaires, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels. Selon les données de l'Enquête sur les services aux victimes — une enquête administrative réalisée auprès des fournisseurs de services d'aide aux victimes —, il y avait, en 2009-2010, 911 programmes offrant des services d'aide aux victimes, femmes et hommes, d'un bout à l'autre du Canada.

Les femmes représentaient la majorité des victimes auxquelles ces services sont venus en aide. Plus particulièrement, les trois quarts des clients servis entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010 étaient des femmesNote 9. La plupart des femmes ont sollicité de l'aide en raison d'un crime violent (86 %), soit une proportion supérieure à celle observée chez les hommes (69 %). Parmi les clientes ayant été victimes d'un crime violent, 35 % ont demandé de l'aide relativement à un crime sexuel, 60 %, relativement à un autre crime violent non mortel et 5 %, pour composer avec la perte d'un être cher par suite d'un crime violent (tableau 4.11). Les clientes qui ont été victimes d'actes criminels violents étaient également plus de deux fois plus susceptibles que les clients de déclarer qu'un partenaire intime était l'auteur de la violence (54 % par rapport à 24 %).

Près des deux tiers des demandes d'indemnisation ont été remplies par des femmes

Les programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels offrent une indemnité financière aux victimes d'actes criminels afin de les aider à surmonter des difficultés financières découlant de leur victimisation. En 2009-2010, les femmes représentaient la majorité des victimes d'actes criminels ayant demandé une indemnisation (64 %). Les femmes qui ont reçu de l'aide dans le cadre d'un programme d'indemnisation ou de prestations étaient surtout susceptibles de solliciter des services en lien avec des voies de fait (44 %) ou une agression sexuelle (28 %). Par comparaison, les proportions d'hommes ayant demandé une indemnisation pour des voies de fait ou une agression sexuelle s'élevaient à 61 % et à 11 % respectivement.

Résumé

Les interventions du système de justice pénale en matière de violence faite aux femmes ont évolué au cours des 30 dernières années. Malgré les changements observés, bon nombre de femmes qui signalent leur victimisation ne se tournent toujours pas vers le système de justice pénale, comme en témoignent le récent recul des taux de signalement de la violence conjugale à la police et la stabilité des taux de signalement de la violence non conjugale. Les femmes sont plus susceptibles de faire appel à des sources de soutien informel, comme des membres de leur famille et des amis, d'après les données sur la victimisation.

Lorsque des affaires de violence envers les femmes sont portées à l'attention de la police, il est fort probable qu'elles donnent lieu à des accusations criminelles. Les données policières révèlent que cela était particulièrement le cas lorsque la violence impliquait un partenaire intime, l'infliction de blessures ou l'usage d'une arme.

À l'extérieur du système de justice pénale, un éventail de services s'offre aux femmes victimisées par leur conjoint ou une autre personne. Bien que le nombre de femmes ayant recours aux services d'hébergement soit demeuré relativement stable ces dernières années, la demande dont font l'objet ces services demeure manifeste à en juger par le fait que certaines femmes se voient refuser l'admission dans des refuges parce qu'ils affichent complet. En outre, les femmes demeurent plus susceptibles que les hommes de se tourner vers des services sociaux officiels, souvent à la recherche d'aide pour composer avec une expérience d'agression sexuelle ou une situation de violence aux mains d'un partenaire intime.

Tableaux de données détaillés

Tableau 4.1 Pourcentage des victimes de violence conjugale dont la victimisation est venue à l'attention de la police, selon le sexe de la victime et les caractéristiques de l'incident, Canada, 2009

Tableau 4.2 Pourcentage des victimes de violence conjugale dont la victimisation est venue à l'attention de la police, selon le sexe de la victime et d'autres caractéristiques de celle-ci, Canada, 2009

Tableau 4.3 Pourcentage des victimes de violence non conjugale dont la victimisation est venue à l'attention de la police, selon le sexe de la victime et d'autres caractéristiques de celle-ci, Canada, 2009

Tableau 4.4 Raisons pour lesquelles la violence conjugale a été signalée à la police, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Tableau 4.5 Raisons pour lesquelles la violence non conjugale a été signalée à la police, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Tableau 4.6 Description de l'intervention policière du point de vue de la victime de violence conjugale, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Tableau 4.7 Description de l'intervention policière du point de vue de la victime de violence non conjugale, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Tableau 4.8 Types de services sociaux utilisés par les victimes de violence conjugale, selon le sexe de la victime, Canada, 2009

