Hé-coutez bien! Épisode 25 - La religion en déclin? Oui, mais…

Date de diffusion : le 6 mai 2025

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2025005

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Le Recensement a révélé que 12,6 millions de personnes ont déclaré ne pas avoir d'affiliation religieuse en 2021, soit plus d'un tiers de la population canadienne. Mais y a-t-il plus que cela?

Avec nos invités Simon-Pierre Lacasse, analyste principal à StatCan, et Sarah Wilkins-Laflamme, professeure agrégée à l'université de Waterloo, nous explorons les causes de cette tendance, nous cherchons à savoir si « sans religion » signifie « sans spiritualité » et comment l'histoire varie de la Colombie-Britannique spirituelle au catholicisme culturel du Québec, en passant par les églises fraîchement repeintes des provinces de l'Atlantique.

Animatrice

Annik Lepage

Invités

Simon-Pierre Lacasse, Sarah Wilkins-Laflamme

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 25 - La religion en déclin? Oui, mais… - Transcription

Transcription

Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada, où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage. 

Tous les dix ans, le recensement demande aux Canadiens de déclarer leur appartenance religieuse. Le recensement de 2021 en fait partie, tout comme ceux de 2011, 2001 et 1991. Chaque décennie, nous obtenons un nouvel aperçu de la composition religieuse de notre pays, ce qui nous donne un coup d'œil sur son évolution.

Une tendance récente notable en matière de religion au Canada est la croissance des populations musulmanes, hindoues et sikhes. Cette évolution est logique, compte tenu de l'immigration qui s'est produite au cours des dernières décennies.

Mais ce que je trouve particulièrement intéressant, et ce sur quoi nous allons nous pencher aujourd'hui, c'est la montée des Canadiens « sans-religion ».

Selon le recensement de 2021, 12,6 millions de Canadiens ont déclaré n'avoir aucune appartenance religieuse. Cela représente plus d'un tiers de la population canadienne, et cette proportion a plus que doublé en 20 ans, passant de 16,5 % en 2001 à 34,6 % en 2021.

Qui sont-ils ? Qu'est-ce qui définit ce groupe?

Plongeons dans le vif du sujet.

Simon-Pierre : Bonjour, je m'appelle Simon-Pierre Lacasse. Je suis l'analyste principal au centre de la statistique sociale et de la population à Statistique Canada.

Sarah : Oui, bonjour tout le monde. Moi, je m'appelle Sarah Wilkins-Laflamme. Je suis professeure agrégée à l'Université Waterloo.

Annik : Que savons-nous des profils démographiques des personnes non affiliées religieusement ?

Simon-Pierre : Ce qu'on sait de cette population-là d'abord, c'est qu'elle est en moyenne plus jeune que la population canadienne avec un âge moyen de 36 ans, alors que pour l'ensemble de la population canadienne, c'est un peu plus de 41 ans.

On sait que c'est une population aussi qui est proportionnellement plus masculine. C'est donc plus de 52,6 % de la population masculine qui s'identifie comme n'ayant pas de religion alors qu'elle représente un peu moins de 50 % dans la population générale. On a aussi plus de gens qui ne sont pas mariés ou qui ne vivent pas en union libre c'est 46,1 %, alors que dans la population générale, on est à 42 % donc proportionnellement plus élevés. Et puis aussi un autre aspect important, c'est que c'est surtout une population qui est non immigrante. C'est-à-dire qu'on a 82 % des personnes qui ne déclarent pas de religion ou des perspectives séculières, alors que leur poids dans la population générale est d'un peu moins de 75 % donc encore proportionnellement plus élevé chez les non immigrants, c'est à dire les personnes qui sont nées au Canada.

Annik : Avez-vous quelque chose à ajouter à ce portrait démographique des Canadiens non affiliés? Et avez-vous eu des surprises dans le cours de vos recherches?

Sarah : C'est le portrait que je vois aussi, à travers mes recherches, mais juste pour en mettre un peu plus de détails de l'examiner un peu plus en profondeur l'effet vraiment principal, la grosse division qu'on voit, c'est celui des différences générationnelles. Donc, les jeunes ont beaucoup plus de chances d'être sans religion que les adultes plus âgés. Donc, par exemple, dans le dernier recensement en 2021, au Canada, les jeunes adultes de 18 à 35 ans, il y avait 43 % d'eux qui se disaient sans religion contre seulement 28 % chez les adultes plus âgés. Donc, des grosses différences entre générations. Et c'est ça l'effet principal qu'on voit à travers l'Occident aussi, pas juste au Canada, mais à travers la plupart des pays occidentaux. Il y a aussi lié au fait que les gens nés à l'étranger ont moins de chance d'être sans religion et aussi les minorités raciales au Canada sont moins susceptibles de se dire qu'ils n'ont pas de religion, et donc 26 % des membres de minorités raciales ont déclaré ne pas avoir de religion lors du recensement de 2021 à travers le Canada contre un 38 % pour le restant de la population, donc des taux plus faibles de sans-religion parmi les minorités raciales et ceux nés à l'étranger. ll y a également des taux plus élevés de sans-religion dans l'Ouest canadien. Donc, juste au-dessus de la moitié de la population en Colombie-Britannique va se dire sans-religion dans le dernier recensement de 2021, contre un 27% par exemple au Québec.  Il existe encore un écart entre hommes et femmes. Les hommes ont un peu plus de chance de se dire sans religion, mais cet écart-là est plus petit qu'auparavant, que dans les décennies antérieures.

Donc maintenant, il y a environ 32 % des femmes qui s'y sont en religion dans le dernier recensement contre un 36 % chez les hommes. Donc, seulement un écart de quatre points de pourcentage dans les années antérieures, c'était beaucoup plus élevé que ça, il y avait une différence beaucoup plus grande.

Alors, c'est un écart qui a diminué, que moi je m'attends va disparaître dans les prochaines années parce qu'on a aussi vu la disparition d'autres différences démographiques qui étaient là dans le passé, donc par exemple, des différences dans le taux de sans-religion selon le niveau d'éducation ou la résidence rurale.

Auparavant, il y avait de plus grandes différences, mais maintenant, c'est pas mal disparu au fur et à mesure que la population des sans-religion a augmenté et que le phénomène s'est normalisé dans notre société. Donc, par exemple, chez ceux qui n'ont pas de diplôme universitaire ou qui ont des diplômes universitaires, c'est environ le tiers qui se dit sans religion, peu importe, parmi les deux groupes-là.

Et pour la résidence rurale, il y a un 36% des personnes vivant à l'extérieur d'une région métropolitaine du recensement qui se dit sans religion, et ça se compare à 33 % chez les gens qui vivent dans les grandes villes.

Annik : Le Recensement de 2021, a révélé que plus d'un tiers de la population canadienne déclarait ne pas avoir d'affiliation religieuse. Alors lorsque j'ai regardé ces données, je me suis dit, oh, ça fait beaucoup d'athées au Canada.

Mais ça serait une erreur de penser que sans religion signifie nécessairement être athée.  Alors, pourriez-vous nous parler de la diversité au sein de l'étiquette sans religion tout d'abord? Et quelles autres étiquettes pourraient entrer dans cette catégorie?   

Sarah : Ouais, c'est ça. En effet, il existe de nombreuses identités spécifiquement non-religieuses, auxquels certains ou certaines s'identifient. Donc, il y a les athées, oui, mais aussi des agnostiques, des humanistes laïcs, des libres-penseurs et plusieurs autres étiquettes également. Mais, à vrai dire, la plupart des « sans religion » ne s'identifient même pas à l'une ou l'autre de ces étiquettes. Ils n'ont rien de particulier en matière de religion et lorsqu'on pose la question est-ce que vous êtes athée ou quelque chose comme non j'ai pas vraiment réfléchi j'ai vraiment pas vraiment rien auquel je m'identifie à cet effet et donc on voit un peu de tout parmi la catégorie des sans-religion. Ça comprend une diversité de pensées, d'opinions, de croyances et de spiritualité. Ce n'est pas seulement des gens qu'on peut dire entièrement rationnels ou scientifiques ou anti-surnaturels. Il y en a bien sûr, il y en a quelques-uns, mais la plupart on voit une diversité de leur façon de penser. Et donc, par exemple, en 2023, le projet de recherche Non-Religion in a Complex Future, auquel je participe, a mené une enquête auprès de la population générale au Canada et a constaté que c'est seulement le quart des personnes sans religion au Canada qui s'identifient vraiment comme athées.

Annik : À part la diversité des étiquettes, il existe également une diversité de pensées, d'opinions, de croyances et de spiritualités. Pourriez-vous expliquer un peu comment l'absence d'affiliation religieuse ne signifie pas nécessairement l'absence de croyances religieuses ou spirituelles? Avez-vous des exemples qui vous ont surpris dans vos recherches ?

Sarah : Oui, environ le quart des « sans religion » qui sont, on peut les nommer un peu spirituelles sans religion ou non religieuses, spirituelles. Donc ce sont des gens qui ont des croyances ou des pratiques qui sont moins traditionnelles, moins conventionnellement religieuses, mais en fin de compte qui se lient un peu plus au surnaturel. On pense ici à des croyances à un univers mystérieux ou connecté aux énergies. On parle des pratiques comme le yoga, des activités de méditation, par exemple. Puis ce n'est pas tout le monde qui définit ces pratiques-là en tant que spirituelles, mais il y a quand même une partie de la population qui le font.

Et donc, c'est des gens vraiment qui ont des liens au surnaturel ou des, une façon de comprendre le monde, il y a des éléments surnaturels à l'intérieur de ces compréhensions-là, mais qui en fin de compte n'ont pas vraiment de lien avec des organismes ou des organisations religieuses. Et donc on voit ces gens-là parmi les « sans religion ». On voit aussi une toute petite minorité de gens qui sont quand même assez actifs sur le plan religieux, mais qui s'identifient pas nécessairement à une tradition particulière, mais on voit aussi une grande proportion des « sans religion » qui sont vraiment pas beaucoup de liens avec le spirituel et religieux, ils sont plutôt indifférents, ils pensent pas à ces questions-là.

Annik : D'où viennent les non affiliés. C'est une population qui augmente. Mais qu'est ce qui alimente cette croissance?

Simon-Pierre : L'immigration n'est pas le facteur principal de croissance pour les personnes qui ne déclarent pas de religion ou des perspectives religieuses. Donc c'est sûr que n'importe quelle discussion sur la croissance démographique dans la plupart des groupes, l'immigration va jouer un rôle et étant donné la proportion de la population immigrante au Canada, cependant, ce qui est peut-être le plus important ici c'est le fait qu'il y a une part importante des enfants de moins de 10 ans qui sont nés au Canada qui n'ont pas d'affiliation religieuse. Donc ça, c'est un phénomène qui est relié au fait que les parents, eux-mêmes, vont déclarer n'avoir pas d'affiliation religieuse. Et puis la façon que la question est posée dans le recensement spécifiquement, on va dire pour les jeunes enfants, pour les enfants donc, de déclarer la religion dans laquelle les enfants sont élevés. Donc, si les parents n'ont pas d'affiliation religieuse, alors forcément la réponse sera la même pour les enfants. Donc ce serait le facteur principal. Le deuxième facteur de croissance, c'est le fait que la façon dont les gens rapportent leur affiliation religieuse d'un recensement à l'autre peut changer c'est-à-dire qu'une personne pourrait avoir déclaré en 2011 être d'affiliation religieuse musulmane et puis en 2021, déclarer ne pas avoir d'affiliation religieuse. Alors là, ce qu'il faut comprendre, c'est que la façon dont la question est perçue, évidemment, peut changer la façon dont une personne perçoit sa propre relation avec la religion peut avoir changé. Et puis il y a une certaine fluidité dans la façon de répondre entre les cycles de recensement, même chez un même individu.

Annik : L'une des statistiques que j'ai trouvées les plus intéressantes concerne les personnes qui n'ont pas d'affiliation religieuse mais qui sont néanmoins actives sur le plan religieux. Pourriez-vous nous en parler?

Simon-Pierre : Oui. Donc ça, ce sont des données qui ressortent de l'enquête sociale générale ou on pose des questions sur les formes de pratiques religieuses. C'est intéressant de voir qu'on a quand même 17 % en 2019 donc c'est la dernière année où on a fait ou analysé ces données-là qui rapportaient avoir participé à des activités religieuses dans la dernière année. Donc, évidemment, c'est un pourcentage qui va baisser fortement quand on demande, avez-vous pratiqué dans le dernier mois ou à chaque semaine. Donc on parle un peu moins d'une personne sur cinq qui n'a pas de religion qui, par exemple, aurait peut-être assisté à une activité religieuse. Ce qui est important, c'est qu'on doit exclure les mariages et les funérailles qui sont dans la plupart du temps, encadrés par des formes de rituels religieux. Donc, même si on exclut ces formes de cérémonie-là ou de rituels-là, c'est presque une personne sur cinq. Donc qu'est-ce que ça peut représenter? Ça pourrait être, par exemple, une personne catholique au Québec qui aurait assisté à une messe de Noël ou à une forme de célébration peut-être à Pâques, qui sont les rituels qui étaient les plus courus avant qu'il y ait une forme de baisse de religiosité, mais on prend l'exemple spécifique du Québec, mais c'est un exemple peut-être intéressant parce que dans le milieu de la recherche à l'extérieur de Statistique Canada, des chercheuses et des chercheurs ont développé le principe ou le concept de catholicisme culturel pour faire référence au fait que une personne peut s'identifier comme étant catholique sans avoir de forme de pratique mais à l'inverse, on pourrait avoir aussi des gens qui ont déclaré n'avoir pas de religion, mais quand même vont participer à une forme de pratique culturelle qui est religieuse.

Annik : L 'enquête sociale générale a révélé qu'entre 2017 et 2019, 17 % des non-initiés ont participé à une activité religieuse avec un groupe une fois par an. Cela me semble être un chiffre important, et je suis tout à fait d'accord avec la suggestion de Simon-Pierre concernant les traditions religieuses annuelles mais 2 % des non-initiés ont participé à une activité religieuse avec un groupe au moins une fois par mois. C'est peut-être moi, mais je trouve ces deux éléments très surprenants.

Pourriez-vous parler de manière pratique, à quoi cela pourrait-il ressembler ? Quelles sont les pratiques religieuses des non-initiés ? 

Sarah : J'ai l'exemple de Darlene, par exemple, qu'on voit souvent chez plusieurs « sans religion » qui viennent d'une socialisation religieuse, par exemple. Donc, Darlene, c'est un pseudonyme d'une participante de recherche que mon collègue Joel Thiessen a interviewé en Alberta au début des années 2010.

Et Darlene est une ancienne évangélique qui s'était déclarée sans religion par le temps que Joël l'a interviewée. Puis elle a quitté son groupe religieux parce qu'elle n'était pas d'accord avec un bon nombre des croyances qu'il enseignait, qu'il trouvait que le groupe englobait un peu trop sa vie. Mais Darlene croit toujours en Dieu, elle aime encore écouter la musique, la chorale, de temps en temps, et a mentionné qu'elle assiste encore à un service religieux occasionnel, au temps des Fêtes surtout, lorsqu'elle rend visite à sa mère. Mais c'est peut-être parce qu'elle n'a pas d'éducation, pour elle, ce n'est pas vraiment une expérience religieuse, mais c'est plutôt un moyen de faire plaisir à sa mère aussi, d'éviter les conflits familiaux qu'on essaie tous d'éviter au temps des Fêtes. Et donc, c'était vraiment un peu un mélange de, elle avait quitté la religion, mais elle avait encore certaines pratiques qui faisaient partie de sa vie. Et on voit ça souvent, c'est super intéressant parce qu'on le voit souvent chez les personnes qui ont été élevées dans une famille assez religieuse, donc qui a reçu une socialisation religieuse, mais qui ont choisi de quitter la religion plus tard dans leur vie adulte et donc il y a certains aspects de la religion, tels que les aspects liés aux communautés ou à certaines pratiques qui apportent du réconfort, sont encore présents et les gens aiment s'y accrocher, même lorsqu'ils ont délaissé leurs appartenances religieuses.

Donc ça, c'est toujours intéressant. J'ai aussi vu d'autres exemples, par exemple, des gens qui vraiment définissent le yoga comme pratique spirituelle, qui est très importante. Ils sont très dans la spiritualité, l'aspect spirituel du yoga, et ensuite d'autres gens qui complètement à l'envers, au contraire, ils vont définir le yoga juste comme activité physique ou de bien-être mental, plutôt qu'une activité spirituelle.

Donc, il y a des gens qui vraiment les différentes pratiques ont des, définissent ces activités-là différemment, soit plus religieux ou spirituel ou moins religieux et spirituel.

Annik : Le Recensement de 2001 a révélé qu'environ 15 % seulement de la population n'avait pas de religion. Le nombre de personnes sans religion a donc doublé en 20 ans. Nous savons qu'une grande partie de la croissance démographique du Canada est due à l'immigration, mais l'immigration n'est pas la force motrice de ce changement. Quels sont les facteurs sociaux et les conditions qui font qu'en 2025, le Canada compte plus de « sans religion » qu'en 1925 ou même en 1985?

Sarah : C'est la grosse question, hein, donc pourquoi, pourquoi on voit une augmentation assez importante de ces taux de « sans religion »? Et vraiment, au Canada, d'habitude, on trace les débuts de cette tendance-là aux années 60 et la génération des baby-boomers. Donc, dans d'autres pays, ça a commencé un peu plus tôt. Par exemple, en France ou en Grande-Bretagne, ça a commencé un peu avant, aux États-Unis, ça a commencé plus tard. Aux États-Unis, ça a vraiment commencé seulement dans les années 90. Mais ici au Québec et au Canada, on voit surtout les années 60 comme moment clé où ça commence à changer à voir les nouvelles tendances. Et donc, il y a plusieurs changements sociaux qui sont en marche, qui commencent environ au milieu du 20e siècle et qui sont en marche depuis, qui impactent surtout cet effet générationnel des jeunes ayant des taux de plus en plus élevés de sans-religion. Donc on parle, par exemple de la perte d'autorité des chefs religieux et la prise en charge de la plupart des services sociaux, les écoles, les hôpitaux, par exemple, par, l'État providence, donc ça, c'est un, un changement qu'on voit surtout vraiment commencer à prendre un effet important dans le milieu du 20e siècle et aussi au Canada anglophone, il y a le déclin de l'identité nationale plutôt britannique protestante canadienne avec la chute de l'Empire britannique encore une fois au milieu du 20e siècle et un bon nombre de Canadiens voient de moins en moins de lien avec le fait d'être canadien et le fait d'être chrétien. Auparavant, il y avait vraiment des liens, surtout coloniaux, entre la Grande-Bretagne, les églises protestantes et l'identité nationale canadienne-anglaise. Et dans la francophonie canadienne, il y a une tendance similaire à s'éloigner de l'église catholique et de moins en moins liée à l'identité québécoise, à l'identité catholique avec, bien sûr, la Révolution tranquille, surtout des années 60 et la génération des boomers et un lien qui devient de moins en moins fort ou de plus en plus faible à travers les décennies qui suivent les années 60.

Il y a aussi une montée des valeurs qu'on nomme d'individualisme expressif donc, on parle ici de valeurs d'autonomie et d'authenticité personnelle, c'est vraiment lorsqu'on parle aux gens, ça revient souvent dans le discours des gens lorsqu'on leur parle de qu'est-ce qui motive leur décision clé de la vie, leurs valeurs qu'ils tentent d'enseigner à leurs enfants par exemple, ils discutent de ces valeurs-là de choix individuels, d'autonomie, d'authenticité, de vivre leur vraie vie, là, et c'est vraiment des valeurs qui, on les voit monter vraiment depuis les années 60, c'est la génération boomer, et c'est souvent avec notre société de consommation qui sont liées aussi. Et donc l'accent est mis maintenant sur l'autorité de l'individu à faire ses propres choix, plutôt que sur une autorité externe à l'individu provenant de, soit de leader ou de texte religieux par exemple.

Donc on prend ces valeurs presque pour acquis aujourd'hui là, mais ça n'a pas toujours été le cas. Et donc c'est vraiment surtout à travers les années 60 qu'on voit cette montée et ça met moins l'accent sur les activités, la communauté religieuse et beaucoup plus l'accent sur les choix de l'individu, à travers les dernières décennies. Et il y a aussi une montée de ce qu'on appelle la concurrence séculaire, donc il y a juste plus de choix d'activités et de façons de penser qui sont possibles maintenant, qui sont socialement acceptables maintenant, qu'auparavant, par exemple, comparé au 19e siècle. Et donc, si on pense au 19e, au début du 20e siècle, c'était beaucoup plus un monde d'agriculture, un monde rural, où le centre de la vie politique, sociale, communautaire, c'était surtout l'église du village, la paroisse. Et donc, on n'est plus vraiment maintenant, dans cette société, on est beaucoup plus urbanisé, on a beaucoup plus changé nos valeurs. Il y a beaucoup plus de choix de qu'est-ce qu'on peut faire la fin de semaine, comment on peut rester en contact avec les gens, comment on peut être engagé dans la communauté qui ne sont pas nécessairement liés à la religion maintenant, comparativement dans le passé. Donc, c'est vraiment tous ces changements-là ensemble, tu sais, il y a des débats parmi les académiques de quel changement a été le plus important.

Annik : L'histoire de la religion au Canada varie vraiment d'un bout à l'autre du pays. La Colombie-Britannique a l'un des taux d'affiliation les plus bas du pays, mais vous l'appelez la Colombie-Britannique spirituelle. Pourquoi?  

Sarah : Oui, parce que, bien, en fin de compte, les certains indicateurs de spiritualité sont plus élevés, même parmi les « sans religion » en Colombie-Britannique. Il y a plus de la moitié de la population en Colombie-Britannique qui s'identifie sans religion, mais quand j'ai mené une enquête nationale auprès des milléniaux, donc la génération Y, âgés de 18 à 35 ans en 2019, ce que j'ai vu c'est qu'en Colombie-Britannique, il y avait 23 % d'eux qui s'identifiaient sans religion, oui, mais qui s'identifiaient comme spirituels mais non religieux. Et donc, c'est le taux le plus élevé parmi les « sans religion », les jeunes sans-religion au pays, en Colombie-Britannique. Il y avait aussi environ un tiers de cette génération Y qui se disait, parmi ceux qui disaient sans-religion, il y avait le tiers en Colombie-Britannique qui déclarait que leurs croyances spirituelles sont très ou assez importantes dans leur vie.

Encore une fois, un des taux les plus élevés au pays. Et il y avait un 43 % d'eux qui la moitié qui déclarait avoir participé au moins une fois au cours de l'année précédente à l'enquête, à une activité qui définissait comme spirituelle. Et donc, encore une fois, c'est un des taux le plus élevé parmi les « sans religion » au pays.

Donc, vraiment, en Colombie-Britannique, on voit c'est un peu cette façon de penser, cette socialisation qui est plus vers la spiritualité qui a peut-être moins de problèmes historiques ou de mythologie nationale contre une église, comme au Québec, il y a vraiment cette vue de l'Église catholique qui est la grande noirceur avant la Révolution tranquille. Il n'y a pas vraiment ça en Colombie-Britannique. Et donc les gens sont plus ouverts à la spiritualité. C'est même un peu tracé dans le discours public où on voit, par exemple, l'expérience avec la nature ou aller dans les grands parcs et que c'est un peu lié, les gens sont plus ouverts à parler, à utiliser le terme spirituel pour décrire ces expériences-là.

Annik : On sait qu'au Québec, il y a une tendance au catholicisme culturel, sans nécessairement la pratiquer. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Qu'est-ce qui distingue le Québec des autres régions du Canada?  

Sarah : Oui, bien le Québec est vraiment distinct sur le plan religieux au Canada et donc, dans ce contexte-ci des thèmes qu'on discute, c'est surtout que le fait que les taux de « sans-religion » ont toujours été plus faibles au Québec que dans la plupart des autres régions du pays. Et donc, par exemple, avant les années 60, c'était surtout en raison des taux très élevés de catholiques pratiquants, la vaste majorité la population québécoise pratiquait de façon régulière à l'Église catholique. Après la Révolution tranquille des années 60, c'était surtout à cause de ces taux très élevés de catholiques culturels  et lorsqu'on dit catholiques culturels, ce qu'on veut dire, c'est des gens qui ont pas nécessairement des liens très forts avec l'Église catholique, qui vont pas nécessairement aller à la messe très souvent, ou même pas du tout, et qui même, ils n'aiment pas trop l'Église catholique, sont pas vraiment d'accord avec la plupart de leurs croyances, par exemple, mais qu'ils voient encore un lien identitaire très fort avec le catholicisme, plus généralement, avec leur héritage familial et avec l'identité québécoise, l'identité nationale québécoise. Et donc, ils vont garder l'identité catholique pour ces raisons-là, sans vraiment de lien fort avec l'Église comme telle, et ces catholiques culturels, ces gens-là représentaient la vaste majorité de la population québécoise depuis la Révolution tranquille jusqu'à assez récemment. Donc, dans l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011 de StatCan par exemple, il y avait trois quarts de la population québécoise qui se déclarait catholique, mais très peu d'entre eux assistaient à la messe de façon régulière. Et donc c'est seulement 12 % de la population, qui se déclarait ne pas avoir de religion en 2011 au Québec. Et c'est seulement vraiment plus récemment, lors du dernier recensement de 2021, qu'on a constaté un affaiblissement de ce catholicisme culturel dans la province, et une forte augmentation de la population sans religion, donc surtout chez les jeunes, mais aussi parmi tous les groupes d'âge. Donc en 2021, c'était seulement, 54 % des Québécois qui s'identifiaient, comme catholiques quand même, euh, juste un peu plus la moitié de la population, donc c'est quand même un, une grosse proportion, mais plus faible que c'était auparavant. Et maintenant, il y a comme un 27 % qui se disent sans religion.

Et donc, il y a plusieurs débats avec les chercheurs, les penseurs, de pourquoi on a vu ce déclin aussi dramatique du catholicisme culturel dans une dernière décennie environ. Mais, une de mes hypothèses, c'est que tout le débat qui entourait la laïcité au Québec, donc on parle des chartes des valeurs, ou maintenant avec la loi 21, il y a tout eu autour de ces débats, de ces politiques-là, il y avait plusieurs chefs politiques qui tentaient de lier l'identité québécoise maintenant avec la laïcité plutôt qu'avec le catholicisme qu'on voyait plus dans le passé. Et donc là, peut-être pour certains gens dans leurs esprits, leur identité, ils voient plus de liens maintenant avec la laïcité et le Québec plutôt que le catholicisme et le Québec. Et même que la laïcité souvent on l'utilise comme terme pour référer aux politiques de l'État et comment l'État gère la religion et les minorités religieuses dans les espaces publics. Donc, c'est une des hypothèses pourquoi on a vu ce déclin aussi rapide, non seulement juste chez les jeunes, mais aussi chez plusieurs groupes d'âge.

Annik : La région de l'Atlantique affiche des taux de religiosité parmi les plus élevés du pays chez les adultes plus âgés, mais la tendance ne se maintient pas chez la cohorte la plus jeune. Pourriez-vous nous en parler?  

Sarah : Oui, donc, la région de l'Atlantique, c'est une autre de ces régions-là qui ont des tendances particulières et intéressantes au Canada. Donc, les provinces, les quatre provinces de l'Atlantique, c'est vraiment la région où les indicateurs du christianisme se porte un peu mieux surtout comparé à l'Ouest mais même par exemple comparé au Québec ou à l'Ontario donc, on a également constaté une augmentation du nombre de personnes sans religion dans la région de l'Atlantique mais c'est toujours un taux plus faible que dans la plupart des autres régions du pays. Donc c'est, par exemple, c'est 29 % de la population de l'Atlantique qui ont déclaré ne pas avoir de religion. Et c'est surtout un phénomène des jeunes. Bien sûr, l'effet générationnel qu'on discutait, où les enfants qui ont reçu moins de socialisation religieuse ont plus de chances d'avoir zéro lien avec les religions et de se dire sans religion.

Mais cet effet-là, on voit vraiment un gros fossé générationnel dans la région de l'Atlantique, où les générations plus vieilles, par exemple, les gens de 75 ans et plus, la vaste, vaste majorité ont une appartenance chrétienne et vont quand même pratiquer assez régulièrement cette religion comparativement chez les jeunes, il y a un 42 percent des jeunes adultes de 18 à 35 ans qui se disent ne pas avoir de religion dans la région de l'Atlantique. Donc, on voit vraiment le fossé générationnel est un peu à son extrême en Atlantique, mais il y a eu un déclin en Atlantique, au Québec, le déclin a eu comme deux moments, le déclin initial, la Révolution tranquille où les gens ont délaissé la pratique régulière à l'Église catholique et ensuite un autre moment plus récent où ils délaissent l'identité catholique

Annik : Y a-t-il d'autres variations régionales qui, selon vous, méritent d'être soulignées avant qu'on passe à autre chose?

Sarah : Il y a également des variations particulières dans les régions des Prairies, où on voit Alberta et les Saskatchewan et Manitoba, et souvent, on dirait même presque une polarisation entre les « sans religion » qui sont quand même assez important dans la population et aussi des gens qui sont assez religieux.

Mais l'autre région qu'on n'a pas vraiment discuté à ce point-ci, ce sont les territoires du nord, donc le Yukon, les Territoires du nord-ouest, Nunavut. Il y a des grosses populations de « sans religion », mais c'est une raison peut-être un peu différente.  Pour plusieurs populations autochtones, ils ne s'identifient même pas avec le concept de religion. Pour eux, le concept de religion, c'est vraiment un concept occidental, et il y a des effets de l'histoire coloniale là-dedans aussi, et donc ils ne vont pas nécessairement définir leur spiritualité, leur façon de vivre comme religion ou religieux, même s'il y a plusieurs aspects spirituels qui traversent leur vie, et donc il y a une grande proportion des populations autochtones dans le Nord, mais aussi à travers le pays qui s'identifient sans religion, mais la définition de la raison pourquoi ils s'identifient sans religion, c'est un peu différent que les populations non autochtones au Canada. Donc, c'est vraiment, c'est fascinant. On pourrait en discuter, discuter toute la journée, là, mais c'est toujours bon d'y penser qu'il y a des grosses variations régionales dans le pays pour les religieux, ouais.

Annik :  Les répondants ont été interrogés sur la religion lors du dernier recensement, donc en 2021, mais ils ne seront pas interrogés sur cette question encore avant 2031.

Donc, selon vous, quels sont les facteurs qui influenceront la taille des « sans religion » du Canada dans un avenir proche? 

Sarah : Ouais, c'est une super bonne question. C'est toujours important à ce moment-ci de dire que tout scientifiques, incluant les sociologues comme moi, sont poches à prévenir, prévoir le futur, là. Donc, on n'a pas toujours la bonne réponse de qu'est-ce qui s'en vient, là. Mais juste en regardant les tendances en ce moment et de penser peut-être à un avenir prochain, qu'est-ce qu'on pourrait voir? Moi, je m'attends à une augmentation continue du taux de « sans-religion », donc un, même un taux plus élevé en 2031, donc c'était environ un tiers de la population en 2021 qui était « sans-religion ». Je m'attends à un taux plus élevé que ça en 10 ans pour une couple de raisons, surtout à cause de cet effet de remplacement des générations qui se poursuit, donc les membres des générations plus vieilles, dont les taux de religiosité sont en moyenne plus élevés, décèdent et les membres des générations plus jeunes, dont les taux de religiosité sont en moyenne plus faibles, représentent une part de plus en plus importante de la population, donc ils vont prendre une part de la population plus grande en 2031, donc par exemple on parlait des jeunes adultes qui ont des taux de sans religion presque à 50 % presque la moitié de la génération donc, on s'attend que les taux généraux de la population ressemblent de plus en plus à ceux de ces jeunes générations dans le futur.

