Mise en œuvre des pratiques MLOps avec Azure

Par : Jules Kuehn, Services partagés Canada

Les pratiques MLOps sont une variante des pratiques DevOps qui répondent à des préoccupations relatives à l'apprentissage automatique (AA). Tout comme le processus DevOps, le processus MLOps permet l'intégration et le déploiement continus (IC/DC) (le contenu de cette page est en anglais) de modèles d'apprentissage automatique (AA), mais automatise en outre le réentraînement sur de nouvelles données et effectue le suivi des résultats des différentes sessions d'entraînement (ou expériences).

Un problème courant avec les modèles d'AA est la baisse du rendement au fil du temps. C'est ce que l'on appelle une « dérive » (consultez le guide ultime du réentraînement de modèle (le contenu de cette page est en anglais) pour obtenir de plus amples renseignements sur la dérive). Imaginez un modèle d'AA prédisant si une maison à Ottawa se vendra au-dessus du prix demandé, selon les renseignements sur la maison et le prix d'inscription. Lorsque le modèle a été déployé il y a cinq ans, il a été en mesure de fournir cette prédiction avec 95 % d'exactitude. Toutefois, si le modèle n'était pas réentraîné avec des données mises à jour, ses prédictions ne refléteraient pas le marché du logement actuel d'Ottawa et seraient donc moins exactes. Pour résoudre ce problème, un système MLOps peut automatiquement réentraîner et redéployer des modèles, afin d'intégrer des données plus récentes et suivre le rendement du modèle au fil du temps.

L'équipe de la Science des données et de l'Intelligence artificielle de Services partagés Canada (SPC) a élaboré plusieurs modèles d'AA comme solutions de validation de principe aux problèmes opérationnels de SPC. Le point de départ du parcours du processus MLOps a été la collaboration de l'équipe avec Microsoft afin de développer une solution MLOps fonctionnelle entièrement au sein de l'écosystème Azure.

Le système MLOps comprend plusieurs composantes, comme le contrôle des sources, le suivi des expériences, les registres de modèles, les pipelines IC/DC, les API Azure ML, Docker et Kubernetes. L'utilisation de ce système permet à l'équipe de continuellement livrer des API REST pour les modèles d'AA les plus performants et de les mettre à disposition dans le nouveau magasin des API du gouvernement du Canada.

Élaboration d'un modèle

Pour accélérer la mise en œuvre, l'équipe a utilisé les fonctions SaaS (logiciel en tant que service) d'Azure pour exécuter la majorité des tâches. Cela comprenait le chargement des données avec Azure Data Factory, le développement de modèle dans les carnets Azure Databricks, le suivi expérimental et le déploiement de modèle avec Azure ML, ainsi que le contrôle des sources et l'IC/DC avec Azure DevOps.

Suivi des expériences et des modèles

Les carnets Databricks journalisent les mesures des sessions et enregistrent les modèles dans un espace de travail Azure ML à la fin d'une session entraînement (consultez les pages Journaliser et afficher les métriques et les fichiers journaux et Classe de modèle pour de plus amples détails). Cela est utile lorsque les sessions sont lancées manuellement pendant l'élaboration du modèle et lorsqu'elles sont exécutées comme une tâche au sein de pipelines IC/DC. Au cours de l'élaboration d'un modèle, il est possible de suivre les améliorations apportées aux mesures, comme l'exactitude, tout en ajustant les hyperparamètres. Dans le cas d'une session en tant que tâche de pipeline, il est alors possible de surveiller les changements apportés aux mesures lorsque de nouvelles données sont utilisées dans le cadre d'un réentraînement.

Contrôle des sources et intégration continue

Le répertoire de contrôle des sources pour ce modèle est composé de trois dossiers :

  1. Carnets : le code des carnets Databricks
  2. Pipelines : deux pipelines pour entraîner et déployer les modèles
  3. API : le code servant à envelopper le modèle entraîné dans une API REST.
Figure 1 – Structure générale du répertoire de contrôle des sources

Figure 1 – Structure générale du répertoire de contrôle des sources

Description - Figure 1

Arborescence du dépôt DevOps avec 3 dossiers de haut niveau. Le premier dossier est le Carnet de notes, qui est connecté via Databricks Git Sync à model_train.py. Le deuxième dossier est Pipelines, qui contient deux sous-dossiers, chacun contenant Pipeline YAML et des scripts Python. Ces sous-dossiers sont nommés "ci / train" et "deploy". Le troisième dossier de premier niveau est "API", qui contient score.py et un sous-dossier tests, qui contient des scripts PyTest.

Pipeline de demandes d'extraction de carnets

Même si la programmation littéraire à l'aide de carnets (p. ex. Jupyter) est une pratique courante en science des données, les environnements de carnets infonuagiques ne s'intègrent pas toujours efficacement au contrôle des sources. Le travail de plusieurs membres de l'équipe sur un projet peut entraîner une désorganisation des carnets. L'équipe a élaboré un déroulement des opérations qui intègre des pratiques exemplaires de gestion du contrôle des sources, comme les branches par fonctionnalité et les essais d'intégration dans des demandes d'extraction.

Figure 2 – Carnets de science des données

Figure 2 – Carnets de science des données

Description - Figure 2

Bureau désordonné recouvert de documents éparpillés sur sa surface, au sol et dans la corbeille à proximité. Les documents sont intitulés "Carnets de science des données".

Dans Databricks, tous les carnets se trouvant dans un dossier principal à emplacement fixe sont synchronisés pour suivre la branche principale dans un répertoire Git Azure DevOps. Avant de modifier le code de modèle, un membre de l'équipe crée une copie de ce dossier dans Databricks et une nouvelle branche correspondante dans DevOps, puis configure la synchronisation Git entre eux. Lorsque les modifications sont satisfaisantes, le membre de l'équipe consigne les carnets dans Databricks, puis crée une demande d'extraction dans DevOps.

Toute demande d'extraction comprenant des changements au code du carnet déclenche un pipeline d'intégration continue garantissant que les modifications aux carnets ne seront pas annulées. Cela commence par la copie des carnets de la branche par fonctionnalité dans un dossier d'essai d'intégration à emplacement fixe référencé par une tâche Databricks; cette tâche étant ensuite déclenchée par le pipeline au moyen de l'API Databricks.

Pour accélérer l'exécution de cet essai, un paramètre est transféré au carnet pour indiquer qu'il s'agit d'un essai et non d'une tâche d'entraînement complète. Le modèle est entraîné sur un échantillon de 5 % pour une époque, et le modèle résultant n'est pas enregistré.

Figure 3 – IC et pipelines d'entraînement avec Databricks

Figure 3 – IC et pipelines d'entraînement avec Databricks

Description - Figure 3

Diagramme des pipelines de IC et pipelines d'entraînement. Étape 1 : Copie de la source du carnet vers Databricks. Étape 2 : Début de l'entraînement du modèle dans Databricks.  Étape 3 : Attente de la « réussite » de Databricks.

Le pipeline continue de sonder Databricks jusqu'à ce que le travail soit terminé. Si l'exécution du carnet est réussie, la fusion vers la branche principale peut se poursuivre.

Déploiement de modèle

Puisque l'équipe de SPC prévoit livrer la plupart de ses modèles dans le magasin des API du gouvernement du Canada, elle souhaite passer des carnets aux applications API REST le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Conteneurisation du modèle

Pour des applications simples, l'API d'Azure ML peut déployer un modèle enregistré en tant qu'application conteneurisée en utilisant quelques lignes de code à la fin d'un carnet. Toutefois, cette option ne répond pas à plusieurs exigences opérationnelles telles que l'échelonnage. Plus important encore, elle n'offre pas beaucoup de souplesse pour les intrants et les extrants des modèles avant et après le processus. Nous utilisons plutôt la fonction Model.package() à partir de la trousse de développement logiciel à partir de la trousse de développement logiciel (SDK) d'Azure ML pour créer une image Docker. L'image est ensuite déployée dans un espace Kubernetes antérieurement configuré, et le point de terminaison est enregistré dans le magasin des API du gouvernement du Canada.

Par défaut, la fonction extrait la dernière version enregistrée du modèle, mais peut également utiliser les journaux d'expériences afin de sélectionner dynamiquement un modèle en fonction de n'importe quelle mesure enregistrée dans le carnet (p. ex. pour minimiser les pertes).

Pipeline de déploiement

Figure 4 – Pipeline de déploiement

Figure 4 – Pipeline de déploiement

Description - Figure 4

Diagramme du pipeline de déploiement avec 3 étapes principales : Essai, Création et Déploiement. L'étape Essai exécute les tests de l'API PyTest et local_deploy_test.py, ce qui implique que Docker récupère un modèle dans le registre Azure ML. L'étape Création exécute build_push_image.py, qui implique également que Docker récupère un modèle dans le registre Azure ML, mais pousse également le conteneur Docker vers le registre Azure Container. L'étape Déploiement exécute l'application en ligne de commande kubectl, qui se connecte à Azure Kubernetes et récupère le conteneur dans Azure Container Registry.

Comme son nom l'indique, Azure DevOps ne se limite pas au contrôle des sources, mais peut également définir des pipelines permettant d'automatiser les tâches d'intégration et de développement continus. Les pipelines sont définis par les fichiers YAML et ont recours à des scripts Bash et Python.

Contrairement au pipeline de demande d'extraction de carnet, le pipeline de déploiement est déclenché par tout engagement envers la branche principale. Il comprend trois étapes :

  • Mise à l'essai du code : À l'aide de PyTest, effectuer l'essai unitaire de l'API à l'aide d'intrants corrects et incorrects. À titre d'essai d'intégration, déployer avec Model.deploy() le service Web localement sur la machine virtuelle du bassin d'agents et exécuter des essais semblables, mais dans un contexte HTTP.
  • Construction et enregistrement du conteneur Docker : Avec Model.package(), créer une image Docker en entrant un code API personnalisé. Enregistrer le conteneur dans un registre de conteneurs Azure.
  • Déploiement vers Kubernetes : Avec kubectl apply, se connecter au service Azure Kubernetes, se connecter au service Azure Kubernetes configuré précédemment. Transférer un fichier manifeste pointant vers la nouvelle image dans le registre des conteneurs.

Ce processus conserve les mêmes points de terminaison d'API au moyen de redéploiements et ne perturbe pas la livraison de l'application par l'entremise du magasin des API du gouvernement du Canada.

Pipeline de réentraînement de modèle

Le pipeline de réentraînement de modèle est semblable à celui de demande d'extraction, mais exécute une tâche Databricks différente qui pointe vers le carnet de la branche principale. Le carnet journalise les mesures de session et enregistre le nouveau modèle dans Azure ML, puis déclenche le pipeline de déploiement.

L'entraînement du modèle peut nécessiter beaucoup de ressources. L'exécution du carnet en tant que tâche Databricks offre la possibilité de sélectionner un espace de calcul de haute performance (y compris les processeurs graphiques (GPU)). Les espaces sont automatiquement désassociés à la fin de la session d'entraînement.

Plutôt que d'être déclenchées par un événement particulier, les sessions du pipeline peuvent également être planifiées (consultez la page relative à la configuration de calendriers de pipelines pour obtenir de plus amples détails). Bon nombre des modèles reposent sur les données du dépôt de données d'entreprise de SPC, de sorte que l'équipe peut planifier le pipeline de réentraînement de modèle pour suivre le cycle de mise à jour du dépôt. Le modèle déployé peut ainsi toujours reposer sur les données les plus récentes.

Conclusion

Pour fournir un déroulement des opérations reproductible pour le déploiement de modèles d'AA dans le magasin des API du gouvernement du Canada, SPC a intégré plusieurs offres de SaaS Azure afin de créer une solution MLOps fonctionnelle.

  • Azure DevOps : Répertoire de code source; pipelines d'IC/DC et de réentraînement;
  • Azure Databricks : Développement de modèles d'AA dans des carnets; synchronisé avec le répertoire Git DevOps;
  • Azure ML : Expériences de suivi et d'enregistrement de modèles; création d'images Docker;
  • Service Azure Kubernetes : Service pour conteneur; vers lequel pointe le magasin des API du gouvernement du Canada.

Enfin, il convient de souligner que cette approche ne constitue qu'une des nombreuses solutions possibles. Les API Azure ML sur lesquelles la trousse de développement logiciel est basée sont en cours de développement actif et font l'objet de changements fréquents. L'équipe continue d'explorer des options en source ouverte et autohébergées. Le parcours de MLOps est loin d'être terminé, mais il est déjà bien engagé!

Si vous avez des questions au sujet de cette mise en œuvre ou si vous souhaitez simplement discuter de l'apprentissage automatique, veuillez envoyer un courriel à l'équipe de la Science des données et de l'Intelligence artificielle de SPC : ssc.dsai-sdia.spc@canada.ca.

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Technologies liées à la protection de la vie privée partie deux : introduction au chiffrement homomorphe

par Zachary Zanussi, Statistique Canada

Avez-vous déjà souhaité qu'il soit possible d'accéder à des données pour effectuer une analyse tout en préservant leur confidentialité? Le chiffrement homomorphe est une technique émergente de protection de la vie privée présentant d'éventuelles applications qui permettent un plus grand accès, tout en maintenant les données chiffrées et sécurisées.

Le premier article de la série, Une brève enquête sur les technologies liées à la protection de la vie privée, a présenté les technologies liées à la protection de la vie privée (TPVP) et la façon dont elles peuvent permettre une analyse tout en protégeant la confidentialité des données. Le présent article élabore sur le sujet en examinant plus en détail l'une de ces techniques, le chiffrement homomorphique, notamment pour discuter de quoi il s'agit, son fonctionnement et ce qu'il peut faire pour vous.