Tableau 4.9 État de classement des affaires de violence commises contre les femmes et déclarées par la police, selon la province et le territoire, 2011

Tableau 4.10 Nombre de refuges pour femmes violentées, de lits et d'admissions de femmes, selon la province et le territoire, 2010

Tableau 4.11 Clients servis par les fournisseurs de services aux victimes, selon le sexe de la victime et le type de crime violent, Canada, 27 mai 2010

Références

AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA. 2009 (mars). Tribunaux pour l'instruction des causes de violence conjugale, bulletin électronique du Centre national d'information sur la violence dans la famille, (site consulté le 19 juin 2012).

AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA. 2008. Répertoire canadien des programmes de traitement pour les hommes violents envers leur conjointe.

BURCZYCKA, Marta, et Adam COTTER. 2011. « Les refuges pour femmes violentées au Canada, 2010 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

HOTTON MAHONY, Tina, et John TURNER. 2012. « Les taux de classement des affaires déclarées par la police au Canada, 2010 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

JOHNSON, Holly. 2006. Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques 2006, produit no 85-570-XWF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa.

JOHNSON, Holly, et Myrna DAWSON. 2011. Violence Against Women in Canada: Research and Policy Perspectives, Don Mills, Oxford University Press.

JOHNSON, Holly, et Tina HOTTON. 2001. « Violence conjugale », La violence familiale au Canada : un profil statistique, publié sous la direction de Catherine Trainor et Karen Mihorean, produit no 85-224-X au catalogue de Statistique Canada.

MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA. 2005. Le système de justice du Canada (site consulté le 19 juin 2012).

OUIMET, Marc, et Paul-Philippe PARÉ. 2003. « Modéliser la performance : comment analyser les statistiques policières d'élucidation et d'accusation », Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, vol. 56, p. 23 à 42.

PARÉ, Paul-Philippe, Richard FELSON et Marc OUIMET. 2007. « Community variation in crime clearance: A multilevel analysis with comments on assessing police performance », Journal of Quantitative Criminology, vol. 23, no 3, p. 243 à 258.

SCHNEIDER, Elizabeth M. 2007. « Domestic violence law reform in the twenty-first century: Looking back and looking forward », Family Law Quarterly, vol. 42, no 3.

SINHA, Maire. 2012. « La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2010 », Juristat, produit no 85-002-X au catalogue de Statistique Canada.

Notes

E à utiliser avec prudence

  1. Il s'agit d'un incident de violence conjugale qui est survenu au cours des cinq années précédant la tenue de l'enquête.
  2. La différence entre les proportions n'est pas statistiquement significative.
  3. Comprend l'agression sexuelle sous contrainte et la tentative d'agression sexuelle où la victime est menacée, immobilisée ou brutalisée.
  4. En raison de la taille de l'échantillon, il n'était pas possible d'examiner des minorités visibles particulières ou les détails relatifs aux immigrants, tels que la période d'arrivée.
  5. Les taux de classement sont sensibles à la gravité des crimes et à leur répartition dans un secteur de compétence particulier (Hotton Mahony et Turner, 2012). Les provinces et les territoires qui comptent une part plus élevée de crimes plus faciles à résoudre, tels que des infractions impliquant des connaissances et des membres de la famille, affichent des taux de classement plus élevés que ceux des provinces et des territoires où la proportion de ces types d'infractions est moindre (Paré, Felson et Ouimet, 2007; Ouimet et Paré, 2003).
  6. Dans les cas de violence familiale, chaque secteur de compétence du Canada a adopté des politiques favorables à l'inculpation. Les paramètres particuliers de ces politiques peuvent varier d'une région à l'autre.
  7. Les renseignements sur les victimes ne sont pas inscrits ou maintenus dans les systèmes d'information des tribunaux. Par conséquent, les données sur les victimes ne sont pas saisies dans le cadre de l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle.
  8. En raison des réponses multiples, la somme des pourcentages ne correspond pas à 100.
  9. Données fondées sur les victimes dont le sexe était connu. Le sexe de 38 % des victimes n'a pas été déclaré.
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