Souvent j'ai des questions des gens qui me demandent, est-ce que l'immigration va freiner un peu cette, cette tendance-là? Est-ce que ça pourrait impacter la tendance des « sans religion »? Mais, en réalité, je ne pense pas parce que, tu sais, on a eu une immigration plus diversifiée sur le plan religieux depuis surtout les années 90 ici au Canada et ça n'a pas vraiment perturbé cette tendance d'augmentation des « sans religion » parce que ça vient d'autres populations en fin de compte, ça vient des gens qui sont nés au Canada, qui viennent originellement de familles traditionnellement chrétiennes, qu'on voit l'augmentation des sans religion. Et plus récemment, le gouvernement fédéral a récemment abaissé ses quotas d'immigration en dessous des niveaux de remplacement de la population. Donc, je ne vois pas vraiment de gros effets de l'immigration qui impacte l'augmentation des « sans religion ». Une autre question que j'ai souvent, c'est en fin de compte, les populations religieuses ont des taux de fertilité plus élevés que les populations non-religieuses. Et c'est vrai, c'est le cas au Canada. À l'encontre de ça, il y a la tendance à la désaffiliation, qui est encore assez forte au Canada, qui contrebalance, en fin de compte, ces différences de fécondité-là. Et donc, par exemple, dans une famille protestante évangélique de trois enfants, en moyenne, un de ces trois enfants-là aura quitté la religion, rendu à l'âge adulte. Et donc, on voit encore, oui, plus d'enfants chez les gens plus religieux, mais aussi une tendance de désaffiliation qui nourrit les « sans religion » aussi. Et donc, pour moi, ça prendrait vraiment un changement structurel plus fondamental à notre société pour voir un changement de cette tendance d'augmentation de ces « sans religion », que, que je vois pas nécessairement à l'horizon, qui est toujours possible, mais que je vois pas venir immédiatement non plus, et moi je parle ici d'un changement qui pourrait affecter les valeurs de l'individualisme expressif dont je parlais tantôt et qui affecte la normalisation du non-religieux, qui affecte la concurrence séculaire, toutes les autres activités auxquelles on a accès, qui sont pas vraiment liées à la religion, les façons de penser qui sont pas nécessairement liées à la religion, et donc, il faut avoir un grand changement de nos sociétés, des tendances qui viennent originalement surtout des années soixante. Ce type de changement social arrive, mais on ne sait pas quand il va arriver, puis elle ne pourra pas, peut-être pas arriver pour un bon bout de temps, et donc on verra ce que l'avenir nous réserve, mais moi je m'attends à une croissance continue des « sans-religion », au moins pour les prochaines années ou quelques décennies.

Annik : Merci beaucoup Sarah!

Sarah : Merci à vous!

Annik : Pourquoi est-il important de s'intéresser à la composition religieuse du Canada?

Simon-Pierre : Mais parce que c'est un aspect fondamental de la diversité ethno culturelle du pays. Statistique Canada a plusieurs ensembles de données pour comprendre cette diversité là qu'on compare, par exemple, sur toutes les données sur les groupes de minorité visibles auxquelles on fait référence, surtout aujourd'hui, comme des groupes racisés mais sinon qu'on parle de l'origine ethnique et culturelle de toutes les données sur l'immigration. Mais une des facettes de cette diversité là c'est la religion. Et puis elles sont parfois interconnectées. Et puis, pour bien comprendre toutes les facettes de la diversité, il faut avoir des données sur la religion. Aussi pour mieux comprendre toutes les réalités vécues par les différents groupes de population canadiennes dans un contexte où il y a une montée de l'islamophobie de l'antisémitisme. C'est évidemment, on a plusieurs données qui confirment ces tendances là, mais pour être sûr de bien comprendre ces populations et le rapport qu'elles entretiennent face au racisme, face à la discrimination, ça nous prend des données pour vraiment, pour comprendre la taille de ces populations au sein du recensement, entre autres.  

Annik : Merci beaucoup Simon-Pierre

Simon-Pierre : Merci à vous !

 Vous venez d'écouter Hé-coutez bien. Merci à nos invités Simon-Pierre Lacasse et Sarah Wilkins-Laflamme.

Pour en savoir plus et consulter les nombreuses données de StatCan sur la religion...

Simon-Pierre : Les ressources web de Statistique Canada offrent tous les tableaux, toutes les analyses, toutes les infographies des données sur l'affiliation religieuse. Et puis une belle porte d'entrée vers toutes ces données-là, c'est d'aller consulter le site web du Centre des statistiques sur le genre, la diversité et l'inclusion.

Annik : Si on veut en savoir plus sur votre travail où pouvons-nous aller ?

Sarah : J'ai puisé une grande partie de mon matériel d'aujourd'hui dans deux de mes livres récents, des livres en anglais, donc il y a « None of the Above » que j'ai co-écrit avec Joel Thiessen, qui a été publié avec New York University Press en 2020, et aussi « Religion, Spirituality and Secularity Among Millennials », qui a été publié en 2023 avec Routledge.

Mais il suffit vraiment de taper mon nom, Sarah Wilkins-Laflamme, sur Google pour trouver un grand nombre de blogues gratuits et de vidéos en ligne gratuits, plusieurs en français d'ailleurs, auxquelles j'ai participé au cours des dernières années et qui traitent de ces thèmes des « sans religion ». Et vous pouvez également consulter mon profil en ligne à l'Université Waterloo où vous trouverez mon adresse électronique et où vous pourriez me contacter par courriel à tout moment.

Annik : Vous pouvez écouter cette émission partout où vous écoutez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission n'hésitez surtout pas à la noter, à la commenter et à vous y abonner.

Hé-coutez bien! Épisode 24 - Que faut-il faire pour sortir de l’itinérance?

Date de diffusion : le 10 mars 2025

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2025001

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

Qu’est-ce qui aide quelqu’un à passer de l’itinérance à la vie en logement?

Nous examinons une nouvelle analyse des données de l’Enquête canadienne sur le logement pour aborder cette question. Lors d’une conversation avec Sylvie Corbin, directrice de la philanthropie à la Mission d’Ottawa et Jean-Philippe Deschamps-Laporte, directeur adjoint dans la division responsable des questions de revenus et de logements à Statistique Canada, nous nous demandons pourquoi l’itinérance (et les données sur l’itinérance!) est plus complexe qu’on ne le pense, quels sont les facteurs qui mènent le plus souvent à la récupération d’un logement et pourquoi il peut être difficile de conserver un logement même après l’avoir récupéré.

Pour en savoir plus, consultez l’article « Sortir de l’itinérance : examen des facteurs contribuant à la récupération et à la conservation d’un logement ».

Animatrice

Annik Lepage

Invités

Jean-Philippe Deschamps-Laporte, Sylvie Corbin

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 24 - Que faut-il faire pour sortir de l’itinérance? - Transcription

Transcription

ANNIK : Bienvenue à Hé coutez bien!, un balado de Statistique Canada, où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.

Nous faisons une promesse à chaque épisode : rencontrer les personnes qui se cachent derrière les données et explorer les histoires qui se cachent derrière les chiffres. Souvent, cela signifie rencontrer les personnes qui, à Statistique Canada, produisent et analysent les chiffres, mais cela signifie aussi aller plus loin, essayer de voir et de comprendre la personne qui se cache derrière chaque point de données afin qu'elle soit plus qu'une statistique.

SYLVIE : Il n'y a personne qui demande d'être à la rue. Puis, peut-être s'informer un peu plus à ce niveau-là, puis essayer de comprendre le pourquoi et d'avoir une nouvelle vision des gens qui sont là.

Fréquemment, on pense que les personnes ont des problèmes de toxicomanie. Nous, on l'a vu fréquemment chez nous, où est ce que les gens, arrivent chez nous, ils ont eu une malchance, euh, ils ont perdu leur emploi, ils sont plus capables d'arriver dans leur finance. Ils ne sont pas toxicomanes, ils n'ont pas de problème de dépendance, mais vivre à la rue peut développer ce genre de choses-là, donc avant d'y arriver là, c'est ça que j'aimerais que les gens pensent, vraiment mettre de côté les préjugés qu'on peut y avoir.

SYLVIE : Je suis Sylvie Corbin, directrice de la philanthropie ici à la Mission d'Ottawa et aussi porte-parole du côté francophone.

ANNIK : Pouvez-vous nous parler un peu de la Mission d'Ottawa?

SYLVIE: Oui, on pourrait passer une bonne heure à parler de la Mission. On a environ 250 lits, afin de loger les gens qui n'ont pas d'abri le soir. On offre le service de repas les gens qui habitent avec nous et aussi les gens de la communauté, donc, on a vraiment agrandi notre service de repas. Pendant la pandémie, on s'est vu offert un camion de restauration et notre camion qui avait débuté avec cinq communautés par le passé pour notre camion de restauration et maintenant on en fait 38 par semaine et, au-delà de 10 000 repas par semaine juste par le camion et en tout et partout notre service de repas dépasse les un million annuellement.

Donc, on offre au-dessus d'un million de repas, puis ça, c'est un chiffre qui a vu une croissance fulgurante, après la pandémie, je crois que les repas étaient environ un demi-million, donc on parle d'une croissance énorme, et ça prouve qu'il y a énormément de besoins ici dans la communauté.

Et puis, à la Mission aussi nous offrons au-dessus de 17 programmes, des programmes que ce soit en santé mentale, recherche de logement, éducation, on a une enseignante qui permet aux gens qui n'ont jamais complété leurs études secondaires, de le faire. On donne aussi énormément de soins de santé.

On a une clinique pour les gens qui en ont besoin. On a aussi un hospice de 20 lits pour les gens qui sont vulnérables ou qui n'ont pas d'endroit où habiter.

Donc, ça peut être en fin de vie ou un soin de répit suite à une intervention médicale. On était les premiers en Amérique du Nord, sinon, au monde, à avoir ce genre de choses-là dans un refuge pour sans-abri.

ANNIK : Alors d'après votre expérience, lorsqu'une personne réussit à sortir d'une situation d'itinérance, quels sont les principaux facteurs qui l'aident à faire cette transition?

SYLVIE : Ouais, c'est un soutien. Le facteur premier, c'est de vraiment voir quels sont les besoins. Donc, ils rentrent, ici, puis on leur demande, est-ce que vous avez déjà, regardé toutes les possibilités au niveau du logement? On les aide à faire une recherche pour le logement. Mais un autre facteur qui est très, très important, c'est la recherche, trouver un emploi qui puisse subvenir à leurs besoins. Une des solutions, c'est l'éducation. On a un programme de formation en service culinaire, on accueille des gens ici, ils ont une formation de 4 mois qui leur permettent d'aller travailler dans une cuisine commerciale, que ce soit un restaurant, que ce soit un foyer pour personnes retraitées, les hôpitaux et tout, donc, nos diplômés du programme, à 90 % se trouvent un emploi à leur passage chez nous.

ANNIK : Qu'est-ce qui aide une personne à passer du statut de sans-abri à celui de personne logée?

ANNIK : StatCan vient de publier une nouvelle étude basée sur les données de l'Enquête canadienne sur le logement qui explore précisément cette question, en demandant quels sont les facteurs spécifiques qui permettent le plus souvent de retrouver et de conserver un logement.

JEAN-PHILIPPE : Donc, on a mené un projet de recherche au cours des derniers mois afin de développer des nouvelles connaissances sur l'itinérance. Donc c'est un phénomène qui est très présent au Canada, puis qui amène à beaucoup de questions. Nos utilisateurs à Statistique Canada nous approchent fréquemment afin de mieux comprendre l'enjeu, les facteurs sous-jacents, puis les conséquences de l'itinérance.

Donc, dans le cadre de l'Enquête canadienne sur le logement, le troisième cycle de cette enquête-là, on a ajouté du nouveau contenu où on demande aux gens comment est-ce qu'ils ont réussi à se sortir de l'itinérance pour ceux qui ont eu cette expérience.

ANNIK : Pourriez-vous vous présenter avec votre nom et votre fonction?

JEAN-PHILIPPE : Bien sûr. Jean-Philippe Deschamps-Laporte. Je suis directeur adjoint dans la division responsable des questions de revenus et de logements à Statistique Canada.

ANNIK : Le mot itinérance recouvre en fait un ensemble d'expériences très diverses. Pourriez-vous nous parler de cela et des différentes façons dont une personne peut se trouver en situation d'itinérance?

JEAN-PHILIPPE : Certainement. Donc, il y a un type d'itinérance qu'on appelle hors refuge. Donc, hors refuge, ça fait référence aux personnes qui vivent dans des endroits qui sont normalement non habitables. Donc ça pourrait être dans la rue, dans un bâtiment désaffecté. Donc dans un lieu qui n'est normalement pas associé à l'habitation humaine. On a un autre type d'itinérance donc l'itinérance dans un refuge, Donc c'est des gens qui peuvent être dans un refuge pour personnes en itinérance de type standard si on veut. Il y a aussi des zones de refoulement. Donc, par exemple, actuellement, dans plusieurs parties du Canada, on fait face à une période de froid intense. Et puis très fréquemment, les municipalités mettent en place des infrastructures temporaires pour loger les personnes en situation d'itinérance

Puis on a également l'itinérance cachée. Donc une personne pourrait vivre de manière temporaire chez d'autres avec pas nécessairement une entente de type un bail locatif, puis l'aspect temporaire et l'aspect t possiblement instable caractérise ce type d'itinérance.

ANNIK : Quels sont les défis à relever pour obtenir une image précise de la population en situation d'itinérance au Canada? 

JEAN-PHILIPPE : Donc, les défis sont à la fois opérationnels que éthiques. Donc, lorsqu'on parle de personnes en situation d'itinérance, on fait appel à la notion de vulnérabilité. Des personnes qui peuvent être dans une situation pour une multitude de raisons, ou peut être que répondre à une enquête statistique ce n'est pas nécessairement une priorité ou que simplement ils ont besoin d'un support social financier, de logement, qui prévaut sur le fait de répondre à une enquête statistique. Donc ça, c'est l'aspect, si on veut dire plus éthique, de dire toute personne a un temps fini dans une journée, puis lorsqu'on est particulièrement vulnérable, on doit se questionner est-ce qu'on doit retirer ce temps-là dans la journée d'une personne qui est dans cette situation-là?

Au niveau opérationnel, ce n'est pas simple de se dire on va récolter l'information sur l'ensemble des gens qui sont hors refuge, en refuge puis en itinérance cachée. Cela dit, on a des méthodes au Canada qui sont en place pour comprendre ces différents phénomènes, mais je ne vous cacherai pas, Annik, qu'il y a des enjeux. Donc une des méthodes qu'on utilise, comme dans l'Enquête canadienne sur le logement, c'est la méthode rétrospective. Donc on demande aux gens qui sont logés sur leurs expériences passées

On a aussi la voie des données administratives. La plupart des gens au Canada ont des interactions avec les services, que ce soit sociaux, que ce soit fiscaux.

Par exemple, une personne en itinérance, souvent une des premières choses lorsqu'elle va recevoir des services, c'est que les services sociaux vont l'aider à faire une déclaration fiscale parce que souvent, les gens ont droit à des bénéfices qu'ils ne reçoivent pas lorsqu'ils sont en situation d'itinérance.

Donc nous, avec nos partenaires, avec nos fournisseurs de données, mais par moments, on a l'opportunité d'utiliser à bon escient ces informations administratives afin de décrire les expériences d'itinérance pour cette population. Également, on a des enquêtes qui existent au Canada, pas menées par Statistique Canada, menées par nos partenaires à l'ICC avec leurs partenaires municipaux de dénombrement ponctuels de personnes en situation d'itinérance. Donc, il y a une multitude de méthodes pour arriver à différentes fins. 

ANNIK : Est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes qui ne sont pas actuellement en situation d'itinérance et mais qui ont pu en faire l'expérience au cours de leur vie?

JEAN-PHILIPPE : Oui, tout à fait. Donc les plus récents résultats de l'ECL, donc l'Enquête canadienne sur le logement, je vais référer à l'acronyme à partir de ce moment, révèle qu'une personne sur huit ont connu une situation d'itinérance sous une forme ou une autre par le passé. Donc, ce qui constitue 12 % des ménages avaient une personne qui ont pu avoir cette expérience par le passé.

Donc de ce 12 % là, eh bien, 2,6% ont connu un épisode d'itinérance en ou hors refuge et 11,2 % d'itinérance cachée. Donc on voit que l'itinérance cachée dans l'ensemble, au niveau des données récoltées dans l'ECL est plus fréquente que celles en ou hors refuge mais il y a aussi une combinaison c'est pour ça que ces chiffres-là s'additionnent pas sur le chiffre que je vous ai donné précédemment parce que c'est complexe, c'est selon des épisodes, on peut avoir les deux donc c'est ce qui explique ça. Mais de manière générale, on peut comprendre des résultats qu'il est plus fréquent d'avoir des expériences d'itinérance cachées que celle en ou hors refuge.

ANNIK : Le nombre de personnes en situation d'itinérance est important, selon Sylvie.

SYLVIE : Depuis 2018, l'itinérance a augmenté de 20% ici au Canada, donc c'est un chiffre énorme, on le voit à même nos yeux lorsqu'on se promène dans nos rues, dans nos villes et tout.

Un autre facteur qui est très important, c'est l'insécurité alimentaire. Nos collègues à la Banque Alimentaire d'Ottawa, leur dernier rapport, parlait d'une personne sur quatre, donc 25 percent des citoyens d'Ottawa sont en situation d'insuffisance au niveau de leur nourriture à toutes les semaines. Puis, souvent, ce qu'on voit, c'est que les gens vont sauter un repas, deux repas, pour être capable de se payer le loyer.

Ce qu'on a vu le plus, c'est que notre refuge est plein à 100 %, depuis plus de 4 ans. Même on dit 110 % parce qu'on a des lits d'urgence qu'on doit mettre au sol et tout. On a une trentaine de personnes qui dorment assis dans notre salle d'attente, c'est du jamais vu.

ANNIK : En termes de démographie, que savons-nous des personnes sans domicile? Quelles sont les populations surreprésentées? 

JEAN-PHILIPPE : Très bonne question. Merci, Annik. À ce niveau, il y a certains groupes de populations qui sont plus appelés à avoir eu cette expérience au cours de leur vie. Donc, en premier lieu, on parle des personnes autochtones. Donc, un ménage autochtone sur quatre a connu une expérience d'itinérance au cours de sa vie sous une forme ou une autre. On va se le dire, à 27,3 % des ménages autochtones c'est très important. Donc ce serait 8% des ménages autochtones qui ont connu l'itinérance en ou hors refuge, donc une forme plus profonde que celle cachée, ce qui est une proportion bien supérieure à celle de la population générale de 2,6%.

Donc ça, c'est un exemple où un groupe est particulièrement représenté. On a aussi les personnes 2ELGBTQ+, un ménage sur quatre contient des personnes qui ont eu une expérience d'itinérance, donc 24 % et ainsi que les anciens combattants à 16,8%. Donc, il y a certains groupes qui y sont plus appelés à être représentés à ce niveau-là.

Au niveau géographique, on a certains endroits également, où la prévalence de ces expériences est un peu plus forte que la part de la population au sein des 10 provinces qui sont échantillonnées dans l'ECL. Donc la Colombie-Britannique et les provinces des prairies ont des proportions légèrement supérieures en termes d'expérience d'itinérance.

ANNIK : L'Enquête canadienne sur le logement de 2022 a demandé aux ménages ayant vécu une expérience d'exclusion liée au logement, quels étaient les facteurs qui les avaient aidés à retrouver et à conserver un logement. 

Qu'avons-nous appris en commençant peut être par le facteur le plus souvent cité?

JEAN-PHILIPPE : Donc c'est vraiment le cœur de l'article qu'on a publié récemment. Parce qu'auparavant on pouvait expliquer les entrées en itinérance, mais on ne s'était jamais attardé sur la sortie.

C'est une excellente question parce que cette information était préalablement, pas disponible. Donc, comme j'en faisais état précédemment, il y a une multitude de considérations qui peuvent expliquer une situation d'itinérance. Un peu du même souffle, Il y a une multitude de facteurs qui peuvent expliquer les sorties. Donc, parmi ces multiples facteurs, les données révèlent que les éléments financiers dominent. Je fais un petit aparté des données spécifiques de l'enquête et je me permets de commenter les perceptions qui peuvent exister sur les causes.

Donc, l'itinérance a tendance à être davantage visible. Et il y a toutes sortes de problèmes de société qui peuvent être en place. On pense à certaines crises de santé mentale sur les opioïdes par exemple. Les données de l'enquête suggèrent une interprétation différente que l'itinérance. La sortie d'itinérance est intimement associée avec les questions financières donc ce que ça pourrait suggérer puis encore là, je m'étale un peu au-delà des résultats spécifiques, c'est qu'une personne qui vivait avec un revenu fixe disons en 2020 avant la pandémie qui, en Ontario, pouvait être récipiendaire de bénéfices pour un handicap, dans une autre province, pouvait avoir des bénéfices d'aide sociale, mais ces bénéfices-là ont tendance à augmenter légèrement à travers le temps, mais on est dans un marché locatif ou les prix ont augmenté rapidement. Donc, il est possible que les données qu'on voit dans l'ECL qui disent que les gens qui ont trouvé un emploi, ont augmenté leurs revenus, ont trouvé une solution financière bien, il est possible qu'il y ait une association avec ce qu'on peut voir dans la société qu'il y a des gens qui pouvaient avoir de la difficulté avant la pandémie avant les hausses marquées dans le marché locatif, mais qui étaient capables de se payer un loyer et que là les gens qui ont été capables de s'en sortir si c'est une question financière, ça retourne aux dynamiques de logement. Donc, c'est un point là que j'aimerais partager dans ma conversation avec vous, Annik, c'est l'importance des éléments financiers. 

ANNIK : L'accession à la propriété est le rêve de nombreux Canadiens. Parmi les personnes qui ont vécu en situation d'itinérance par le passé, comment ont-ils réussi à accéder à la propriété? Quels sont les facteurs susceptibles d'influencer ce résultat? 

JEAN-PHILIPPE : Donc, l'accession à la propriété résidentielle, c'est la forme ultime d'accumulation d'actifs. Donc pour les Canadiens, posséder leur maison, c'est souvent le plus grand actif et souvent le plus grand passif. Pour y accéder, bien, on doit économiser pour avoir une mise de fonds, puis on doit avoir un revenu pour payer les paiements. Dans un contexte où une personne a vécu en situation d'itinérance ça veut souvent dire que cette personne-là a pu épuiser ses actifs financiers lorsqu'elle s'est retrouvée dans cette situation-là. Puis nos résultats suggèrent que même 10 ans après les expériences d'itinérance, le taux d'accession à la propriété pour les personnes qui ont eu ces expériences est beaucoup plus bas que pour le reste de la population, ce qui est totalement cohérent avec cette histoire d'actif qu'aujourd'hui avec les prix du logement dans les grandes villes canadiennes et même les plus petites villes canadiennes, ça prend du temps pour accumuler une mise de fonds. Donc, si on a eu des expériences qui a fait en sorte qu'on n'avait plus rien, c'est logique d'avoir plus de difficulté d'accéder à la propriété ultérieurement.

ANNIK : Et les personnes qui, avec le temps, ont réussi à trouver un logement sont-elles susceptibles de continuer à être confrontés à des problèmes de logement?

JEAN-PHILIPPE : Oui, tout à fait. Donc on a différentes mesures au Canada afin de décrire les enjeux ou les problèmes de logement auxquels les ménages font face. Ça peut être au niveau de l'abordabilité, ça peut être en raison du manque d'espace. Donc un nombre trop élevé de personnes par chambre à coucher ou ça peut être en lien avec la qualité, donc de demeurer dans un logement qui a besoin de réparations majeures. Donc, lorsqu'on regarde ces indicateurs-là, les personnes qui ont réussi à fuir l'itinérance ont davantage tendance à faire face à des problèmes de logement sous les trois indicateurs que j'ai mentionnés, même lorsque ces itinérances-là sont distancées par le passé, ce qui suggère peut-être des enjeux à long terme au niveau financier ou ce qui suggère peut-être aussi de dire afin de sortir d'itinérance, je dois être dans un appartement trop petit, donc d'avoir, par exemple, les enfants qui dorment dans la même chambre que les parents, des genres de solution auxquels les gens arrivent afin d'éviter d'être en itinérance. Ou les logements qui sont abordables ou non, qui sont inabordables mais qui demeurent accessibles. D'une certaine manière, au point de vue financier, ce sont ceux de piètre qualité, donc des logements qui pourraient avoir des moisissures qui pourraient avoir des écoulements d'eau, c'est ceux qui coûteraient le moins cher puis qui seraient les seuls qui seraient accessibles pour les personnes qui ont eu des situations d'itinérance et qui pourraient demeurer dans une certaine forme de vulnérabilité.

ANNIK : Pouvez-vous parler de l'impact à long terme de l'itinérance sur le bien-être, en d'autres termes, quel effet l'expérience d'itinérance a-t-elle sur le bien-être, même après que même après qu'une personne ait trouvé un logement? 

JEAN-PHILIPPE : Donc, sans surprise, compte tenu des éléments que je partageais à l'instant, les personnes qui ont réussi à fuir l'itinérance démontrent une qualité de vie, subjective, on s'entend, moindre que les personnes qui n'ont pas eu ces expériences. Puis ça, ça demeure, même lorsque ça a fait 10 ans que les expériences sont passées. C'est difficile à dire si c'est directement lié à l'expérience d'itinérance comme tel ou aux facteurs qui ont expliqué l'épisode en tant que tel. Donc, on voit que même après, les personnes qui ont eu ces expériences-là ont une qualité de qualité de vie moindre que celles qui n'ont pas eu ces expériences-là.

ANNIK : Et de quelle manière l'itinérance laisse-t-elle un impact durable sur les personnes qui en font l'expérience?

SYLVIE : Il y a plusieurs impacts, on parle des impacts de santé, c'est des impacts sérieux. On parle d'une espérance de vie diminuée de façon substantielle. Dans la population générale, un homme peut vivre jusqu'à 79 ans. Une personne qui se trouve en situation, un homme en situation d'itinérance, c'est 55 ans. Donc, l'espérance de vie est diminuée de façon importante. Chez les femmes, l'espérance de vie normale de 84 ans chez les femmes, celle en situation d'itinérance, 48 ans.

Donc, c'est des chiffres ahurissants quand on les entend, c'est sûr qu'en souffrance, il y a toutes sortes de raisons, l'insécurité alimentaire est une des premières raisons. Souvent ils vont être susceptibles d'avoir des maladies comme l'hépatite C, aussi des maladies cardiaques, cancers, asthmes, ce sont tous des maladies qui sont plus prononcées chez ces populations-là. Et puis ils ont la santé plus fragile, donc, il y a un impact important sur tous les autres services. Donc, si on adressait la situation de l'itinérance comme telle, il y aurait même moins d'impact sur les services sociaux, moins d'impact sur les services de santé. Donc, il découle beaucoup de choses lorsqu'on laisse nos voisins, si je peux dire, en situation, précaire quand ils n'ont pas de logement finalement.

ANNIK : Si on veut en savoir plus sur votre travail ou devrait-on aller? 

JEAN-PHILIPPE : J'invite les auditeurs à aller sur la page web de Statistique Canada, on a un portail sur le logement où les données de l'ECL sont accessibles ainsi qu'une panoplie d'informations sur le logement. Parce que l'itinérance qui est le sujet d'aujourd'hui, ça n'évolue pas en vase clos, il y a tout un contexte, tout un système de logement qui influence de toutes sortes de manières positives et adverses également cet enjeu-là spécifique. Donc, j'invite les auditeurs à visiter notre page, notre portail sur le logement où on a la chance de développer des connaissances uniques pour informer cet enjeu de société.

ANNIK : Merci beaucoup, Jean-Philippe. 

JEAN-PHILIPPE : De rien. Merci. 

ANNIK : Sylvie, si on voudrait en savoir plus sur votre travail où peut-on aller? 

SYLVIE : C'est, ottawamission.com. Donc, ottawamission.com et puis on parle beaucoup de nos programmes et des services offerts à la communauté qui en ont le besoin. 

ANNIK : Merci. Merci pour votre temps, Sylvie.

SYLVIE : Annik, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de vous informer un peu plus et nous donner cette plateforme afin de parler de notre travail.

ANNIK : Merci d'avoir écouté Hé-coutez bien! Un gros merci à nos invités, Sylvie Corbin et Jean-Philippe Deschamps-Laporte. Si vous souhaitez en savoir plus, vous trouverez un lien vers l'étude de StatCan sur l'itinérance dans les notes de cette émission. Vous pouvez écouter cette émission partout où vous écoutez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimez cette émission n'hésitez surtout pas à la noter, à la commenter et à vous y abonner et merci de nous avoir écouté.

Hé-coutez bien! Épisode 23 - Cartographie du bonheur : Comment l'endroit où nous vivons influence notre bien-être

Date de diffusion : le 29 janvier 2025

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2025001

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

Vous n'êtes peut-être pas surpris d'apprendre que vos relations avec vos amis et votre famille influencent votre bien-être. Il en va de même pour votre santé et votre travail. Mais qu'en est-il du lieu où vous vivez ? Que vous viviez dans le centre-ville d'une grande ville, dans une ville de banlieue ou dans une communauté rurale, quel impact cela a-t-il sur votre satisfaction de vivre, votre solitude et votre sentiment d'appartenance ? Lauren Pinault, de StatCan, nous rejoint aujourd'hui au micro pour explorer comment les lieux où nous vivons influencent notre bien-être.

Animatrice

Annik Lepage

Invitée

Lauren Pinault (Narration par Valérie Mandia)

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 23 - Cartographie du bonheur : Comment l'endroit où nous vivons influence notre bien-être - Transcription

Transcription

Bienvenue à Hé-coutez bien! un balado de Statistique Canada où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.

Annik : Si je vous demandais : « À quel point êtes-vous heureux? », que diriez-vous? « Sur une échelle de 1 à 10, 1 représentant le plus faible niveau de bonheur que vous puissiez imaginer et 10, le plus haut niveau de bonheur, où vous situez-vous? » Quels sont les facteurs que vous prenez en considération? Avez-vous pris un bon déjeuner ce matin? Avez-vous eu une dispute avec votre conjoint? Avez-vous obtenu récemment une promotion au travail? Peut-être voyagez-vous en avion vers la Costa del Sol en Espagne ou vers Tokyo pour des vacances. Si c’est le cas, emmenez-moi! Peut-être vous sentez-vous plutôt neutre parce que vous lavez la vaisselle ou que vous allez au travail.

Tous ces facteurs influencent votre bonheur à chaque instant, mais qu’en est-il de votre vie en général?

Le bonheur, avec un grand « B », c’est-à-dire le sentiment général de satisfaction à l’égard de la vie, dépend de nombreux facteurs. Il y a les relations avec ses amis, sa famille, la satisfaction par rapport au travail et aux revenus, et aussi l’état de santé. La liste est longue.