Le présent article commence par un aperçu du chiffrement homomorphe et de certains cas d'utilisation courants. Il fournit une évaluation équilibrée des avantages et des inconvénients du chiffrement homomorphe. Il couvre ensuite certains détails plus techniques pour vous préparer à explorer ces techniques vous-mêmes. À l'issue de cet article, nous espérons que vous souhaiterez poursuivre cet apprentissage en choisissant une bibliothèque de chiffrements homomorphes et en créant vos propres circuits chiffrés.

Des groupes internationaux envisagent actuellement la normalisation du chiffrement homomorphe. Le gouvernement du Canada ne recommande pas d'utiliser le chiffrement homomorphe en pratique, ni toute technique cryptographique, avant sa normalisation par des experts. Même si le chiffrement homomorphe n'est pas encore prêt à être utilisé sur des données de nature délicate, c'est le moment idéal pour explorer ses fonctionnalités ainsi que d'éventuels cas d'utilisation. Un article ultérieur portera sur les activités de normalisation relatives au chiffrement homomorphe, notamment les délais et les procédés attendus.

Qu'est-ce que le chiffrement homomorphe?

Un procédé traditionnel de chiffrement associe du texte en clair lisible par une personne à des cryptogrammes masqués, afin de protéger les données de regards indiscrets. Une fois masqués, ces cryptogrammes sont inaltérables; la modification même d'un seul bit de texte chiffré peut créer un message en texte en clair méconnaissable après déchiffrage. Cela rend le chiffrement traditionnel relativement statique. En revanche, un procédé de chiffrement homomorphe est dynamique; dans le cas de deux textes chiffrés, vous pouvez effectuer des opérations sur les textes en clair sous-jacents. Une opération d'« ajout » homomorphe fournit, par exemple, un texte chiffré qui fournit la somme des deux messages d'origine en texte en clair après déchiffrage. Cela permet de déléguer le traitement informatique à une autre partie, de sorte qu'elle puisse manipuler les données sans y accéder directement.

Un protocole typique d'infonuagique comprend un client qui envoie ses données dans le nuage. Puisque les connexions Internet sont intrinsèquement peu sûres, ce transfert est facilité par une forme de protocole de sécurité des transferts faisant intervenir le chiffrement, comme HTTPS. À la réception, le nuage procède au déchiffrage et au traitement informatique. Pourtant, que faire si vous souhaitez que vos données demeurent secrètes dans le nuage? Grâce à un chiffrement par procédé homomorphe, non seulement les données sont protégées au cours du transfert, mais elles le sont également tout au long du processus de traitement informatique. À l'issue de ce dernier, le nuage retransmet les résultats chiffrés au client, qui peut les déchiffrer et consulter les résultats à sa guise.

Le terme « homomorphe » vient du grec et se traduit approximativement par de « forme similaire ». En mathématiques, un homomorphisme est une application entre une structure mathématique et une autre qui préserve les opérations de la première structure. Pour créer un procédé de chiffrement homomorphe, une carte de chiffrement brouillant suffisamment les données est nécessaire, de sorte que personne ne puisse savoir ce qu'elles sont, tout en protégeant simultanément la structure des données, afin que des opérations sur les textes chiffrés entraînent des résultats prévisibles sur les textes en clair. Ces objectifs paradoxaux soulignent la difficulté de créer de tels procédés.

Figure 1 : Illustration des avantages du chiffrement homomorphe

Figure 1 : Illustration des avantages du chiffrement homomorphe. La série de figures de gauche représente un chiffrement ordinaire; pour appliquer l'analyse souhaitée, les données doivent d'abord être déchiffrées à l'aide de la clé privée. Pour que le transfert des résultats soit sécurisé, les données doivent être chiffrées à nouveau. Les données sont en outre vulnérables pendant toute la durée du traitement informatique. La série de figures de droite représente le chiffrement homomorphe; la partie effectuant le traitement informatique n'a besoin d'aucun renseignement de nature délicate pour procéder aux calculs, et les données ainsi que les résultats sont protégés par chiffrement.

Description - Figure 1

Illustration de la différence entre des traitements informatiques avec chiffrements ordinaire et homomorphe. Dans le cas du chiffrement ordinaire, les données (une boîte de lignes dotée d'un cadenas) doivent d'abord être déchiffrées à l'aide d'une clé; ce qui donne la même boîte marquée d'un cadenas ouvert. Si les résultats doivent être communiqués à une autre partie, ils doivent alors être à nouveau chiffrés à l'aide d'une autre clé. Dans le cas d'un chiffrement homomorphe, le traitement informatique peut être effectué directement, sans l'intervention de renseignements secrets tels que des clés.

Que pouvez-vous faire avec le chiffrement homomorphe?

Plusieurs paradigmes informatiques distincts peuvent être améliorés grâce au chiffrement homomorphe, notamment l'informatique déléguée, le partage de données et la diffusion de données. Ces différents paradigmes s'articulent tous autour du fait que le détenteur des données, l'analyste et les plateformes informatiques sont souvent des parties totalement distinctes; le but étant de réduire ou d'éliminer les préoccupations en matière de protection de la vie privée soulevées lorsque l'une de ces parties ne devrait pas accéder aux données. Il est important de noter que le chiffrement homomorphe utilise un modèle de sécurité plus faible qu'une cryptographie traditionnelle et que des précautions doivent être prises pour veiller à ce qu'il soit utilisé en pratique en toute sécurité.Note de bas de page 1

L'application probablement la plus simple fait intervenir un détenteur de données délégant le traitement informatique à une autre partie, comme le nuage. Dans ce scénario, un client chiffre ses données et les envoie dans le nuage avec des instructions. Le nuage peut suivre ces instructions de manière homomorphe et retourner le résultat chiffré, en n'apprenant rien sur les valeurs d'entrée, de sortie ni intermédiaires. Ces instructions suivent le modèle de circuits, qui sont des séquences d'opérations arithmétiques appliquées à des extrants. Il convient de souligner que créer des circuits corrects et efficaces avec chiffrement homomorphe n'est pas toujours évident, mais il n'y a théoriquement pas de limite aux calculs pouvant être exécutés. Statistique Canada a, par exemple, terminé des validations de principeNote de bas de page 2 en appliquant une analyse statistique et un entraînement de réseau neuronal sur des données chiffrées.

Pour reprendre le scénario d'informatique déléguée, envisagez un cas faisant intervenir de multiples détenteurs de données. Ces sources de données souhaitent partager leurs données, mais des enjeux de confidentialité les en empêchent. Le procédé exact dépend du modèle de confiance; toutefois, le chiffrement homomorphe peut permettre à ces différentes parties de chiffrer leurs données et de les partager avec une autorité centrale ayant le pouvoir de procéder à un traitement informatique de manière homomorphe. Ces applications de partage de données peuvent permettre de meilleures analyses dans des scénarios où les données sont limitées et protégées. Un exemple est un oncologue qui souhaite tester ses hypothèses; les données sur les patients sont généralement limitées aux hôpitaux traitants et combiner ces ensembles non seulement accroît la force du modèle, mais élimine les biais géographiques en matière de données. Par conséquent, permettre à plusieurs hôpitaux de partager leurs données chiffrées et aux oncologues de procéder à des traitements informatiques sur cet ensemble de données conjoint chiffré permet de meilleurs recherches et résultats en matière de soins de santé.

Envisagez également des scénarios faisant intervenir un détenteur de données central et plusieurs parties souhaitant analyser ces données. Les centres de données de recherche de Statistique Canada sont un tel exemple, puisqu'ils sont hébergés dans des installations sécurisées que gère l'organisme dans l'ensemble du Canada. Des chercheurs agréés peuvent obtenir une autorisation spéciale d'accéder à des microdonnées au sein de ces sites sécurisés. Même s'il est sécurisé, ce processus d'autorisation prend du temps et les chercheurs doivent pouvoir se rendre physiquement sur ces sites. Avec le chiffrement homomorphe, les centres de données pourraient peut-être héberger les données chiffrées et en fournir l'accès à toute partie le demandant. Cela réduirait les coûts administratifs d'ajouter de nouveaux chercheurs et étendrait l'accès aux données conformément à l'initiative de données ouvertes du Canada.

Figure 2 : Illustrations de ces trois paradigmes

Figure 2 : Illustrations de ces trois paradigmes. Tout d'abord, le traitement informatique délégué; le détenteur de données chiffre et envoie les données au nuage, qui retourne les résultats chiffrés après avoir procédé à des calculs homomorphes. Ensuite, plusieurs parties chiffrent et envoient leur part d'un ensemble de données distribué que le nuage peut utiliser pour procéder à une analyse, sans compromettre les principes de confidentialité de chaque détenteur de données. Enfin, un détenteur de données central peut donner accès à un ensemble de données chiffré à des analystes. Ces derniers peuvent ainsi faire l'objet d'une surveillance et de restrictions moindres, car ils n'ont jamais un accès direct aux données.

Description - Figure 2

Illustrations des trois paradigmes. Dans le cadre du paradigme de traitement informatique délégué, le détenteur de données envoie ses données chiffrées au nuage, qui lui retourne les résultats chiffrés. Dans le paradigme de multiples détenteurs de données, ces derniers peuvent individuellement envoyer leurs données chiffrées, permettant au serveur infonuagique d'effectuer un traitement informatique conjoint sur l'union de leurs ensembles de données, fournissant ainsi un résultat analytique plus robuste. Dans le paradigme de « banque de données », le nuage héberge les données et peut envoyer des données chiffrées à tout analyste choisi, sans crainte d'une mauvaise utilisation des données.

Le chiffrement homomorphe peut être utile au-delà de calculs numériques. Par exemple, pour un client en possession d'un ensemble de données de nature délicate, l'intersection d'ensembles privés (PSI) permet l'apprentissage de l'intersection de cet ensemble avec un ensemble de données sur un serveur, sans que ce serveur n'apprenne l'ensemble de données du client et sans que le client n'apprenne quoi que ce soit sur les données du serveur au-delà de l'intersection. La mise en correspondance de chaînes privées (PSM) est un protocole similaire permettant au client d'interroger une base de données textuelle pour une sous-chaîne correspondante. À l'aide de ces primitives cryptographiques et d'autres, vous pouvez imaginer une vaste suite protégeant la vie privée et couplant des données entre divers ministères et établissements publics. Même si un tel système est ambitieux et que les modes de mise en œuvre exacts ne sont pas encore clairs, cela permet d'envisager les types de systèmes auxquels nous pouvons aspirer à mesure que des tâches plus complexes sont effectuées à l'aide du chiffrement homomorphe et d'autres technologies liées à la protection de la vie privée.

Inconvénients du chiffrement homomorphe

Malgré les nombreux avantages de l'utilisation du chiffrement homomorphe, comme pour toute technologie, il présente de potentiels inconvénients. Le prix de la sécurité cryptographique est le coût computationnel; selon l'analyse, le calcul chiffré peut être plus dispendieux de plusieurs ordres de grandeur que le calcul non chiffré. Il existe également un coût de décompression des données qui peut être assez important. Ce coût de décompression des données est aggravé par le fait que la plupart des protocoles de chiffrement homomorphe font intervenir un transfert de données chiffrées. Alors que le stockage infonuagique est relativement peu coûteux, le transfert de données peut être coûteux et complexe.

Le chiffrement homomorphe autorise en outre un ensemble limité de calculs en mode natif. Seules l'addition, la soustraction et la multiplication sont natives à la plupart des procédés arithmétiques et tous les autres calculs (exponentiels, fonctions d'activation, etc.) doivent être exprimés approximativement par un polynôme. Il convient de souligner que cela est généralement le cas avec tous les ordinateurs, mais lorsqu'un ordinateur moderne cache ce fait à l'utilisateur, les bibliothèques de chiffrements homomorphes exigent actuellement de l'utilisateur qu'il précise comment calculer ces fonctions non insignifiantes.Note de bas de page 3 Dans certains procédés, il convient également de se préoccuper de la profondeur des calculs tentés. En effet, ces procédés introduisent du bruit dans les données chiffrées pour les protéger.

Ce bruit est aggravé par des calculs successifs et, à moins d'être réduit,Note de bas de page 4 dépasserait éventuellement le signal; le déchiffrage ne fournirait alors plus les résultats attendus. Le choix des paramètres de chiffrement est important dans ce cas. Pour un circuit donné, il existe un ensemble de paramètres suffisamment grand pour être adapté; toutefois, gérer des paramètres plus importants accroît le coût de calcul du protocole.

Les coûts supplémentaires en termes de calcul et de création de circuits peuvent-ils être justifiés? Le chiffrement homomorphe permet des calculs potentiellement impossibles autrement. Cela concerne des ensembles de données de nature délicate en particulier, comme les données sur la santé. Le coût auquel fait face un analyste pour obtenir les autorisations de travailler sur de telles données est énorme, tout comme d'autres complications, comme des environnements informatiques contrôlés. Une fois les données partagées, comment vérifier que les analystes respectent les règles? Certains détenteurs de données peuvent rechigner à permettre à quiconque d'accéder à leurs données; sans des mesures supplémentaires, comme le chiffrement homomorphe, cette analyse est peut-être impossible. La décision entre un « calcul coûteux » et « aucun calcul » est bien plus facile à prendre.

De plus, divers procédés et leur mise en œuvre sont un domaine actif de recherche et les mises en œuvre de bibliothèques permettent régulièrement des améliorations de leurs algorithmes de calcul homomorphe et de compression de données. D'importants investissements en accélération matérielle pour le chiffrement homomorphe ont récemment été faits. Cela est similaire au matériel installé sur la plupart des ordinateurs, qui comprend des circuits électroniques particuliers conçus pour effectuer des opérations de chiffrement et de déchiffrage aussi rapidement que possible. Cela pourrait permettre aux ordinateurs infonuagiques qui utilisent cette accélération du chiffrement homomorphe d'effectuer des analyses sur des données chiffrées à des vitesses plus proches de celles s'appliquant à des données non chiffrées.