Un aspect intéressant à envisager est l’influence que le lieu où nous vivons peut avoir sur notre bonheur, avec un grand « B ». C’est l’un des thèmes étudiés dans l’édition spéciale de Regards sur la société canadienne de StatCan.

Annik : Si je vous demandais : « À quel point êtes-vous heureux? », que diriez-vous? « Sur une échelle de 1 à 10, 1 représentant le plus faible niveau de bonheur que vous puissiez imaginer et 10, le plus haut niveau de bonheur, où vous situez-vous? » Quels sont les facteurs que vous prenez en considération? Avez-vous pris un bon déjeuner ce matin? Avez-vous eu une dispute avec votre conjoint? Avez-vous obtenu récemment une promotion au travail? Peut-être voyagez-vous en avion vers la Costa del Sol en Espagne ou vers Tokyo pour des vacances. Si c’est le cas, emmenez-moi! Peut-être vous sentez-vous plutôt neutre parce que vous lavez la vaisselle ou que vous allez travailler.

Tous ces facteurs influencent votre bonheur à chaque instant, mais qu’en est-il de votre vie en général?

Le bonheur, avec un grand « B », c’est-à-dire le sentiment général de satisfaction à l’égard de la vie, dépend de nombreux facteurs. Il y a les relations avec ses amis, sa famille, la satisfaction par rapport au travail et aux revenus, et aussi l’état de santé. La liste est longue.

Un aspect intéressant à envisager est l’influence que le lieu où nous vivons peut avoir sur notre bonheur, avec un grand « B ». C’est l’un des thèmes étudiés dans la nouvelle publication Regards sur la société canadienne de StatCan.

Lauren : Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur la géographie, qui est l’une des manières que je préfère pour aborder les données. Au cours des dernières années, nous avons recueilli des renseignements sur le bien-être et la qualité de vie des Canadiens dans le cadre de l’Enquête sociale canadienne. Lorsque nous sommes en mesure de combiner plusieurs vagues de l’enquête, nous pouvons ensuite analyser le lieu de résidence des personnes répondantes et la manière dont celui-ci peut influencer les réponses à l’enquête.

Annik : Bonjour! Qui parle?

Lauren : Bonjour. Je suis Lauren Pinault. Je suis chef de la section chargée des enjeux émergents à Statistique Canada.

Annik : Quelles sont certaines des hypothèses en jeu lorsque nous parlons du lieu où nous vivons et de l’influence qu’il a sur notre bien-être?

Lauren : Lorsque les gens choisissent un lieu de résidence, ils tiennent compte de nombreux facteurs, comme le coût de la vie, la proximité des amis ou de la famille, l’existence d’un bon emploi, ainsi que l’accessibilité aux événements culturels, par exemple. Je pense donc que, d’une certaine manière, les gens choisissent leur lieu de vie selon ce qui leur convient et selon la mesure dans laquelle ils peuvent choisir leur lieu de vie. Mais nous étudions le bien-être, qui est une idée très complexe. Ainsi, certains aspects d’un endroit agréable à vivre ne sont pas nécessairement appréciés par tout le monde. Par exemple, j’aime beaucoup faire des randonnées en plein air. Je vis en dehors d’Ottawa, ce qui me permet d’avoir facilement accès à la nature. C’est parfait pour moi, mais ça ne convient pas nécessairement à un ami qui désire vraiment avoir accès à des magasins et à des restaurants, et qui veut vivre en plein cœur de la ville. Cette approche n’est donc pas du tout universelle.

Annik : En général, quel est le degré de bonheur des Canadiens?

Lauren : En moyenne, environ la moitié, soit environ 50 % des gens disent avoir un niveau élevé de satisfaction à l’égard de la vie, sur une échelle allant de 1 à 10, et donc qu’ils sont heureux. Ils indiquent une note de 8, 9 ou 10 sur cette échelle.

Annik : Quelle province était la plus heureuse, et peut-être la moins heureuse?

Lauren : Le Québec, qui semble être la province la plus heureuse, se distingue lors de chaque cycle que nous menons. Au Québec, 59 % des personnes se disent très satisfaites de leur vie. Terre-Neuve-et-Labrador suit de près avec 56 % des gens se disant très satisfaits de leur vie.

Annik : Et qu’en est-il des moins heureuses?

Lauren : Les régions les moins bien placées sur cette échelle sont l’Ontario, où 46 % des gens se disent heureux. La Colombie-Britannique et l’Alberta suivent avec 47 % des gens qui se disent heureux.

Annik : Pourquoi donc? Qu’ont-elles en commun, ces provinces relativement heureuses ou malheureuses?

Lauren : Je voudrais bien connaître la réponse à cette question. Je crois que nous adoptons une approche très itérative en sciences. Nous mesurons le « quoi » actuellement. Cette étude répond à la question : « Où voyons-nous ces tendances? ».

La prochaine étude pour laquelle nous aimerions faire un suivi répondrait à la question du « pourquoi » : « Pourquoi voyons-nous ces différences? ». Vous savez, c’est la question en or.

Annik : Mais vous n’avez pas examiné le bonheur que dans les provinces. Vous avez également comparé les petites villes avec les grandes villes. Pouvez-vous nous en dire plus?

Lauren : Dans notre étude, nous avons découvert un moyen de classifier tous les milieux de vie, des plus urbains aux plus ruraux. Nous souhaitions donc éviter la dichotomie très simple entre les zones urbaines et les zones rurales, car elle constitue une façon beaucoup trop simpliste d’envisager les données. Nous avons donc mis au point un nouveau système qui tient également compte de la taille globale de la population, de sa densité et de sa proximité avec d’autres grands centres urbains.

En examinant nos statistiques d’un certain point de vue, nous avons constaté que les gens des zones rurales se disaient légèrement plus heureux. Et c’est  vraiment ce que nous avons observé, y compris dans les zones rurales et reculées, ainsi que dans les petites villes de moins de 100 000 personnes, qui ont échappé à l’influence des autres grands centres urbains.

En revanche, nous avons constaté que les gens étaient moins susceptibles d’indiquer une grande satisfaction à l’égard de la vie dans les plus grandes villes. Mais, comme je l’ai dit, je tiens à préciser que cette constatation représente une mesure moyenne. De nombreuses personnes vivent dans des centres urbains et s’y sentent très heureuses. Cette mesure ne veut donc pas dire que ces centres sont dépourvus de bonheur.

Annik : On peut mesurer la satisfaction à l’égard de la vie en utilisant d’autres méthodes que de leur demander d’emblée « à quel point êtes-vous satisfait de votre vie? ».

Lauren : Tout à fait. L’une des autres façons de mesurer le bien-être consiste à évaluer le sentiment d’appartenance à la collectivité.

Et ce que nous avons vu en matière de tendances lorsque nous avons examiné ce sentiment était un peu différent de notre réflexion sur la satisfaction à l’égard de la vie.

Ainsi, une fois de plus, bien que cette idée se révèle très complexe, nous voulons l’examiner sous différents angles. Nous avons remarqué que le niveau le plus bas de sentiment d’appartenance — c’est-à-dire les personnes les moins susceptibles de déclarer l’éprouver —, était celui des citoyens des banlieues situées en dehors des grands centres urbains du Canada.

Par exemple, dans la ville de Hamilton, où l’influence de Toronto se fait sentir, 43 % des personnes ont déclaré avoir un fort sentiment d’appartenance. Ce chiffre s’avère légèrement inférieur à celui observé dans la ville de Toronto qui s’élevait à 44 %.

Ensuite, le sentiment d’appartenance dans les régions vraiment éloignées et rurales était assez élevé. Par exemple, dans la petite ville de Terre-Neuve, Baine Harbour, ainsi que dans la ville de Westport, près des trois quarts des personnes, donc 74 %, ont déclaré avoir un très fort sentiment d’appartenance à leur collectivité. Encore une fois, nous cherchons toujours une explication à ce sujet. Beaucoup d’influences sont possibles, comme le degré d’intégration dans le tissu social, le fait de devoir effectuer un long trajet qui absorbe une grande partie de votre journée et la mesure dans laquelle vous connaissez vos voisins et les gens qui vous entourent.

Annik : J’aurais pensé, peut-être que c’est le meilleur des deux mondes. Les possibilités d’emploi dans les grandes villes, ainsi que le sentiment de bonheur que l’on semble retirer de la vie dans une petite ville, sont des facteurs qui peuvent inciter à choisir de vivre dans une ville de banlieue. Ce n’est toutefois pas nécessairement le cas.

Lauren : Peut-être que ce n’est pas le cas. Mais, là encore, ce n’est pas la tendance que nous observons pour la satisfaction globale à l’égard de la vie. Je veux dire par là que de vivre dans des régions vraiment éloignées pourrait représenter une très bonne occasion pour certaines personnes. Là encore, cette approche ne constitue pas une approche universelle. Je suppose donc que pour certaines personnes vivant dans ces collectivités, l’éloignement crée des obstacles en ce qui concerne leur sentiment général d’appartenance à leur propre collectivité. Surtout si le fait de vivre éloigné les oblige à se rendre dans un autre lieu pour travailler.

Annik : Quelles sont d’autres dimensions du bonheur? Comment peuvent-elles se manifester, à travers le Canada et dans les collectivités rurales et les grandes villes?

Lauren : Nous avons examiné un grand nombre d’aspects différents, au-delà de la satisfaction à l’égard de la vie et du sentiment d’appartenance. L’un des autres aspects que nous avons examinés est la solitude, le fait que les personnes déclarent ou non se sentir toujours ou souvent seules. Nous pensions, en nous lançant dans ce projet, que la solitude était très liée à la géographie. Ainsi, si vous faites partie d’une population rurale plus âgée, la solitude vous guette peut-être. De même, si vous êtes un nouvel arrivant au Canada et que vous vous trouvez dans un grand centre d’accès, vous pouvez également ressentir cette solitude. Mais nous n’avons pas constaté de grandes variations géographiques lorsque nous avons cartographié les données. En fait, nous avons constaté l’absence de toute tendance géographique forte en ce qui concerne la solitude. Apprendre que la solitude est un problème présent partout, que vous viviez dans une zone rurale ou urbaine, nous a beaucoup intéressés.

Malheureusement, l’endroit où nous vivons ne résout pas tous nos problèmes.

Annik : Qu’en est-il de la part des personnes qui ont dit qu’elles pouvaient compter sur quelqu’un qui les aiderait quand elles en auraient vraiment besoin? Qu’en cas de crise, elles pouvaient appeler quelqu’un.

Lauren : Lorsque nous avons dressé la carte, nous avons constaté que de nombreuses variations existaient et que le clivage entre les zones urbaines et les zones rurales n’était pas vraiment marqué. Par exemple, nous avons remarqué que le pourcentage de personnes déclarant avoir quelqu’un sur qui compter se situait à un niveau inférieur dans les grandes villes comme Toronto et Vancouver, mais aussi dans de nombreuses régions rurales de certaines provinces. Nous avons constaté des pourcentages plus faibles en Alberta et en Ontario, par exemple. La situation varie beaucoup et nous ne comprenons pas vraiment pourquoi nous observons ces tendances, mais, là encore, c’est un sujet que nous aimerions suivre et mieux comprendre.

Annik : Si vous pouviez résumer, qu’avons-nous appris?

Lauren : Ce que j’en retire, c’est que la prise en compte de la géographie dans l’étude des statistiques sociales constitue un angle totalement nouveau pour mieux comprendre les tendances que nous observons. Nous analysons les choses en fonction de l’âge, du sexe et d’autres variables, mais parfois, les analyser en fonction de la géographie s’avère fascinant. Nous découvrons l’existence de nouvelles tendances que nous n’avions pas soupçonnées.

L’autre chose que nous avons apprise, c’est que la géographie a vraiment de l’importance. Par exemple, l’endroit où nous vivons influe sur certaines des variables que nous mesurons. Nous devons assurer un suivi pour mieux comprendre comment tous ces éléments s’intègrent comme facteurs qui influencent notre interprétation des données.

Annik : Pourquoi ces résultats ont-ils une importance particulière?

Lauren : Le bien-être est notre priorité. Le gouvernement considère donc comme une priorité le besoin de comprendre comment les Canadiens s’en sortent. Pour ce faire, nous mesurons toutes les facettes du bien-être, notamment la satisfaction à l’égard de la vie, l’espoir en l’avenir et toutes ces choses importantes. Il est aussi très important de comprendre votre lieu de résidence au Canada et comment ce lieu influence vos réponses aux enquêtes.

Annik : Est-ce qu’il y a quelque chose qui aurait été intéressant de comprendre dans votre publication, mais que vous n’avez pas pu faire? Cela vous a-t-il inspiré pour de futures recherches?

Lauren : J’aime bien votre question, parce que nous désirons en savoir plus sur les raisons qui expliquent ces tendances. Je pense que c’est la question la plus intéressante si nous devions nous y attarder.

Nous mesurons d’autres tendances. Dans ces enquêtes, on retrouve différents types de situations concernant les revenus des ménages ou différents aspects de leur situation de vie. Nous souhaitons mieux comprendre les raisons qui sous-tendent ces tendances dans la géographie et être en mesure d’expliquer certaines des tendances que nous observons.

Je pense qu’il n’y a rien d’autre à ajouter, si ce n’est que nous pensons beaucoup à l’idée de contrôler notre vie et d’avoir une grande influence sur notre bien-être.

Une question demeure sans réponse, mais elle serait fort intéressante à étudier : à savoir si nous choisissons notre lieu de résidence ou si nous nous y trouvons « coincés » parce que nous travaillons là, ou pour toute autre raison. Je me demande jusqu’à quel point le fait que nous puissions choisir où nous voulons vivre au Canada influence réellement notre bien-être.

Annik : Vous venez d’écouter Hé-coutez bien! Merci à notre invitée, Lauren Pinault. Vous pouvez lire son article dans une édition spéciale de Regards sur la société canadienne de Statistique Canada. Vous trouverez un lien dans les notes de cet épisode ou sur le site web de StatCan.

Vous pouvez vous abonner à cette émission partout où vous écoutez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, la meilleure façon de nous soutenir est de laisser un commentaire sur le répertoire de balados de votre choix. Merci à l'utilisateur BDebney, qui a écrit : « Quel excellent balado. Les questions abordées sont très intéressantes et offrent une excellente perspective sur les questions qui préoccupent les Canadiens. » Merci beaucoup, nous l'apprécions vraiment. Comme toujours, merci d'avoir écouté.

Sources

Regards sur la société canadienne

Hé-coutez bien! Épisode 22 - Votre entreprise peut-elle déjouer un pirate informatique?

Date de diffusion : le 9 décembre 2024

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2816-2250

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

Plus des deux tiers (70 %) des Canadiens ont été victimes d’un incident de cybersécurité en 2022. Les stratégies employées par les personnes malveillantes sont de plus en plus complexes. Nous sommes nombreux à être inondés de courriels d’hameçonnage, de messages textes douteux et d’appels téléphoniques frauduleux. Rares sont les personnes qui n’ont jamais subi une forme ou une autre de cyberattaque. 

Les entreprises canadiennes se trouvent dans la même situation. Les vols d’identité, les arnaques et les fraudes ainsi que les attaques par rançongiciel ne représentent que quelques-uns des moyens utilisés par les cyberattaquants pour s’en prendre aux entreprises. La neutralisation d’une seule atteinte à la cybersécurité peut coûter des milliers de dollars à une entreprise et lui faire perdre un temps précieux. Nous avons voulu savoir si la cybercriminalité est en hausse au Canada, ce que représente le phénomène relativement nouveau de l’assurance contre les cyberrisques, et la mesure dans laquelle les consommateurs peuvent subir les répercussions d’une atteinte à la sécurité qui touche une entreprise. 

De nouvelles données de l’Enquête canadienne sur la cybersécurité et le cybercrime ont été diffusées. Dans cet épisode, nous nous sommes entretenus avec Howard Bilodeau, économiste à Statistique Canada, qui a répondu à nos questions sur l’évolution de la cybersécurité pour les entreprises et sur ce que cela signifie pour chacun et chacune d’entre nous. 

Animatrice

Annik Lepage

Invité

Howard Bilodeau (Narration par Yves Gilbert)

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 22 - Votre entreprise peut-elle déjouer un pirate informatique? - Transcription

Transcription

Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien !, un balado de Statistique Canada, où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu’elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage. 

Il est difficile d'exister dans le monde d'aujourd'hui sans être en ligne. Le fait d'être en ligne nous donne accès à l'information, au divertissement, à l'éducation, à la communication avec les amis, la famille, les gens que vous avez oublié que vous connaissiez au secondaire. Mais il nous met aussi en danger. Avez-vous déjà reçu un de ces messages d'un ami sur les médias sociaux qui dit quelque chose comme « Oh mon Dieu, as-tu vu cette photo de toi ? Conseil d'expert : ne cliquez surtout pas sur le lien qui vient avec le message 

Le fait d'être en ligne nous expose. Nous risquons de recevoir des spams non sollicités ou d'être redirigés vers des sites web frauduleux qui cherchent à obtenir nos informations personnelles ou à installer des virus ou d'autres logiciels malveillants sur nos ordinateurs. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg de la cybersécurité.  

Parce que nous sommes tous en ligne, les entreprises canadiennes le sont aussi. Et elles sont confrontées aux mêmes problèmes de cybersécurité que le reste d'entre nous. La numérisation expose les entreprises à de nouveaux risques en matière de protection de la vie privée, de protection des données et de cybersécurité.

Depuis 2017, l'Enquête canadienne sur la cybersécurité et le cybercrime recueille des données sur les politiques et les mesures mises en place par les entreprises canadiennes pour gérer la cybersécurité et étudie la façon dont elles sont touchées par les incidents de cybersécurité. De nouvelles données viennent d'être publiées— nous nous sommes donc entretenus avec un expert pour en savoir plus. 

Howard : Je m'appelle Howard Bilodeau et je suis économiste à Statistique Canada. 

Annik : Qu'est-ce que le cybercrime ? Et quels sont les exemples de cybercrime auxquels les entreprises canadiennes peuvent être confrontées ?  

Howard : Notre enquête ne porte pas spécifiquement sur le cybercrime. Nous utilisons plutôt le terme d'incident de cybersécurité. Je suppose que la raison en est que nous ne voulons pas trop nous préoccuper du seuil à partir duquel quelque chose devient un crime. On s’intéresse plus largement aux incidents qui ont un impact sur les entreprises.  

Nous définissons donc un incident de cybersécurité comme toute tentative non autorisée d'accéder à l'infrastructure informatique d'une entreprise dans le but de voler ou de modifier des informations ou simplement pour rendre une partie de cette infrastructure inutilisable pour l'entreprise. Dans le cadre de notre travail, nous nous intéressons donc à différents types d'incidents de cybersécurité. Il s'agit souvent de vols d'argent ou d'informations, mais aussi, comme je le disais, de tentatives visant à rendre la technologie inutilisable pour l'entreprise.  

Annik : Quelle est l'ampleur du cybercrime ? 

Howard : Dans notre enquête, nous cherchons à savoir si l'entreprise a été touchée par un incident de cybersécurité. Nous avons choisi le terme « touché» pour éviter de nous retrouver avec des faits  trop fréquents ou des choses de tous les jours comme recevoir un courriel de hameçonnage sur lequel vous n'avez pas cliqué. 

En ce qui concerne le groupe d'entreprises touchées par des incidents, nous avons constaté en 202 que 16 % des entreprises ont déclaré avoir été touchées. Ce chiffre a diminué au cours de l'enquête. En 2019, 21 % des entreprises ont déclaré avoir été touchées par des incidents. Et comme je disais, ce chiffre est tombé à 16 % en 2023.  

Annik : Cela vaut-il également pour les particuliers canadiens ? Ont-ils également moins d'incidents ? 

Howard : Jusqu'à présent, nous avons parlé de notre enquête sur le cybercrime dans les entreprises. Pour ce qui est des particuliers, nous n'avons pas d'enquête parfaitement comparable, mais nous disposons de l'Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet, qui demande aux particuliers s'ils ont subi un incident de cybersécurité quelconque. Dans cette enquête, nous avons constaté que 70 % des Canadiens ont déclaré avoir subi un incident quelconque en 2022, ce qui représente une augmentation par rapport aux 52 % observés en 2018. 

C'est donc une tendance un peu différente du côté des individus, mais puisque nous posons des questions sur un concept légèrement différent, c’est difficile de comparer les deux groupes visés.  

Annik : Comment les incidents se comparent-ils entre ce que peut vivre une entreprise et ce que peut vivre un particulier? 

Howard : C'est une excellente question. Je pense qu'ils sont souvent très similaires. Je pense que les incidents de cybersécurité ont tendance à essayer d'exploiter le facteur humain, c'est-à-dire à essayer d'amener un individu à communiquer des informations, ce qui peut permettre à l'attaquant de pénétrer en parallèle dans l'infrastructure informatique. Je pense donc qu'en ce sens, ils sont très similaires.

Je suppose que ce qui pourrait être un peu différent en termes de ce que l'attaquant veut, c'est que l'attaquant peut être à la recherche de types d'informations légèrement différents, selon qu'il s'agit d'un individu ou d'une entreprise. Mais je pense qu'une grande partie des techniques seront assez similaires. 

Annik : Et quel type d'impact cela a-t-il ?   

Howard : Ces types d'incidents peuvent avoir différents impacts. Nous avons d'ailleurs posé une question à ce sujet dans notre enquête auprès des entreprises. Ce qui revient le plus souvent, c'est l'interruption des activités de l'entreprise. Par exemple, les employés peuvent ne pas être en mesure d'accéder à leur ordinateur ou ce dernier peut être plus lent, de sorte qu'il leur faut plus de temps pour effectuer leur travail. Mais il peut aussi y avoir des coûts. Il peut s'agir de coûts directs, comme le remplacement du matériel ou l'achat de nouveaux logiciels, mais aussi de coûts indirects, comme le manque à gagner dû au fait que l'entreprise n'a pas pu fonctionner ce jour-là.  

Annik : Avons-nous un montant en dollars pour ce à quoi les entreprises sont confrontées ? 

Howard : En 2023, nous avons constaté que les coûts de récupération s'élèvaient t à 1,2 milliard de dollars. C'est en fait le double de ce que nous avions trouvé en 2021, soit de 600 millions. Il s'agit donc d'une augmentation importante. En ce qui concerne les facteurs qui contribuent à cette augmentation, nous avons constaté que la moitié de ce montant correspond à des coûts en personnel. Il s'agit donc des coûts liés à l'embauche d'employés ou à des coûts liés à l'engagement de sous-traitants ou de consultants pour aider à la reprise après un incident.  

Annik : Pourriez-vous développer un point que vous avez mentionné plus tôt, à savoir que le coût, le nombre total d'entreprises qui subissent ces incidents, est en baisse, mais que le coût de ces incidents est en hausse ?

Howard : C'est une dichotomie intéressante. Et je pense que cela pourrait indiquer que parmi les entreprises qui subissent un incident ayant un impact, quelle qu'en soit la raison, les coûts pour s'en remettre sont de plus en plus élevés. Ainsi, chaque incident individuel peut devenir plus coûteux et avoir plus d'impact sur l'entreprise. Je pense que c'est un domaine qui nécessite davantage de recherches pour comprendre ce qui se passe, mais c'est en quelque sorte la façon dont nous l'avons interprété, c'est-à-dire qu'il semble que, oui, peut-être que le pourcentage d'incidents diminue, mais parmi ceux qui sont touchés, les impacts sont très importants et deviennent de plus en plus importants. 

Annik : L'une des choses qui m’a surprise dans l'article du Quotidien, c'est que je n'avais jamais entendu parler de l'assurance contre les cyber risques. Qu'est-ce que l'assurance contre les cyber risques ? Et dans quelle mesure cela fait-il partie du coût des affaires de nos jours ? 

Howard : L'assurance contre les cyber risques est un produit d'assurance proposé depuis déjà quelques années par diverses compagnies d'assurance. Elle a beaucoup évolué, je dirais, au cours de la dernière décennie en ce qui concerne la façon dont ces polices sont structurées et les types de choses qu'elles couvrent. Mais oui, nous avons constaté qu'au cours des dernières années, ces types de polices ont connu un certain essor.

En 2023, 22 % des entreprises ont déclaré avoir souscrit à une police d'assurance de ce type, soit une augmentation de 6 points de pourcentage par rapport à 2021. Ces polices peuvent donc couvrir diverses choses, comme les dépenses directes consécutives à un incident. De plus, les compagnies d'assurance offrent parfois aux entreprises l'accès à des consultants qui peuvent les aider à déterminer ce qu'elles doivent faire pour essayer de se remettre et d'améliorer leur cybersécurité à l'avenir. 

Annik : Y a-t-il eu d'autres surprises par rapport aux résultats ? 

Howard : On a demandé aux entreprises qui ont été touchées par des incidents, quelle était la méthode utilisée pour l'incident et l'un des grands changements que nous avons constaté en termes de méthodes est que beaucoup plus d'entreprises ont déclaré avoir été victimes d'un vol d'identité. Ce chiffre a augmenté de 11 points de pourcentage parmi celles qui ont été touchées par des incidents. Je pense donc qu'il s'agit d'une découverte intéressante et qu'on peut alors justifier des recherches plus approfondies car, en général, on ne pense pas qu'une entreprise est victime d'un vol d'identité, mais c’ est clair qu'il se passe quelque chose à ce niveau. On ne définit pas le concept d'usurpation d'identité dans l'enquête, de sorte que les entreprises classent elles-mêmes les incidents dans cette catégorie. Mais je pense qu'il vaut la peine d'examiner de plus près ce qui se passe.

Annik : Oui, tout à fait. Et pourquoi est-ce important pour un Canadien qui n'exploite pas d'entreprise? De quelle manière les consommateurs sont-ils affectés lorsqu'une entreprise subit un incident de cybersécurité?  

Howard : Les entreprises détiennent beaucoup de données personnelles sur leurs clients. Par conséquent, chaque fois qu'une entreprise est victime d'une violation de la cybersécurité, il est également possible que les informations d'une personne soient divulguées dans le cadre de cet incident. Il est donc important que les entreprises veillent à la sécurité des données de leurs clients.

Annik : Pourquoi les résultats de cette enquête sont-ils importants ? 

Howard : L'objectif premier de cette enquête est de donner une idée de l'économie en général et de l'impact de la cybersécurité et du cybercrime sur le monde des affaires. Ces statistiques alimentent diverses initiatives politiques au Canada. Il s'agit notamment de la Stratégie nationale de la cybersécurité. Ces résultats sont utilisés pour aider à prendre des décisions qui s'inscrivent dans le cadre de cette stratégie. En tant que pays, ces résultats sont donc importants, car ils servent de base à l'élaboration de notre stratégie nationale en matière de cybersécurité.

Annik : Quel est l’enseignement le plus important que vous retenez de cette recherche?  

Howard : Je pense qu’il y a quelques tendances intéressantes et je pense que le coût est quelque chose sur lequel nous devrions nous concentrer parce que cela montre que les incidents de cybersécurité ne sont pas en train de disparaître. Cela devient un problème croissant, même si le pourcentage d'entreprises qui sont confrontées au cybercrime est en baisse. Lorsqu'elles sont confrontées à ces incidents, il y a toujours des répercussions importantes. Et vous savez, c'est aussi une réalité qui peut affecter les individus.

Annik : Y a-t-il quelque chose que vous auriez aimé inclure dans votre publication, mais que vous n'avez pas pu faire ? Ou cela vous a-t-il donné des idées pour de futurs rapports, de futures études ?  

Howard : Le domaine de la cybersécurité est en constante évolution. C'est un peu le jeu du chat et de la souris de la criminalité. Il y aura donc toujours de nouveaux domaines à explorer. 

Je pense que l'un d'entre eux, dont tout le monde parle depuis peu, est l’intelligence artificielle et la façon dont elle va se croiser avec la cybersécurité. Jusqu'à présent, nous n'avons pas vraiment abordé ce sujet dans l'enquête, mais je pense que c'est un domaine que nous pourrions explorer à l'avenir.  

Annik : Quel serait l'impact de l’intelligence artificielle sur la cybersécurité ? 

Howard : Je pense qu'il y a plusieurs façons de procéder. L'une d'entre elles est que nous constatons qu'un grand nombre de ces incidents de cybersécurité semblent être perpétrés en ciblant des vulnérabilités individuelles. Il s'agit en quelque sorte de piéger les employés pour qu'ils communiquent des informations. Et, vous savez, nous savons que l'intelligence artificielle générative peut être utilisée de cette manière pour essayer de créer quelque chose qui semble légitime alors qu'il ne l'est pas vraiment. Je pense donc que c'est un bon exemple de la façon dont l'intelligence artificielle pourrait être utilisée par les acteurs de la menace pour exécuter certains de ces incidents.  

Annik : Vous venez d’écouter Hé-coutez bien ! Merci à notre invité, Howard Bilodeau. 

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’article « L’incidence du cybercrime sur les entreprises canadiennes, 2023 » sur le site web de Statistique Canada.

Vous pouvez vous abonner à cette émission partout où vous recevez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers! Si vous avez aimez cette émission, la meilleure chose que vous puissiez faire pour la soutenir est de vous abonner, alors n'oubliez pas d'appuyer sur le bouton « Suivre » si ce n'est déjà fait. Merci !

Sources

Le Quotidien — Enquête canadienne sur l'utilisation d'Internet, 2022

Le Quotidien — L'incidence du cybercrime sur les entreprises canadiennes, 2023

Hé-coutez bien! Épisode 21 - L’intelligence artificielle va-t-elle voler votre emploi?

Date de diffusion : le 17 octobre, 2024

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2816-2250

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

L'intelligence artificielle est là et elle ne va pas disparaître. Des applications telles que ChatGPT nous permettent désormais d'effectuer des tâches complexes en cliquant sur un bouton.

À mesure que nous commençons à utiliser ces nouvelles versions de l'IA, nos emplois sont destinés à changer. À quoi ressemblera une journée de travail moyenne dans dix ans? Quels sont les emplois sur lesquels l'IA aura le plus d'impact ? Et l'IA est-elle sur le point de remplacer complètement nos emplois?

Dans cet épisode, nous avons rencontré l'expert en IA Tahsin Mehdi, économiste à la division de l'analyse sociale et de la modélisation de Statistique Canada, pour répondre à nos questions sur la façon dont l'IA transformera notre vie professionnelle au Canada.

Animatrice

Annik Lepage

Invité

Tahsin Mehdi (Narration par Yves Gilbert)

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 21 - L’intelligence artificielle va-t-elle voler votre emploi? - Transcription

Transcription

Annik : Bonjour, pourriez-vous vous présenter avec votre nom et vote fonction.

Tahsin : Mon nom est Tahsin Mehdi et je suis économiste de recherche à Statistique Canada.

Annik : Qu'entendons-nous par intelligence artificielle ou IA et pourquoi est-ce que tout le monde en parle?

Tahsin : L'intelligence artificielle désigne la théorie et le développement de systèmes informatiques capable d'effectuer des tâches nécessitant normalement l'intelligence humaine.

En d'autres mots il s'agit de la capacité d'un ordinateur ou d'une machine à imiter l'interaction, la prise de décision et le processus de réflexion humain. Le terme automatisation est peut-être familier, mais l'IA n'est pas exactement la même chose que l'automatisation et donc c'est important de faire la distinction entre les deux concepts.