Malgré ces inconvénients, il y a lieu de penser que le chiffrement homomorphe deviendra un important outil de protection de la vie privée. C'est par conséquent le moment idéal de commencer à examiner ce que ces techniques peuvent permettre de faire.

Mathématiques du chiffrement homomorphe

Nous allons maintenant plonger dans les rouages mathématiques internes du chiffrement homomorphe, notamment des détails cryptographiques. Nous espérons que même les lecteurs non férus de mathématiques pourront saisir les bases du fonctionnement de ces procédés. Il convient de souligner que le reste de cette section fournit des détails découlant du procédé de Cheon, Kim, Kim et Song, intitulé chiffrement homomorphe pour l'arithmétique de nombres approximatifs (le contenu de cette page est en anglais), mais la communauté cryptographique l'appelle généralement CKKS. Cela dit, la majeure partie de ce qui est mentionné ici s'applique également à d'autres procédés avec seulement de légères modifications.

Au cœur de tout cryptosystème à clé publique se trouve un problème mathématique jugé difficile à résoudre, sauf en ayant accès à un renseignement particulier appelé une clé secrète (ou privée). Une clé publique associée peut être utilisée pour chiffrer des données en texte clair pour produire un texte chiffré, mais seule la connaissance de cette clé secrète permet de rétablir le texte en clair initial à partir de ce texte chiffré. Puisque la clé publique ne peut pas servir au déchiffrage, elle peut être partagée avec toute personne souhaitant chiffrer des données avec la confiance que seul le détenteur de la clé secrète peut déchiffrer le texte chiffré pour accéder au texte en clair.

La plupart des procédés de chiffrement homomorphe ont recours à des variantes de l'hypothèse de difficulté d'apprentissage avec erreurs (LWE). Cela décrit la variante annulaire appelée apprentissage annulaire avec erreurs (RLWE). Au lieu de traiter de nombres entiers, ce procédé traite de polynômes dotés de coefficients entiers. Vous pouvez, par exemple, utiliser l'espace de polynômes avec coefficients entiers modulo q ordres de grandeur inférieur à N; exprimé sous la forme Rq=Zq[X]/XN-1. Vous pouvez considérer cet espace simplement comme des listes de nombres entiers N, chacun inférieur à q. Généralement, ces valeurs devraient être relativement grandes; par exemple N=215=16,384 et q ~ 2800. Cela rend Rq suffisamment grand pour y cacher des secrets! La figure 3 fournit un petit exemple du type d'espace avec lequel nous travaillerions.

Figure 3 : Petit exemple d'anneau d'un type pouvant être utilisé pour le chiffrement homomorphe, ainsi que quelques-uns de ses éléments

Figure 3 : Petit exemple d'anneau d'un type pouvant être utilisé pour le chiffrement homomorphe, ainsi que quelques-uns de ses éléments. Remarquez que la somme ou le produit de ces éléments est un autre élément de l'anneau.

Description - Figure 3

Exemple d'anneau pouvant être intéressant pour un travail avec le chiffrement homomorphe.

R17=Z17[X]/X16-1
X15+11X14+X12+5X7+2X6+4X2+X+16
X4+13X3+5X2+X+8
X10+16X8+X6+16X4+X2+16

Ici, la valeur de q est 17 et la valeur de N est 16. Des exemples de polynômes de l'anneau sont également indiqués; un exemple est le polynôme x4+13x3+5x2+x+8.

Dans le cas de deux polynômes, par exemple, vous pouvez les ajouter ou les multiplier. Le résultat de ces opérations est toujours un autre polynôme.Note de bas de page 5 Rq devient ainsi un type de bac à sable au sein duquel vous pouvez évoluer librement. Les mathématiciens appellent un ensemble présentant cette propriété un anneau; la façon dont ces opérations influent sur les éléments de l'anneau est ce que l'on appelle la structure. La propriété spéciale du chiffrement homomorphe est qu'il existe des opérations dans l'espace du texte chiffré qui correspondent de façon homomorphe aux opérations de l'espace de texte en clair sous-jacent. On préfère l'utilisation d'anneaux polynomiaux, car les opérations sont efficaces et on juge le problème RLWE difficile.

Comment cache-t-on un secret dans un espace mathématique? Supposez que vous disposez de quatre polynômes aléatoiresNote de bas de page 6 dans Rq, appelés a, s, e, et b. L'hypothèse de difficulté RLWE énonce qu'il est très difficile de distinguer une série de paires de la forme (a,as+e) ou de la forme (a,b). Ici, « très difficile de distinguer » signifie que « les paramètres peuvent être définis de telle sorte que tous les ordinateurs les plus puissants du monde fonctionnant ensemble avec les meilleurs algorithmes connus ne pourraient pas résoudre le problème ». Les polynômes a et b peuvent être échantillonnés de façon aléatoire uniformément au sein de tous les Rq, mais les autres ont une forme spéciale. Dans le cadre du procédé CKKS, s a les coefficients ±1  ou 0 et nous échantillonnons les coefficients de e dans une répartition gaussienne discrète sur Zq centrée autour de 0. Dans le reste de cet article, nous allons simplement qualifier ces polynômes de « petits », car, dans les deux cas, leurs coefficients sont proches de 0.

La difficulté du problème RLWE permet de garder un secret comme suit : remarquez que la première paire est corrélée; il existe un facteur de a dans les deux polynômes, alors que dans la deuxième, il n'existe aucune corrélation entre les a et b sélectionnés aléatoirement. Imaginez maintenant qu'une personne vous remette de nombreuses paires toutes de la forme (a,as+e) pour de nombreuses valeurs différentes de e et une constante s, ou toutes des paires complètement aléatoires. Selon la difficulté de RLWE, non seulement vous ne pourriez pas trouver s de façon fiable en fonction des paires (a,as+e), mais vous ne pourriez pas non plus déterminer de façon fiable la paire vous ayant été donnée! La figure 4 fournit un petit exemple de ce problème pour que vous vous y exerciez chez vous.

Figure 4 : Quatre paires de polynômes

Figure 4 : Quatre paires de polynômes dans R17=Z17[X]/X16-1 • réparties en deux groupes. Un groupe est distribué comme (a,as+e) pour certains « petits » s fixes et deux « petits » e aléatoires différents et l'autre groupe est de la forme (a,b). Savez-vous lequel est lequel? Qu'en est-il si 17 devient 2800 et 16 devient 16,384? Imaginez maintenant d'essayer de trouver s. Veuillez noter que dans l'hypothèse de RLWE, un seul de ces groupes vous serait fourni et non les deux.

Description - Figure 4

Quatre paires de polynômes. Cela est supposé être un petit exemple du problème RLWE pour que vous vous y exerciez chez vous. Les paires polynomiales sont réparties en deux groupes. Un groupe est réparti sous forme (a,as+e)  pour un « petit » polynôme s et l'autre est de la forme (a,b) pour a et b aléatoires. Savez-vous lequel est lequel? Les polynômes de la figure sont reproduits ci-dessous :

(x4+4x3+10x+1,x8+6x7+x6+8x5+12x4+4x3+10x2+8x+14)
(x4+12x3+2x2+5x+11, x8+14x7+14x6+12x5+9x4+13x3+8x2+6x+7)
(x4+5x3+3x2+8, x8+4x7+12x6+16x5+15x4+3x3+6x2+9x+8)
(x4+9x3+7x2+14x+1, x8+413x7+9x6+14x5+2x4+8x3+x2+13x+12)

La sécurité des procédés fondés sur RLWE découle du fait que si a, s et e sont donnés, il est facile de calculer a*s + e, mais il est pratiquement impossible de trouver s à partir de a et a*s + e. Vous pouvez créer un système de chiffrement de clé publique comme suit :

  • Fixez votre espace Rq en choisissant un coefficient modulus q et un polynôme modulus de degré N.
  • Choisissez une « petite » clé secrète s aléatoire, un a uniformément aléatoire, et un « petit » e aléatoire pour créer votre clé publique (a, -as+e,a). Remarquez la valeur négative dans cette paire; cela rend le processus de chiffrement plus simple, mais n'influe pas sur la sécurité de RLWE.
  • Partagez votre clé publique avec le monde entier et personne ne pourra trouver votre clé secrète! Ainsi, toutes les personnes possédant cette clé publique peuvent chiffrer les données et les envoyer à une partie pour y appliquer des calculs, de façon homomorphe. À la fin, les résultats peuvent également uniquement être déchiffrés et affichés à l'aide de la clé secrète.

Pour chiffrer les données, celles-ci doivent d'abord être codées comme vecteur de v nombres réels. Cela est simple lorsque vous travaillez avec des données numériques et la pratique courante lors d'un travail avec des données textuelles et autres. Pour ce chiffrement, le vecteur de v données est d'abord codé comme polynômeNote de bas de page 7 m dans Rq et combiné avec la clé publique, afin d'obtenir un texte chiffré, désigné par [v]. Maintenant, envoyez cela à la partie informatique effectuant les additions et multiplications homomorphes pour mettre en œuvre le calcul souhaité. La figure 5 représente un circuit simple calculant une fonction polynomiale. Une fois les calculs effectués et les textes chiffrés résultants obtenus, vous pouvez utiliser votre clé secrète pour déchiffrer et afficher les résultats.

Figure 5 : Visualisation d'un circuit homomorphe

Figure 5 : Visualisation d'un circuit homomorphe. Un vecteur de valeurs peut être chiffré en un simple texte chiffré et faire simultanément l'objet de calculs. La figure représente seulement une réalisation d'un circuit pour calculer le polynôme f(x). Les valeurs avec cadenas sont chiffrées et donc illisibles pour la partie effectuant les calculs.

Description - Figure 5

Circuit homomorphe évaluant la fonction nf(x)=x3+4x2+2x+1 sur un vecteur de valeurs. Les cadenas représentent les valeurs chiffrées et donc illisibles pour la partie effectuant les calculs. Les flèches et les opérations indiquent la façon dont il est possible de coder en fait le circuit dans une bibliothèque de chiffrements homomorphes.

Même si le présent article n'a pas exploré tous les détails de la mise en œuvre mathématique de ces opérations, la description du chiffrement homomorphe jusqu'à présent fournit le contexte nécessaire pour en apprendre plus en la matière.

Comment commencer à utiliser le chiffrement homomorphe

Pour vous lancer en chiffrement homomorphe, explorez certaines des bibliothèques de chiffrements homomorphes en source ouverte disponibles; vous pouvez essayer Microsoft SEAL, PALISADE Homomorphic Encryption Software Library, TFHE: Fast Fully Homomorphic Encryption over the Torus, voire Concrete: Open-source Homomorphic Encryption Library si vous êtes utilisateur de Rustacean also know as someone who uses Rust (le contenu de ces pages est en anglais). Ces diverses bibliothèques mettent en œuvre de multiples procédés de chiffrement homomorphe; vous pouvez choisir celui qui convient le mieux à votre cas d'utilisation. Nous soulignons que, jusqu'à la fin du processus de normalisation, le gouvernement du Canada ne recommande pas d'utiliser le chiffrement homomorphe avec tout type de données de nature délicate.

Même si tous ces procédés de chiffrement homomorphe différents permettent de mettre en œuvre la plupart des cas d'utilisation, certains seront plus performants que d'autres sur certains problèmes. Le procédé CKKS est conçu pour fonctionner sur des nombres réels; si les statistiques ou l'apprentissage automatique vous intéressent, c'est là que vous devriez probablement commencer! Brakerski/Fan-Vercauteren et Brakerski-Gentry-Vaikuntanathan sont parfaits pour l'arithmétique de nombres entiers et mettre en œuvre les primitives informatiques comme l'intersection d'ensemble privé ou la correspondance de chaînes. TFHE met en œuvre des fonctions logiques en mode natif et actualise le bruit de texte chiffré à chaque opération, ce qui permet d'améliorer l'efficacité lorsque les profondeurs de circuit sont plus longues. Nous encourageons les lecteurs intéressés à essayer des circuits simples en utilisant chaque procédé et à en comparer les résultats et les performances!

Si vous souhaitez de plus amples renseignements sur les aspects de cybersécurité du chiffrement homomorphe, notamment les activités de normalisation, communiquez avec le Centre canadien pour la cybersécurité par courriel à l'adresse contact@cyber.gc.ca et par téléphone au 613-949-7048 ou 1-833-CYBER-88.

Conclusion

Le présent article a exploré en détail le chiffrement homomorphe, de ses applications jusqu'au problème RLWE. Cette série sur les technologies liées à la protection de la vie privée se penchera ensuite sur des validations de principe effectuées en appliquant le chiffrement homomorphe à Statistique Canada! Elle couvrira également certains des aspects plus avancés de l'interface CKKS, notamment les rotations, le choix des paramètres, la mise en paquet, le bootstrap, la mise à l'échelle et les niveaux.

Souhaitez-vous être tenu au courant de ces nouvelles technologies? Voulez-vous faire état de vos travaux dans le domaine de la protection de la vie privée? Consultez la page GCConnex de notre communauté de pratique sur les technologies de protection de la vie privée (réservée aux employés du gouvernement du Canada), afin de discuter de cette série d'articles sur la protection de la vie privée, d'interagir avec des pairs qui s'intéressent à la protection de la vie privée, et de partager des ressources et des idées avec la communauté. Vous pouvez également commenter ce sujet ou fournir des suggestions d'articles futurs pour cette série.

Note : Nous souhaitons remercier le Centre canadien pour la cybersécurité et l'Institut Tutte pour les mathématiques et le calcul, faisant tous deux partie du Centre de la sécurité des télécommunications, pour leur participation au présent article.

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Le bulletin d'information du Réseau de la science des données a un an!

Par : Allie MacIsaac, Claudia Mokbel et Kathleen Carson, Statistique Canada

Qui n'aime pas célébrer un anniversaire? Notre bulletin d'information du Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale (RSDFPF) – le Méli-mélo de la science des données – a eu un an! Pour célébrer notre premier anniversaire, nous vous communiquons certaines de nos réalisations de l'année écoulée.

Figure 1 – Anniversaire du Réseau de la science des données

Figure 1 – Anniversaire du Réseau de la science des données

Description - Figure 1

Image d'une bougie d'anniversaire ayant la forme du chiffre « 1 ». Les mots « Réseau de la science des données » figurent au-dessus, avec le logo du réseau en arrière-plan.

L'année a été passionnante et s'est écoulée à toute vitesse – la communauté du RSDFPF a connu une croissance rapide, et cet enthousiasme nous encourage à mesure que nous continuons de croître et de nous adapter pour répondre aux besoins de la communauté de la science des données.

Votre opinion nous importe!

À mesure que le RSDFPF continue de croître, nous espérons continuer de répondre à vos besoins et de fournir le contenu qui sera le plus utile à notre lectorat. Nous vous invitons à prendre un moment pour répondre à notre enquête : Sondage sur le bulletin d'information du Réseau de la science des données, et nous faire part de votre avis concernant le réseau – notamment ce qui fonctionne et ce que nous pourrions améliorer. Nous vous remercions pour votre rétroaction!

Figure 2 – Frise chronologique indiquant les étapes clés du RSDFPF

Description - Figure 2

Frise chronologique indiquant les étapes clés du RSDFPF. Une barre traversant la partie inférieure de l'image indique les années 2020, 2021 et 2022. Voici les points figurant dans la chronologie de 2020 : Naissance de l'idée du réseau lors de la Conférence sur les données 2020 – février; Lancement du module Web du Centre de la science des données – septembre; Première réunion du comité des directeurs du RSDFPF – novembre; Création du wiki du RSDFPF – décembre. Voici les points figurant dans la chronologie de 2021 : Annonce du nom du bulletin d'information – janvier; Participation du RSDFPF à la Conférence sur les données 2021 – février; Première publication d'offres d'emploi dans le bulletin d'information – février; Première réunion du groupe de travail sur la gestion des talents en science des données – avril; Atelier sur les robots conversationnels (à venir) – décembre. Voici les points figurant dans la chronologie de 2022 : Conférence sur les données 2022 (à venir) – février.

Tout ce qu'il faut savoir sur le Réseau de la science des données

Figure 3 Tableau des membres du Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale

Figure 3 Tableau des membres du RSDFPF

Description - Figure 3

Graphique circulaire des membres du RSDFPF montrant le pourcentage de membres qui appartiennent aux catégories qui suivent : administrations publiques fédérales (70 %), secteur privé (18 %), milieu universitaire (8 %), administrations publiques provinciales (2 %), municipalités (1 %) et administrations publiques étrangères (1 %).

En chiffres

  • Plus de 2 200 membres
  • Dont des représentants de :
    • plus de 70 organismes et ministères,
    • 69 établissements d'enseignement,
    • 15 administrations publiques et organismes provinciaux ou territoriaux;
  • 22 articles publiés;
  • 11 éditions du bulletin d'information.

La première édition du bulletin d'information a été publiée en octobre 2020. Elle a servi de point de lancement du RSDFPF, dont l'objectif était de renforcer les capacités de la science des données et de mettre en commun les méthodes de la science des données au sein du gouvernement du Canada et au-delà. La communauté du RSDFPF comprend des personnes provenant de tous les secteurs, notamment des employé(e)s des administrations publiques fédérale et provinciales, des employé(e)s du secteur privé et des membres du milieu universitaire. Consulter la page À propos du Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale pour obtenir plus de renseignements.

La communauté du RSDFPF accueille par ailleurs des membres de tous les niveaux d'expérience et de compétence – elle n'est pas réservée qu'aux scientifiques des données! La communauté comprend des personnes qui collaborent avec des scientifiques des données, les supervisent ou les embauchent et même des personnes qui sont simplement curieuses et veulent en savoir plus sur ce domaine en expansion permanente.

L'objectif principal du RSDFPF est d'établir les bases d'un écosystème de la science des données, à l'échelle du service public et organisé autour de cinq domaines d'intérêt : la gestion des talents, la formation et l'apprentissage, le partage de l'information, la collaboration et les services communs.

Figure 4 – Les cinq domaines d'intérêt du Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale

Figure 4 – Les cinq domaines d'intérêt du RSDFPF

Description - Figure 4

Image comprenant cinq cercles liés et alignés de gauche à droite. Chaque cercle comprend un domaine d'intérêt. De gauche à droite, les cinq domaines sont la gestion des talents, la formation et l'apprentissage, le partage de l’information, la collaboration et les services conjoints.

L'idée d'un réseau de la science des données a été présentée pour la première fois lors de la Conférence sur les données 2020, qui a eu lieu à Ottawa les 13 et 14 février. Les employé(e)s du gouvernement du Canada ont exprimé leur enthousiasme à l'égard de cette initiative, car ils cherchaient une plateforme centrale à visiter pour obtenir les derniers renseignements sur la science des données.

Un espace réservé au RSDFPF

Figure 5 – Un espace réservé au Réseau de la science des données pour la fonction publique

Figure 5 – Un espace réservé au RSDFPF

Description - Figure 5

Le logo du Réseau de la science des données est composé des mots « Réseau de la science des données » en bleu marine et bleu ciel qui figurent dans la partie supérieure et de deux images vectorielles de personnes à l'intérieur d'un cercle, représentant le noyau du logo (et du réseau). Ce cercle est relié par des lignes à d'autres cercles, à l'intérieur desquels figurent des images de graphiques, d'horizons et autres symboles. Ces images représentent les différentes manières d'utiliser ou d'exprimer les résultats de la science des données.

C'est de cet enthousiasme qu'est né le RSDFPF! Les premières étapes ont notamment compris le lancement du module Web — Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale. Ce module fait partie du Centre de la science des données de Statistique Canada et présente tous les articles du réseau, la page d'abonnement au bulletin du Réseau de la science des données pour la fonction publique fédérale et d'autres ressources en science des données.

Un méli-mélo plaisant

Le bulletin d'information, intitulé Méli-mélo de la science des données, est en constante évolution. Jusqu'à présent, nous y avons présenté une grande variété d'articles sur des sujets de pointe. Cela comprend les projets de Statistique Canada et des présentations d'autres organismes et ministères. Jetez un coup d'œil à nos dix articles les plus lus – vous y trouverez certainement quelque chose d'intéressant!

Découvrez les 10 articles les plus lus de l'année

  1. La plateforme infonuagique d'analyse avancée liée à la COVID-19
  2. Une brève enquête sur les technologies liées à la protection de la vie privée
  3. Utilisation responsable des systèmes décisionnels automatisés du gouvernement fédéral
  4. De l'exploration à l'élaboration de modèles d'apprentissage automatique interprétables et précis pour la prise de décision : privilégiez la simplicité et non la complexité
  5. Charges de travail protégées dans le nuage public
  6. Utiliser la science des données et les outils infonuagiques pour évaluer les répercussions économiques de la COVID-19
  7. Modélisation thématique et modélisation thématique dynamique : Une revue technique
  8. Contrôle de version avec Git pour les professionnels de l'analyse
  9. Classification des commentaires sur le Recensement de 2021
  10. Un étudiant coop explore la puissance des mégadonnées

Au RSDFPF, nous accueillons toujours avec plaisir vos propositions. Vous pouvez envoyer vos idées ou vos articles à l'équipe par courriel : statcan.dsnfps-RSDFPF.statcan@statcan.gc.ca et nous faire part de vos commentaires! C'est avec grand plaisir que nous traiterons de votre projet ou d'un sujet qui vous intéresse.

La première réunion du comité des directeurs du RSDFPF

Pour répondre aux besoins croissants du réseau, la première rencontre du comité des directeurs du Réseau de la science des données a eu lieu le 25 novembre 2020. La réunion a été très suivie, avec des représentants venus de 17 organismes et ministères et des partenaires désireux de faire progresser les capacités en matière de science des données. Après une présentation de l'objet et des buts du RSDFPF, nous avons eu une discussion animée sur les priorités du réseau – nous avons déjà progressé sur beaucoup d'entre elles à l'occasion de réunions ultérieures.

Cette première discussion et les suivantes ont porté notamment sur : la création d'un groupe de travail chargé de définir les compétences pour les descriptions des emplois en science des données au sein du gouvernement du Canada et d'améliorer les processus d'embauche et de maintien en poste du personnel; les contributions potentielles à la Conférence sur les données 2022 (qui sera co-organisée par Statistique Canada et l'École de la fonction publique du Canada); le projet d'organiser plusieurs séances de discussion sur les sujets pressants pour la communauté du RSDFPF, notamment les agents conversationnels et les entrepôts de données. Restez à l'affût pour plus en savoir plus sur ces événements à venir!

Les contributions clés à la 2021 Conférence sur les données

Les membres de tout le RSDFPF ont participé à plusieurs séances lors de la Conférence sur les données 2021, organisée en ligne en février. Le thème de la conférence était « Une communauté des données intégrée pour rebâtir en mieux », en réponse à la priorité du gouvernement du Canada d'œuvrer au rétablissement et à sa volonté d'apporter des changements systémiques positifs en utilisant des données de qualité.

Le RSDFPF a participé aux séances qui suivent :

  • le groupe d'experts sur l'évaluation des données saisies et l'exactitude du modèle résultant – la manière dont les scientifiques des données mettent la théorie en pratique lorsqu'ils évaluent des données pour des projets et la manière dont ils collaborent avec les clients pour obtenir la qualité de sortie souhaitée;
  • l'atelier sur l'Espace de travail d'analyse avancée – une discussion sur la conception de ce guichet unique pour la science des données et les analyses, une démonstration de la plateforme et une explication sur la manière dont cet espace de travail permet de réaliser des analyses à une échelle qu'il était auparavant impossible d'atteindre;
  • l'atelier sur les outils de gestion des talents pour les scientifiques des données – la manière dont les rôles sont définis dans d'autres organismes et les moyens de mettre à profit ces méthodes pour aider à combler les lacunes dans les profils de compétences des scientifiques des données au sein du gouvernement du Canada, afin d'attirer et de maintenir en poste les talents.

Compétences et collaboration

En misant sur le succès de l'atelier sur la gestion des talents lors de la Conférence sur les données, ainsi que sur les besoins définis lors des discussions de la réunion du comité des directeurs, le RSDFPF a créé un groupe de travail sur les compétences pour la gestion des talents en science des données. L'objectif de ce groupe de travail est de définir les rôles attendus dans une équipe de science des données et les compétences techniques et comportementales nécessaires pour chacun de ces rôles. Le groupe de travail s'appuie sur ces renseignements pour élaborer des profils de compétences qui permettront ensuite de rédiger des descriptions de postes fonctionnels, afin d'aider à maintenir en poste les scientifiques des données au sein de la fonction publique fédérale. Par ailleurs, le groupe de travail collabore étroitement avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et la communauté des données du gouvernement du Canada, pour garantir une cohérence avec les autres initiatives en matière de ressources humaines et avec les compétences en numérique du gouvernement du Canada. Les ébauches de définition des rôles et des compétences sont prêtes. Le groupe a commencé à travailler sur l'attribution des niveaux de compétence. Les membres se réunissent toutes les deux semaines. Consultez la page du groupe de travail sur GCcollab pour obtenir plus de renseignements.

Regard vers l'avenir

D'autres nouveautés passionnantes sont prévues pour les prochains mois. Gardez un œil sur le bulletin d'information pour en savoir plus.

Le RSDFPF se réjouit :

  • de continuer d'encourager les projets de collaboration entre Statistique Canada et d'autres organismes et ministères fédéraux;
  • d'organiser de nouveaux événements, tels que l'atelier sur les agents conversationnels à venir en décembre;
  • d'organiser un atelier sur les entrepôts de données en 2022;
  • de publier plus d'articles et de contenu dans le bulletin d'information, avec les dernières nouvelles sur les projets et les ressources en science des données;
  • de participer à la Conférence sur les données 2022;
  • et plus encore!

Nous vous remercions de votre soutien, de votre intérêt et de votre enthousiasme constants, tandis que nous nous efforçons toutes et tous d'accroître les capacités de la science des données au sein du gouvernement du Canada et au-delà.

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Un nouvel indicateur des mouvements hebdomadaires d'aéronefs

Par : Krishna Chaitanya Gopaluni, Statistique Canada

L'an dernier, lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé le Canada, le gouvernement fédéral a imposé des restrictions concernant les voyages non essentiels dans l'ensemble du pays pour aider à limiter la propagation du virus. Des restrictions frontalières sont également entrées en vigueur le 18 mars 2020 pour les voyages transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis de même que pour les autres voyages internationaux. L'équipe de l'aviation du Centre canadien de la statistique du tourisme et du transport (CCSTT) de Statistique Canada publie des statistiques mensuelles détaillées sur les mouvements d'aéronefs deux mois après la période de référence, mais ces statistiques n'étaient pas suffisamment actuelles pour mesurer l'évolution rapide de la situation.

Parmi les nombreuses sources de données utilisées par le CCSTT pour produire ces statistiques mensuelles figurent les données qu'il reçoit des tours de contrôle de la circulation aérienne de NAV CANADA. L'équipe de la CCSTT connaissait le potentiel des données, mais elle n'avait ni les compétences ni le temps nécessaires pour produire efficacement des estimations préliminaires de qualité. Par conséquent, elle a collaboré avec l'équipe de l'opérationnalisation de la science des données (OSD), qui fait partie de la Division de la science des données de Statistique Canada. Ensemble, les équipes ont entrepris un projet visant à produire un nouvel indicateur des mouvements hebdomadaires d'aéronefs au Canada afin d'évaluer l'incidence des restrictions sur les aéroports canadiens dotés de tours de contrôle de la circulation aérienne de NAV CANADA.