L'automatisation est l'utilisation de la technologie pour effectuer des tâches simples, routinières et non cognitives et l'IA est l'utilisation de la technologie pour effectuer des tâches complexes et non routinière et cognitives. Ce qui distingue L'IA c'est qu'elle peut être entraînée sur de grandes quantités de données, ce qui lui permet d'apprendre, de s'améliorer et de s'adapter au fil du temps.

Annik : Selon vous, combien de travailleurs pourraient être affectés par l'IA et quelles sont les différentes façons dont ils pourraient l'être?

Tahsin : L'IA se développe très rapidement. Nous ne savons donc pas vraiment quelle sera sa puissance à l'avenir.

Nous ne savons pas non plus comment les travailleurs, les entreprises et même les gouvernements pourraient réagir ou s'adapter à l'IA mais une étude récente de Statistique Canada apporte un éclairage sur les effets possibles de l'IA sur le marché du travail canadien.

Cette étude particulière est basée sur une méthode développée par la recherche universitaire ainsi que par le Fonds monétaire international.

Cette méthode est appliquée aux données canadiennes en combinant les données du recensement de 2021 sur les travailleurs avec les données d'un site web américain appelé Occupation information Network.

La méthode utilisée dans cette étude permet de mesurer dans quelles mesures différents emplois peuvent être exposés à l'IA. Les résultats montrent qu'environ 60 % de la main d'oeuvre canadienne pourraient occuper des emplois fortement exposés à l'IA.

Aussi, ce qui est vraiment intéressant, c'est que contrairement aux vagues de transformation technologique du passé qui touchaient principalement les travailleurs peu instruits qui effectuaient des tâches routinières l'IA est plus susceptible d'affecter les travailleurs plus instruits qui effectuent des tâches cognitives, car contrairement à l'automatisation, l'IA ne se limite pas à l'exécution de tâches répétitives.

Par le passé, les travailleurs des chaînes de montage et de l'industrie étaient donc les plus touchés, mais maintenant avec l'IA les emplois nécessitant une formation supérieure comme des technologies de l'information, l'éducation, les soins de santé, les affaires, l'ingénierie, pourraient également être touchés.

Cependant, un emploi fortement exposé à l'IA ne veut pas dire qu'Il y aura nécessairement un risque plus élevé de perte d'emploi, au minimum cela pourrait signifier un certain degré de transformation de l'emploi.

Lorsqu'on pense à l'automatisation ou à l'IA on imagine souvent des robots et des machines qui prendraient le relais de nos emplois mais on oublie que les nouvelles technologies pourraient également profiter à certains emplois. Par exemple avec l'invention d'ordinateurs numérique, c'est vrai que les ordinateurs ont remplacé certains emplois, mais ils ont également créé des emplois liés à la technologie numérique. Alors, même si 60 % des travailleurs pourraient être fortement exposés à l'IA, environ la moitié de ces 60 % occupent des emplois qui pourraient être très complémentaires, par exemple, les enseignants, les infirmières, les médecins et les ingénieurs. En général, ces emplois nécessitent un degré élevé de compétence en communication. Certains de ces emplois impliquent également d'assumer la responsabilité d'autres personnes. Par exemple, les médecins prennent constamment des décisions importantes sur la santé d'autres personnes. L'IA peut être utilisé par les médecins pour les aider à diagnostiquer des maladies et à pratiquer des opérations chirurgicales mais en fin de compte, la supervision humaine sera toujours nécessaire dans ces emplois où la marge d'erreur est si faible. Les enseignants peuvent aussi utiliser l'IA pour les aider à créer des plans de cours et du contenu personnalisé pour les élèves en fonction des styles d'apprentissage individuel.

Et l'autre moitié de ces 60 % de travailleurs fortement exposés à l'IA occupent des emplois qui pourraient être moins complémentaires avec l'IA ce qui signifie qu'il est possible qu'une part relativement plus importante de leur tâche quotidienne soit remplacée par l'IA dans le futur. Il peut s'agir d'emplois dans le commerce, la finance et l'informatique et bien d'autres mais cela ne signifie pas nécessairement que ces emplois disparaîtront. Cela pourrait simplement signifier que l'IA pourrait changer la nature de leur travail et de leur tâche quotidienne et peut-être les libérer pour effectuer un nouvel ensemble de tâches comme la supervision et la maintenance de l'infrastructure.

Nous devons toutefois garder à l'esprit que ces résultats comportent de grandes réserves. Une exposition relativement plus élevée à l'IA n'implique pas nécessairement un risque plus élevé des pertes d'emploi. Les entreprises ne remplaceront peut-être pas les travailleurs humains par l'IA même si cela est technologiquement possible en raison de contraintes financières. Les estimations reflètent une vision étroite de l'IA qui inclut l'IA générative comme ChatGPT mais elles ne tiennent pas compte de l'IA plus avancée.

Les capacités de l'IA vont se développer et les tâches que nous effectuons dans le cadre de notre travail pourraient évoluer au fil du temps. Les individus et les entreprises s'adapteront différemment aux changements.

Annik : Dans notre dernier épisode on a discuté du fait que le Canada a un problème de productivité. L'IA pourrait-elle être ce qu'il nous faut au Canada pour stimuler la productivité?

Tahsin : La croissance, la productivité du Canada, en particulier de la productivité du travail est depuis un certain temps derrière les pays comparables comme les États-Unis.

Naturellement, de nombreuses personnes se demandent si l'IA peut être considérée comme une nouvelle forme de capital, peut être une force positive pour stimuler la productivité. C'est certainement possible que l'IA ait des répercussions profondes sur la productivité et par extension sur le revenu des gens Mais il n'y a pas de réponse simple. Il n'y a pas de consensus clair sur la façon dont l'IA pourrait affecter la productivité. Certains analystes qualifient l'IA de révolution industrielle et la comparent à l'invention de l'ordinateur mais d'autres analystes affirment que la bulle de l'IA pourrait éclater et que l'IA est tout simplement surfaite et qu'elle pourrait ne pas entraîner d'augmentation significative de la productivité.

Nous n'avons pas encore une vue d'ensemble de la situation, car l'adoption de l'IA par les entreprises canadiennes en est encore à ses débuts, moins d'un dizième d'entre elles déclarent utiliser celle-ci. Nous devons également nous rappeler que notre croissance de la productivité dépend en partie de la performance des autres pays. L'IA pourrait avoir des impacts différents sur différentes économies, car les taux d'adoption varieront sans aucun doute à travers le monde. Par exemple, le boom informatique a entraîné une croissance considérable aux États-Unis pendant les années 90, mais son effet était moins prononcé dans d'autres pays et on pourrait donc se retrouver dans une situation similaire avec l'IA.

Alors, même si l'IA n'a pas d'impact sur la productivité globale, elle pourrait quand même avoir des effets distributifs sur certains segments d'économie en bénéficiant certains plus que d'autres.

Annik : D'accord. On a étudié une autre question récemment, celle du changement climatique. Selon vous, qu'en est-il du changement climatique et des emplois durables?

Tahsin : L'IA a l'opportunité de jouer un rôle essentiel non seulement dans l'économie, mais aussi dans les questions sociétales et environnementales, comme le changement climatique. Par exemple, l'IA pourrait être capable d'optimiser les pratiques agricoles en analysant les données sur les sols, la météo, les cultures, pour recommander les meilleurs moments pour planter, irriguer, récolter et ainsi de suite.

Cela peut potentiellement conduire à une utilisation plus efficace des ressources et à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'IA peut également analyser de grands ensembles de données provenant de satellites pour surveiller la déforestation, la fonte de la calotte glacière et d'autres changements environnementaux.

Elle peut également aider à prédire les tendances climatiques futures, ce qui aiderait les gouvernements et les organisations à réagir aux événements liés au climat. Il faut garder à l'esprit que les algorithmes à grande échelle peuvent être très gourmands en puissance et en énergie. Donc, même si l'IA offre de nombreux avantages potentiels pour atténuer l'impact du changement climatique, elle nécessite également une réflexion approfondie sur sa propre consommation d'énergie pour assurer qu'elle contribue positivement aux efforts de durabilité.

Une autre question intéressante liée aux changements climatiques est de savoir si l'IA peut créer des emplois et favoriser le développement d'emplois durables en accélérant l'innovation dans des domaines liés aux panneaux solaires et d'autres sources d'énergie propre. C'est possible, mais comme elle est encore à ses débuts, nous ne savons pas encore quel sera l'impact net sur l'emploi.

Annik : le dernier type de problème que je vais vous lancer est celui de l'inégalité des revenus. Comment l'IA peut-elle nous aider dans ce domaine?

Tahsin; Oui là, je pense qu'on a peut-être une meilleure idée. Dans le passé, l'automatisation touchait principalement les travailleurs les moins instruits et les moins bien payés, mais l'IA pourrait être différente car elle est plus susceptible d'affecter les travailleurs les plus instruits qui gagnent également plus.

Cependant, les travailleurs les plus instruits et les mieux payés sont également plus susceptibles d'occuper des emplois très complémentaires à l'IA. Ainsi, si quelques travailleurs situés au haut de l'échelle des revenus récoltent les effets positifs de l'IA et augmentent leur potentiel de revenu, cela peut éventuellement accroître les inégalités de revenu si la croissance des salaires reste stagnante en bas de l'échelle.

De plus, si seuls quelques entreprises adoptent l'IA et sont en mesure de conquérir une plus grande part du marché, en conséquence des revenus du capital pourraient être concentrés entre quelques individus et les actionnaires, ce qui pourrait également accroître les inégalités de revenus et de richesse

Annik : Je comprends. Donc, en ce qui concerne l'avenir, évidemment, vous n'avez pas de boule de cristal, mais on peut quand même faire de notre mieux pour essayer de deviner. Donc, les nouvelles technologies bouleversent constamment notre façon de travailler.

Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup d'emplois qui n'existent plus à cause des nouvelles technologies. On s'est amusé si à parcourir les ces exemples et à trouver des emplois intéressants qui existent plus, comme les conducteurs de calèche, les opérateurs d'ascenseur, les conducteurs de Pony express, les scribes, les crieurs publics, les allumeurs de réverbères. Ou en est, selon vous, l'échelle potentielle de l'IA si vous deviez classer les technologies perturbatrices d'une manière générale, quelle est l'importance de l'IA à l'heure actuelle? Et si vous pouviez réfléchir à son potentiel futur?Qu'en pensez-vous?

Tahsin : Pour l'instant, l'IA en est encore à ses débuts et les entreprises commencent seulement à l'utiliser. L'IA peut certainement être une force disruptive et a également le potentiel d'être révolutionnaire dans certains secteurs comme l'éducation et la santé. Elle peut façonner l'avenir de manière à la fois prometteuse et stimulante et je dirais qu'elle a déjà suscité beaucoup d'enthousiasme en même temps qu'elle suscite des inquiétudes. Alors ce mélange d'opportunité et d'incertitude continuera d'être au centre des discussions dans le monde de la technologie des affaires et au-delà. À l'heure actuelle, lorsque la plupart des gens pensent à l'IA, ils pensent probablement à l'IA générative comme Chat GPT qui a un système qui prend vos entrées et vous répond, il ne s'agit cependant que d'un type. À l'avenir il pourrait y avoir d'autres types d'IA comme l'IA général, qui est une forme plus avancée d'IA capable de penser et d'agir de manière autonome, sans intervention humaine.

Alors à l'avenir, l'IA facilitera-t-elle notre vie? Notre travail? Aurons-nous tous des voitures autonomes? On ne sait pas. Ce que nous pouvons faire, c'est de continuer à suivre l'adoption de l'IA et son potentiel sur les travailleurs, les entreprises, l'environnement, mais seul le temps nous dira quel sera son impact.

Annik : Pour beaucoup d'entre nous, notre travail représente une partie importante de notre identité alors que l'IA est de plus en plus capable de prendre en charge une part croissante de nos tâches professionnelles. Pensez-vous que nous perdrons ce sentiment d'appartenance à notre travail ou est ce qu'il s'agit simplement de s'adapter et de trouver un sens à ce paysage émergent de l'IA?

Tahsin : L'IA pourrait avoir un impact considérable sur la mesure dans laquelle les travailleurs trouvent leur travail significatif. Et pour vous donner un exemple concret, prenons les chercheurs comme moi. Les chercheurs peuvent passer beaucoup de temps à réfléchir aux questions de recherche, à découvrir ce qui existe déjà et à rassembler des sources de données potentielles.

Ces tâches peuvent nécessiter une bonne dose de créativité, mais si quelque chose comme chat gpt devait devenir meilleur que nous dans ces tâches et finalement prendre le relais de cet aspect de la recherche certains chercheurs qui valorisent ce processus créatif pourraient trouver leur travail moins significatif tandis que d'autres pourraient accueillir ce changement avec plaisir, car cela pourrait potentiellement leur faire gagner du temps et ils pourraient se concentrer sur d'autres tâches,

Annik : Comment les systèmes éducatifs peuvent-ils s'adapter pour préparer les étudiants et les futurs travaillants à un marché du travail axé sur l'IA?

Tahsin : Je dirais qu'une éducation centrée sur les compétences générales est essentielle. L'IA peut effectuer de nombreuses tâches techniques, mais des compétences comme la communication, la résolution de problèmes, l'intelligence émotionnelle, l'adaptabilité sont plus difficiles à reproduire pour les machines. La littératie numérique demeure importante. Évidemment, l'IA devient de plus en plus performante dans l'écriture de code et dans d'autres tâches que nous pourrions effectuer sur un ordinateur, mais elle est toujours susceptible de faire des erreurs et donc, il est de plus en plus important, de comprendre les bases de la technologie numérique, son rôle dans la société et d'apprendre à considérer d'un point de vue critique. Le rythme rapide des changements technologiques signifie que l'apprentissage peut être important après l'éducation formelle, que ce soit sur le lieu du travail ou dans le système scolaire formel. En fait, il est essentiel que les étudiants, comme tout le monde, apprennent les implications éthiques de l'IA. Apprendre à utiliser l'IA de manière responsable est donc une compétence en soi.

Annik : Pourquoi est-ce que les résultats de cette étude sont importants?

Tahsin : L'IA pourrait être le prochain grand perturbateur du marché du travail, même si nous ne pouvons pas prédire les effets de l'IA dans le futur, il est important de fournir une vue courante de l'IA afin de pouvoir éclairer les discussions liées à des sujets tel que la planification de carrière.

Annik : merci beaucoup, Tahsin, d'avoir partagé votre expertise avec nous.

Tahsin : Tout le plaisir était le mien. Merci.

Annik : Vous venez d'écouter Hé-coutez bien!

Vous pouvez vous abonner à cette émission à partir de n'importe lequel des sites où vous obtenez habituellement vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, n'hésitez surtout pas à la noter, à la commenter et à vous y abonner. Merci de nous avoir écouté!

Si vous vous intéressez à l'avenir de l'IA et à son impact potentiel sur la main-d'œuvre de demain, consultez l'article publié le 3 septembre intitulé Estimations expérimentales de l'exposition professionnelle potentielle à l'IA au Canada. Un article de suivi a été publié le 25 septembre sous le titre « Exposure to artificial intelligence in Canadian jobs : Experimental estimates. » Vous pouvez trouver les deux articles sur le site web de StatCan.

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Hé-coutez bien! Épisode 20 - Les économistes tirent la sonnette d'alarme sur la productivité

Date de diffusion : le 14 août 2024

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2816-2250

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

La main-d’œuvre du Canada est l’une des plus scolarisées au monde, mais nous avons assisté à une réelle baisse de la productivité des travailleurs au cours des dernières années. Les données trimestrielles publiées par StatCan en juin 2024 confirment que les travailleurs canadiens continuent d’être moins performants que leurs voisins du Sud. Cette constatation ne surprend pas notre invitée Elizabeth Richards, économiste à StatCan. Les plus récents chiffres trimestriels confirment d’ailleurs la baisse continue de la productivité au Canada, que les économistes surveillent depuis des années.

Quels sont donc les facteurs qui ont une incidence sur la productivité des travailleurs? Et en quoi le fait que les Canadiens soient moins productifs est-il important? En fait, qu’est-ce que la productivité? Dans cet épisode, nous avons demandé à  Elizabeth de nous aider à comprendre comment nous en sommes arrivés là et pourquoi les Canadiens devraient s’intéresser à cette question.

Animatrice

Annik Lepage

Invitée

Elizabeth Richards

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 20 - Les économistes tirent la sonnette d'alarme sur la productivité - Transcription

Transcription

  Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien! un balado de Statistique Canada où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage. Si vous avez suivi l'actualité économique cette année, il y a de fortes chances que vous ayez entendu dire que le Canada a un problème de productivité. De nombreux médias vont même jusqu'à parler d'une véritable situation d'urgence. Au début juin, StatCan a publié les chiffres du premier trimestre pour la productivité du travail en 2024 et ils sont en baisse de 0, 3 %. ce qui s'inscrit dans la tendance à l'affaiblissement que nous observons depuis quelques années.

Ce n'est pas très réjouissant, mais pourquoi cela se produit? Et comment cela affectera-t-il nos vies? Nous connaissons l'impact de l'inflation sur notre vie quotidienne. Une inflation plus élevée signifie des prix plus élevés pour nous, consommateurs à la pompe à l'épicerie et ainsi de suite. C'est assez clair.

Mais qu'en est-il de la productivité? Je comprends que si le travailleur Canadien moyen est moins productif, c'est mauvais pour l'économie, mais que signifie mauvais pour l'économie pour le Canadien moyen? J'ai rencontré Elizabeth Richards, économiste à StatCan, pour approfondir la question.

Elizabeth : Mon nom est Elizabeth Richards.

Je suis directrice et économiste dans la branche de recherche à Statistique Canada.

Annik : Bonjour, Elisabeth. Bienvenue à l'émission.

Elizabeth : Bonjour.

Annik : Alors aujourd'hui, nous allons parler de productivité. Comment définissez- vous ce concept?

Elizabeth : C'est une bonne question. Il y a différentes façons de calculer la productivité. Je dirais que la mesure la plus courante ou la plus populaire, c'est de regarder le PIB par heure travaillée donc le produit intérieur brut par heure travaillée. Puis même comme travailleurs nous-mêmes on peut penser à notre salaire horaire donc notre salaire par heure, ça pourrait être utilisé pour calculer notre contribution au PIB ou à l'économie. Il y a trois façons d'augmenter la productivité du travail qui sont importantes à soulever : la première, c'est l'augmentation des investissements des usines, des machines de l'équipement qu'on a comme travailleurs. La deuxième, c'est une amélioration des compétences des travailleurs. Donc penser à la main d'œuvre, à notre expérience, à notre éducation, ce qu'on apporte au marché du travail. Et la troisième, c'est d'autres facteurs comme l'innovation, la technologie qui peuvent aussi améliorer la productivité.

Annik : Que suggèrent les dernières données sur la productivité au Canada.

Elizabeth : Si on regarde la productivité récemment, on voit une baisse au cours de 12 des 15 derniers trimestres, donc des niveaux plus bas de ce qu'on avait vu avant la pandémie. C'est vraiment une continuation des tendances qu'on observe depuis environ 2014, 2015 où il y a eu une chute très importante, une baisse importante pour les prix de pétrole et de gaz.

Vraiment, on n'a pas vraiment vu de reprise après, surtout dans l'investissement du capital et dans la productivité depuis ce choc économique.

Annik : Comment le Canada se compare-t-il aux autres pays?

Elizabeth : Si on se compare avec les États-Unis, on voit que depuis l'an 2000, la croissance de la productivité aux États-Unis a été deux fois plus importante que celle du Canada puis il y a plusieurs facteurs qui contribuent. Si on regarde l'économie des États-Unis, ils sont très productifs dans des industries de technologie. dans des industries de télécommunications. Ce sont des industries qui sont moins importantes au Canada, au Canada, on a aussi plus de petites entreprises. Les États-Unis ont beaucoup de grandes entreprises qui sont typiquement plus productifs, plus concurrentes que des petites entreprises.

Mais vraiment, un des facteurs importants à souligner c'est cette baisse dans l'investissement du capital qu'on a vu après la chute des prix de pétrole et de gaz en 2014, 2015 donc on n'a vraiment pas vu de reprise dans l'investissement du capital. Donc encore, on pense aux usines, à l'équipement, aux machines, à tout ce que les travailleurs ont pour améliorer soit la quantité de ce qu'ils produisent par heure ou la qualité.

Annik : Pourquoi est-ce que les citoyens moyens devraient s'en préoccuper?

Elizabeth : Comme j'ai mentionné, la productivité est liée à ce qu'on produit par heure ou notre salaire par heure. Donc, si on veut voir des améliorations de la croissance importante dans nos salaires réels dans nos standards de vie, on doit voir plus de productivité comme travailleur

On doit faire plus de travail ou du meilleur travail, voir la qualité s'améliorer. Donc c'est important. Un de mes économistes préféré, Paul Krugman dit : la productivité n'est pas tout, mais à long terme, c'est presque tout, parce que c'est vraiment dans le long terme pour nos standards de vie, c'est important d'améliorer la productivité pour que nos salaires augmentent.

Annik : On parle beaucoup récemment de l'IA, de la réalité virtuelle des programmes robotiques. Comment est-ce que toutes ces technologies, ces nouvelles technologies dont on entend parler affecte potentiellement notre productivité.

Elizabeth : Une très bonne question. Il y a des opportunités importantes pour améliorer la productivité.

Au cours des dernières années, environ 6 % des entreprises canadiennes ont utilisé de l'intelligence artificielle pour produire des biens ou fournir des services. Je pense qu'on est vraiment au début du boom de cette tendance qu'on entend beaucoup parler, mais le potentiel d'amélioration de la productivité est considérable. C'est quelque chose comme bureau national de statistique qu'on doit examiner. On doit vraiment voir l'adoption de comment les entreprises utilisent la technologie et de meilleure comprendre l'impact sur la productivité, puis aussi comment on travaille comme travailleurs et comment les entreprises mènent leurs affaires.

Annik : Donc, dans l'ensemble, ces investissements aideront ils les travailleurs ou est ce qu'ils vont leur nuire?

Elizabeth : Très bonne question et aussi une question que je suis certaine intéresse plusieurs Canadiens. J'ai des collègues dans la branche de recherche qui font du travail très intéressant là-dessus, je peux vous parler de ce qu'on sait, mais encore ça va être un phénomène important pour nous de continuer à surveiller et de comprendre. J'ai un collègue qui a étudié l'impact de l'investissement dans les robots pour les entreprises. Puis contrairement à nos craintes, ce qu'il a trouvé, c'est que les entreprises qui ont acheté plus de robots ont embauché plus de gens après puis ont été beaucoup plus productifs aussi.

C'est certain qu'il y a une évolution dans le type de travailleur dont on a besoin, mais on voit des avantages très importants. J'ai des collègues qui font aussi une recherche qui va être publiée cet automne, puis ça parle de différents emplois ou d'occupation. Parce que la façon dont on va travailler avec l'intelligence artificielle ça dépend vraiment de notre travail, ça dépend vraiment de notre type d'emploi. Puisqu'ils ont trouvé que 40 % de nos emplois au Canada ne sont vraiment pas susceptibles à beaucoup de changements avec l'intelligence artificielle, mais il y en a 60 % qui sont susceptibles dans ce 60 % environ la moitié voient beaucoup d'avantages, beaucoup de complémentarité, ça pourrait rajouter de la valeur aux tâches que les humains font.

Ça pourrait développer de nouvelles tâches de nouvelles occupations. Donc il y a beaucoup d'avantages aussi. Je pense que ça va être important de continuer de regarder l'adoption, puis de comprendre tout ce phénomène, puis comment ça change de la façon dont on travaille.

Annik : Pourquoi ces résultats sont-ils importants?

Elizabeth : La communauté des économistes on pense souvent à la productivité. C'est un indicateur clé qui nous préoccupe. Puis on voit récemment beaucoup plus de préoccupations dans les médias qui s'expliquent par la performance pas aussi forte qu'aux États-Unis. Je pense que c'est important pour les Canadiens de comprendre leur contexte économique, de comprendre comment la productivité pourrait avoir un impact sur leur salaire, leurs niveaux de vie, puis aussi comprendre aussi comme travailleurs, les investissements qu'eux-mêmes peuvent prendre, comme aller chercher plus d'éducation, plus de formation sur la job, de comprendre comment la technologie peut leur aider faire leur travail. Ce sont des aspects qui sont importants

Annik : Et selon toi, quel est le principal enseignement à en tirer?

Elizabeth : Généralement ce que je dirais, c'est qu'on voit que les entreprises canadiennes innovent, mais on ne voit pas comment ces innovations se traduisent en une croissance de la productivité. Donc, vraiment, il va y avoir beaucoup d'attention dans la communauté des politiques publiques pour les Canadiens de comprendre mieux comment est-ce qu'on peut stimuler l'investissement des entreprises pour stimuler la productivité. Comment est-ce qu'on peut encourager les travailleurs et les entreprises à être ouvert à la technologie, à trouver de nouvelles façons de travailler, puis vraiment d'évoluer avec la technologie. C'est toutes des choses qui vont nous aider à investir dans la productivité au Canada.

Annik : Puis si on voudrait en savoir plus sur le sujet où est-ce qu'on peut aller?

Elizabeth : Absolument, sur le site web de Statistique Canada a plein de recherches, plein de données sur les entreprises d'adoption de la technologie et beaucoup à venir.

Annik : Merci beaucoup, Elizabeth.

Elizabeth : Ça me fait plaisir.

Annik : Vous venez d'écouter Hé-coutez bien! Merci à notre invitée, Elizabeth Richards. Vous pouvez vous abonner à cette émission partout où vous recevez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission n'hésitez pas à la noter, à la commenter et à vous abonner.

Et merci de nous avoir écouté!

Hé-coutez bien! Épisode 19 - Pas facile d'être écolo!

Date de diffusion : le 6 juin 2024

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN : 2816-2250

Écoutez « Hé-coutez bien! » sur :

Nous pouvons faire de notre mieux, mais il n'est pas toujours facile de savoir ce qui est le mieux pour l'environnement. Notre monde est fort complexe et être vert ne se résume pas à réduire, réutiliser et recycler, bien qu'il s'agisse d'un bon point de départ!

Pour reprendre les mots immortels de Kermit la grenouille, « ce n'est pas facile d'être vert ».

C'est le thème que nous explorons dans cet épisode, divisé en deux segments. Dans le premier segment, que nous avons réalisé à l'interne, nous discutons de la mesure dans laquelle notre monde numérique est réellement vert. Dans le second, qui est tiré du balado Simply Science, nous découvrons le monde fabuleux des forêts urbaines.

Animatrice

Annik Lepage

Invités

Éric Rancourt, Gerry McGovern (Narration: Yves Gilbert)

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 19 - Pas facile d'être écolo! - Transcription

Transcription

Annik : Bienvenue à Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous rencontrons les personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice, Annik Lepage.

Avez-vous remarqué qu'on peut faire de notre mieux pour être attentionné et faire la bonne chose, mais il est difficile, même impossible, de connaître l'impact total de nos actions, bonnes ou mauvaises.

C'est ce que je pense du climat. Il peut être difficile de saisir l'impact de nos actions, même lorsqu'on fait de notre mieux pour minimiser notre empreinte écologique.

Quelqu'un peut devenir végétarien, mais le coût en carbone de son repas, si l'on tient compte de la distance parcourue depuis la ferme jusqu'à l'assiette, l'emporte sur le cheeseburger cultivé par son voisin.

Pour éviter les tasses en plastique à usage unique, on peut acheter un gobelet à la mode qui gardera les boissons glacées pendant des heures et des heures, mais que se passera-t-il lorsque cette mode sera passée et que tous ces gobelets finiront dans une décharge?

Une personne pourrait faire le choix apparemment écolo de ne pas imprimer ce gros document au travail, mais dans quelle mesure ce choix est-il écologique après tout s'il s'agit d'un document dont elle a souvent besoin et qu'elle doit maintenant démarrer son ordinateur portable à chaque fois qu'elle veut y accéder?

Hmmm… Pas facile d'être écolo.

Nous avons deux histoires pour vous aujourd'hui, un double reportage si vous voulez, toutes deux sur le thème Pas facile d'être écolo. Nous commencerons par une histoire que nous avons faite nous-mêmes et ensuite nous aurons une histoire de l'équipe de La science simplifiée à Ressources Naturelles Canada qui, je pense, vous plaira beaucoup.

Pour revenir sur le dernier exemple que je vous ai donné, jusqu'à très récemment, j'ai toujours pensé qu'au lieu d'imprimer des documents, je les sauvegarderais sur mon ordinateur. S'il s'agit d'un document dont j'ai besoin lorsque je suis en déplacement, je l'enregistre sur mon petit bout de nuage et j'y accède sur ma tablette! J'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'un choix responsable et écologique... mais d'après notre prochain invité, je devrais peut-être revoir certaines de mes hypothèses.

Gerry : Bonjour, je m'appelle Gerry McGovern et je suis l'auteur du livre intitulé World Wide Waste.

Annik : Comment avez-vous commencé à vous intéresser à l'aspect écologique du monde numérique?

Gerry : Je pense avoir été inspiré par les jeunes, par la génération de Greta Thunberg. J'arrivais presque à la fin de ma carrière dans l'industrie de la technologie et je me suis dit que je pourrais peut-être apporter une contribution positive en matière d'environnement dans ce domaine. Mais je ne pensais pas qu'il y aurait beaucoup de travail à faire, parce que j'ai grandi avec l'idée selon laquelle le numérique est intangible, entre autres, et qu'il est positif pour l'environnement. J'ai donc cru que ma contribution allait être très brève et que je n'allais pas trouver grand-chose à changer pour améliorer la situation environnementale. Mais c'est plutôt un travail de très longue haleine qui m'attendait, et les surprises, pour la plupart mauvaises, se sont multipliées.

Annik : Il n'est pas le seul à avoir grandi avec le sentiment que le numérique est intangible. Pour moi, la technologie d'aujourd'hui ressemble à de la magie. Je ne sais pas si je ne le savais pas exactement ou si je n'y avais jamais pensé, mais l'internet... doit exister physiquement dans l'espace, quelque part.

Et cet espace physique, ce sont les centres de données : des bâtiments massifs qui abritent les systèmes informatiques qui font fonctionner l'internet.

Gerry : ces centres de données font la taille de plusieurs terrains de football remplis de milliers, de millions d'ordinateurs qui fonctionnent 24 heures sur 24, stockant et traitant des données, consommant d'énormes quantités d'électricité.

Annik : Quelles sont les conséquences de ces centres de données pour l'environnement?

Gerry : Il y a le réchauffement climatique, qui est déterminé par la consommation d'électricité. Ils affirment assurer la durabilité, mais comme la croissance se fait à un rythme phénoménal, ils provoquent une augmentation de la consommation de charbon et une hausse massive de la consommation de gaz naturel, entre autres. On est censés réduire la consommation de pétrole d'ici 2030, mais elle augmentera plutôt de 10 %. En raison de toute l'énergie durable qui entre sur le réseau, ce dernier n'est pas en mesure de s'adapter à la croissance phénoménale qui se produit dans les secteurs économiques, croissance en grande partie attribuable à l'intelligence artificielle et aux centres de données.

Il y a également la crise mondiale de l'eau. D'ici 20 ou 30 ans, peut-être, la moitié des habitants de la planète manquera d'eau potable. De nombreux centres de données sont établis dans des pays qui connaissent des problèmes d'approvisionnement en eau. On utilise donc l'eau de manière insouciante, et on n'utilise pas l'eau de pluie, mais plutôt celle qui se trouve dans les aquifères depuis des milliers ou des millions d'années, et on l'épuise à un rythme effrayant.