L'équipe de l'OSD a travaillé avec le CCSTT pour produire une application sur mesure et simple, qui produit des estimations des mouvements d'aéronefs à partir de fichiers de données brutes déclarées dans le cadre du programme mensuel sur les statistiques relatives aux mouvements des aéronefs. Cette application est utilisée par les analystes de l'équipe de l'aviation pour produire des fichiers de sortie de données hebdomadaires, qui sont ensuite chargés dans le tableau Mouvements itinérants intérieurs et internationaux d'aéronefs pour diffusion au public. Les données sont mises à jour chaque semaine et publiées 12 jours après la semaine de référence.

Les estimations hebdomadaires permettent à Statistique Canada de fournir un indicateur avancé du niveau de circulation aérienne dans l'ensemble du pays en temps très opportun. Cette mesure s'est révélée utile, car la circulation aérienne a été durement touchée par la pandémie.

Automatisation du déroulement des opérations

Étant donné qu'il s'agissait d'une nouvelle initiative entreprise pendant la pandémie, il a fallu la mettre en œuvre d'une manière qui nécessitait peu de temps et d'efforts afin de suivre l'évolution de la situation dans l'aviation. Les analystes de l'équipe de l'aviation du CCSTT n'étaient pas certains de la façon optimale de produire des estimations hebdomadaires. Bien qu'ils aient accès aux fichiers bruts de NAV CANADA, il n'est pas facile de les traiter pour obtenir les bons renseignements, car les données sont semi-structurées. En vue d'accélérer ce processus, l'équipe de l'OSD a mis au point une approche automatisée pour estimer les mouvements hebdomadaires des aéronefs, afin que les analystes puissent facilement publier les chiffres.

Les renseignements extraits Mouvements itinérants intérieurs et internationaux d'aéronefs, total de tous les aéroports dotés d'une tour de contrôle de NAV CANADA, hebdomadaire, ont été agrégés chaque semaine pour les voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux.

Une représentation des étapes que franchissent les données pendant leur traitement

Figure 1 – Étapes du réseau de données

Description - Figure 1

Une représentation des étapes que franchissent les données pendant leur traitement. Progression de l'appariement du modèle vers l'extraction de la position du texte apparié, l'identification des aéroports intérieurs et la conversion en table de données. La table de données structurée est ensuite classée en catégories et des agrégats hebdomadaires sont créés.

À première vue, l'automatisation de ce processus semblait difficile; toutefois, l'équipe de l'OSD a mis en place une solution fondée sur Python, qui s'est révélée utile. Elle a utilisé une technique simple d'appariement de formes utilisant des expressions régulières et la bibliothèque intégrée de traitement de chaînes de caractères de Python pour extraire du texte à partir d'une position donnée dans les données semi-structurées. Pour ce faire, l'équipe a d'abord recueilli les données de NAV CANADA auprès des intervenants et a utilisé des techniques de reconnaissance des motifs pour récupérer les entrées liées à 41 aéroports intérieurs et des renseignements sur les mouvements intérieurs, les mouvements transfrontaliers et les autres mouvements internationaux. Ensuite, les données ont été transformées en données structurées et stockées dans une table de données. À l'étape suivante de l'exécution, l'application a classé chaque entrée selon les catégories « voyages intérieurs », « voyages transfrontaliers » ou « autres voyages internationaux », en fonction des métadonnées. Enfin, les chiffres correspondant à chaque catégorie ont été regroupés en mouvements hebdomadaires. La bibliothèque Python d'analyse de données Pandas a également été utilisée pour créer des agrégations hebdomadaires complexes. L'agrégation hebdomadaire dépend de la date de début fournie par l'utilisateur.

Résultats après l'automatisation du déroulement des opérations

Lors de la première diffusion du 18 mars 2020, les analystes ont utilisé l'approche automatisée pour diffuser les estimations agrégées des mouvements d'aéronefs. Les résultats ont montré une diminution du nombre de vols provenant de ces 41 aéroports. Pendant l'analyse des résultats d'un processus automatisé , il est souvent difficile de connaître la qualité de ces résultats. Toutefois, dans ce cas, les données diffusées précédemment comportaient beaucoup de données validées sur le terrain. L'exactitude des résultats de l'application a été vérifiée en recréant les chiffres mensuels déjà diffusés de l'année précédente. La validation était un processus itératif, car la majorité des résultats de la nouvelle application Python se rapprochaient des valeurs diffusées. Certaines données aberrantes ont dû être examinées par les experts du CCSTT. Une fois cette étape terminée, le code a été mis à jour jusqu'à ce que les estimations préliminaires de la nouvelle application Python et les résultats diffusés soient raisonnablement exacts. Depuis le déploiement de l'application en production, une seule modification a été nécessaire : un aéroport a été ajouté aux données de NAV CANADA.

Incidence sur les utilisateurs de l'application

Les analystes du CCSTT utilisent le format de l'Entrepôt commun des données de sortie (ECDS) pour diffuser tous les résultats sur le site Web de Statistique Canada. L'ECDS est un format de base de données précis qui aide à visualiser les données exportées. L'application Python développée par l'équipe de l'OSD produit également les résultats au format de l'ECDS, ce qui facilite l'intégration avec le déroulement des opérations déjà en place des analystes pour la diffusion des estimations. De plus, l'application a été simplifiée pour les utilisateurs non techniques en permettant la saisie de paramètres d'entrée à partir de fichiers Excel.

Si les analystes avaient choisi de recueillir et d'agréger les renseignements manuellement au moyen d'Excel, cela aurait pris beaucoup de temps et aurait été particulièrement laborieux. Il aurait fallu répéter ce processus chaque fois que de nouvelles données arrivaient. Toute nouvelle exigence relativement au déroulement des opérations aurait également augmenté les frais généraux. Compte tenu de cela, il était nécessaire d'établir un programme extensible et réutilisable pouvant estimer les nombres agrégés de mouvements d'aéronefs. Ce simple programme Python a satisfait à cette exigence et a permis d'économiser de nombreuses heures d'efforts manuels.

L'équipe de l'OSD et le CCSTT étudient actuellement la possibilité d'élargir les données diffusées, par exemple pour inclure une ventilation par aéroport principal.

Renseignements supplémentaires

Pour obtenir de plus amples renseignements sur ce projet, veuillez consulter :

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Modélisation de la dynamique du SRAS-CoV-2 pour prévoir la demande d'EPI

Par : Jihoon Choi, Deirdre Hennessy et Joel Barnes, Statistique Canada

L'équipement de protection individuelle (EPI) est devenu un aspect important de la vie de tous les Canadiens, la pandémie ayant modifié notre façon d'agir les uns avec les autres et de nous protéger. La progression rapide du nouveau coronavirus, le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2), aussi désigné par le nom COVID-19, a exercé des pressions sans précédent sur le gouvernement du Canada pour qu'il fournisse des informations actuelles, exactes et pertinentes en vue d'éclairer la prise de décisions relatives à de nombreux enjeux de santé publique, notamment l'approvisionnement en EPI et le déploiement de l'EPI vers les provinces et territoires.

La pandémie mondiale attribuable au SRAS-CoV-2 pose un problème grave en matière de santé publique pour les Canadiens.Note de bas de page 1 En octobre 2021, plus de 1,71 million de cas diagnostiqués avaient été signalés au Canada. Cela signifie qu'il est essentiel que les Canadiens aient accès à de l'EPI lorsqu'ils en ont besoin.

Par EPI, on entend des produits comme des masques, des gants et des blouses qui sont portés pour se protéger d'une exposition potentielle à des agents pathogènes infectieux. La pandémie a exercé des pressions considérables sur les chaînes d'approvisionnement de l'EPI au Canada, ce qui a entraîné des perturbations importantes de l'approvisionnement dans des secteurs où les stocks d'EPI sont essentiels (comme les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée).Note de bas de page 2 C'est pourquoi les prévisions relatives à la trajectoire de la pandémie et à ses effets sur l'approvisionnement, la demande et les stocks d'EPI sont devenues un aspect crucial du processus décisionnel.Note de bas de page 3Note de bas de page 4

Les modèles épidémiologiques peuvent fournir des données précieuses lors du processus décisionnel en matière de santé publique, en produisant un certain nombre de scénarios de simulation tenant compte de différentes hypothèses. De plus, ils peuvent aider à évaluer les répercussions de différentes mesures d'intervention en santé publique sur le résultat de l'épidémie (c.-à-d. lorsqu'on doit décider du moment critique pour adopter des mesures de confinement ou de réouverture dans chaque province).Note de bas de page 5 Il existe différentes variations des modèles épidémiologiques. Plusieurs d'entre elles sont des modèles à compartiments dans lesquels la population est divisée en de multiples compartiments et passe d'un compartiment à un autre selon un taux établi.Note de bas de page 6

Le modèle Susceptible-Infecté-Rétabli (SIR) fait partie des formes les plus fondamentales du modèle à compartiments (figure 1). Ce modèle comporte trois compartiments, où S représente le nombre de personnes susceptibles, I, le nombre de personnes infectées et R, le nombre de personnes rétablies (et immunisées).

Figure 1 – Structure d’un modèle épidémiologique de base

Figure 1 – Structure d'un modèle épidémiologique de base.

Description - Figure 1

La structure de base du modèle SIR. La population initiale se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible » et passe au compartiment « infecté » à un taux d'infection β, avant de passer au compartiment « rétabli » à un taux de rétablissement λ.

La figure 1 montre la structure de base du modèle SIR. La population initiale se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible » et passe au compartiment « infecté » à un taux d'infection β, avant de passer au compartiment « rétabli » à un taux de rétablissement λ.

Les modèles à compartiments ont commencé à être utilisés en épidémiologie au début du XXe siècle. Plus précisément, les fondements reposaient sur le théorème décrit par Ronald Ross, William Hamer, Anderson McKendrick et William Kermack, ainsi que la grande influence de John Brownlee et ses perspectives statistiques.Note de bas de page 7 Depuis leur création, les modèles à compartiments se sont avérés utiles pour modéliser de nombreuses maladies transmissibles, comme la malaria et la peste.Note de bas de page 8Note de bas de page 9

Alors que l'éclosion de SRAS-CoV-2 est devenue une grande préoccupation des Canadiens en matière de santé publique, Santé Canada a demandé à la Division de la science des données (DScD) et à la Division de l'analyse de la santé (DAS) de Statistique Canada de créer un modèle épidémiologique qui pourrait prévoir les trajectoires de l'éclosion dans les provinces canadiennes. Les prévisions relatives aux cas et aux hospitalisations produites à partir du modèle épidémiologique sont utilisées dans le cadre du projet sur l'EPI afin d'évaluer la demande d'EPI dans différents secteurs de chacune des provinces. Le projet sur l'EPI cherche à permettre de prendre des décisions éclairées relatives à l'approvisionnement, à l'affectation et aux investissements pour la production nationale d'EPI, au moyen de rapports fondés sur des données probantes qui portent sur la situation actuelle et les projections de l'offre et de la demande d'EPI, dans le cadre de différents scénarios épidémiologiques.

Création du modèle initial pour la demande d'EPI : modèle Susceptible – Infecté – Rétabli – Décédé (SIRD)

Le modèle SIRD initial utilisait des méthodes bayésiennes pour évaluer le nombre d'infections actives dans les collectivités canadiennes, en fonction de la mortalité attribuable au SRAS-CoV-2. Le nombre total d'infections au SRAS-CoV-2 (diagnostiquées ou non) a été estimé, de manière inversée, à partir des décès attribuables au SRAS-CoV-2 par province et territoire, au moyen d'une méthode semblable à celle utilisée par Flaxman et coll.Note de bas de page 10 Le nombre estimé d'infections, de décès et de cas rétablis a été ajouté à un modèle à compartiments simple, composé de quatre compartiments. Les trois premiers compartiments sont équivalents à ceux du modèle SIR de base (Susceptible, Infecté et Rétabli). Cependant, ce modèle dispose d'un compartiment additionnel, D, qui représente la population décédée (figure 2).

Figure 2 – Structure d’un modèle épidémiologique SIRD

Figure 2 – Structure d'un modèle épidémiologique SIRD.

Description - Figure 2

La structure de base du modèle SIRD (Susceptible – Infecté – Rétabli – Décédé). La population initiale se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible » et passe au compartiment « infecté » à un taux d'infection β, avant de passer au compartiment « rétabli » à un taux de rétablissement λ, ou au compartiment « décédé » à un taux de mortalité γ.

La figure 2 illustre la structure de base du modèle SIRD (Susceptible – Infecté – Rétabli – Décédé). La population initiale se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible » et passe au compartiment « infecté » à un taux d'infection β, avant de passer au compartiment « rétabli » à un taux de rétablissement λ, ou au compartiment « décédé » à un taux de mortalité γ.

Ce modèle produit également un nombre de reproduction historique dynamique, R(t). Le concept R(t) est important dans le cadre de l'épidémiologie des maladies infectieuses, fournissant de l'information sur le potentiel de transmission d'un agent infectieux. Autrement dit, il montre à quel point une maladie infectieuse est contagieuse à un moment t au sein de la population à l'étude. De manière générale, si R(t) est supérieur à 1, la maladie commencera à se propager au sein de la population. Si R(t) est inférieur à 1, le nombre de nouveaux cas diminuera.

On évalue souvent R(t) en observant le nombre de nouvelles infections pendant une période. Cependant, le nombre de cas de SRAS-CoV-2 n'a pas été retracé avec exactitude au début de la pandémie, en raison des ressources limitées, par exemple le manque de trousses d'analyse.Note de bas de page 11 En tant que solution de rechange, le modèle SIRD a estimé le R(t) historique à partir du nombre de décès attribuables au SRAS-CoV-2, une mesure beaucoup plus fiable que le nombre réel de cas pendant la période initiale de l'éclosion. Un taux de mortalité par infection (TMI) pour le SRAS-CoV-2 tiré de la littérature de recherche a servi à calculer, de manière inversée, le R(t) historique.

Pour prévoir le R(t) futur, l'équipe a produit différents scénarios de pandémie. Chacun comportait diverses hypothèses au sujet des mesures d'intervention en santé publique adoptées :

  • Le scénario de confinement en raison du SRAS-CoV-2 – cherche à modéliser une situation lors de laquelle des mesures d'intervention en santé publique sont en place (comme le confinement). Selon ce scénario, R(t) est toujours inférieur à 1.
  • Le scénario de la meilleure estimation de la recrudescence – permet à l'épidémie de reprendre, en conjonction avec la réouverture de l'économie, ce qui fait en sorte que le R(t) demeure élevé.
  • Le scénario des sommets et des creux – permet à l'épidémie de reprendre, en conjonction avec la réouverture de l'économie, jusqu'à ce que le taux d'occupation dans les unités de soins intensifs (USI) des hôpitaux atteigne 30 % du maximum provincial. Un plan d'intervention est ensuite mis en application pour que le R(t) retrouve le niveau observé pendant le confinement.

Le modèle SIRD a servi de principal modèle épidémiologique dans le cadre du projet sur l'EPI jusqu'au début de 2021. Ce modèle a fait preuve d'un degré raisonnable d'exactitude pour prévoir la pandémie, au cours du stade initial d'éclosion. Cependant, ce modèle comporte un certain nombre de limitations. Tout particulièrement, il ne considérait pas la structure par âge de la population. Ces limitations ont entraîné la création d'une autre version du modèle épidémiologique, doté de compartiments additionnels, qui peut prendre en considération des caractéristiques plus complexes de la pandémie.

Le modèle courant : modèle Susceptible – Exposé – Infecté – Rétabli – Décédé – Vacciné (SEIRDV)

Au début de la pandémie, la DScD et la DAS de Statistique Canada ont collaboré avec l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour créer un modèle SIR à compartiments multiples structuré selon l'âge. Cette collaboration a permis de créer le modèle SEIRDV, adapté par l'équipe épidémiologique chargée de l'EPI au sein de Statistique Canada, en conjonction avec Santé Canada, afin qu'il soit utilisé dans le modèle principal d'offre et de demande d'EPI. Le modèle sert de principal modèle épidémiologique dans le cadre du projet sur l'EPI depuis janvier 2021 (figure 3).

Figure 3 – Structure simplifiée d’un modèle épidémiologique SEIRDV

Figure 3 – Structure simplifiée d'un modèle épidémiologique SEIRDV.

Description - Figure 3

Une structure simplifiée du modèle SEIRDV (Susceptible – Exposé – Infecté – Rétabli – Décédé – Vacciné). La population se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible », avant de passer au compartiment « exposé » et « infecté » après avoir contracté la maladie. Les personnes dont l'infection a été dépistée sont mises en quarantaine. La probabilité qu'elles propagent la maladie aux autres est réduite. Au moment de l'infection, les personnes qui ont des symptômes sévères consultent un médecin. La population ayant des symptômes sévères peut avoir deux résultats finaux : le décès ou le rétablissement.

La figure 3 illustre une structure simplifiée du modèle SEIRDV (Susceptible – Exposé – Infecté – Rétabli – Décédé – Vacciné). La population se trouve, au départ, dans le compartiment « susceptible », avant de passer au compartiment « exposé » et « infecté » après avoir contracté la maladie. Certaines de ces infections sont décelées à la suite de la recherche de contacts ou de tests de dépistage pour le SRAS-CoV-2. Les personnes dont l'infection a été dépistée sont mises en quarantaine. La probabilité qu'elles propagent la maladie est réduite. Au moment de l'infection, les personnes qui ont des symptômes sévères consultent un médecin. La population ayant des symptômes sévères peut avoir deux résultats finaux : le décès ou le rétablissement. Les personnes qui n'ont que des symptômes légers ou qui n'ont aucun symptôme passeront, au fil du temps, au compartiment « rétabli ». De plus, dans ce modèle, la population peut être vaccinée. Si une personne est vaccinée, la probabilité qu'elle passe au compartiment « infecté » est réduite en raison du taux de protection du vaccin. Dans le même ordre d'idées, la population vaccinée affiche un taux de probabilité réduit quand vient le temps d'avoir la forme sévère de la maladie et donc d'être prise en charge par le système de soins de santé (comme les hôpitaux ou les USI).

Voici les quatre modifications principales apportées en raison de l'adoption du modèle SEIRDV :

1. Le modèle permet à la population à l'étude d'être stratifiée selon l'âge

Dans le modèle SEIRDV, la population est divisée en six groupes d'âge distincts (de 0 à 9 ans, de 10 à 19 ans, de 20 à 39 ans, de 40 à 59 ans, de 60 à 74 ans et de 75 ans et plus), ce qui permet de configurer différents paramètres pour chaque groupe d'âge et de tenir compte des différences en fonction de l'âge.

Par exemple, les rapports démontrent que les groupes d'âge plus jeunes affichent une probabilité réduite d'hospitalisation et de mortalité par rapport aux groupes d'âge plus âgésNote de bas de page 12. Puisque le modèle SEIRDV permet aux utilisateurs d'établir différents taux de flux pour chaque groupe d'âge, il peut modéliser cet effet.

Dans le même ordre d'idées, nous savons que certains groupes d'âge ont des interactions plus fréquentes que d'autres (comme les parents avec leurs enfants). La probabilité qu'ils se transmettent la maladie est donc supérieure. Dans le modèle SEIRDV, cet effet peut être pris en compte en utilisant une matrice des interactions qui modélise le taux de contacts moyen entre deux groupes d'âge.

2. Amélioration de l'estimation du taux de transmission (β)

Au lieu de se fonder sur une seule mesure, comme R(t), afin d'évaluer le taux de transmission, le modèle utilise désormais trois paramètres différents pour calculer le taux de transmission.

Tout d'abord, il y a β qui, dans ce modèle, représente la probabilité de transmission lors d'un contact. Ce chiffre est évalué à partir de la littérature et ajusté en fonction de la souche dominante de SRAS-CoV-2 dans chaque province. Cette mesure est multipliée par une matrice de contacts, c'est-à-dire une matrice numérique qui illustre le nombre moyen de contacts que les personnes de chaque groupe d'âge ont avec un autre groupe d'âge. Enfin, un multiplicateur de contacts est appliqué afin de tenir compte des variances en ce qui concerne les taux de contacts. Lorsque différentes mesures d'intervention en santé publique sont imposées (comme un confinement), le taux de contacts au sein de la population évolue en conséquence. Ces variations sont obtenues en étalonnant le multiplicateur de contacts en fonction du nombre signalé de cas actifs quotidiens dans chaque province, toutes les semaines.

3. L'effet de la vaccination est pris en compte

Parmi les principaux effets de la vaccination, il y a une réduction des pressions exercées sur le système de santé (en évitant que les personnes infectées soient si gravement malades qu'elles doivent être hospitalisées) et de la transmission de la maladie dans la collectivité (en évitant que les gens soient infectés, ce qui finalement favorise l'immunité collective). La conception actuelle du modèle SEIRDV tient compte de ces deux effets, comprenant une voie distincte réservée à la vaccination. La population vaccinée passera à cette voie, où la chance qu'elle contracte la maladie est réduite et la probabilité qu'elle ait des symptômes sévères exigeant une hospitalisation est réduite.

Le modèle tient aussi compte du plan de vaccination à deux doses établi par le Comité consultatif national de l'immunisation. Les données sur la vaccination ont été obtenues auprès de l'ASPC et du COVID-19 Canada Open Data Working Group (CCODWG), afin d'évaluer le nombre de doses qui peuvent être injectées chaque jour par province. De plus, les différents taux de protection assurés par le plan de vaccination à deux doses ont été modélisés en divisant la voie de vaccination en quatre compartiments distincts. La figure 4 résume ce processus.

Figure 4 – Conception du compartiment réservé à la vaccination

Figure 4 – Conception du compartiment réservé à la vaccination

Description - Figure 4

Montre la division des groupes d’âges au sein d’une population ainsi que la distribution des vaccins injectés aux personnes plus âgées et plus jeunes, en tenant compte de certains groupes de risque élevé de tout âge. Les groupes passent de la première à la deuxième dose pour être pleinement vaccinés.

La population à l'étude est divisée en six groupes d'âge distincts (de 0 à 9 ans, de 10 à 19 ans, de 20 à 39 ans, de 40 à 59 ans, de 60 à 74 ans et de 75 ans et plus). Les vaccins sont injectés aux personnes des groupes d'âge les plus âgés avant de l'être aux personnes des groupes d'âge les plus jeunes. Un petit nombre de doses a été injecté à un groupe d'âge qui représente les professionnels de la santé, au premier stade. Lorsqu'elle reçoit la première dose, la population qui vient d'être vaccinée passe au premier compartiment de vaccination, représentant la population qui a reçu un vaccin, mais qui n'est pas encore immunisée. Cette population passe ensuite au deuxième compartiment de vaccination après une période établie. À ce moment, elle acquiert une protection partielle contre le SRAS-CoV-2. La population demeure dans ce compartiment jusqu'à ce que le stade 1 (lorsque la distribution de la première dose) soit terminé. Lorsque le stade 2 du plan de vaccination commence, la population passe au troisième compartiment de vaccination, au moment où elle reçoit sa deuxième dose, avant de passer au dernier compartiment de vaccination, lorsqu'elle a le degré d'immunité maximal qu'offre la vaccination.

4. Il est possible de modéliser les répercussions des variants préoccupants (VP)

La séquence d'un certain nombre de souches différentes de SRAS-CoV-2 a été établie partout dans le monde en raison de mutations virales, dont certaines affichent des taux de transmission ou de mortalité supérieursNote de bas de page 13. Il s'agit de variants préoccupants (VP) qui sont un facteur crucial à prendre en considération dans la modélisation épidémiologique du SRAS-CoV-2. Le modèle SEIRDV peut les modéliser en modifiant la probabilité de transmission (β) pour obtenir le taux de transmission accru, en plus de modifier le passage vers le compartiment réservé à l'hospitalisation ou au décès pour obtenir l'effet d'une gravité accrue des symptômes associés au variant. Au moyen de ce mécanisme, l'équipe a réussi à modéliser l'effet du variant B.1.1.7 (Alpha) dans le modèle.

Conclusion

En raison des efforts déployés pour assurer un développement, une amélioration et un étalonnage continus, le modèle épidémiologique a contribué de manière utile à la modélisation de la tendance en ce qui concerne la pandémie de SRAS-CoV-2 au Canada. Plus précisément, les résultats de ce modèle ont permis au projet sur l'EPI d'évaluer la demande d'EPI à l'échelle des provinces canadiennes, afin de veiller à ce que tous les secteurs se procurent suffisamment de stocks d'EPI avant les éclosions d'envergure.

De plus, cet article démontre comment l'application de la science des données, jumelée à des statistiques, à l'informatique et à l'épidémiologie, peut servir à assurer une planification en santé publique, en plus de prendre des décisions relatives aux besoins en ressources pendant la pandémie de COVID-19.

Comment cela a-t-il été rendu possible?

Domaines pouvant faire l'objet d'autres études

Puisque la pandémie de SRAS-CoV-2 est toujours active, d'autres travaux devront peut-être être réalisés. Voici quelques domaines qui pourraient faire l'objet d'autres études :

  • Nouveaux variants
    En raison du taux de mutation élevé observé en ce qui concerne la souche SRAS-CoV-2, la séquence de nouveaux variants est constamment établie partout dans le monde. Alors que le modèle tenait compte de l'effet du variant B.1.1.7, il existe plusieurs autres VP dont il faut tenir compte (comme le variant Delta). L'équipe surveille étroitement la propagation des VP à l'échelle du pays afin de déterminer si le modèle doit tenir compte d'autres variants.
  • Déclin de l'immunité
    Des études ont démontré que l'immunité acquise grâce à la vaccination (ou à l'infection) ne dure pas de manière indéfinie. L'immunité diminuera au fil du temps, ce qui entraînera une perte progressive des anticorps conférant une protection. On désigne ce phénomène par le nom « déclin de l'immunité ». Le modèle devra en tenir compte pour préparer un scénario futur, notamment lorsqu'une grande proportion de la population aura besoin d'une autre dose de vaccin pour maintenir son immunité.

Équipe de modélisation épidémiologique chargée de l'EPI :
Jihoon Choi (DScD), Deirdre Hennessy (DAS), Joel Barnes (DAS).

Équipe du projet et collaborateurs :
Rubab Arim, Statistique Canada ; Kayle Hatt, Santé Canada

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Balados

Balado Hé-coutez bien!

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Animatrice : Annik Lepage

Soyez à l'écoute du balado Hé-coutez bien! pour faire la connaissance des personnes derrière les données et découvrir les histoires qu'elles révèlent. Soyez des nôtres alors que nous rencontrons des experts de Statistique Canada ainsi que de partout au pays pour leur poser les questions qui comptent pour les Canadiens et entendre leur réponses.

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À une époque, Statistique Canada ne mesurait pas la pauvreté, pas exactement en tout cas. La pauvreté est complexe et personne ne s'entendait sur la manière de la définir. Par conséquent, même si StatCan mesurait bien le faible revenu et d'autres indicateurs de l'inégalité des revenus, il ne mesurait pas la pauvreté à proprement parler. Ce fut le cas jusqu'en 2018, lorsque la mesure du panier de consommation (MPC) est devenue le seuil de pauvreté officiel du Canada. Cela signifie que le gouvernement se sert maintenant de la MPC pour effectuer le suivi de ses cibles de réduction de la pauvreté.