Donc, lorsqu'on analyse les crises auxquelles la race humaine est confrontée, on ne peut pas s'arrêter au CO2 et au réchauffement climatique. Neuf principaux facteurs contribuent à la catastrophe environnementale. Il y a le sol, la biodiversité, les produits chimiques, les plastiques, le phosphore et le nitrogène. Il y a donc de multiples facteurs dans cet environnement. L'eau douce fait partie de ces neuf facteurs, et elle diminue grandement. Mais les demandes en eau douce explosent de la part des centres de données et de l'intelligence artificielle.

Annik : Les données stockées dans ces centres sont-elles au moins importantes?

Gerry : Bien sûr, il y a les données qu'on stocke pour différentes raisons, par exemple à des fins historiques. Il y a toutes sortes de stratégies utilisées, dont le stockage des données fréquemment consultées et le stockage des données rarement consultées, qui peuvent être des milliers de fois moins énergivores et moins polluantes, mais la plupart des organisations ne les utilisent pas. C'est plus facile. L'une des définitions des mégadonnées est qu'il coûte moins cher de stocker les données que de réfléchir à comment les utiliser.

Annik : Je ne pense pas que l'on puisse parler de l'impact des données sur l'environnement sans parler de l'Intelligence artificielle, ou l'IA. Quel est l'impact de l'IA sur l'environnement, et de quelle manière l'aide-t-elle ou l'entrave-t-elle?

Gerry : À l'heure actuelle, chaque point positif de l'IA entraîne cent points négatifs. Les capacités de l'IA sont extraordinaires, voire incroyables à long terme, mais, pour le moment, l'IA n'arrive même pas à dire la vérité.

OpenAI a publié une déclaration. Ils ont récemment affirmé que les faits étaient un domaine de recherche sur lequel ils travaillaient en ce moment. Quel est le but de l'IA sinon de nous fournir des renseignements exacts? Ils ne prétendent même pas pouvoir nous fournir des renseignements exacts. C'est en fait un jouet qui produit quelque chose qui semble intéressant, mais si vous êtes un expert en programmation et que vous posez une question profonde à l'IA, les chances d'obtenir une réponse exacte qui vous sera utile sont d'environ 20 %.

Alors pourquoi l'IA est-elle aussi dommageable? Une recherche réalisée au moyen de l'IA consommera environ 10 fois plus d'énergie qu'une recherche effectuée sur Google. Lorsque vous faites une recherche sur Google, le moteur cherche dans une base de données de fichiers non hiérarchiques, une archive ou un index. C'est comme une page déjà préparée, donc la recherche nécessite beaucoup moins d'énergie. En revanche, une recherche réalisée au moyen de l'IA utilise davantage une base de données et lance des activités de traitement et d'interrogation. Notre façon de gérer la technologie est très immature.

J'ai fait mon entrée dans l'industrie dans les années 1990 sur le Web, et il fallait avoir un site Web, mais on ne s'est pas vraiment penchés sur la nécessité d'avoir un site Web. Ensuite il fallait une application, puis un robot conversationnel, puis l'IA. On doit réfléchir davantage et se demander si tout ça est utile. En a-t-on vraiment besoin? La majorité des environnements de données seraient cent fois mieux si on prenait d'abord le temps de nettoyer les données. On n'aurait jamais connu les problèmes qu'on connaît actuellement en matière de stockage, par exemple.

À un moment donné, il faut que des gestionnaires fassent preuve de jugement et posent de sérieuses questions. Ce n'est pas parce que c'est une innovation que c'est une amélioration.

Annik : Ce n'est pas parce que tu peux que tu dois le faire.

Gerry : Exactement.

Annik : Nous devons nous demander si ces données valent la peine d'être collectées? De les conserver? Pendant combien de temps?

Sur mon téléphone, j'ai une vidéo de mes parents qui dansent ensemble pour célébrer leur 50e anniversaire de mariage. C'est une donnée sentimentale qui vaut la peine d'être conservée et stockée. À l'inverse, je n'ai pas besoin de 70 photos presque identiques de mon chat, même s'il est très mignon, quand une seule photo suffit.

Il s'agit là de micro-exemples au niveau personnel et individuel. Mais il ne s'agit pas d'une question individuelle. Les organisations, les entreprises, les gouvernements traitent de quantités massives de données, plus que jamais auparavant.

StatCan en sait beaucoup sur la gestion des données, alors faisons entrer quelqu'un de nouveau dans la conversation. De qui s'agit-il?

 Eric : Eric Rancourt, statisticien en chef adjoint, gestion stratégique des données, méthode et analyse. Je suis aussi gestionnaire principal des données à Statistique Canada.

Annik : Alors, on vient d'apprendre que les données et le monde numérique ont un coût. Est-ce que c'est le tableau complet?

Eric : Non, en fait, il faut regarder aussi la production d'informations qu'on offre pour les Canadiens. Il y a toute une série d'informations qui permettent de prendre des décisions et si on n'a pas ça, on n'a pas toute l'information.

Annik : Au cas où il serait nécessaire de le dire, la solution à la surabondance, au débordement et à l'excès de données n'est pas de rassembler tous les disques durs et de les jeter dans un feu de camp.

Les données sont des informations et l'information est puissante.  Étant donné que vous écoutez un balado de StatCan, je ne pense pas que vous ayez besoin d'être convaincu de l'importance des données.  Mais les données ne sont pas seulement nécessaires au fonctionnement de notre société. Elles sont également nécessaires pour l'environnement.

Eric : En fait, il y a beaucoup d'informations qu'on peut produire maintenant grâce à l'intelligence artificielle, de l'information qu'on ne pouvait pas produire auparavant. Ça nous permet de limiter la duplication qu'il peut y avoir entre les différentes sources de données au Canada et à Statistique Canada.

Ça nous permet aussi d'intégrer l'information de nouvelles façons qu'on ne pouvait pas avant. Donc, vu qu'on peut intégrer, qu'on peut éviter la duplication, ça permet d'augmenter l'efficacité. Puis, ce faisant, il y a moins d'impact sur l'environnement.

Annik : Pouvez-vous me donner les grandes lignes du recensement de l'environnement

Comment le recensement de l'environnement considère-t-il le monde naturel différemment du PIB, soit le produit intérieur brut?

Eric : Oui, en fait, si on commence avec le PIB, le produit intérieur brut, ça mesure les interactions que les Canadiens ont entre eux, ça mesure les interactions que les entreprises ont et… Si on regarde, par exemple, la nature, à mesure qu'on coupe des arbres, qu'on détruit des arbres, ça fait de la production économique, mais ça détruit les arbres.

Avec le recensement de l'environnement, on va pouvoir mesurer quels sont les stocks, quelles sont les quantités, quel est l'état de l'environnement au Canada, si on regarde du point de vue des forêts, les systèmes hydrauliques, les bassins, on peut regarder l'agriculture. Donc, le recensement va nous donner un portrait beaucoup plus complet de l'ensemble de l'environnement canadien. À partir de ce moment-là, on va avoir la capacité de mesurer le changement, donc l'impact de l'activité humaine sur l'environnement.

Annik : Il s'agit avant tout d'évaluer les coûts. Les données ont un coût, mais l'absence de données a également un coût. Si vous ne connaissez pas la taille d'une forêt, comment saurez-vous si elle rétrécit?

Pourriez-vous nous parler de la gestion responsable des données?

Eric : Quand on fait la collecte de l'information, quand on fait le traitement de l'information, on veut toujours s'assurer que ce soit responsable. Et ça, ça veut dire que si on pense aux biens publics, on veut avoir une approche qui est proportionnelle en termes d'efforts pour ne pas aller chercher plus d'informations que ce qui est requis.

Selon la loi sur la statistique et dans la pratique on vise à éviter la duplication d'informations dans l'ensemble de l'appareil statistique puis aussi on veut s'assurer de produire des données intégrées donc en faisant tout ça on s'assure de produire de l'information qui soit juste mais en même temps efficace en évitant la prolifération des ensembles de données donc quand on fait ça, directement et indirectement, on protège l'environnement.

Annik : J'ai posé la même question à Gerry. Pourriez-vous nous parler de la gestion responsable des données?

Gerry : Il faut d'abord se questionner sur la nécessité de recueillir les données. La première question à se poser est, comme vous l'avez dit, juste parce que nous le pouvons… On a aujourd'hui des capacités qu'on n'a jamais eues, donc il faut se questionner à savoir si on a réellement besoin de ça ou si on en a besoin pour telle ou telle chose, à tel ou tel niveau.

Il ne s'agit pas uniquement de la quantité ou du type de données, mais de l'ampleur du besoin de recueillir les données. Il faut commencer par se demander si on a vraiment besoin de recueillir les données en question. Ensuite, il faut déterminer la quantité minimale de données à recueillir et la période minimale de temps pendant laquelle on doit les stocker et, enfin, la vitesse à laquelle on peut les archiver et, ultimement, les supprimer.

Si vous êtes un archiviste professionnel, historiquement, les archivistes professionnels conservent de 2 % à 5 % de l'ensemble des données. Si vous en conservez trop, vous ne pouvez pas utiliser les archives. Le travail de l'archiviste est donc de déterminer les choses vraiment importantes.

Voilà l'ironie des sociétés futures. En fait, dans cent ans, il y aura probablement moins de choses disponibles pour 2020 que pour 1920, parce qu'on a conservé beaucoup de choses, mais sur des supports instables. Les lecteurs de disque dur et même les cassettes sont beaucoup moins stables à long terme que le papier. Alors, voilà l'ironie. On n'a jamais créé autant de données, mais historiquement parlant, il y aura probablement moins de données sur nous. Aussi, l'IA aura probablement réécrit l'histoire 10 millions de fois, et ça, c'est un autre problème de l'IA, c'est-à-dire sa capacité à retourner dans le temps et à réécrire l'histoire.

Je pense qu'on a besoin de personnes qui font preuve de jugement, et non de personnes qui mettent l'accent sur l'intelligence. C'est l'intelligence qui est à l'origine du problème dans lequel on se trouve, mais le bon sens nous en sortira. On a besoin de parents qui font preuve de jugement. On a besoin de gestionnaires qui font preuve de jugement. Et faire preuve de jugement, c'est de savoir que ce n'est pas parce qu'on peut le faire qu'on doit le faire.

Annik : Si quelqu'un souhaite en savoir plus sur votre travail, où doit-il aller?

Gerry : Vous pouvez consulter mon site Web principal à gerrymcgovern.com. Le livre, le dernier que j'ai écrit sur ces enjeux, s'intitule World Wide Waste.

Annik : Et bien sûr, vous pouvez en savoir plus sur le Recensement de l'environnement sur le site Web de StatCan. Nos invités étaient Gerry McGovern et Eric Rancourt, merci à tous les deux d'avoir partagé votre expertise !

Notre prochain épisode nous vient de l'équipe du podcast La science simplifiée de Ressources naturelles Canada. Je passe le micro à Joel Houle.

Joël Houle : Les forêts urbaines sont fascinantes. Les arbres dans les villes et les localités ne font pas qu'embellir le paysage. Ils améliorent la qualité de l'air, font baisser le mercure et fournissent un écosystème essentiel à un grand nombre d'animaux. La gestion d'une forêt urbaine est complexe. Planter le bon arbre au bon endroit semble assez simple, mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Nous avons communiqué avec deux experts du Service canadien des forêts pour discuter de la gestion des forêts urbaines. Bonne écoute.

Bienvenue à ce nouvel épisode de La science simplifiée, le balado qui vous parle de l'excellent travail scientifique que font nos experts à Ressources naturelles Canada. Je m'appelle Joël Houle. Nous avons préparé un épisode incroyable pour vous. Nous découvrirons le monde fascinant des forêts urbaines et le rôle fondamental qu'elles jouent dans la transformation des jungles de béton en milieu de vie vibrant et verdoyant.

Accueillons maintenant nos invités pour discuter des forêts urbaines.

Nous avons avec nous aujourd'hui Sarah Yoga et Christian Couture. Sarah et Christian, ça va bien.

Christian Couture : Ça va bien, et vous-même?

Joël : Très bien. Merci.

Sarah Yoga : Bonjour.

Joël : Bonjour. Est-ce qu'on peut commencer par apprendre à vous connaître? Sarah, est-ce que tu peux nous parler de toi?

Sarah : Oui. Bonjour. Je m'appelle Sarah Yoga. Je suis analyste de politiques à Ressources naturelles Canada. Je travaille au Service canadien des forêts au sein de l'Unité de foresterie urbaine. Comme le nom l'indique, je couvre, avec mon équipe, différentes thématiques qui reposent sur la foresterie urbaine.

Christian : Bonjour, je m'appelle Christian Couture. J'ai travaillé plus de dix ans au Service canadien des forêts. Maintenant, je viens à titre de professionnel de politique publique, puisque je suis maintenant à l'emploi d'Infrastructure Canada.

Joël : Super. Merci beaucoup. Le terme forêt urbaine, pour moi, c'est une sorte de paradoxe qui prête un peu à confusion. Qu'entend-on par forêt urbaine?

Christian : On peut prendre différentes perspectives. C'est un terme, un concept qui peut être flexible selon les organisations et selon la perspective qu'on prend. Si on veut être simple, on peut dire c'est le couvert forestier au sein d'un territoire, d'une municipalité, d'une MRC (municipalité régionale de comté), d'une autorité régionale ou quoi que ce soit. Si on veut parler de forêt périurbaine, ça peut inclure les arbres, ça peut inclure les arbustes, les parcs urbains, les arbres sur les terrains privés et institutionnels qui appartiennent au gouvernement ou à un organisme public. Évidemment, la FAO, la Food and Agriculture Organization des Nations Unies, peut avoir une définition. Les différents gouvernements étrangers, les différentes juridictions peuvent avoir aussi une définition qui leur est propre. C'est comme ça qu'on peut approcher ça. Sarah, est-ce que tu as des vues sur la définition?

Sarah : Oui. Effectivement, quand on parle en fait d'un milieu urbain, on va sûrement penser aux buildings, on va sûrement penser aux voitures, on va sûrement penser aux routes, mais les arbres, ils ont aussi leur place au sein de notre environnement urbain et un rôle à jouer. Lorsque l'on parle de foresterie urbaine, on peut penser à tous les arbres, donc les arbres le long des routes, le long des chemins, les arbres dans les parcs, les arbres dans les espaces naturels qui se trouvent donc au sein d'une ville, d'un village et aux alentours. Tout ça est désigné par le terme foresterie urbaine. Aussi, lorsque l'on parle de foresterie urbaine, il faut aussi inclure un plan de gestion ou un plan d'entretien, un plan de conservation de ces arbres.

Joël : Pourquoi les forêts urbaines sont-elles si importantes?

Sarah : C'est une très bonne question. Les forêts urbaines sont très importantes parce que déjà, elles façonnent notre environnement et aussi l'on peut tirer différents bénéfices de ces forêts. Par exemple, les arbres ont la capacité d'absorber le carbone ou encore d'absorber d'autres particules dans l'atmosphère, ce qui permet de purifier l'air. Ça permet également de diminuer la température. Aussi, la forme des arbres ou leur composition nous permet d'avoir des avantages en termes d'ombrage. C'est quelque chose que nous apprécions fort pendant l'été.

Les arbres créent également de l'emploi. Nous pouvons penser à tous les métiers au niveau de l'arboriculture, tous les professionnels qui permettent de couper, de tailler, d'améliorer les arbres. Les arbres aussi, en forêt, contribuent à la biodiversité. Il y a certaines espèces faunistiques et floristiques qui cohabitent avec les arbres, qui coexistent avec les arbres. Avoir des arbres en milieu urbain permet de rapporter cette biodiversité à notre portée.

Christian : Je peux compléter. C'est vrai que lorsqu'on parle de l'importance des forêts urbaines au Canada, au Québec, en Ontario, entre les provinces, il faut aller au-delà de la considération esthétique. Évidemment, c'est beau un arbre sur un terrain d'une maison, un arbre majestueux qui surplombe la maison et le voisinage. Comme Sarah le dit, les forêts urbaines ou les couverts forestiers – au sein de territoires, de municipalités ou des autorités régionales, d'administrations régionales – génèrent beaucoup de services écologiques, environnementaux et économiques également.

Des arbres qui sont à proximité d'édifices ou de résidences ou de maisons génèrent de l'ombre, donc on fait baisser notre facture d'électricité. En cause, on peut mettre la climatisation. C'est un exemple parmi tant d'autres. Également, des couverts forestiers, des végétations dans des secteurs minéralisés, comme Sarah l'a dit, ça génère des services en matière de santé publique à l'effet que les arbres apportent de l'ombre aux secteurs où il y a des îlots de chaleur. Les gens peuvent avoir des maladies, aussi cardio, mais respiratoires. Je ne suis pas médecin, je ne veux pas m'aventurer dans des termes médicaux, mais ça atténue les impacts des îlots de chaleur en milieu urbain.

Sarah : Aussi, un autre bienfait des arbres, c'est qu'ils jouent un rôle important dans notre santé, notre bien-être. Faire une marche dans la forêt, c'est tout à fait bénéfique. On se sent ressourcé, donc cela démontre l'importance des arbres.

Joël : C'est la santé physique, mais aussi la santé mentale.

Sarah : Effectivement.

Christian : Ce sont des composantes essentielles et importantes pour la résilience des communautés. La résilience est un concept très élastique, mais une population en santé qui a accès à des espaces verts pour diverses activités, que ce soit récréatives ou simplement pour prendre l'air, ça fait des citoyens productifs, donc ça a des bons impacts économiques éventuellement également.

Joël : Où est notre science, ici à Ressources naturelles Canada, entre-t-elle en jeu lorsqu'il s'agit de la gestion des forêts urbaines?

Christian : On peut dire que notre science peut contribuer à identifier les bons arbres, à planter au bon endroit au bon moment selon les zones climatiques. Les zones de rusticité, je crois. C'est la carte des zones de rusticité. Tu peux me corriger, Sarah? On a élaboré une application pour téléphone intelligent il y a quelques années qui s'appelle Mon Arbre, qui offre aux Canadiens des informations sur les zones climatiques et une sélection d'arbres, des essences indigènes (je pense que c'est comme ça qu'on dit en français), des espèces indigènes canadiennes et exotiques à considérer pour planter dans ces zones climatiques, qui ont un bon potentiel de survie. Ce n'est pas un guide de plantation. C'est seulement un guide indicatif pour les Canadiens et Canadiennes qui désirent planter des arbres.

Sarah : Oui, effectivement. Ce que je pourrais ajouter – Christian nous a parlé des cartes de rusticité des arbres – c'est que nous sommes en train de les actualiser. Ces cartes nous indiquent les limites géographiques de croissance d'une certaine espèce, donc ça nous permet de savoir où planter quelle espèce et à quel moment. Nous sommes contents de pouvoir les réactualiser, pour pouvoir prendre en considération des nouvelles données climatiques. Ces produits seront disponibles au courant de 2024. Un autre élément qu'apporte Ressources naturelles Canada en ce qui concerne la foresterie urbaine, c'est le plan de 2 milliards d'arbres où le Ministère a une enveloppe d'à peu près 10 % de son budget qui est consacrée à la plantation des arbres en milieu urbain. C'est une bonne nouvelle pour la forêt.

Joël : Vous avez mentionné le climat. On s'attend à ce que le changement climatique ait un impact sur les forêts canadiennes. Certains arbres ont tendance à prospérer dans un climat spécifique. Si le climat change, cela peut avoir un impact sur l'ensemble du paysage forestier, quel sera l'impact du changement climatique sur les forêts urbaines?

Sarah : C'est une très bonne question. C'est vrai que d'une manière générale avec les changements climatiques, on peut s'attendre à certains endroits à des hivers un peu plus doux ou à d'autres endroits avoir des étés beaucoup plus chauds et beaucoup plus secs. Il est important de noter que les arbres sont quand même des espèces assez résilientes, donc on ne verra pas immédiatement les effets des changements climatiques sur les arbres. Par contre, à long terme, ces changements climatiques créent des stress au niveau des arbres, donc amènent une certaine vulnérabilité à ces arbres. On peut notamment penser à des invasions biologiques de certaines espèces, certains insectes ou certains envahisseurs qui vont détruire nos arbres. Je pourrais aussi ajouter que le froid est une sorte de barrière naturelle, qui a un effet protecteur sur les arbres. L'absence de ce froid va augmenter la vulnérabilité de nos arbres.

Christian : Je pourrais compléter le propos de Sarah en disant que les changements climatiques à moyen et long terme vont provoquer éventuellement, tout dépendant de la volonté des administrations municipales, de diversifier les espèces en milieux urbains. On a tous entendu parler des ravages de l'agrile du frêne. Pourquoi ça a causé tant de ravages? C'est parce que la variété d'espèces était limitée, c'est-à-dire que les villes ont planté beaucoup de frênes pour toutes sortes de considérations. De plus en plus, on réclame d'accroître la mixité ou la variété des espèces en milieu urbain pour rendre les forêts urbaines plus résilientes face aux pressions générées, notamment par les espèces envahissantes, les ravageurs forestiers et autres pressions générées par les changements climatiques.

Dans certaines villes, il y a beaucoup, par exemple, d'érables de Norvège ou certains types d'érables qui ont été considérés pour soit des considérations budgétaires ou c'est facile à entretenir, mais comme je le disais, plusieurs spécialistes qui plaident pour une plus grande variété des espèces au sein des agglomérations.

Joël : Comment décide-t-on du type d'arbre à planter et où? Comment serait la compatibilité avec l'environnement dans lequel ils sont plantés et respecter les écosystèmes existants?

Christian : Les éléments à considérer avant de planter un arbre : il faut s'assurer que le sol est adéquat, puisse accueillir l'arbre, une luminosité adéquate. Il faut décider si l'arbre est capable de tolérer l'ombre ou de tolérer énormément d'ensoleillement. Évidemment, la zone climatique. Est-ce que votre arbre peut tolérer les variations de température et de climat? Si vous êtes dans la bonne zone, vous pouvez télécharger l'application Mon Arbre produite par le Service canadien des forêts et RNCan. Également, la hauteur maximale de l'arbre, ainsi que la largeur du feuillage pour éviter qu'il touche, par exemple, les fils électriques, une question de sécurité également et les autres édifices. D'abord et avant tout, il faut s'assurer qu'on trouve les bonnes informations pour trouver le bon arbre au bon endroit qui correspond au bon écosystème auprès de votre pépinière préférée dans votre localité. Ce sont les experts.

Sarah : Voilà, effectivement, il faut connaitre le milieu, savoir quel est le milieu dans lequel on veut planter les arbres, comme Christian l'a bien décrit. Il faut aussi connaitre les spécificités de l'arbre. Qu'est-ce qu'on veut planter? Qu'est-ce qu'il préfère? Qu'est-ce qu'il ne préfère pas et voir si les deux se marient pour pouvoir optimiser la plantation de ces arbres? Je pourrais également ajouter qu'il faudrait favoriser la diversité des arbres, donc éviter de planter en monoculture.

Joël : Je vois, c'est beaucoup d'informations, mais peut-être que ce qu'on peut faire, c'est avoir un lien à l'application Mon Arbre (c'est ça?), Mon Arbre dans la description de notre balado. Que pouvons-nous faire, moi-même et nos auditeurs, pour aider les forêts urbaines à prospérer?

Sarah : Une chose que nous pouvons faire, c'est d'être de bons citoyens et de vérifier, regarder nos arbres, s'assurer qu'ils sont en bonne santé. Si un arbre, par exemple, perd des feuilles de manière anormale ou que les feuilles ont certaines tâches qui sont anormales, prévenir les services compétents. Une autre chose également que nous pouvons faire, c'est éviter tout ce qui est graffiti ou gravure sur les arbres. Je sais que c'est joli de noter un petit message d'amour, les initiales sur les arbres, mais malheureusement, ça fragilise les arbres.

Christian : Oui, tout à fait. Également, lorsqu'on prend une décision de planter un arbre, premièrement, il faut respecter son budget. Deuxièmement, choisir une essence appropriée, parce que chaque arbre compte. Évidemment, c'est pour les citoyens privés qui veulent planter un arbre sur leur terrain ou leur cour arrière. Si les gens se sentent engagés au niveau communautaire, gardez un œil sur nos administrations municipales, à savoir si les budgets des administrations municipales sont suffisants ou sont appelés à être réduits. En ces temps d'inflation, les infrastructures tombent un peu partout, les administrations municipales font des choix. Être un citoyen attentif qui observe les mairies et les hôtels de ville, parce que souvent, les questions forestières ne sont pas mises de côté, mais souvent entre la réfection d'un égout, un trottoir et planter un arbre, parfois, les choix peuvent être peu déchirants, donc il faut être un citoyen, un contribuable aussi, éclairé.

Sarah : Un autre élément que je pourrais également rajouter, c'est de laisser suffisamment de place à l'arbre pour qu'il puisse croître. Avant d'ériger une clôture ou dans les travaux de construction, il faut vraiment penser à l'arbre, qu'il a besoin de croître, qu'il a besoin de s'étendre de manière naturelle. Il a besoin de cet espace, donc ce serait bon de prendre ça en considération également.

Joël : Christian et Sarah, merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir jaser avec nous aujourd'hui.

Sarah : Merci.

Christian : Merci, ça me fait plaisir.

Joël : Merci, Sarah et Christian, pour cette conversation forte intéressante. Nous sommes vraiment choyés de pouvoir nous entretenir avec autant d'experts et d'avoir accès à leur incroyable bagage de connaissances. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous à notre chaîne. Vous pouvez aussi nous envoyer des commentaires ou partager l'épisode sur les médias sociaux. La science simplifiée a aussi un site web et une chaîne YouTube que je vous recommande fortement de visiter. Nous avons des articles et des vidéos intéressants sur le travail scientifique exceptionnel qui se fait ici à Ressources naturelles Canada. Merci de votre écoute, ne ratez pas le prochain épisode.

Annik : Vous venez d'écouter une édition spéciale de Hé-coutez bien!

Vous pouvez vous abonner à cette émission partout où vous recevez vos balados. Vous y trouverez également la version anglaise de notre émission, intitulée Eh Sayers. Si vous avez aimé cette émission, n'hésitez pas à la noter, à la commenter et à vous abonner. Et merci de nous avoir écoutés !

Adoption d'une pratique de MLOps générale pour les applications de production de l'apprentissage automatique dans l'Indice des prix à la consommation canadien

Par Christian Ritter, William Spackman, Todd Best, Serge Goussev, Greg DeVilliers et Stephen Theobald, Statistique Canada

Introduction

Statistique Canada (StatCan) est passé à une stratégie qui accorde la priorité aux données administratives (Stratégie des données de Statistique Canada). Parallèlement, l'organisme a également étudié et exploité l'apprentissage automatique (AA) (Projets en science des données) de façon accrue, non seulement en raison du volume et de la vitesse des nouvelles données, mais aussi en raison de leur diversité, certaines parties des données étant non structurées ou semi-structurées. Le Cadre pour l'utilisation responsable de l'apprentissage automatique (Utilisation responsable de l'apprentissage automatique à Statistique Canada) a permis d'orienter l'adoption de l'AA par StatCan en vue de la réalisation d'investissements à l'appui d'applications et de méthodes fiables. Cette adoption a également mis l'accent sur le développement d'un code de niveau de production et d'autres pratiques exemplaires (Code de niveau de production dans le domaine de la science des données). L'un des types de pratiques exemplaires élaborés met l'accent sur la transparence, la reproductibilité, la rigueur, l'évolutivité et l'efficacité — des processus également connus sous le nom d'opérations d'apprentissage automatique, ou MLOps. Le présent article propose un aperçu des investissements réalisés et des projets d'élaboration de MLOps à StatCan, en se concentrant sur le cas d'utilisation des statistiques sur les prix, en particulier pour l'Indice des prix à la consommation (IPC) canadien.

À l'instar de nombreux organismes nationaux de statistique (ONS), le programme de l'IPC de StatCan tire avantage de l'AA supervisé pour classer de nouveaux produits uniques (UN Task Team on Scanner Data, 2023 (en anglais seulement)) provenant de sources de données de rechange (p. ex. données de lecteurs optiques, extraites du moissonnage du Web ou administratives) dans les classes de produits utilisées pour l'IPC. Les données administratives de l'économie de consommation soulèvent une préoccupation particulière, à savoir le dynamisme au fil du temps, avec l'arrivée de nouveaux produits sur le marché et le retrait d'anciens produits. Du point de vue de l'AA, cette évolution au fil du temps peut être considérée comme le déplacement progressif de la répartition des données à classer pour chaque mois, par rapport à la répartition sur laquelle un modèle d'AA a été entraîné, ce qui donne lieu à une dégradation graduelle du modèle (voir la figure 1 pour obtenir une visualisation du concept). Comme le montrent Spackman et coll., 2023 (en anglais seulement) et Spackman et coll., 2024 (en anglais seulement), une classification erronée peut également avoir des répercussions sur un indice de prix. Une approche fiable est donc nécessaire pour combiner l'observation des données et des modèles, la validation des enregistrements pour corriger les classifications erronées, et un réentraînement fréquent pour s'assurer que les indices de prix ne sont touchés par aucune classification erronée. Le cadre des MLOps permet de répondre à ces préoccupations grâce à un processus fiable de production d'AA.

Figure 1 : Dérive conceptuelle et réentraînement — incidence sur le rendement du modèle
Description - Figure 1 : Dérive conceptuelle et réentraînement — incidence sur le rendement du modèle

Le rendement de la classification sur les nouveaux produits observés dans les données recueillies grâce au moissonnage du Web baisse de façon constante au fil du temps. Cependant, le réentraînement du modèle sur une base périodique (p. ex. tous les trois mois) permet d'améliorer le rendement.

Pourquoi le cadre des MLOps est-il utile dans cette situation?

L'application de l'AA à un processus de production nécessite un examen approfondi de plusieurs besoins opérationnels de l'utilisateur final notamment des suivants :

  • Efficacité globale, telle que la rentabilité de la gestion
  • Capacité d'effectuer l'inférence de modèle sur la production de mégadonnées avec leurs 5V (volume, véracité, vitesse, variété et valeur)
  • Assurance d'une utilisation transparente et efficace des algorithmes très complexes
  • Assurance d'un rendement fiable et acceptable du modèle en continu assorti d'un risque faible
  • Assurance de l'utilisation de nombreux modèles, en parallèle ou au moyen de mises à jour
  • Gestion de la dépendance complexe de cadres et de progiciels d'AA en accès libre
  • Satisfaction des besoins organisationnels en matière de gouvernance.

Pour répondre à ces besoins opérationnels, le modèle courant d'AA n'est qu'un infime élément dans le contexte du processus global de production d'AA, comme il est souligné par Sculley et coll., 2015 (en anglais seulement), et comme l'illustre la figure 2.

Figure 2 : Profondeur technique cachée dans les systèmes d'AA, adaptée de la figure 1 dans Sculley et coll., 2015.
Description - Figure 2 : Profondeur technique cachée dans les systèmes d'AA, adaptée de la figure 1 dans Sculley et coll., 2015.