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Dans cet épisode, nous avons voulu porter un regard critique sur la manière dont les préjugés qui nourrissent le racisme systémique peuvent avoir un effet même sur les éléments les plus neutres : nos données. Les données ont la réputation de refléter la réalité de la manière la plus factuelle possible, mais est-ce toujours le cas?

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Notre invité, Clément Yélou, un économiste de Statistique Canada, nous parle des raisons pour lesquelles vous devriez vous préoccuper de l'inflation et de ses répercussions sur différents groupes de population et sur le coût de la vie.

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Dans cet épisode, nous parlons de l'artisanat au Canada, de sa renaissance et de sa nécessité.

 Épisode 2 - Au bord de l'effondrement : les répercussions de la COVID-19 sur les familles canadiennes

Dans cet épisode, nous explorons certaines des répercussions de la COVID-19 sur les familles canadiennes.

 Épisode 1 - Parlons des obstacles, pas des incapacités : les limitations d'activités et la COVID-19

Ce premier épisode du balado Hé-coutez bien! comprend une discussion sincère sur le fait de vivre avec une incapacité dans le contexte de la pandémie de COVID-19. On discute des réalités des personnes ayant une incapacité, de leurs défis et de tous les changements que la pandémie a entraînés dans leur quotidien.

 Semaine nationale de l'accessibilité 2021

De nouveaux obstacles et de nouvelles libertés : une conversation avec le champion des personnes handicapées à StatCan.

Hé-coutez bien! Épisode 2 - Au bord de l'effondrement : les répercussions de la COVID-19 sur les familles canadiennes

Date de diffusion : le 7 décembre 2021

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN: 2816-2269

Hé-coutez bien balados

De maintes façons, la pandémie menace le bien-être mental et physique des enfants, des parents et des enseignants partout au pays. Pour aider à mettre fin à la pandémie et à revenir à la normale, les décideurs ont dû faire des choix difficiles, comme fermer des écoles. Avec notre invitée, la docteure Hilary Myron, pédiatre à l'hôpital Montfort, nous discutons des effets potentiels à court et à long terme de la fermeture des écoles sur les enfants et leurs parents.

Animatrice

Alexandra Bassa

Invitée

Dre Hilary Myron, pédiatre

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 2 - Au bord de l'effondrement : les répercussions de la COVID-19 sur les familles canadiennes - Transcript

Témoignage - Marie-Pierre Annik : Je m'appelle Marie-Pierre et j'enseigne en maternelle-jardin. Un des aspects difficiles cette année était l'incertitude à savoir si on allait être en personne ou en ligne d'une semaine à l'autre. En maternelle-jardin, nous avons une approche basée sur l'apprentissage par le jeu, par la manipulation. En virtuel, ce mode d'apprentissage devient quasi-impossible car nous ne sommes pas près de nos élèves pour les accompagner dans leur jeu. Ça fait maintenant 2 ans que nous sommes mi-présentiel, mi-virtuel et certains enfants ont fait tout leur apprentissage préscolaire dans ce mode donc, ils n'ont pas eu la chance de développer les habiletés sociales nécessaires pour leur parcours scolaire.

Ce qui m'inquiète, c'est que certains élèves qui étaient forts en classe semblent avoir régressé en ligne, soit par manque d'attention ou à cause qu'ils ne font pas de travail à la maison. Je crains que ceci va directement affecter tous les élèves l'an prochain et que les enseignants auront beaucoup de rattrapage à faire.

Témoignage - Manon Harvey, professeure en maternelle : Bonjour, je m'appelle Manon Harvey. J'enseigne dans la province du Manitoba. J'enseigne au niveau de la prématernelle. Nous avons 16 élèves toute la journée, 5 jours/semaine. Ce que j'ai trouvé était le plus gros défi cette année, est que la division scolaire nous a demandé d'enseigner à l'extérieur pour le mois de septembre et octobre à temps plein. À ce moment-là on a dû se trouver nous-même des façons de procéder. Nous avons pu acheter des tentes pour au moins avoir un abri au-dessus de nous. Nous avons dû un peu apprendre sur le tas comment adapter nos pédagogies tout en restant à l'extérieur et en pouvant permettre aux enfants d'apprendre le français ainsi que la sociabilité et le partage et tout ça, à travers le jeu.

Générique : Vous êtes à l'écoute de Hé-coutez bien!, un balado de Statistique Canada où nous faisons la connaissance des personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice Alexandra.

Alexandra Bassa : En mars 2020 les choses ont changé pour le monde entier et la vie est devenue beaucoup plus compliquée. Fini les sorties en groupes, on travaille à distance lorsque c'est possible, les masques ont pris leur place dans notre quotidien et au fur et à mesure on a fini par s'habituer à ces restrictions. Mais pour les enfants d'âge scolaire, les perturbations causées par la pandémie ont été particulièrement importantes.

Quand on est enfant nos préoccupations sont simples. Aller à l'école, apprendre à lire et à écrire et surtout se faire des amis et s'amuser, sans soucis. Mais avec la pandémie les meilleurs moments de l'école ont été un peu différents. Pour certains, l'école s'est déroulée partiellement ou entièrement à distance, en ligne devant un écran. Même lorsque l'école était possible en personne, la situation n'était pas idéale. Fini les récréations passées à s'amuser en groupe, il faut plutôt penser à la distanciation physique en salle de classe, et porter des masques toute la journée. Mettez-vous à la place d'un enfant pour un moment. Les choses changent du jour au lendemain et les adultes autour de vous n'ont pas toujours toutes les réponses en ce qui concerne combien de temps les restrictions seront en place. Pour un enfant, ça peut sembler interminable.

C'est ce dont nous parlerons aujourd'hui. Comment la pandémie a-t-elle particulièrement affecté les enfants. Quelles ont été les répercussions immédiates et quelles seront les répercussions à long termes?

Vous allez entendre plusieurs voix aujourd'hui. Vous avez déjà entendu des témoignages anonymes au début de l'épisode et vous en entendrez d'autres, donnés par des éducateurs et des mentors qui ont été témoins de ces répercussions. J'aimerais d'abord vous présenter la Dre Hilary Myron, pédiatre à l'Hôpital Montfort, et CHEO, qui a nous a fait part de ce qu'elle a pu observer au cours de ses entretiens avec ses jeunes patients.

Alexandra Bassa : À quoi ressemble la profession de médecin en temps de pandémie?

Dre Hilary Myron (Médecin en pédiatrie, Hôpital Montfort, CHEO, Faculté de médecine Université d'Ottawa) : Ce temps de pandémie, c'est un temps intense. Je vois mes collègues qui sont épuisés dans les soins intensifs, mais pour moi, comme pédiatre, comme médecin pour les enfants, j'ai les mêmes problèmes, les mêmes questions qui viennent à mon bureau, mais elles sont amplifiées. Il y a plus de demandes en soins de santé mentale, mais moins de ressources qui sont disponibles pour les enfants qui ne sont pas au centre de la pandémie.

Pour moi, un autre élément qui est différent, c'est que je suis dans un temps de distanciation physique de mes patients. Dans la pédiatrie, nos patients ne sont pas toujours capables d'expliquer leur état physique en mots. Alors, je me fie sur mes interactions en personne avec les enfants, de les examiner, de jouer avec, d'agir avec eux dans une façon plus physique. Alors le médecin, avec les enfants ne s'adapte pas si bien aux distanciations. Finalement, en pédiatrie, il y a beaucoup d'incertitudes, de comment ça va affecter mes patients. On manque d'expérience dans les soins médicaux pour le COVID, et ça c'est vrai pour tous les médecins dans cette pandémie. Mais de plus que ça, on manque les évidences pour comment la distanciation sociale, les changements, l'éducation, la vie quotidienne va affecter le développement d'un enfant dans toute durée de sa vie.

Alexandra Bassa : On sait maintenant que les enfants ne font pas partie d'un groupe d'âge qui est particulièrement à risque pour le virus, donc la plus grande menace pour les enfants n'est pas nécessairement le virus, mais plutôt les mesures que nous avons dû prendre pour arrêter la propagation du virus. Donc, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ça?

Dre Hilary Myron : C'est certain qu'au début on ne savait pas comment les enfants seront affectés et que les infections respiratoires chez les enfants sont d'habitude communs, sévères, alors c'était approprié de penser que les enfants seront très affectés aussi, mais avec le temps, avec les données, on est beaucoup plus confiants que les enfants ont été relativement épargnés des effets directs de l'infection qui est fait par le virus du COVID-19.

Alors, j'ai cherché des données sur ça, selon la Société canadienne de pédiatrie, dans un document qu'ils ont publié en mai 2021. Ils ont publié les données que les enfants âgés de zéro à dix-neuf ans représentaient 19 % des cas au Canada du virus, mais la proportion d'hospitalisation était beaucoup plus basse pour les enfants, 1,8 %, et que les admissions aux soins intensifs, celui qui nous a fait peur de déborder nos institutions médicales, nos hôpitaux, étaient beaucoup plus bas, 1,3 %. Et que les décès étaient très, très rares chez les enfants, 0,04 %. Alors, ça, c'est très rassurant pour les enfants, pour les parents que les effets médicaux sont moins sévères chez les enfants. Lorsqu'on sait que les enfants vivent moins les effets physiques de COVID comme tels, mais que leurs vies sont beaucoup plus perturbées même, je te dirais que les adultes. Leur travail de chaque jour c'est d'aller à l'école, de grandir, et tout ça a été perturbé dans une façon très significative. Leurs activités de loisir, les connexions avec les réseaux de soutien sont absolument différents durant les derniers 18 mois.

Alors, je vais dire que le manque ou le changement dans leurs activités quotidiennes ont certainement des effets sur leur développement intellectuel, émotionnel et on ne sait pas s'ils sont des effets réversibles ou non. On sait qu'il y a des effets physiques aussi à cause de cette isolation, cette distanciation sociale, et on a vu que les changements, comme les pertes de poids ou les gains de poids ou les changements de comment les enfants mangent ou jouent sont cumulatifs.

Témoignage - Zoe : Bonjour je m'appelle Zoe, j'enseigne dans une classe de maternelle en Ontario, Canada. J'étais vraiment chanceuse d'enseigner pendant une pandémie. On avait plusieurs défis cette année dans la classe et dans une classe virtuelle. Un des plus grands, c'était la distanciation physique dans une classe de maternelle. Ce n'était pas toujours possible lorsque les enfants sont 4 et 5 ans. Il ne sait pas comment garder la distance entre eux. On était capable de créer des groupes. Ils jouaient avec leur groupe dans la classe dans une section juste pour eux, puis quand on était dehors, ils avaient plus de chances, d'opportunités de jouer avec leurs autres amis dehors.

Narration : Les résultats de la nouvelle Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes indiquent que 4 % des enfants et des jeunes, âgés de 1 à 17 ans avaient une santé mentale passable ou mauvaise en 2019, un an avant la pandémie, comme cela a été déclaré par leurs parents. Les résultats de l'enquête ont également permis de voir qu'une mauvaise santé mentale chez les enfants et les jeunes était liée à des résultats sociaux et à des résultats en matière de santé défavorables, y compris des résultats scolaires plus faibles et de la difficulté à se faire des amis.

Les résultats d'une analyse fondée sur des données obtenues par approche participative indiquent que la santé mentale perçue des jeunes canadiens s'est détériorée pendant la pandémie; plus de la moitié des participants âgés de 15 à 17 ans ont déclaré que leur santé mentale était un peu moins bonne ou bien moins bonne qu'avant la mise en œuvre des mesures de distanciation physique.

Comment trouver l'équilibre entre les besoins contradictoires de la pandémie? D'une part, vous devez freiner la propagation du virus et d'une autre, vous devez tenir compte du bien-être des enfants, dont le développement et l'éducation sont beaucoup plus affectés par cette nouvelle réalité que représente l'apprentissage à distance. J'ai demandé au docteur Myron si elle trouvait difficile de devoir jongler ces réalités?

Dre Hilary Myron : Certainement. Où d'une part, c'est certain que le Canada et tout le monde entier on a dû freiner la propagation du virus, mais ça fait des changements fondamentaux dans notre société et se tourner vers un apprentissage virtuel n'est pas une façon prouvée chez les enfants d'avoir une éducation. Alors on doit s'attendre, avec tous les changements en société, entiers, qu'on va avoir des conséquences imprévues, et de mon côté, je suis intéressée au sujet des conséquences imprévues chez les enfants. On ne sait pas comment les enfants des âges différentes sont capables d'apprendre en virtuel, on n'a pas encore développé des pratiques meilleures au sujet de ça. Et je me demande au sujet des enfants avec des besoins spéciaux, il y a certains qui ont eu des bénéfices avec les changements, mais il y a aussi beaucoup plus qui ont des difficultés plus aigües. C'est une contradiction un peu difficile que les enfants vivent les conséquences plus aigües pour protéger la société en entier.

Alexandra Bassa : Et quelles sont les différences marquantes que vous avez remarquées dans l'état de vos patients avant la pandémie et maintenant?

Dre Hilary Myron : Il y a plusieurs aspects de cette réponse et ma perspective est basée dans la sorte de pratique médicale que je fais, mais quelques thèmes que je vois.

Chez les familles avec les enfants avec des besoins médicaux complexes, qui font aussi une grande partie de ma pratique, comme par exemple, la paralysie cérébrale, ces familles-là ont moins d'accès aux thérapies en personne et il y a des essais de remplir ces lacunes avec des thérapies virtuelles, mais avec des impacts ou bénéfices incertains encore. Chez les enfants de l'âge scolaire, je vois ceux avec l'anxiété, les troubles comportementaux à l'école, avant la pandémie, qui se présentent peut-être avec une amélioration des symptômes. Alors, dans certains cas, j'ai vu une diminution des difficultés, mais j'ai aussi vu avec mes enfants d'âge scolaire que les enfants qui ont besoin de structures que les familles ne peuvent pas donner, qu'ils ont des difficultés plus aigües. Ils manquent leurs amis, tous les enfants, ils manquent leurs amis, les sports, les choses qui font rouler la journée.