L'AA, comme la modélisation elle-même, est en fait une petite composante de nombreuses composantes plus importantes lorsqu'il s'agit de systèmes de production fiables. Par exemple, la configuration est un sujet important, et il est indispensable de disposer d'un traitement pour servir, observer ou analyser le modèle et le rendement. L'élaboration de processus de vérification des données, de gestion des ressources et des processus, et de collecte et d'extraction de données, sont autant d'éléments dans lesquels il est également nécessaire d'investir.

De manière générale, des efforts considérables sont déployés depuis des décennies pour répondre à des besoins opérationnels semblables (en particulier dans le secteur financier), mais ces efforts ont été grandement renforcés lorsque l'AA s'est généralisé dans toutes les industries et que des besoins supplémentaires sont apparus, notamment la nécessité de traiter des mégadonnées et des réseaux neuronaux de plus en plus complexes. Le cadre des MLOps est le processus de production d'AA qui vise à répondre à tous les besoins opérationnels courants susmentionnés. Le cadre des MLOps d'aujourd'hui peut être considéré comme un paradigme ou une approche permettant la livraison automatisée, efficace, transparente et itérative de modèles d'AA en production, tout en se concentrant sur les exigences opérationnelles et réglementaires. Il présente donc de nombreux avantages, en particulier pour StatCan. Le cadre des MLOps couvre les méthodologies statistiques (p. ex. détection des dérives, classification erronée), les pratiques exemplaires en matière de génie logiciel (p. ex. DevOps), et l'infrastructure et les outils (infonuagiques) (p. ex. conception des systèmes, observation, solutions évolutives).

L'approche automatisée et itérative du cadre des MLOps s'inspire des pratiques DevOps du génie logiciel, ce qui, dans le contexte de l'AA, aide à réaliser des économies et à accroître la vitesse de création et de déploiement des modèles, permettant ainsi l'utilisation de nombreux modèles. En outre, la gouvernance et la transparence s'améliorent grâce à l'utilisation du cadre des MLOps. Le processus de création de modèles, avec son approche complexe en plusieurs étapes tenant compte des dépendances de données et de logiciels, est représenté par des pipelines d'entraînement. Un (ré)entraînement fréquent des modèles (réentraînement continu) est souvent nécessaire pour atténuer la dégradation de l'exactitude des modèles d'AA imputable à la dérive des données.

En complément, le processus de déploiement des modèles s'inspire souvent du génie logiciel avec le concept de « déploiement » du logiciel, du modèle et de ses dépendances, dans un environnement de production isolé. Le déploiement s'effectue souvent sur une infrastructure évolutive (c.-à-d. dans laquelle il est facile d'augmenter ou de réduire les ressources informatiques) pour gérer les caractéristiques des mégadonnées; le modèle est encapsulé et intégré dans une interface claire et conviviale (c.-à-d. capable d'interagir par une interface de programmation d'applications, ou API). Ce processus comporte des composantes propres à l'AA, telles que la nécessité d'enregistrer et d'observer le comportement du modèle et des données, et potentiellement d'autoriser la fonctionnalité d'interprétabilité ou d'explicabilité de l'AA.

Comment l'approche des MLOps s'intègre-t-elle aux besoins en matière de statistiques de prix?

L'AA supervisé est un outil clé dans les pipelines de traitement des statistiques des prix à la consommation. Plus précisément, comme l'IPC est calculé à partir d'indices de prix pour des agrégats élémentaires (des associations de classes de produits et de classes géographiques) (Le document de référence de l'Indice des prix à la consommation canadien, Chapitre 4 – Classifications), la classification doit être effectuée pour les produits uniques dans leurs codes de produits respectifs appropriés (c.-à-d. les catégories). D'un point de vue technique, il s'agit d'un problème de traitement du langage naturel, semblable à d'autres exemples de StatCan (Classification des commentaires sur le Recensement de 2021), où le texte décrivant un produit est utilisé par le modèle pour classer le produit dans un groupe utilisé pour les indices de prix. La classification n'étant pas parfaite, une validation manuelle des enregistrements est nécessaire pour corriger les erreurs avant de compiler les indices de prix. Cette validation permet en outre de créer de nouveaux exemples qui peuvent être utilisés comme données de réentraînement. StatCan possède une vaste expérience de ce processus, décrit plus en détail comme l'étape 5.2 du Modèle générique du processus de production statistique (GSBPM) (Classification des commentaires sur le Recensement de 2021). La figure 3 illustre que cette étape clé est au cœur d'un pipeline de traitement d'une source de données de rechange type, telle que des données de lecteurs optiques, avant que le fichier ne puisse être utilisé en production.

Figure 3 : Application des MLOps dans le pipeline de traitement des statistiques des prix à la consommation. Un processus manuel d'assurance de la qualité des enregistrements est utile non seulement pour valider l'étape de classification, mais aussi pour créer des données de réentraînement. Pour appuyer cette assurance de la qualité manuelle, on conçoit un processus précis de signalement de classification erronée et de valeur aberrante.
Description - Figure 3 : Application des MLOps dans le pipeline de traitement des statistiques des prix à la consommation. Un processus manuel d'assurance de la qualité des enregistrements est utile non seulement pour valider l'étape de classification, mais aussi pour créer des données de réentraînement. Pour appuyer cette assurance de la qualité manuelle, on conçoit un processus précis de signalement de classification erronée et de valeur aberrante.

Le pipeline de traitement des statistiques des prix à la consommation commence par l'assurance de la qualité de l'ensemble de données. Il se poursuit par la normalisation des données et leur ingestion dans un emplacement de stockage central aux fins d'analyse. À partir de là, des produits quasi identiques, mais homogènes peuvent être reliés entre eux, et la géographie est cartographiée pour les besoins des statistiques de prix. C'est à ce moment que l'on a besoin du système des MLOps pour classer chaque produit unique — dans la catégorie de produits à laquelle il devrait appartenir. Les enregistrements sont ensuite examinés manuellement, en accordant une attention particulière à ceux signalés comme ayant une classification erronée ou une valeur aberrante. Enfin, une agrégation élémentaire des prix peut être effectuée sur ces données, en fonction des strates nécessaires à cette méthodologie précise d'agrégation des prix.

L'adoption de principes de MLOps pour ce cas d'utilisation augmenterait considérablement la maturité du processus. Le tableau 1 ci-dessous résume la valeur promise (à gauche) et la manière dont elle répond aux besoins concrets en matière de statistiques de prix (à droite).

Tableau 1 : Résumé des capacités clés du cadre des MLOps et de la manière dont chacune d'entre elles soutient le cas d'utilisation des statistiques de prix.
Promesse des MLOps Satisfaction des besoins en matière de statistiques de prix
Économies de coûts générales Réduction des coûts liés aux calculs et au travail des scientifiques des données grâce à l'automatisation des processus
Stabilisation du pipeline pour l'ensemble du cycle de vie de l'AA grâce à des pratiques DevOps Réduction des risques d'erreurs et de frictions entre l'élaboration des modèles et la production
Réduction des frictions à chaque étape du processus des MLOps grâce à l'automatisation Automatisation d'étapes complexes du travail de science des données (p. ex. prétraitement et entraînement, reproductibilité et transparence du travail)
Réutilisation du pipeline de création de modèles pour produire des centaines de modèles Possibilité d'utiliser les modèles d'entraînement fondés sur de nouvelles données pour créer en permanence des modèles d'AA, en orientant le pipeline d'entraînement vers de nouvelles données
Capacité de déploiement accéléré et simplifié des modèles d'AA Réponse au besoin de produire plusieurs modèles par source de données de rechange à une fréquence plus élevée
Utilisation de l'emplacement central de suivi et de versionnage des modèles Entrepôt central de modèles et contrôle accru de l'historique et de la gouvernance requis pour tenir à jour des centaines de modèles
Échelonnage simple et automatisé du calcul pendant le processus des MLOps approprié au temps et à l'échelle nécessaires Capacité d'échelonnage en fonction de la quantité croissante de données à l'aide de systèmes de calcul de haute performance et de systèmes distribués; utilisation rentable
Observation prolongée : de l'observation de l'infrastructure à l'observation des modèles Garantie de la fiabilité du rendement des modèles en dépit d'une multitude de facteurs tels que les mises à jour des modèles, la dérive des données et les erreurs
Politique et déroulement des opérations communs Processus automatisé normalisé permettant à l'organisme de répondre à ses besoins en matière d'utilisation de l'intelligence artificielle (IA)
Gestion de dépendances complexes (en accès libre) Réduction du risque d'échec (silencieux) grâce à des pratiques exemplaires de génie logiciel, comme la virtualisation, les essais, l'intégration continue (IC) et le déploiement continu (DC) (désignés ensemble « CI/CD »)
Audit et gouvernance Reproductibilité grâce au contrôle des versions de tous les artefacts d'AA; adoption simple de cadres de responsabilité et de contrôle tels que le cadre d'utilisation responsable de l'IA

Cheminement vers l'adoption au moyen du modèle de maturité itératif

Intégration au processus existant

Conformément à la description ci-dessus, la classification des produits (et la détection des valeurs aberrantes et des classifications erronées) fait partie des composantes d'un processus beaucoup plus vaste englobant des données d'autres sources. L'intégration doit donc être réalisée de manière modulaire et dissociée, en suivant les pratiques exemplaires de conception architecturale. Le service de classification ou le système des MLOps est exposé au reste du système de traitement au moyen d'API REST dédiées, ce qui permet une intégration en douceur. Les mises à jour et les modifications apportées à ce système des MLOps ne doivent pas avoir d'incidence sur le système global, tant qu'aucune modalité des contrats d'API n'est enfreinte.

Étapes de maturité

En fonction des besoins opérationnels et d'une étude de faisabilité, une approche itérative a été conçue pour l'adoption des MLOps selon quatre niveaux de maturité des MLOps. Ces étapes, semblables aux pratiques exemplaires de l'industrie telles que celles décrites par Google (MLOps: Continuous delivery and automation pipelines in machine learning (en anglais seulement)) ou Microsoft (Modèle de maturité des opérations de Machine Learning), adoptent un niveau croissant d'automatisation et de corrections pour une variété de risques. La génération de valeur est possible dès le niveau 1 en abordant les aspects les plus critiques de la production d'AA.

Tableau 2 : Modèle de maturité pour le cadre des MLOps
Maturité Couverture
Niveau 0 Avant l'adoption des MLOps; utilisation du bloc-notes Jupyter pour la modélisation et de scripts Luigi pour l'inférence et l'orchestration
Niveau 1 Entraînement automatique au moyen de pipelines d'entraînement continu, gestion des artefacts d'AA et contrôle des versions; contrôles et observation de la qualité des données de base
Niveau 2 Inférence automatique et évolutive du modèle d'AA sur de nouvelles données; déploiement continu vers des points d'extrémité évolutifs
Niveau 3 Observation assortie de détection des dérives fondée sur le rendement, déploiement de modèles fantômes, réentraînement automatisé, utilisation responsable de l'IA avec des cartes de modèles et établissement de rapports normalisés

Vue d'ensemble de l'architecture et des capacités du système

Avant de s'intéresser à chaque composante et capacité du système, on fournit une représentation visuelle de l'ensemble de l'architecture et du déroulement des opérations d'exécution. Les pipelines (sous forme de code) sont publiés dans l'environnement de production, puis exécutés selon les pratiques exemplaires des MLOps afin d'en garantir la reproductibilité. Des métadonnées sont conservées sur chaque aspect et la provenance est bien établie.

Flux de production

Tout d'abord, on décrit le déroulement des opérations qui survient pour chaque nouvel ensemble de données de détaillant. La figure 4 illustre les étapes qui peuvent être résumées comme un processus de traitement par lots en plusieurs étapes.

  1. État initial : Un nouvel ensemble de données de détaillant arrive dans l'entrepôt de données au moyen du processus bronze-argent-or.
  2. Un pipeline Synapse est déclenché pour extraire les nouvelles données uniques sur les produits dans le lac de données et appeler notre principal point d'extrémité REST.
  3. Le principal point d'extrémité REST exécute un pipeline d'orchestration qui interagit avec différents pipelines (composantes).
  4. Il appelle d'abord le pipeline de validation des données qui teste les attentes en matière de données définies au moyen de Great Expectations (GE) (Great Expectations Github (en anglais seulement)). Les rejets à la vérification donnent lieu à des rapports automatiques sur les données.
  5. Le pipeline de classification suit, utilisant le type de données et le détaillant en question comme paramètres pour repérer les modèles à production échelonnée dans le registre ainsi que les déploiements correspondants sous les points d'extrémité gérés, comme il convient dans ce cas.
  6. Les déploiements distribuent les données à travers plusieurs nœuds aux fins de traitement en parallèle.
  7. Les classifications qui en résultent sont validées et vérifiées pour détecter les valeurs aberrantes et les classifications erronées au moyen de méthodes versionnées. On attribue une catégorie aux valeurs aberrantes ou aux classifications erronées.
  8. L'orchestrateur place les données classées dans le lac, ce qui déclenche l'exécution d'un pipeline Synapse pour le chargement de ces données de sortie dans l'entrepôt de données.
  9. Les résultats de la classification et les données aux valeurs aberrantes sont réingérés dans l'entrepôt de données.
  10. Les résultats de la classification et les données aux valeurs aberrantes sont désormais accessibles dans l'entrepôt pour la consommation en aval (et surtout pour la validation).
Figure 4 : Schéma du déroulement des opérations de traitement de la production
Description - Figure 4 : Schéma du déroulement des opérations de traitement de la production

Voir le résumé du déroulement des opérations de production ci-dessus pour obtenir un aperçu détaillé étape par étape de ce processus en neuf étapes.

Déroulement des opérations de création de modèles

Le processus de création du modèle est effectué en marge du déroulement des opérations de production. La figure 5 illustre ces étapes.

  1. Le code de modélisation est poussé vers la branche de développement sur GitLab, ce qui déclenche le pipeline de DC pour intégrer le code du pipeline dans Azure Machine Learning (Azure ML).
  2. Dans le cadre du processus d'IC, le code est testé selon des procédures établies.
  3. Une fois approuvé par l'intermédiaire d'une demande de fusion, le pipeline de DC publie le pipeline d'entraînement dans l'espace de travail en tant que nouvelle version, où il devient disponible aux fins d'exécution. Remarque : Il contient la configuration d'entraînement pour différents détaillants, au besoin.
  4. Le pipeline d'entraînement peut être exécuté en le dirigeant vers un emplacement du lac de données où sont stockées les données d'entraînement (ou de réentraînement) prédéterminées. Cette étape peut être programmée aux fins d'exécution au moment de la création de données de réentraînement actualisées. Si l'entraînement est réussi, le modèle est inscrit au registre des modèles Azure ML, sous un nom et une version uniques.
  5. La définition du modèle en production est stockée dans un fichier de configuration sur GitLab; la modification de ce fichier entraîne une modification de la configuration du déploiement. Les modèles qui se trouvent sur MLflow (MLflow Tracking : Une façon efficace de suivre les essais de modélisation) sont désignés en conséquence dans le registre des modèles, puis déployés en tant que déploiement sous un point d'extrémité géré correspondant.
  6. Selon les besoins des données, un modèle peut être utilisé pour chaque détaillant ou pour plusieurs détaillants. Des modèles fantômes sont également utilisés, s'il y a lieu, pour permettre un processus fiable de mise à jour des modèles à l'issue d'une phase d'observation.
Figure 5 : De bout en bout : de l'entraînement au déploiement
Description - Figure 5 : De bout en bout : de l'entraînement au déploiement

Voir le résumé du déroulement des opérations de création de modèles ci-dessus pour obtenir un aperçu détaillé étape par étape de ce processus en six étapes.

Aperçu détaillé des capacités des MLOps

Bien que l'architecture du système permet d'automatiser de manière fiable tous les aspects nécessaires de la production et d'appuyer le réentraînement automatisé, ces étapes sont requises pour gérer la dérive des données.

Concept de dérive des données

Dans les environnements dynamiques et non stationnaires, la répartition des données peut changer au fil du temps, entraînant le phénomène de dérive conceptuelle (João et coll., 2014 (en anglais seulement)). Dans le contexte des données sur les prix à la consommation, cela pourrait se traduire par l'introduction de nouvelles catégories de produits sur le marché au fil du temps et par l'évolution des préférences des consommateurs. Le rendement du modèle se dégradera si la modification de la répartition des données modifie la limite de décision entre les classes, ce que l'on appelle la dérive conceptuelle réelle (figure 6).

Figure 6 : Types de dérives : les cercles représentent les instances, les différentes couleurs représentent les différentes classes (João et coll., 2014).
Description - Figure 6 : Types de dérives : les cercles représentent les instances, les différentes couleurs représentent les différentes classes (João et coll., 2014).

Un exemple simplifié est fourni pour expliquer la dérive. Les données d'origine (à gauche) suivent une répartition précise, et un modèle apprend à s'adapter à une limite de décision pour classer les données en deux catégories. Si la répartition change (au centre), c.-à-d. P(y|X), un réentraînement est nécessaire pour réadapter les données et assimiler une nouvelle limite de décision afin de classer les données en deux catégories. Toutefois, il peut également y avoir une dérive virtuelle, dans le cadre de laquelle P(X) change, mais pas p(y|X), de sorte que la limite de décision existante fonctionne toujours bien.

Ces changements de répartition peuvent se produire brusquement ou au fil du temps, comme le montre la figure 7.

Figure 7 : Modèles de changements au fil du temps (la valeur aberrante n'est pas une dérive conceptuelle) (João et coll., 2014).
Description - Figure 7 : Modèles de changements au fil du temps (la valeur aberrante n'est pas une dérive conceptuelle) (João et coll., 2014).

Cinq scénarios de changement de répartition sont présentés. Le premier scénario correspond à un changement soudain ou brusque, dans lequel la répartition change à un moment donné et ne change plus par la suite. Le deuxième scénario pourrait être incrémentiel, c'est-à-dire que le changement se fait de manière continue au fil du temps et finit par se stabiliser à un nouveau niveau. Le troisième scénario pourrait également être progressif, mais au lieu d'être continu, il pourrait évoluer rapidement, puis revenir en arrière, et se comporter ainsi pendant un certain temps avant de se stabiliser au nouveau niveau. Dans le quatrième scénario, le changement pourrait être récurrent, c.-à-d. qu'il se produit vers un nouveau niveau, mais qu'il ne demeure à ce niveau que pendant un certain temps, avant de revenir au niveau d'origine. Dans le cinquième scénario, il pourrait simplement s'agir d'une valeur aberrante, mais pas d'une dérive.

Il est important que le système de production MLOps mis en œuvre dispose d'outils permettant de détecter et de corriger les dérives conceptuelles au fur et à mesure qu'elles se produisent.

Détection des dérives

Les données sur les prix à la consommation ne sont pas connues pour changer brusquement. On a donc choisi une détection des dérives fondée sur le rendement (Spackman et coll., 2023). Comme son nom l'indique, la détection des dérives fondée sur le rendement évalue le rendement du modèle prédictif pour établir la présence d'une dérive. Cette approche est appropriée en présence d'une proportion élevée de validation pour corriger les éventuelles classifications erronées après le modèle, comme c'est le cas pour notre mise en œuvre. Dans nos systèmes de production, le rendement du modèle prédictif est inconnu au moment de la classification. Pour calculer le rendement, un sous-ensemble des instances prédites doit être signalé aux fins d'assurance de la qualité. Une fois que l'on dispose d'un ensemble de données dont la qualité est garantie, on peut comparer les prédictions du modèle aux vraies classes afin de calculer les paramètres d'évaluation permettant de mesurer le rendement. Pour que cette évaluation soit fiable, le sous-ensemble d'instances prédites choisi aux fins d'assurance de la qualité ne doit pas être biaisé. L'une des méthodes de sélection d'un échantillon non biaisé consiste à sélectionner au hasard une proportion précise d'instances à partir de chaque exécution du modèle prédictif. La figure 8 ci-dessous montre notre tableau de bord de suivi du rendement des modèles, qui présente différentes valeurs F1, de précision et de rappel pour des exécutions distinctes du modèle prédictif, qui peuvent être utilisées pour établir s'il y a eu dérive.

Figure 8 : Tableau de bord de rendement des modèles présentant le rendement du modèle au fil du temps
Description - Figure 8 : Tableau de bord de rendement des modèles présentant le rendement du modèle au fil du temps

Le rendement des modèles est suivi au fil du temps. Lorsque deux modèles sont déployés en production à l'aide d'un modèle principal et de modèles fantômes, il est possible de comparer le rendement.

Réentraînement des modèles

Le suivi du rendement au fil du temps a permis de constater une dérive des données dans les modèles de production; un processus est donc nécessaire pour en atténuer les répercussions dans le système des MLOps. L'une des options pour contrer la dérive conceptuelle consiste à réadapter périodiquement les modèles de production à l'aide de nouvelles données. Ce processus est lourd et fastidieux aux premiers stades de la maturité des MLOps. C'est pourquoi l'opérationnalisation du processus de réentraînement des modèles constitue un élément clé de la maturité des MLOps.

La figure 9 illustre le flux de nouveaux produits dans le système des MLOps. Les nouveaux produits ingérés dans le système de production sont automatiquement classés. Comme cela a été indiqué précédemment, une fraction des produits est sélectionnée pour que leurs classes soient vérifiées et corrigées manuellement par un annotateur formé. À partir d'un processus d'examen manuel, il est possible d'estimer les critères de rendement du classifieur. En outre, les produits vérifiés manuellement servent de nouvelles données d'entraînement qui peuvent être utilisées pour réentraîner le classifieur, qui est ensuite déployé en production.

Figure 9 : Processus de classification, d'examen et de réentraînement
Description - Figure 9 : Processus de classification, d'exam en et de réentraînement

Une part des nouveaux produits est sélectionnée au hasard pour le réentraînement au fur et à mesure de leur classement. Le rendement du modèle est suivi sur cet ensemble aléatoire, et des données de réentraînement sont également créées à partir de cet ensemble de données. Des corrections sont aussi utilisées pour l'ensemble final. Elles peuvent être jumelées à d'autres méthodes de signalement pour s'assurer que des produits bien classés sont utilisés pour les statistiques de prix.

Ce processus de révision et de réadaptation reste cohérent entre les différents niveaux de maturité des MLOps. La différence réside dans l'automatisation du pipeline de réentraînement. Au dernier niveau de maturité, la mise à jour des données d'entraînement, la réadaptation du modèle et le déploiement du modèle sont entièrement automatisés; ils sont déclenchés soit par l'achèvement de l'étape de révision manuelle, soit selon un échéancier fixe.

Validation des données et contrôle des attentes

Les modifications de la qualité des données constituent un problème important pour le rendement des modèles et la qualité des extrants en production. En fait, les données sont devenues la partie la plus importante d'un projet de science des données (ère axée sur les données), car les architectures et les modèles sont facilement accessibles. Il est donc nécessaire d'établir un cadre et des méthodes appropriés en matière de qualité des données. Dans le contexte de l'AA, il est important d'harmoniser les vérifications de la qualité avec les attentes du scientifique de données qui crée les modèles. Un pipeline distinct de validation des données a été mis en place spécialement pour cette tâche. Il effectue des vérifications à l'aide du cadre en accès libre Great Expectations (GE) (Great Expectations Github (en anglais seulement)).

Le degré de souplesse et d'évolutivité de GE est élevé en ce qui concerne le type de contrôles pouvant être effectués et la création des attentes visant à permettre un contrôle de version aisé. GE produit également des rapports automatiques et faciles à lire sur la qualité des données à l'intention des spécialistes de domaine et des scientifiques des données. Ces rapports sont accessibles directement dans l'interface utilisateur d'Azure ML. Par ailleurs, GE fournit une bibliothèque d'extension des contrôles des attentes de validation des données prêts à l'emploi pour un déploiement et une réutilisation rapides dans différents ensembles de données, et offre de multiples options de connexion à diverses sources de données (fichiers CSV sur des lacs de données ou des serveurs de fichiers, bases de données, etc.). De plus, GE offre la possibilité de développer des suites d'attentes et des contrôles personnalisés, ce qui permet d'adapter les contrôles des attentes des concepteurs à des cas d'utilisation marginaux qui ne seraient généralement pas couverts par les méthodes de validation des données standard.

Figure 10 : Rapport de validation des données de Great Expectations (en anglais seulement)
Description - Figure 10 : Rapport de validation des données de Great Expectations (en anglais seulement)

Cette image montre une application de l'extrant du progiciel Python Great Expectations, après qu'il a validé un ensemble de données précis. La page contient un résumé de la validation en haut à droite, un tableau plus détaillé des contrôles effectués, et la correspondance entre les attentes et ce qui a été réellement observé dans cet ensemble de données. Enfin, elle présente un ensemble de mesures pouvant être prises pour développer divers aspects de la page afin de fournir au scientifique des données des informations plus détaillées sur les contrôles effectués.

Contrôle des versions

L'utilisation appropriée du contrôle des versions (Contrôle de version avec Git pour les professionnels de l'analyse) est une condition essentielle pour un système de MLOps. Il s'agit d'une exigence importante dans le cadre de l'adoption à plus grande échelle de pratiques exemplaires en accès libre pour le développement de la production par les organismes nationaux de la statistique (Price et Marques, 2023). Pour le cas d'utilisation de l'AA, elle comprend non seulement le contrôle de version du code, mais aussi les versions des parties supplémentaires dans le cycle de vie de l'AA, y compris le contrôle de version des données, le contrôle de version de l'expérience et le contrôle de version du modèle. Pour obtenir une provenance et un historique fiables, il faut suivre les versions des différentes parties du processus. Par exemple, pour un modèle en production, on souhaite connaître les données sur lesquelles le modèle a été entraîné, le code d'entraînement utilisé, etc.

  • Contrôle de version du code : Le système des MLOps utilise le contrôle qualité du code et les pratiques exemplaires d'IC/de DC. Il utilise plus particulièrement GitOps, qui définit le répertoire Git comme la source fiable et l'état du système adopté. Les pipelines et les déploiements sont définis de la même manière que le code.
  • Contrôle de version des données : Le contrôle de version des données permet de retracer le modèle d'AA produit jusqu'à la version des données sur lesquelles il a été entraîné. Dans un processus de production appliqué aux données comprenant une arrivée fréquente de nouvelles données, il est également essentiel de garder une trace de la version des données. Les ensembles de données d'Azure ML sont utilisés pour répondre aux deux besoins.
  • Contrôle de version du modèle : Le contrôle de version du modèle peut être simplifié par un entrepôt central de modèles, qui stocke les artefacts du modèle et assure la gestion de ses métadonnées. MLflow est l'outil en accès libre le plus connu pour la gestion de modèles. On utilise l'entrepôt de modèles d'Azure ML, car il permet d'interagir avec MLflow.
  • Contrôle de version des dépendances des progiciels : Le contrôle de version des dépendances des progiciels se fait au moyen d'environnements virtuels et d'images de menu fixe dans lesquels les dépendances sont encapsulées. Les environnements Azure Container Registry et Azure ML sont utilisés pour gérer les dépendances des pipelines de données et des modèles d'AA.
  • Contrôle de version des pipelines : L'exécution quotidienne de nombreux pipelines exige le contrôle de version des nouveaux pipelines publiés. On a recours au versionnage des pipelines d'Azure ML pour publier des pipelines et les gérer sous des points d'extrémité de pipeline.
  • Versionnage du déploiement : Le versionnage du déploiement est géré au moyen de dépendances sur la version du modèle.

La figure 11 (ci-dessous) résume la manière dont ces différentes composantes sont associées pour former un graphique de l'historique des modèles déployés.

Figure 11 : Graphique de l'historique des modèles déployés 11
Description - Figure 11 : Graphique de l'historique des modèles déployés 11

Le diagramme résume la manière dont l'historique des modèles peut être géré. Tout d'abord, à partir de la branche principale, on prévoit une nouvelle publication et l'on crée une branche de publication. À partir de là, un nouvel ensemble de données est enregistré pour les modèles qui seront entraînés. Grâce à cet ensemble de données, plusieurs modèles peuvent être entraînés pendant le développement. Le modèle final peut être déployé en production et utilisé sur de nouvelles données. Si des expériences sont menées pour améliorer le modèle sur les mêmes données, ce nouveau modèle peut également être déployé, même si les données sur lesquelles il a été entraîné ou le code de la branche principale n'ont jamais été modifiés.

Conclusion

Cet article résume la manière dont le cadre des MLOps peut apporter une valeur considérable à un programme statistique essentiel de StatCan, en renforçant la maturité et la robustesse d'un processus de production en accord avec le Cadre pour l'utilisation responsable de l'apprentissage automatique à Statistique Canada (Utilisation responsable de l'apprentissage automatique à Statistique Canada). L'organisme continuera d'évaluer comment le cadre des MLOps peut être appliqué à d'autres cas d'utilisation et à investir dans l'expansion de capacités développées. Par exemple, les capacités suivantes sont à l'étude : tableaux de bord d'IA explicables dans le cadre de l'étape de choix des modèles dans le flux de travail de création des modèles; détection plus fiable de la dérive des données; déploiement plus explicite de modèles fantômes pour appuyer l'évaluation des modèles (ou simplement exécution permanente de modèles de sauvegarde en production, au besoin); suivi amélioré des coûts pour optimiser encore davantage l'utilisation opérationnelle.

Bibliographie

João, Gama, Žliobaitė Indrė, Albert Bifet, Mykola Pechenizkiy et Abdelhamid Bouchachia. (2014). A survey on concept drift adaptation (en anglais seulement). ACM computing surveys (CSUR), 46(4), 1-37.

Price, Matthew, et Diogo Marques. (2023). Developing reproducible analytical pipelines for the transformation of consumer price statistics: rail fares, UK (en anglais seulement). Meeting of the Group of Experts on Consumer Price Indices, Geneva: UN.

Sculley, David, Gary Holt, Daniel Golovin, Eugene Davydov, Todd Phillips, Dietmar Ebner, Vinay Chaudhary, Michael Young, Jean-Francois Crespo et Dan Dennison. (2015). Hidden technical debt in machine learning systems. Advances in neural information processing systems (28).

Spackman, William, Greg DeVilliers, Christian Ritter et Serge Goussev. (2023). Identifying and mitigating misclassification: A case study of the Machine Learning lifecycle in price indices with web-scraped clothing data (en anglais seulement). Meeting of the Group of Experts on Consumer Price Indices, Geneva: UN.

Spackman, William, Serge Goussev, Mackenzie Wall, Greg DeVilliers, and David Chiumera. 2024. "Machine Learning is (not!) all you need: Impact of classification-induced error on price indices using scanner data." (en anglais seulement) 18th Meeting of the Ottawa Group. Ottawa: UNECE.

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Résumé

Contexte

La fonction d'approvisionnement joue un rôle crucial dans l'acquisition de biens, de services et de constructions essentiels pour appuyer l'exécution des programmes du gouvernement du Canada et lui permettre d'atteindre ses objectifs et résultats. La passation de marchés du gouvernement fédéral est régie par une série d'instruments, dont des lois, des règlements, des ententes et des politiques, visant à garantir que les acquisitions obtiennent la meilleure valeur possible au moyen de processus équitables, ouverts et transparents. Conformément à la Directive sur la gestion de l'approvisionnement du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT), les ministères et organismes doivent établir, mettre en œuvre et maintenir un cadre de gestion de l'approvisionnement (CGA), qui comprend une gouvernance, des processus, des systèmes et des contrôles. La directive permet de s'assurer que les mesures liées à la gestion de l'approvisionnement sont équitables, ouvertes et transparentes, et qu'elles répondent aux attentes du public en matière de prudence et de probité. Par ailleurs, elle permet de veiller à ce que les approvisionnements soient gérés d'une manière qui permet d'obtenir des résultats opérationnels et qui témoigne d'une bonne intendance et de l'optimisation des ressources, conformément aux objectifs socioéconomiques et environnementaux du gouvernement du Canada. La directive prévoit que le CGA soit proportionnel à la valeur, au risque et à la complexité du ou des processus d'approvisionnement entrepris.

Pourquoi est-ce important?

Au cours des dernières années, des questions liées aux marchés publics de même que des préoccupations ont été soulevées quant à savoir si de saines pratiques d'approvisionnement et de gestion étaient systématiquement adoptées et suivies à l'échelle du gouvernement. À la demande de la Chambre des communes et du premier ministre, des audits ont été menés par le SCT, par l'entremise du Bureau du contrôleur général du Canada (BCG), du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement et du Bureau du vérificateur général du Canada. Ces audits ont mis en évidence de nombreuses lacunes et faiblesses dans les pratiques de gestion de l'approvisionnement, les dossiers d'approvisionnement avec des documents insuffisants ou manquants, et des défis pour démontrer que la meilleure valeur était obtenue pour les dollars des contribuables.

En mars 2024, le président du Conseil du Trésor (CT) a annoncé que le BCG entreprenait un audit horizontal pour évaluer la gouvernance, la prise de décisions et les contrôles liés aux contrats de services professionnels. L'audit a requis la participation de nombreux petits et grands ministères responsables. Le BCG a aussi demandé aux dirigeants principaux de la vérification de ministères et d'organismes fédéraux d'inclure un examen des contrôles et de la gouvernance internes en matière d'approvisionnement dans leurs plans de vérification axés sur les risques si aucun examen n'avait été mené au cours des 12 mois précédents.

Par conséquent, la Direction de l'audit et de l'évaluation a réalisé cet audit des pratiques d'approvisionnement, en tenant compte de l'objectif et de la portée des audits du BCG qui ont été réalisés récemment ou qui sont en cours.

Conclusion générale

De manière générale, le CGA de l'organisme répond aux exigences de la Directive sur la gestion de l'approvisionnement et aux autres lois, politiques et directives liées à l'approvisionnement. Cependant, certains aspects doivent être renforcés et une attention particulière est requise pour s'assurer que certains processus clés fonctionnent comme prévu. L'examen d'un ensemble d'acquisitions de l'organisme a permis de conclure qu'elles avaient été établies et administrées conformément aux exigences, bien que certaines erreurs administratives et lacunes dans la documentation aient été relevées dans de nombreux dossiers. L'examen a également fait ressortir la nécessité de garantir que les méthodes d'approvisionnement choisies correspondent aux exigences de l'organisme et que le rendement du fournisseur est géré et surveillé.

Principales constatations

De manière générale, le CGA répond aux exigences de la directive, même si certains aspects doivent être renforcés, et une attention particulière est requise pour s'assurer que certains processus clés fonctionnent comme prévu.

Des organismes de gouvernance sont mis en place et se conforment aux exigences de la directive, bien qu'il y ait des possibilités d'élargir leur rôle.

L'organisme effectue une surveillance pour détecter les actes répréhensibles, assurer la conformité à la directive et évaluer le rendement des fournisseurs, mais des renseignements plus complets permettraient d'appuyer davantage la prise de décisions.

Les approvisionnements concurrentiels et non concurrentiels étaient principalement attribués conformément au CGA de l'organisme et aux instruments juridiques et de politique en place, mais des erreurs administratives et des documents manquants ont été relevés, ainsi que des situations où la méthode d'approvisionnement ne correspondait pas aux exigences de l'organisme.

Les contrats et les modifications sont établis et administrés conformément aux exigences du SCT, bien qu'il soit possible d'avoir une gestion et une surveillance plus proactives du rendement des fournisseurs. Les procédures pourraient être renforcées afin d'assurer une surveillance plus proactive des conflits d'intérêts potentiels.

Les données sur la passation des marchés associées aux contrats examinés n'étaient pas toujours divulguées avec exactitude sur le Portail du gouvernement ouvert du Canada.

Conformité aux normes professionnelles

L'audit a été réalisé conformément aux Procédures obligatoires régissant l'audit interne au sein du gouvernement du Canada, qui comprennent les Normes internationales d'audit interne de l'Institute of Internal Auditors.

L'application de procédures d'audit suffisantes et appropriées et la collecte des éléments de preuve contribuent à l'exactitude des constatations et des conclusions du présent rapport, et donnent une assurance de niveau audit. Les constatations et les conclusions sont fondées sur une comparaison des conditions, telles qu'elles existaient à l'époque, au regard de critères de vérification préétablis. Les constatations et les conclusions s'appliquent à l'entité examinée pour la portée et la période de référence de l'audit.

Steven McRoberts
Dirigeant principal de la vérification et de l'évaluation

Sigles et acronymes

AA - Arrangement en matière d'approvisionnement
AF - Anciens fonctionnaires
BCG - Bureau du contrôleur général du Canada
CAL - Commande d'achat local
CEC - Conseil d'examen des contrats
CEG - Comité exécutif de gestion
CGA - Cadre de gestion de l'approvisionnement
CGMO - Cadre de gestion des marchés de l'organisme
CGS - Comité de gestion stratégique
CO - Comité des opérations
CRD - Compte rendu des décisions
CSD - Cadre supérieur désigné
CT - Conseil du Trésor du Canada
DP - Demande de propositions
DG - Directeur général / Directrice générale
LGFP - Loi sur la gestion des finances publiques
OC - Offre à commandes
RME - Règlement sur les marchés de l'État
SCA - Statisticienne en chef adjointe
SCT - Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
SFMC - Système financier ministériel commun
SMC - Services du matériel et des contrats
SPAC - Services publics et Approvisionnement Canada
SPC - Services partagés Canada
SSPC - Système des services professionnels centralisés

Introduction

Contexte

La fonction d'approvisionnement joue un rôle crucial dans l'acquisition de biens, de services et de constructions essentiels pour appuyer l'exécution des programmes du gouvernement du Canada et lui permettre d'atteindre ses objectifs et résultats. La passation de marchés du gouvernement fédéral est régie par une série d'instruments, dont des lois, des règlements, des ententes et des politiques, visant à garantir que les acquisitions obtiennent la meilleure valeur au moyen de processus équitables, ouverts et transparents. En 2021, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) a amorcé un remaniement de son ensemble de politiques pour mettre l'accent sur la planification intégrée, la gouvernance et la responsabilisation dès le début, les approches agiles et axées sur le rendement, l'adoption des principes du cycle de vie, le renforcement des capacités et le renforcement des perspectives stratégiques.

Conformément à la Directive sur la gestion de l'approvisionnement du SCT, les ministères et organismes doivent établir, mettre en œuvre et maintenir un cadre de gestion de l'approvisionnement (CGA), qui comprend une gouvernance, des processus, des systèmes et des contrôles. La directive permet de s'assurer que les mesures liées à la gestion de l'approvisionnement sont équitables, ouvertes et transparentes, et qu'elles répondent aux attentes du public en matière de prudence et de probité. Par ailleurs, elle permet de veiller à ce que les approvisionnements soient gérés d'une manière qui permet d'obtenir des résultats opérationnels et qui témoigne d'une bonne intendance et de l'optimisation des ressources, conformément aux objectifs socioéconomiques et environnementaux du gouvernement du Canada. La directive prévoit que le CGA soit proportionnel à la valeur, au risque et à la complexité du ou des processus d'approvisionnement entrepris.

Au cours des dernières années, des questions liées aux marchés publics de même que des préoccupations ont été soulevées quant à savoir si de saines pratiques d'approvisionnement et de gestion étaient systématiquement suivies à l'échelle du gouvernement. À la demande de la Chambre des communes et du premier ministre, des audits ont été menés par le SCT, par l'entremise du Bureau du contrôleur général du Canada (BCG), du Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement et du Bureau du vérificateur général du Canada. Ces audits ont mis en évidence de nombreuses lacunes et faiblesses dans les pratiques de gestion de l'approvisionnement, les dossiers d'approvisionnement avec des documents insuffisants ou manquants, et des défis pour démontrer que la meilleure valeur était obtenue pour les dollars des contribuables.

Ces audits ont aussi renforcé l'importance que les ministères et organismes maintiennent et vérifient l'efficacité de leurs CGA, particulièrement en ce qui concerne l'approvisionnement des services professionnels. De plus, ils ont mis en évidence des possibilités pour le SCT et Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), conformément à leurs mandats respectifs, de renforcer l'approvisionnement dans l'ensemble du gouvernement fédéral dans les domaines des politiques, des orientations, des outils et de la formation, des pratiques de mise en œuvre et des méthodes de passation des marchés.

L'approvisionnement au sein de l'organisme

L'organisme est assujetti au Règlement sur les marchés de l'État (RME) et aux exigences du SCT lorsqu'il passe des marchés pour l'acquisition de biens et services. La section des Services du matériel et des contrats (SMC), qui fait partie de la Division de l'approvisionnement, des systèmes financiers et des contrôles internes au sein de la Direction des finances, de la planification et de l'approvisionnement, Secteur des stratégies et de la gestion intégrées, facilite le processus d'approvisionnement au sein de l'organisme et est chargée d'établir et de mettre à jour le CGA de l'organisme.

Dans le cadre des pouvoirs d'approvisionnement délégués de l'organisme, les SMC œuvrent à titre d'autorité contractante pour le processus d'approvisionnement. L'autorité contractante mène les processus d'approvisionnement au nom de l'organisme, conformément à des principes d'approvisionnement solides et aux instruments régissant la passation des marchés. Elle conseille les propriétaires fonctionnels et leur recommande des options quant aux stratégies d'approvisionnement qui répondent aux besoins opérationnels et qui produisent les résultats escomptés.

Bien que les SMC facilitent le processus d'approvisionnement, la responsabilité des achats incombe en grande partie au propriétaire fonctionnel. Les propriétaires fonctionnels collaborent avec l'autorité contractante pour s'assurer que tous les renseignements concernant leurs besoins sont exacts et complets, et respectent les processus et procédures de gouvernance requis conformément aux instruments de gouvernance.

Lorsque les valeurs des contrats dépassent les pouvoirs d'approvisionnement délégués de l'organisme, SPAC agit comme autorité contractante et doit fournir des conseils et un soutien aux propriétaires fonctionnels et pour émettre et administrer les contrats et les modifications au nom de l'organisme. Pour certaines exigences liées à la technologie de l'information, Services partagés Canada (SPC) agit aussi souvent comme autorité contractante. De plus, SPAC et SPC ont publié des offres à commandes (OC) et des arrangements en matière d'approvisionnement (AA) que l'ensemble des ministères et organismes doivent utiliser lors de l'acquisition de certains biens et services. L'utilisation de ces instruments d'approvisionnement est souvent obligatoire et ils doivent être utilisés par les ministères et les organismes, qu'ils agissent à titre d'autorité contractante ou que SPAC le fasse.

Le graphique ci-dessous, Valeur totale et nombre de contrats par exercice financier et méthode d'approvisionnement (fourni par les SMC), présente l'ensemble de l'activité d'approvisionnement de l'organisme de 2019-2020 à 2023-2024. Il comprend la valeur des contrats établis (excluant les modifications) et le nombre de contrats par exercice financier. Les données sur la valeur des contrats sont ventilées en quantités des contrats signés par d'autres ministères (c.-à-d. où SPAC ou SPC a agi à titre d'autorité contractante) et quantités des contrats signés par les SMC. Lorsque l'organisme agissait en tant qu'autorité contractante la valeur des contrats est ventilée davantage en quantités de contrats établis au moyen d'une OC ou d'un AA de SPAC/ SPC et quantités de contrats établis en utilisant une commande d'achat local (CAL). Il convient de noter que les valeurs de passation de marchés étaient anormalement élevées en 2019-2020 en raison du grand volume d'achats de logiciels et en 2023-2024 en raison des contrats de services d'infonuagique pour l'organisme et d'un contrat d'impression pour le Recensement de la population.

Valeur totale et nombre de contrats par exercice financier et méthode d'approvisionnement
Description -Valeur totale et nombre de contrats par exercice financier et méthode d'approvisionnement.

La figure 1 montre la valeur totale des contrats et leur nombre par exercice financier ainsi que la méthode d'approvisionnement.

De 2019-2020 à 2022-2023, la valeur des contrats de l'organisme a diminué pour passer d'environ 79 millions de dollars à un peu plus de 30 millions de dollars. Elle a ensuite augmenté fortement pour atteindre plus de 112 millions de dollars en 2023-2024.

Le nombre de contrats a varié, allant d'un sommet de 487 en 2019-2020 à un creux de 298 en 2022-2023, puis il a remonté pour se situer à 441 en 2023-2024.

En 2023-2024, des contrats d'une valeur d'un peu plus de 7 millions de dollars ont été signés par les SMC, tandis des contrats d'une valeur d'environ 105 millions de dollars ont été signés par d'autres ministères.

Dans l'ensemble, du point de vue de leur valeur, la majorité des contrats de l'organisme sont signés par d'autres ministères, comme SPAC et SPC.

Bien que SPAC ou SPC soit l'autorité contractante pour la plupart des dollars de passation de marchés établis chaque année, l'organisme (c.-à-d. les SMC) était l'autorité contractante pour environ 70 % de tous les contrats établis au cours des cinq dernières années (ce qui représente une moyenne de plus de 300 contrats annuellement). Les contrats établis par les SMC ont en général une valeur plus faible en dollars et une complexité moindre que ceux où SPAC ou SPC intervient.

Objectif de l'audit

L'audit avait pour objectif de fournir une assurance raisonnable au statisticien en chef du Canada et au Comité ministériel de vérification que Statistique Canada a en place une gouvernance et des contrôles efficaces pour garantir que les acquisitions sont conformes aux règlements, aux accords et aux politiques applicables.

Portée

La portée de cette mission comprenait un examen du CGA et de la gouvernance de l'organisme en place pour appuyer sa mise en œuvre, y compris l'imputabilité, les rôles et les responsabilités des principaux intervenants, les autorités de prise de décisions liées à l'approvisionnement, et les mécanismes de surveillance, de planification et de rapports.

La portée comprenait également une évaluation de la conformité aux principales exigences en matière de lois et de politiques au moyen d'un examen de certains contrats de services professionnels et des modifications connexes signés par l'organisme au cours des deux derniers exercices financiers (d'avril 2022 à mars 2024).

En raison des exigences d'indépendance, les activités de passation de marché réalisées par la Direction de l'audit et de l'évaluation sont exclues de la portée.

Approche et méthodologie

Le travail d'audit a consisté à examiner les politiques et les lignes directrices actuelles, à effectuer des entrevues et des visites avec des membres clés de la direction et du personnel, à vérifier un échantillon de dossiers d'approvisionnement, et à examiner et à analyser la documentation connexe.

Autorité

L'audit a été mené en vertu des pouvoirs prévus dans le Plan intégré d'audit et d'évaluation fondé sur les risques (2024-2025 à 2028-2029) approuvé par Statistique Canada.

Constatations, recommandations et réponse de la direction

Cadre de gestion de l'approvisionnement

De manière générale, le CGA répond aux exigences de la directive, même si certains aspects doivent être renforcés, et une attention particulière est requise pour s'assurer que les processus clés fonctionnent comme prévu.

Les cadres supérieurs désignés (CSD) sont responsables de l'établissement, de la mise en œuvre et de la mise à jour d'un CGA qui consiste en des processus, des systèmes et des contrôles, et comprend des rôles et responsabilités clairement établis, ainsi que des pratiques et procédures exemplaires. Ce CGA vise à veiller à ce que la fonction de l'approvisionnement dispose du soutien nécessaire pour gérer les approvisionnements de façon équitable, ouverte, transparente et conforme aux attentes du public en matière de prudence et de probité.

Bien que les éléments clés d'un CGA soient communs dans l'ensemble du gouvernement, la manière dont chaque organisation l'opérationnalise variera. Cela dépend de variables telles que la taille, la maturité et le profil de risque de l'organisation, ainsi que du volume, de la valeur et de la complexité des activités d'approvisionnement. Comme mentionné précédemment, la directive prévoit que le CGA soit proportionnel à la valeur, au risque et à la complexité du ou des processus d'approvisionnement entrepris. À Statistique Canada, la direction considère que les achats de l'organisme sont pour la plupart de faible valeur, à faible risque et faible complexité.

Le CGA ministériel consiste en un Cadre de gestion des marchés de l'organisme (CGMO) de haut niveau qui résume les rôles et les responsabilités clés, une ébauche de guide du CGMO qui fournit des rôles et responsabilités plus détaillés, et de plus amples orientations sur la mise en œuvre du CGMO. Il comprend également divers modèles pour aider les agents de négociation des marchés à accomplir leur travail, et un ensemble de pages du Réseau de communications internes qui expliquent les étapes principales que les clients doivent suivre pour divers types d'acquisitions.

La directive présente 16 éléments précis qui doivent faire partie d'un CGA, ainsi que de nombreuses autres exigences du CSD pour la gestion de l'approvisionnement, les autorités contractantes, les propriétaires fonctionnels et autres intervenants dans le processus d'approvisionnement. L'audit a évalué la conformité du CGA de l'organisme avec les exigences principales.

Dans l'ensemble, le CGA de l'organisme correspond aux attentes de la directive. Le CGA précise les rôles et responsabilités des personnes qui participent au processus d'approvisionnement et comprend les mécanismes à suivre pour répondre aux diverses exigences de la directive, telles que, entre autres, la passation de marchés avec des entreprises autochtones, le respect des traités et des accords commerciaux, donner la priorité à la concurrence et garantir l'intégrité du processus d'approvisionnement.

Conformément à la directive, le CGA de l'organisme a été élaboré à un niveau qui soit proportionnel à la valeur, au risque et à la complexité de ses approvisionnements. Les processus qui ne sont pas documentés de manière aussi exhaustive dans le guide du CGMO sont pour la plupart appuyés par des modèles qui demandent aux autorités contractantes de tenir compte de certains éléments de la directive qui pourraient autrement être négligés, ainsi que des examens par les pairs et les chefs de groupe à des étapes clés du processus d'approvisionnement.

Cela dit, l'organisme pourrait tirer avantage de documenter la justification pour certains secteurs du CGA où le risque, la complexité et la valeur des approvisionnements de l'organisme n'exigent pas de contrôles plus formels. Le fait de documenter cette justification faciliterait les examens périodiques du CGA et aiderait la direction à déterminer où des contrôles plus formels pourraient être requis alors que le contexte d'approvisionnement de l'organisme évolue.

Nonobstant l'équilibre de la documentation par rapport à la valeur, au risque et à la complexité des approvisionnements de l'organisme, l'audit a permis de dégager plusieurs éléments qui pourraient bénéficier d'une documentation plus claire et plus complète. Il s'agit des suivants :

  • Le processus de sécurité lors de l'attribution du contrat et pendant son administration – Bien que le guide du CGMO fournisse une orientation sur l'établissement d'exigences en matière de sécurité pour les approvisionnements, il ne donne pas de directive sur le processus de sécurité lors de l'attribution du contrat et pendant son administration (p. ex. le processus pour valider les cotes de sécurité des fournisseurs lors des autorisations de travaux).
  • Le rôle et les responsabilités du CSD – Certaines incohérences ont été relevées en ce qui concerne le rôle et les responsabilités du CSD tels qu'ils sont déterminés dans le CGA et dans la directive. La direction a indiqué qu'ils avaient été élaborés dans le CGA avant l'achèvement de la directive.
  • Les acquisitions pour lesquelles SPAC agit comme autorité contractante – Les responsabilités pour les SMC dans les situations où SPAC agit comme autorité contractante ne sont pas définies. Dans ces situations, les SMC agissent comme autorité administrative, un rôle différent de celui de l'autorité contractante.
  • La possibilité d'utiliser des ressources internes ou externes pour atteindre l'objectif de l'approvisionnement et pour gérer les situations de sous-traitance – Avant de décider de passer un marché pour des services professionnels, les propriétaires fonctionnels devraient évaluer s'il existe d'autres méthodes pour atteindre les buts organisationnels, et comment les méthodes potentielles s'harmonisent avec le mandat et les priorités de l'organisme. Après l'octroi du contrat, sa réalisation exige que les propriétaires fonctionnels gèrent activement leur relation avec le fournisseur, ses employés et tous les sous-traitants avec lesquels il pourrait collaborer. Le SCT a récemment mis à jour son Guide du gestionnaire : principales considérations pour l'approvisionnement en services professionnels. Ce guide comprend des questions pour aider les gestionnaires à décider d'avoir recours ou pas à des services professionnels (ou à déterminer si l'utilisation de ressources internes serait plus appropriée) et les guide pour gérer le contrat avec succès. Le cas échéant, ce guide devrait être intégré dans le CGA de l'organisme.
  • L'élaboration et la documentation d'une méthode de gestion des fournisseurs – Bien que cela ne constitue pas une exigence de la directive, un secteur a mis en œuvre une méthode pour gérer un volume élevé de demandes non sollicitées d'engagement avec des employés par des fournisseurs potentiels. Ce programme de gestion des fournisseurs contribue à garantir que les interactions entre les fournisseurs potentiels et les employés ne mettent pas en péril l'ouverture ou l'intégrité des approvisionnements, et qu'elles répondent aux attentes du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique et de la Directive sur les conflits d'intérêts. Bien que le programme n'ait pas été formellement documenté, le secteur a indiqué avoir collaboré avec les SMC à de nombreuses occasions pour s'assurer que leur approche était appropriée. Il pourrait être utile pour l'organisme de documenter cette approche et d'envisager la mise sur pied d'un programme de gestion des fournisseurs à l'échelle de l'organisme qui pourrait s'appliquer à tous les secteurs.

Dans le cadre de l'examen des dossiers et des entrevues, l'audit a aussi permis de relever plusieurs cas dans lesquels les processus établis du CGA ne fonctionnaient pas comme prévu et pourraient nécessiter une attention accrue de la direction pour en garantir l'efficacité. Ces cas sont les suivants :

  • Un modèle d'évaluation du risque a été élaboré par les SMC pour que les autorités contractantes l'utilisent dans le cadre de certaines acquisitions afin de fournir des renseignements sur le risque qui seront utilisés tout au long du cycle de vie de l'approvisionnement. Le modèle comprend une liste de risques courants, y compris, sans toutefois s'y limiter, la passation de marchés répétitive, les approvisionnements évalués à l'intérieur de 10 % des seuils, et la non-conformité potentielle aux obligations juridiques et politiques. Il présente aussi une section permettant à l'autorité contractante de cerner tout autre risque qui n'a pas été indiqué dans la liste préétablie, mais qui pourrait s'appliquer à l'approvisionnement. Cependant, l'examen a permis de constater que les évaluations de risque ne sont pas réalisées par les autorités contractantes lorsque cela est requis.
  • Les audits d'examen de la qualité des dossiers d'approvisionnement ne sont pas réalisés comme requis dans le guide. Ces examens pourraient fournir de précieux renseignements sur l'efficacité des contrôles et fournir un aperçu de la conformité de l'organisme au CGA et aux lois, règlements et politiques applicables.
  • Pour 2024-2025, l'organisme a entrepris un plan d'approvisionnement pour dresser une liste des acquisitions prévues par l'organisme pour l'année, pour les services professionnels de plus de 40 000 $. Cela aiderait l'organisme à planifier ses ressources d'approvisionnement et à dégager les possibilités de méthodes d'approvisionnement stratégique lorsque des besoins communs dans l'ensemble de l'organisme sont cernés avant de procéder à l'approvisionnement. Cependant, les taux de réponse des divisions étaient très faibles, limitant l'efficacité du plan. Notamment, les SMC ont pris note des leçons retenues de l'exercice et ont l'intention de les intégrer au processus de planification de l'approvisionnement pour le prochain exercice financier.

Recommandation

Il est recommandé que la statisticienne en chef adjointe (SCA) du Secteur des stratégies et de la gestion intégrées s'assure de ce qui suit :

  1. que le CGA de l'organisme soit examiné et renforcé, notamment de la façon suivante :
    • en clarifiant les rôles et responsabilités et l'imputabilité pour mieux les harmoniser avec ceux qui sont indiqués dans la directive, y compris ceux du CSD et des SMC lorsque SPAC agit comme autorité contractante;
    • en fournissant une direction quant
      • au processus de sécurité lors de l'attribution du contrat et pendant son administration,
      • à la manière de gérer les acquisitions lorsque SPAC agit comme autorité contractante,
      • à la possibilité d'utiliser des ressources internes ou externes pour atteindre l'objectif de l'approvisionnement et gérer les situations avec des sous-traitants,
      • à la nécessité de documenter la justification lorsque le risque, la complexité et la valeur des approvisionnements de l'organisme n'exigent pas des contrôles plus formels.

Réponse de la direction

La direction accepte la recommandation formulée.

Un examen stratégique et une analyse de la documentation interne seront menés pour

  • mettre à jour les rôles du CSD et de l'intervenant dans le CGA pour qu'ils correspondent à la Directive sur la gestion de l'approvisionnement actuellement en vigueur, y compris envisager d'utiliser des ressources internes ou externes, et réviser le tableau de bord de la Suite P du CSD;
  • réviser les processus du CGA liés à la responsabilité de l'autorité contractante pour la validation de la sécurité des fournisseurs et des ressources pendant le début du contrat et sa gestion;
  • mettre à jour la matrice des rôles et responsabilités pour clarifier le rôle des SMC quand SPAC ou SPC est l'autorité contractante;
  • examiner les lacunes entre le Guide pour l'établissement d'un cadre de gestion de l'approvisionnement et le CGA de Statistique Canada, et documenter les décisions d'exclure certains processus en raison du risque ou de la complexité;
  • mettre au point une approche normalisée de gestion des fournisseurs, y compris les rôles, les responsabilités et les conditions de l'engagement.

Produits livrables et échéancier

Le directeur général (DG) de la Direction des finances, de la planification et de l'approvisionnement :

  • mettra à jour le CGA en y ajoutant les rôles actuels du CSD et des intervenants, les procédures élargies de vérification de la sécurité et les pratiques exemplaires de gestion des fournisseurs; les documents mis à jour seront approuvés par le CSD d'ici juin 2025;
  • mettra à jour le document Matrice des rôles et responsabilités pour inclure le rôle des SMC quand SPAC ou SPC est l'autorité contractante d'ici mars 2025;
  • préparera une justification accompagnant le CGA qui documente les décisions opérationnelles au sujet du degré de formalisation de certains processus d'approvisionnement ayant trait au risque, à la complexité et à la valeur des acquisitions de l'organisme; ce document sera approuvé par le CSD d'ici juin 2025.

Recommandation

Il est recommandé que la SCA du Secteur des stratégies et de la gestion intégrées s'assure de ce qui suit :

  1. que les audits des dossiers d'approvisionnement soient réalisés comme prévu, que les résultats soient utilisés pour guider l'accompagnement et la formation des agents d'approvisionnement et des propriétaires fonctionnels, et que les résultats soient déclarés aux organismes de surveillance sur une base périodique.

Réponse de la direction

La direction accepte la recommandation formulée.

Les SMC reprendront le programme d'audit des dossiers, qui comprendra ce qui suit :

  • l'achèvement de la documentation d'audit interne des dossiers pour refléter les orientations mises à jour du SCT, et l'établissement d'une fréquence planifiée des audits et du nombre de dossiers à vérifier;
  • la réalisation des activités d'audit des dossiers comme prévu pour fournir des commentaires aux autorités contractantes en vue d'un apprentissage continu;
  • la déclaration des résultats de l'audit au CSD en ce qui a trait au rendement de l'autorité contractante, et la présentation d'autres tendances soulevées, telles que le taux d'achèvement de l'évaluation de l'optimisation des ressources, au Comité des finances et de la surveillance organisationnelle.

Produits livrables et échéancier

Le DG de la Direction des finances, de la planification et de l'approvisionnement :

  • mettra à jour les documents d'audit des dossiers d'ici avril 2025;
  • présentera un rapport trimestriel sur les résultats de l'audit des dossiers au CSD d'ici mai 2025;
  • présentera un rapport consolidé sur les résultats de l'audit des dossiers au Comité des finances et de la surveillance organisationnelle d'ici juin 2025.

Organismes de surveillance

Des organismes de gouvernance sont mis en place et se conforment aux exigences de la directive, bien qu'il y ait des possibilités d'élargir leur rôle.

La directive exige que le CGA inclue des rôles et responsabilités et une imputabilité clairement définis pour les divers comités de gouvernance en cause.

Deux organismes de gouvernance, le Comité exécutif de gestion (CEG), anciennement le Comité des opérations (CO), et le Conseil d'examen des contrats (CEC), ont des responsabilités de surveillance pour l'approvisionnement au sein de l'organisme.

Le CEC est un comité permanent établi par l'autorité de la SCA du Secteur des stratégies et de la gestion intégrées et est l'organe chargé de faire des recommandations à ce dernier concernant les décisions et les activités se rapportant à l'approvisionnement et à la passation de marchés. Il a pour objet :

  • de cerner, d'évaluer, d'atténuer et de gérer les risques liés aux activités d'approvisionnement et d'assurer la conformité à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), et à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (CT), la directive et l'examen des RME et de formuler des recommandations au sujet des propositions de changements émanant des nouvelles stratégies de passation de marchés et des résultats d'audit, entre autres.

Le CEC remplit son mandat en examinant et en remettant en question les contrats qui répondent à certaines spécifications, en agissant comme groupe formel de résolution des différends et en examinant les rapports obligatoires avant leur publication. Le mandat du CEC et le guide du CGMO fournissent une direction permettant de déterminer quand et comment une approbation de contrôle des contrats est requise. Ensemble, ces documents fournissent une directive claire permettant de déterminer quand les contrats doivent être envoyés au CEC aux fins d'examen et de remise en question. Les comptes rendus de réunions et autres enregistrements indiquent que le CEC remplit son rôle et ses responsabilités de manière active, alors que l'examen des dossiers a confirmé que, sauf quelques exceptions, le CEC a examiné les acquisitions comme l'exige son mandat.

Bien que le mandat du CEC comprenne l'examen et la formulation de recommandations au sujet des propositions de changements aux processus d'approvisionnement, il n'a pas semblé être actif dans ce rôle pendant la période visée par l'audit. Ce rôle semble avoir été accompli par le CO (maintenant le CEG).

Le mandat du CO (et l'ébauche de mandat pour le CEG actuellement en voie d'achèvement) ne mentionne pas explicitement l'approvisionnement, mais indique qu'il est responsable de la surveillance opérationnelle stratégique pour l'ensemble de l'organisation. Le Comité examine et suit les progrès réalisés relativement aux cibles et aux objectifs opérationnels clés liés aux programmes à l'échelle de l'organisme, fournit une fonction de remise en question pour assurer la qualité et l'optimisation des ressources et donne des conseils sur l'efficacité opérationnelle. Il est la tribune pour la gestion des risques des activités opérationnelles importantes et il assure la surveillance de toutes les activités opérationnelles. L'ébauche de mandat pour le CEG précise les mêmes éléments ou des éléments similaires.

Le guide stipule que les SMC fournissent une mise à jour sur l'approvisionnement au CO (maintenant le CEG) deux fois par année, mise à jour qui dresse la liste des contrats à haut risque, donne un aperçu du contexte d'approvisionnement et informe le comité des initiatives et des changements qui auront des répercussions sur l'organisme. Notamment, en avril 2024, les SMC ont présenté au CEG une mise à jour sur le contexte d'approvisionnement et les changements aux processus d'approvisionnement de l'organisme résultant de la nouvelle direction du SCT et de SPAC. Cependant, les dossiers indiquent que les SMC n'ont pas fait de présentation au CEG (ou au CO) deux fois par année, comme c'était prévu. Ils ont fait une présentation au CEG (ou CO) une fois en 2021-2022, une fois en 2022-2023 et une fois en 2024-2025, mais n'ont pas fait de présentation au CEG (ou au CO) sur le contexte d'approvisionnement en 2023-2024. Cependant, les SMC ont fourni de fréquentes mises à jour à la haute direction sur les dépenses en contrats par l'entremise du Comité de gestion stratégique (CGS) en 2023-2024.

De récents événements liés aux marchés publics ont donné lieu à un plus grand nombre d'examens minutieux dans certains secteurs, et les récents audits et examens ont fait en sorte de mettre plus en évidence les faiblesses dans ces secteurs à l'étendue du gouvernement. Bien que cela ne soit pas explicitement exigé par la directive, l'organisme pourrait envisager d'établir un rôle précis pour que les organismes de gouvernance assurent une surveillance des domaines suivants de l'approvisionnement :

  • passation de marchés avec les entreprises autochtones;
  • actes répréhensibles dans les activités d'approvisionnement;
  • ajout de main-d'œuvre dans le cadre de passations de marchés;
  • surveillance du caractère adéquat et de l'efficacité des processus et des outils de l'organisme pour appuyer les décisions d'approvisionnement.

La valeur que peuvent apporter les organismes de surveillance à ces secteurs pourrait être influencée par la valeur, la complexité et le risque des acquisitions de l'organisme, et la direction pourrait déterminer que la participation d'un plus important organisme de surveillance n'est pas nécessaire dans certains ou dans l'ensemble des secteurs soulevés.

Surveillance et données sur l'approvisionnement

L'organisme effectue une surveillance des risques d'actes répréhensibles et de la conformité à la directive, mais des renseignements plus complets permettraient d'appuyer davantage la prise de décisions.

De récents événements liés aux marchés publics ont fait en sorte de susciter l'intérêt et l'inquiétude du public quant aux actes répréhensibles et à la conformité à la directive. L'audit a examiné la collecte et l'utilisation des données sur l'approvisionnement de l'organisme pour surveiller ces secteurs.

L'organisme a mis en œuvre un programme robuste d'intégrité et de respect qui comprend un processus visant à signaler les éventuels actes répréhensibles et à mener l'enquête à ce sujet. D'autres contrôles intégrés au processus d'approvisionnement ont contribué à atténuer les risques d'actes répréhensibles, y compris la conformité au régime d'intégrité de SPAC, une ségrégation appropriée des tâches qui garantit qu'aucune personne ne possède une autorité non vérifiée sur des décisions d'approvisionnement et des paiements financiers critiques, et le recours obligatoire à des évaluateurs de proposition pour déclarer tout conflit d'intérêts potentiel avant d'entreprendre les évaluations de propositions. Pour ce qui est de la surveillance des données d'approvisionnement pour détecter les actes répréhensibles, les autorités contractantes examinent les historiques d'approvisionnement pour trouver des preuves de fractionnement de marché et l'équipe de l'approvisionnement examine régulièrement les détails des achats effectués avec des cartes de crédit d'achat à la recherche de signes d'abus.

L'organisme prépare de nombreux rapports obligatoires pour le SCT et d'autres organismes centraux qui appuient la surveillance de la conformité à certaines exigences de la directive, d'autres exigences politiques ou certains objectifs du gouvernement. Ces rapports abordent des sujets tels que l'approvisionnement vert, la passation de marchés avec d'anciens fonctionnaires, la passation de marchés avec des entreprises autochtones et la divulgation proactive, pour n'en nommer que quelques-uns.

Pour surveiller la plus large conformité des dossiers d'approvisionnement individuels, l'organisme a élaboré un programme exhaustif d'audit de dossier dans lequel les SMC sélectionnent un échantillon de dossiers d'approvisionnement chaque année pour leur faire subir un examen de l'assurance de la qualité. Ce processus contribue à évaluer la conformité aux exigences de la directive, à déterminer les secteurs faibles du processus d'approvisionnement et les secteurs à développer pour les autorités contractantes. Cependant, comme mentionné précédemment, ces audits de dossier n'ont pas été réalisés pendant la période de la portée de l'audit.

Recommandation

Les enjeux soulevés dans cette section sont abordés par la recommandation 2 dans la section précédente.

Appels d'offres pour l'acquisition de services professionnels

Les approvisionnements concurrentiels et non concurrentiels étaient principalement attribués conformément au CGA de l'organisme et aux instruments juridiques et de politique en place, mais des erreurs administratives et des documents manquants ont été relevés, ainsi que des situations où la méthode d'approvisionnement ne correspondait pas aux exigences de l'organisme.

L'équipe de l'audit a examiné un échantillon de 10 approvisionnements concurrentiels de services professionnels et 10 approvisionnements non concurrentiels, où l'organisme a agi comme autorité contractante pour évaluer la conformité au CGA de l'organisme, et aux principales exigences politiques et prévues par la loi.

L'engagement des dépenses et l'engagement en vertu de l'article 32 ont été réalisés de manière adéquate.

L'engagement des dépenses et l'engagement en vertu de l'article 32 de la LGFP ont été réalisés par une personne détenant les bons pouvoirs délégués pour tous les dossiers concurrentiels et non concurrentiels analysés.

La justification pour l'attribution d'un contrat à un fournisseur exclusif dans les approvisionnements non concurrentiels était, dans la plupart des cas, documentée et valide, bien que la documentation clé ait été absente de deux dossiers.

Les RME exigent une demande de soumissions, à moins que le contrat ne réponde à l'une des exceptions précisées à l'article 6. Voici les exceptions :

  1. les cas d'extrême urgence où un retard serait préjudiciable à l'intérêt public;
  2. les dépenses estimées ne dépassent pas
    1. 25 000 $, dans le cas d'un contrat de biens,
    2. 100 000 $, dans le cas d'un contrat à signer par le ministre du Développement international pour l'acquisition de services d'architecture, de génie ou d'autres services requis pour la planification, la conception, la préparation ou la supervision d'un programme ou d'un projet d'aide au développement international,
    3. 100 000 $, dans le cas d'un contrat pour l'acquisition de services d'architecture, de génie ou d'autres services requis pour la planification, la conception, la préparation ou la supervision de la construction, de la réparation, de la rénovation ou de la remise en état d'un ouvrage,
    4. 40 000 $ dans le cas de tout autre contrat auquel ce règlement s'applique;
  3. La nature du travail qui fera l'objet d'un contrat est telle qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de demander des soumissions;
  4. Une seule personne est en mesure d'exécuter le contrat.

Le recours à l'une de ces exceptions doit être entièrement justifié, des documents appropriés devant être inclus au dossier du contrat. Lorsque l'exception (d) a été invoquée pour permettre un contrat à fournisseur unique, l'agent de négociation des marchés doit tenir compte de sept questions supplémentaires établies par le CT et y répondre, avec l'aide du propriétaire fonctionnel.

Il a été conclu que la justification pour un fournisseur unique a été documentée et est valide dans tous les cas sauf deux, où les documents justificatifs n'ont été que partiellement remplis. Dans un cas, l'attestation de contrat à fournisseur exclusif ou d'appel d'offres limité était manquante pour indiquer les renseignements pour l'approvisionnement, tels que le numéro de la demande, la description de l'exigence, les dépenses estimées et le fournisseur proposé. Dans un autre cas, les réponses aux sept questions obligatoires du CT n'apparaissaient pas au dossier et l'autorité contractante n'a pu les trouver.

Pour les approvisionnements concurrentiels, les méthodes de demande de soumissions et les critères d'évaluation étaient clairement expliqués dans les documents de demande de soumissions et n'ont pas été jugés inutilement restrictifs, injustes ou biaisés.

L'audit a permis de conclure que pour les 10 dossiers concurrentiels analysés, la méthode de sélection des soumissions et les critères d'évaluation étaient clairement expliqués et inclus dans les documents de demande de propositions (DP). Les demandes de propositions établissaient les critères techniques cotés et obligatoires (le cas échéant) et établissaient clairement la méthode de sélection des soumissions (p. ex. le plus bas soumissionnaire conforme; 60 % pour mérite technique et 40 % pour le prix) à employer pour identifier le soumissionnaire retenu. La demande de propositions fournissait aussi une direction claire pour poser les questions et comprenait des directives sur la présentation des soumissions.

L'audit a conclu qu'aucun des 10 dossiers concurrentiels analysés ne comportait des énoncés des travaux, des descriptions des travaux ou des critères d'évaluation qui étaient restrictifs, non équitables ou biaisés. Les énoncés des travaux précisaient et établissaient les travaux à réaliser, les objectifs à atteindre et, la plupart du temps, le calendrier des travaux. Cependant, dans deux cas, le véhicule d'approvisionnement ou le volet de travail sélectionné ne correspondait pas parfaitement avec l'énoncé des travaux (discuté ci-dessous).

Pour deux des approvisionnements concurrentiels analysés et un des approvisionnements non concurrentiels analysés, les services requis ne correspondaient pas à la catégorie ProServices sélectionnée. D'autres erreurs administratives ont aussi été relevées dans l'évaluation des soumissions des approvisionnements analysés.

ProServices est la méthode d'approvisionnement des services professionnels obligatoire pour les exigences dont la valeur est inférieure au seuil de l'Accord de libre-échange Canada–Corée. Il s'agit d'un arrangement en matière d'approvisionnement et non d'un contrat. Les arrangements en matière d'approvisionnement permettent aux ministères et aux organismes d'obtenir les soumissions d'un bassin de fournisseurs préqualifiés selon des exigences particulières. ProServices permet aux fournisseurs d'être préqualifiés dans une ou plusieurs des 185 catégories de 15 volets.

Dans le cadre du processus de demande de soumissions, les autorités contractantes doivent comparer les catégories de ProServices disponibles avec les exigences du ministère et de l'organisme. Lorsqu'une catégorie convenable est sélectionnée, l'autorité contractante cherche dans le portail électronique du Système des services professionnels centralisés (SSPC) pour identifier les fournisseurs qualifiés. Au moins deux fournisseurs préqualifiés reçoivent ensuite une demande de proposition, bien qu'il soit recommandé de sélectionner plus que le minimum de deux fournisseurs. S'il est impossible de trouver une catégorie qui couvre l'exigence, l'autorité contractante doit demander une exemption à SPAC en fournissant une justification de la raison pour laquelle l'exigence ne s'inscrit dans aucune des catégories possibles.

La plupart des catégories de ProServices sont divisées en trois niveaux d'expertise (p. ex. débutant, intermédiaire et principal) et chaque niveau d'expertise comporte une qualification obligatoire minimale, qui est définie dans la grille souple. Par conséquent, avant qu'un fournisseur préqualifié n'inclue une ressource dans sa soumission, la ressource doit respecter une qualification obligatoire minimale liée au niveau d'expertise de la catégorie. La grille souple doit être conservée au dossier pour démontrer que le fournisseur sélectionné était en mesure de réaliser le travail et de respecter les exigences.

Dans un approvisionnement concurrentiel, des cours de préparation à la retraite ont été demandés dans le cadre de la catégorie 8.5 « Expert-conseil en rémunération » de ProServices. Cette catégorie ne correspondait pas aux besoins indiqués dans l'énoncé des travaux, qui exigeait, notamment, que la formation fournisse aux participants « une connaissance des effets du vieillissement sur le corps, des effets d'une saine alimentation, comment contrôler le stress et demeurer en forme » et les aide à « se préparer psychologiquement à la retraite, à savoir comment gérer le temps et à envisager d'autres modes de vie ». Un seul fournisseur a présenté une soumission pour cette demande de propositions.

Dans un second dossier d'approvisionnement concurrentiel, un programme personnalisé de sensibilisation à l'hameçonnage a été sollicité dans le cadre du volet 9.2 « Expert-conseil en continuité des activités » de ProServicesNotes de bas1, plutôt que dans une catégorie de technologie de l'information plus adéquate de ProServices. Un seul fournisseur a présenté une soumission pour cette demande de propositions.

Dans le dossier d'approvisionnement non concurrentiel, l'autorité contractante a cherché dans le Portail électronique du SSPC les fournisseurs dans la catégorie 8.1 Expert-conseil en ressources humaines pour fournir des cours de préparation à la retraite. À l'instar de l'approvisionnement concurrentiel des cours de préparation à la retraite, cette catégorie ne répondait pas non plus aux besoins indiqués dans l'énoncé des travaux.

Même s'il y avait une documentation limitée dans les deux dossiers indiquant pourquoi ces catégories de ProServices avaient été sélectionnées, les renseignements recueillis par les représentants des SMC laissaient supposer que les propriétaires fonctionnels avaient probablement trouvé un fournisseur qu'ils jugeaient apte à fournir le service, et que les volets sélectionnés étaient fondés sur les catégories dans lesquelles ces fournisseurs s'étaient qualifiés. Compte tenu du fait que les catégories sélectionnées ne correspondaient pas aux travaux à effectuer, on se serait attendu à ce que d'autres entreprises préqualifiées dans ces catégories ne présentent pas de soumissions.

D'autres erreurs importantes ont été relevées dans l'échantillon de dossiers concurrentiels et non concurrentiels. Dans trois cas, les évaluations par rapport aux grilles souples n'ont pas été bien menées ou n'ont pas été menées du tout.

  • Pour l'approvisionnement concurrentiel en cours de préparation à la retraite, des renseignements ont été fournis par le soumissionnaire pour de multiples « experts-conseils » alors qu'un seul était requis dans la demande de propositions. Quoi qu'il en soit, l'équipe d'évaluation des soumissions a évalué trois des ressources proposées. Les ressources évaluées ont obtenu des notes de passage, malgré le fait qu'elles ne respectaient pas les exigences minimales de la catégorie et du niveau.
  • Pour un autre approvisionnement concurrentiel, aucune grille souple n'a été présentée par le soumissionnaire et aucune évaluation n'a été réalisée.
  • Pour le cours de préparation à la retraite non concurrentiel, le contrat n'a pas précisé la catégorie ni le niveau de ressources requis et n'a pas indiqué les ressources particulières qui fourniraient le service. Par conséquent, aucune évaluation des ressources prévues au contrat par rapport aux grilles souples n'a pu être réalisée. De plus, le contrat a été établi de manière inadéquate avec un prix ferme pour quatre webinaires de deux jours au lieu de fournir une ventilation des ressources prévues au contrat et de leurs taux quotidiens.

Les documents de justification des prix ont confirmé que le prix du contrat était juste et raisonnable pour certaines des acquisitions, mais pas toutes.

Les documents de justification des prix pour s'assurer que le prix du contrat était juste et raisonnable étaient au dossier pour 8 des 10 dossiers non concurrentiels examinés. Dans 6 des 10 dossiers concurrentiels pour lesquels une seule soumission a été reçue ou jugée recevable dans les dossiers concurrentiels, il n'y avait aucune preuve que l'autorité contractante avait validé le prix proposé par le soumissionnaire comme étant juste et raisonnable. Cela constitue une étape nécessaire lorsque des processus concurrentiels parviennent à générer de multiples soumissions.

Recommandation

Les enjeux soulevés dans cette section sont abordés dans la recommandation 2.

Contrats et modifications

Les contrats et les modifications ont été établis et administrés conformément aux exigences du SCT, bien qu'il soit possible d'avoir une gestion et une surveillance plus proactives du rendement des fournisseurs. Les procédures pourraient être renforcées afin d'assurer une surveillance plus proactive des conflits d'intérêts potentiels.

Les contrats étaient au dossier et signés par des personnes détenant le pouvoir délégué approprié, même si des erreurs administratives ont été relevées dans une situation de passation de marché mettant en cause un ancien fonctionnaire.

Pour tous les dossiers analysés (concurrentiels et non concurrentiels), une copie du contrat écrit et signé était au dossier, signé par une personne détenant le pouvoir délégué.

Dans le cadre de l'examen, l'équipe d'audit a tenté de confirmer que les contrats avec l'ancien fonctionnaire étaient justifiés, documentés et approuvés comme requis. Un seul des 20 dossiers analysés a été identifié comme ayant été établi avec un ancien fonctionnaire. Dans ce cas, le dossier d'approvisionnement ne contenait aucune justification pour avoir conclu un marché avec un ancien fonctionnaire, y compris la justification du prix, les mesures d'atténuation du risque et de contrôle du coût pour l'ajuster pour des paiements de retraite ou forfaitaires, comme requis par la directive. Le dossier d'approvisionnement n'avait pas non plus été examiné et préapprouvé par le CEC, comme prévu dans le cadre de son mandat.

Des documents étaient généralement au dossier pour justifier les modifications au contrat, et les modifications étaient signées par les personnes détenant le pouvoir délégué approprié.

Des 20 dossiers analysés (concurrentiels et non concurrentiels), 9 incluaient un total de 22 modifications au contrat. Les raisons des modifications incluaient une augmentation des montants en dollars du contrat pour appuyer la fourniture de services supplémentaires, la prorogation des dates d'expiration, exercer des années d'option et modifier les conditions générales.

Toutes les modifications étaient signées par une personne détenant le pouvoir délégué approprié, et des documents étaient au dossier pour justifier la plupart des modifications. Les autorités contractantes ont complété les documents de sommaire de modification (c.-à-d. le modèle élaboré par les SMC) pour documenter la raison pour laquelle le propriétaire fonctionnel avait demandé la modification et pour fournir leur propre justification de la modification. Cependant, aucun document de sommaire de modification n'était au dossier dans trois cas, et le sommaire de modification n'était pas signé tel qu'approuvé (c.-à-d pour des modifications non planifiées) dans deux cas.

Dans tous les cas sauf un, la cote de sécurité des ressources proposées par le soumissionnaire retenu a été vérifiée et il a été confirmé qu'elles respectaient les exigences avant l'adjudication du contrat.

Les exigences de sécurité ont été déterminées pour six des approvisionnements analysés (concurrentiels et non concurrentiels). Dans tous les dossiers sauf un, des documents indiquaient que la cote de sécurité des ressources proposées par le soumissionnaire retenu a été vérifiée et il a été confirmé qu'elles respectaient les exigences avant l'adjudication du contrat. Pour un dossier analysé, la soumission du fournisseur comprenait les niveaux de sécurité et les numéros d'attestation pour chaque ressource proposée, mais il n'y avait aucune preuve que ces renseignements avaient été vérifiés auprès de la Sécurité.

Aucune preuve n'a été trouvée au dossier quant à la surveillance du rendement du fournisseur par les autorités contractantes.

L'audit a cherché des preuves dans les documents au dossier que, conformément aux attentes de la directive et du CGA, il y avait une surveillance pour surveiller le rendement et pour s'assurer que la prestation des services répondait aux dispositions du contrat (p. ex. sur le plan de la qualité, des normes, des niveaux de service).

La directive stipule que :

  • les propriétaires fonctionnels ont la responsabilité d'informer les autorités contractantes du rendement du fournisseur, y compris des problèmes et de la réalisation des principaux produits livrables à mesure qu'ils se produisent;
  • les autorités contractantes, en consultation avec les propriétaires fonctionnels, doivent surveiller, documenter, enquêter et discuter des problèmes de rendement des fournisseurs à mesure qu'ils se produisent;
  • les autorités contractantes ont la responsabilité de s'assurer que des rapports d'approvisionnement exacts et complets applicables au dossier du contrat sont créés et mis à jour pour faciliter la surveillance et l'audit de la direction.

En outre, les rôles et responsabilités des autorités contractantes de l'organisme dans le cadre de la surveillance des contrats établis sont définis dans de nombreux documents et modèles dans le CGA :

  • Les SMC ont établi un système de rappel pour aider les autorités contractantes à surveiller les dates d'expiration des contrats et à assurer un suivi d'autres questions;
  • Les SMC ont établi une matrice de responsabilités qui définit les rôles et responsabilités des autorités contractantes en ce qui a trait, entre autres, à la gestion des contrats. Ces responsabilités comprennent la résolution des problèmes contractuels, la surveillance de la conformité aux conditions générales des contrats, le fait de déterminer si les biens et services reçus le sont conformément aux contrats, et l'envoi d'avis de renouvellement pour le propriétaire fonctionnel de 3 à 6 mois avant les dates d'expiration des contrats;
  • Les SMC ont établi un processus pour mener des audits réguliers d'un certain nombre de dossiers d'approvisionnement aux fins d'assurance de la qualité et de perfectionnement professionnel. Le modèle d'audit indique que les preuves d'activités des autorités contractantes dans la gestion de contrats pourraient inclure la fourniture d'observations ou de conseils sur les dépenses et les factures, la surveillance des calendriers de livraison (c.-à-d. une communication continue, à certains jalons ou à la fin du contrat), la détermination de problèmes potentiels avant que des mesures correctives ne soient requises, et le règlement des différends.

L'audit a permis de constater le peu de preuves ou l'absence de preuves de la participation de l'autorité contractante pendant l'administration du contrat dans les dossiers qui ont été examinés. Aucune preuve n'a été notée selon laquelle les propriétaires fonctionnels avaient informé les autorités contractantes de problèmes de rendement des fournisseurs ou selon laquelle les autorités contractantes avaient surveillé, documenté, enquêté ou discuté de problèmes de rendement des fournisseurs avec les propriétaires fonctionnels. Les dossiers examinés ne contenaient pas non plus de documents indiquant si une valeur avait été obtenue du contrat. Sans ces renseignements, il est difficile de savoir si les contrats ont été réalisés avec succès comme prévu ou si le propriétaire fonctionnel a choisi de laisser le contrat prendre fin, de reprendre les travaux du fournisseur ou d'accepter des produits livrables non conformes aux normes sans aviser l'autorité contractante. Cependant, selon la nouvelle directive du SCT et de SPAC, en mai 2024, l'organisme a introduit une évaluation de l'optimisation des ressources pour les approvisionnements de services professionnels afin de renforcer la surveillance. À la clôture du contrat, les détenteurs de budget doivent maintenant soumettre un document final qui évalue l'optimisation des ressources obtenue du contrat. Cette évaluation contribuera à s'assurer que les dollars des contribuables sont dépensés efficacement, et elle pourrait donner un aperçu du rendement du fournisseur.

Bien qu'un conflit d'intérêts ait été relevé dans un dossier, les fonctionnaires et les titulaires d'une charge publique ont autrement maintenu l'intégrité du processus d'approvisionnement dans notre échantillon.

L'audit n'a trouvé aucune preuve pour indiquer que les fonctionnaires ayant participé aux approvisionnements avaient eu un comportement qui irait à l'encontre du Code de valeurs et d'éthique du secteur public et de la Directive sur les conflits d'intérêts dans 19 des 20 dossiers analysés.

Il y a eu un cas où un employé a participé à un processus d'évaluation de soumission d'une acquisition qui incluait un soumissionnaire avec qui l'employé avait précédemment déclaré un conflit d'intérêts. L'employé avait fait la déclaration 11 mois avant l'évaluation de la soumission au moyen du processus de valeurs et d'éthique de l'organisme, mais n'a pas divulgué les renseignements à l'autorité contractante au moment de l'évaluation de la soumission. Dans ce cas, le soumissionnaire en cause dans le conflit n'a pas obtenu le contrat. L'équipe des valeurs et de l'éthique a immédiatement entrepris une enquête lorsqu'elle a été avisée du conflit par l'équipe des SMC.

L'équipe d'audit a noté qu'aucun processus n'était actuellement en place pour vérifier de manière proactive les déclarations de conflits d'intérêts existantes pour les employés participant à un processus d'approvisionnement. Cependant, on rappelle aux employés leur obligation de divulguer tout conflit possible au début de chaque processus d'évaluation des soumissions.

L'article 34 (Pouvoir d'attestation) a été appliqué adéquatement pour tous les dossiers analysés, même si les documents de justification pourraient être renforcés.

L'article 34, Pouvoir d'attestation, (Vérification des comptes), de la LGFP est la clé de l'approvisionnement. Il stipule qu'avant de faire un paiement, les gestionnaires qui exercent leurs pouvoirs financiers doivent s'assurer que les travaux prévus aux contrats ont été réalisés, que les biens ont été reçus et que les montants demandés sont conformes au prix stipulé dans le contrat.

L'équipe d'audit a analysé 23 paiements pour un sous-échantillon d'approvisionnements à l'étude. L'audit a permis de constater que le pouvoir d'attestation a été réalisé par une personne ayant le pouvoir délégué pour ce faire, et a vérifié correctement l'exactitude du paiement demandé dans tous les paiements analysés. L'attestation a été réalisée en temps opportun pour tous les paiements sauf un. Fait à noter, les facteurs pour les paiements analysés ne comportaient pas une granularité suffisante pour documenter adéquatement les services réalisés (p. ex. les feuilles de temps détaillant les heures et les travaux réalisés) dans les dossiers analysés. Cependant, la fonction financière de l'organisme a récemment mis en œuvre de nouvelles procédures pour s'assurer que ces renseignements seront systématiquement au dossier pour tous les futurs paiements. Pour les nouveaux contrats, les fournisseurs devront rédiger un rapport pour accompagner leurs factures, fournissant des renseignements détaillés sur les travaux accomplis. Les détenteurs de budget valideront ces renseignements et soumettront les documents avec les demandes de paiement.

Recommandation

Il est recommandé que la SCA du Secteur des stratégies et de la gestion intégrées s'assure de ce qui suit :

  1. que des contrôles soient mis en œuvre pour vérifier proactivement les dossiers existants de l'organisme afin de détecter de possibles conflits d'intérêts pour tout employé (ou personne réputée être employée) de l'organisme participant au processus d'approvisionnement.

Remarque : D'autres enjeux soulevés dans cette section qui ne sont pas couverts par la recommandation 3 le sont par la recommandation 2.

Réponse de la direction

La direction accepte la recommandation formulée.

Les SMC collaboreront avec l'équipe des valeurs et de l'éthique pour élaborer un processus de vérification des conflits d'intérêts. Entre-temps, les SMC examinent les noms des soumissionnaires et les membres de l'équipe d'évaluation pour détecter une division « à risque » avant que les propositions soient transférées au propriétaire fonctionnel comme mesure d'atténuation des risques.

Produits livrables et échéancier

Le DG de la Direction des finances, de la planification et de l'approvisionnement et la DG de la Direction de l'effectif et du milieu de travail :

  • élaboreront, mettront en œuvre et documenteront une procédure pour permettre à la Division de l'approvisionnement, des systèmes financiers et des contrôles internes de vérifier les conflits d'intérêts dans le cycle d'approvisionnement d'ici mars 2025.

Divulgation proactive

Les données sur la passation des marchés associées aux contrats examinés n'étaient pas toujours divulguées avec exactitude sur le Portail du gouvernement ouvert du Canada.

La Loi sur l'accès à l'information exige que les entités gouvernementales publient de manière proactive des renseignements sur les contrats d'une valeur de plus de 10 000 $, une modification de contrat lorsqu'elle modifie la valeur du contrat pour qu'il dépasse 10 000 $, et les modifications aux contrats qui font augmenter ou diminuer la valeur d'un contrat de plus de 10 000 $.

Conformément à ces exigences, l'audit a permis de constater que tous les contrats examinés sauf un ont été publiés sur le portail du gouvernement ouvert. Cependant, l'audit a noté que du reste des contrats qui ont été publiés,

  • deux contrats l'ont été en n'utilisant pas le bon nom de fournisseur;
  • deux modifications qui excédaient 10 000 $ n'ont pas été publiées;
  • de multiples écarts mineurs ont été détectés en ce qui a trait aux dates de début et de fin de contrat publiées.

Les SMC ont cerné des problèmes avec les renseignements de divulgation proactive avant le début de l'audit et ont travaillé pour apporter les corrections nécessaires et mettre en œuvre les nouveaux contrôles pour se pencher sur les causes des erreurs.

Recommandation

Il est recommandé que la SCA du Secteur des stratégies et de la gestion intégrées s'assure de ce qui suit :

  1. que les travaux en cours pour corriger les erreurs de divulgation proactive soient achevés; que les faiblesses dans le processus qui ont mené aux erreurs de divulgation soient déterminées et que de nouveaux contrôles pour garantir l'exactitude, l'intégralité et l'actualité des rapports de divulgation proactive soient mis en œuvre.

Réponse de la direction

La direction accepte la recommandation formulée.

L'équipe des projets spéciaux continuera

  • d'examiner les éléments d'information à risque élevé sur les contrats et les modifications de plus de 10 000 $ pour en assurer l'harmonisation avec le contrat ayant force obligatoire et republier les renseignements sur canada.ouvert.gc.ca;
  • de mettre à jour périodiquement la fiche d'aide pour les détails de déclaration en fonction des tendances détectées pour aider les autorités contractantes à effectuer une entrée de données plus exacte;
  • d'examiner, d'analyser et de corriger les tableaux d'identification des fournisseurs et la correspondance financière dans le Système financier ministériel commun (SFMC) pour améliorer l'exactitude et la qualité des données;
  • de créer un guide de l'utilisateur pour le SFMC avec explications, scénarios et normes ministérielles pour aider les autorités contractantes à s'y retrouver dans le système.

Produits livrables et échéancier

Le DG de la Direction des finances, de la planification et de l'approvisionnement :

  • analysera les rapports de divulgation proactive qui ont été examinés et republiés d'ici juin 2025;
  • mettra à jour la fiche d'aide pour les détails de déclaration qui aidera l'autorité contractante lors de l'entrée des données sur l'approvisionnement d'ici juin 2025;
  • mettra à jour le guide de l'utilisateur pour le SFMC qui aidera l'autorité contractante lors de l'entrée des données sur l'approvisionnement d'ici juin 2025.

Annexes

Annexe A : Critères d'audit

Annexe A : Critères d'audit
Critères d'audit Instruments de politique et sources
  1. Cadre de gestion de l'approvisionnement
    1. 1.1 L'organisme a établi et mis en œuvre un cadre de gestion de l'approvisionnement conforme à la Directive sur la gestion de l'approvisionnement du Conseil du Trésor.
  2. Approvisionnements en services professionnels
    1. 2.1 Les approvisionnements sont attribués d'une manière équitable, ouverte et transparente conformément au cadre de gestion de l'approvisionnement de l'organisme et aux instruments juridiques et de politique en place à ce moment.
    2. 2.2 Les contrats et les modifications sont établis et administrés conformément aux exigences du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), et le rendement fait l'objet d'une surveillance pour s'assurer que les services respectent les conditions du contrat (qualité, coût, temps).
    3. 2.3 Les contrats font l'objet d'une divulgation proactive conformément aux exigences du SCT.
  3. Données sur l'approvisionnement
    1. 3.1 Les données sur l'approvisionnement sont recueillies et utilisées pour appuyer la surveillance et la prise de décisions par l'organisme.
  • Directive sur la gestion de l'approvisionnement du SCT et autres politiques, directives, procédures et lignes directrices pertinentes.
  • Cadre de gestion des marchés de l'organisme et son guide.
  • Mandat, ordres du jour et procès-verbaux des réunions, compte rendu des décisions et rapports pour les comités pertinents, s'il y a lieu.
  • Dossiers d'approvisionnement et données pertinentes.
  • Autres documents internes de Statistique Canada, le cas échéant.