Alexandra Bassa : Les enfants qui signalaient déjà des défis en matière de santé mentale avant la pandémie peuvent être particulièrement vulnérables. En 2019, 17 % des enfants et des jeunes âgés de 5 à 17 ans ont déclaré une santé mentale passable ou mauvaise et 5 % des enfants et jeunes âgés de 5 à 17 ans déclaraient avoir reçu un diagnostic de troubles anxieux.

Selon les résultats du questionnaire « Répercussions de la COVID-19 sur les Canadiens - votre santé mentale ». Les jeunes étaient les plus susceptibles de déclarer que leur santé mentale est moins bonne depuis l'instauration des mesures d'éloignement physique. Près des deux tiers des participants de 15 à 24 ans ont déclaré que la situation avait une incidence négative sur leur santé mentale. Les personnes faisant partie de ce groupe d'âge étaient également les plus susceptibles de déclarer des symptômes correspondant à une anxiété modérée ou sévère.

Dre Hilary Myron : Et spécifiquement chez les adolescents, on voit définitivement plus d'anxiété qui était quelque chose qu'on voyait avant la pandémie, mais qui est plus aiguë maintenant.

Alors, dans ma pratique, j'ai commencé à demander à mes familles c'est quand la dernière fois que tu es allé dehors? Et des fois la réponse, soit des jours ou même une semaine. Ceci est clairement un risque à la santé, la santé émotionnelle, physique, et pour toutes les raisons que j'ai déjà décrites, ça va empirer l'état physique et émotionnel de l'enfant. Leurs jours sont très dépendants sur leur routine : le sommeil, l'alimentation, le bien être de santé mentale et développement ne peut pas procéder dans une façon normale si on n'a pas des activités de base, comme aller dehors.

Alors, ça a l'air simple, mais ça c'est une des interventions que j'ai commencé à faire durant la pandémie, c'est de conseiller mes familles que c'est sécuritaire d'aller dehors et pas juste sécuritaire, c'est nécessaire pour leur santé. Et ça, ce n'était pas quelque chose que je devais conseiller si fréquemment avant cette pandémie

Narration : Avec la fermeture des écoles et l'arrêt de plusieurs activités, les enfants étaient plus ou moins confinés à la maison. Pour les enfants déjà à risque de violence familiale, l'école n'était plus disponible comme espace sécuritaire. En 2019, on a dénombré 69 691 enfants et jeunes (âgés de 17 ans ou moins) ayant été victimes d'affaires de violence déclarées par la police au Canada. Parmi ces victimes, 22 299, avaient été agressés par un membre de leur famille.

Alexandra Bassa : Alors, l'école n'est pas seulement un lieu où les enfants apprennent à lire et à écrire. C'est aussi tout un réseau et un système de soutien composé d'amis, d'enseignants, de mentor et d'autres professionnels et des personnes de confiance en général. Pouvez-vous nous parler de ce que signifie la perte de ce système de soutien pour un enfant ?

Dre Hilary Myron : Tous les enfants ont un droit de vie en sécurité et ça, c'est un… il y a un système de soutien ici au Canada de soutenir les familles qui sont vulnérables, qui ont des défis et sans une communauté pour prendre soin des enfants, on ne peut pas vivre cette réalité. Alors absolument, je suis inquiète quand les enfants n'ont que leur foyer, leur famille à la foyer pour donner du support. Ils ont besoin du soutien hors de juste les parents. Dans toutes les sociétés, le monde entier, il y a des adultes qui font partie des vies des enfants qui ne sont pas leurs parents.

Témoignage - Manon Harvey : Pour certaines familles on a vu aussi une difficulté financière qui pouvait se répercuter au niveau de la qualité ou de la quantité, je devrais dire, des aliments dans leur boîte à dîner.

Alexandra Bassa : Il y a plusieurs enfants qui grandissent dans des conditions difficiles, dans des foyers vulnérables ou encore qui ne se sentent pas toujours en sécurité chez eux. Pour ces enfants, l'école représente bien plus qu'un simple lieu d'apprentissage. Il y a des repas réguliers, une sécurité, des enseignants de confiance et d'autres adultes qui peuvent intervenir dans leur vie de manière positive. Voici ce que Dre Myron avait à dire sur ces enfants.

Dre Hilary Myron : Absolument. Ceux-ci sont les enfants qui me fait ruminer les soirs. Dans ma pratique, il y a une proportion significative de familles qui sont vulnérables et on sait que les enfants vulnérables ont des mesures de santé plus bas que la norme. C'est un risque pour leur santé. Avec les restrictions sur les institutions publiques et ces institutions publiques contribuent à l'égalité à la société, comme les écoles, mais pas juste les écoles, tous les services sociaux, comme les bibliothèques mêmes. Ils sont tous fermés, leurs accès sont limités.

Alors, directement sur le sujet de sécurité chez les enfants, on a déjà des données qui sont très inquiétantes au sujet d'abus. Par exemple, en 2020, l'Agence de santé publique du Canada a publié un rapport qui élabore sur les traumatismes crâniens non accidentels chez les nourrissons. Comme une cause de décès importante, on savait ça toujours, mais depuis le commencement de la pandémie, on suspecte que les taux sont beaucoup plus élevés.

Mon hôpital d'enfant local à Ottawa, CHEO, en concert avec la Société de l'aide d'enfance et Santé publique d'Ottawa, ont sonné une alarme au sujet de ça, une augmentation depuis septembre 2020. Ils ont rapporté un double d'enfants de moins d'un an admis pour cause de maltraitance à l'hôpital et plus spécifiquement en raison de fractures et de traumatismes crâniens. Il y avait même une pédiatre, Dre Michelle Ward, une pédiatre spécialiste en maltraitance d'enfants qui a communiqué ce message au public en disant que dans ses 16 années à CHEO elle n'a jamais vu ces taux-là. Ça me fait très triste. Par le temps qu'on ait une image un peu plus claire de comment les restrictions de la pandémie va avoir, comment ces restrictions vont avoir effet sur les taux d'abus d'enfants, des dommages irréparables seront faits, et ça me fait triste.

Narration (Alexandra Bassa) : Et les bébés dans tout ça? Il y a plusieurs personnes qui ont dû rencontrer les nouveau-nés de leurs amis et les nouveaux membres de leur famille à distance, ou qui n'ont pas encore pu les rencontrer, et c'est très difficile. Les membres de la famille ne peuvent pas venir rencontrer ces nouveau-nés et c'est triste de ne pas avoir pu apprécier ces premiers moments en personne. Mais est-ce qu'il y a un risque de conséquences plus graves au niveau de leur développement?

Dre Hilary Myron : Je reçois des questions fréquentes de mes patients au sujet de ça, l'anxiété sociale, l'anxiété de séparation de ses parents, mais c'est trop tôt de savoir. Je sais que les organismes au Canada desquels j'ai parlé comme, la collaboration avec les enfants d'abord, la Société canadienne de pédiatrie demande des recherches dans exactement ces questions. Mais de mon connaissance, on n'a jamais eu dans notre vie moderne un événement comme tel qui a eu ces effets sur les nourrissons, les jeunes enfants. Chez les nourrissons, il y a plus d'isolation de la famille, plus d'anxiété chez les parents, où chercher les ressources. Même avec quelque chose très concret comme les difficultés d'allaitement qui sont très commun, les parents ont le sens qu'il n'y a pas les ressources pour les aider. Il y a beaucoup de rapports de mes patients que les ressources qui sont là sont plus plein, c'est difficile d'y accéder, les marraines d'allaitement, leurs horaires sont planifiés pour deux semaines en avant. Alors, les interventions de lesquelles elles ont besoin dans une façon immédiates ne sont pas toujours disponibles.

Témoignage - Manon Harvey : Au niveau de mes inquiétudes, un peu...pour les enfants, c'est que vu les circonstances de COVID, nous avons dû tenter de garder les enfants un peu séparés l'un de l'autre, même si nous étions à l'extérieur. Ce qui a pas permis aux enfants d'apprendre à autant partager que nous l'aurions voulu, que nous pouvons gérer à l'intérieur habituellement. Nous avons aussi dû faire attention au contact direct que nous avons avec les enfants. Et sachant que les enfants de cet âge ont besoin de beaucoup beaucoup de réconfort autant émotionnel que physique, puisque c'est généralement la première fois qu'ils vont à l'école ou qu'ils ne sont pas avec leur parents ou à la garderie et qu'ils doivent partager l'attention des adultes. On a dû limiter tout ça et on a vu que ça pouvait créer chez certains enfants une certaine anxiété.

Narration (Alexandra Bassa) : Lorsque j'ai demandé à la Dre Myron quelles étaient les différences dans les préoccupations de ces plus jeunes patients par rapport à celle de ces patients plus âgés, elle a préféré se concentrer sur le point commun qui ressort dans les préoccupations de tous ces patients.

Dre Hilary Myron : J'aimerais souligner que les jeunes patients et les adolescents, ce qui leur manque, c'est la socialisation. Et la socialisation c'est une tâche développementale chez les enfants et les enfants ont vraiment deux choses à faire : grandir et développer. Les détails des tâches changent durant leur vie d'enfant, mais la tâche est encore là. Alors, les préoccupations de mes patients, de jeunes enfants, ils me demandent comment est-ce qu'ils vont développer langage sans voir les lèvres avec tout le monde qui portent des masques. Et malheureusement, je n'ai pas de réponse pour ça.

Témoignage - Manon Harvey : Également, le peu de temps en septembre et octobre que nous étions à l'intérieur, nous devions porter un masque. Et par la suite pendant l'hiver, nous avons dû porter le masque aussi. Ce que nous avons réalisé, c'est que les enfants n'étaient pas capables autant de lire les expressions de notre visage donc ne pouvaient pas toujours savoir les émotions que nous essayons de passer et pour eux c'est quand même une réalité très importante.

Narration (Alexandra Bassa) : Nous avons déjà parlé de l'importance de la socialisation pour le développement des jeunes enfants. Par contre, en ce qui concerne les ados, il y a plusieurs évènements sociaux qui font partie de l'expérience adolescente. Ils ont dû manquer des étapes importantes de leurs vies et des rites de passage comme des graduations de l'école primaire à l'école secondaire, des graduations du secondaire aux études supérieures, des bals de finissants et d'autres événements sociaux. Comment est-ce que la perte de ces activités sociales ou ces activités en général affectent leur développement?

Dre Hilary Myron : On sait chez les adolescents que les rites de passage sont très importants pour leur estime de soi et pour atteindre leur prochain niveau de développement. Alors, c'est une lacune importante. Comment est-ce que ça va les affecter comme adulte? Je ne peux pas te dire, mais c'est certaine que ça a des impacts importants. Tout le monde peut penser à leur vie à l'école secondaire et on les rappelle avec des images, des photographies dans nos têtes et on a des années et des enfants qui vont manquer ça et je suis triste pour eux.

Pour les adolescents, la socialisation, c'est leur but. Ça, c'est qu'est-ce qu'ils doivent faire en adolescence. Et puis c'est gravement limité durant cette pandémie. Alors, chez les adolescents, je me demande si ça change les tendances de comment ils socialisent. Est-ce que ça va avoir des effets à long terme? je ne sais pas.

Témoignage 2 - L'école virtuelle - les effets sur les enfants : L'année scolaire a déjà commencé avec beaucoup d'incertitudes. Pendant l'apprentissage à distance, mes élèves ont eu de la difficulté à participer aux discussions de classe, ce qui n'était jamais un défi en personne. Plusieurs ne mettaient pas leur caméra pendant les leçons, alors c'était très difficile à savoir s'ils complétaient vraiment leurs tâches, ou s'ils jouaient un jeu ou regardaient une vidéo sur YouTube.

Je ne m'attendais surtout pas à un retour à l'apprentissage à distance en mi-avril. Cette-fois ci, mes élèves avaient l'habitude et la connaissance des routines et attentes, étant donné que c'était leur deuxième fois en ligne. Il y avait moins de motivation de la part des élèves, et j'avais plus de conversations avec les parents en ce qui concerne l'achèvement des travaux et la présence aux séances en direct.

Ma plus grosse observation de l'année c'était que les élèves ont besoin de l'apprentissage en personne. Même si certains élèves ont eu une meilleure performance en ligne, et se sont adaptés très bien avec les changements, l'interaction en personne avec leurs enseignants et leurs camarades de classe est essentielle à la santé mentale des élèves.

Témoignage - Zoe : Puis pour la classe virtuelle c'était vraiment difficile lorsque les élèves de 4 et 5 ans, les élèves de maternelle ne devraient pas être en face d'un ordinateur pendant 3 heures par jour. On a dû faire 4 sessions de 45 minutes chaque journée. Après 2 semaines les élèves ne voulaient plus le faire. Ils étaient ennuyés. Ils ne voulaient même pas jouer des jeux ou danser ou prendre une pause. C'était vraiment difficile de voir cela. Ils m'ont toujours demandé: « Madame, quand est-ce qu'on retourne à l'école? Est-ce qu'on va à l'école? Madame, l'école me manque...» pour moi j'ai joué des jeux, on a chanté des chansons, on a écouté des vidéos puis on a même joué à cache-cache sur zoom. Donc ce n'était pas toujours évident, pour le dire simplement.

Narration (Alexandra Bassa) : Pour plusieurs enfants, l'école n'était plus un endroit physique. C'était plutôt quelque chose qui se passait à l'écran. Pour les enfants qui ont commencé l'école durant l'année scolaire 2020-2021, certains l'ont commencé à l'école et l'ont terminé en ligne ou l'inverse, dans tous les cas ils ne savent pas à quoi ressemble une année scolaire normale. Plusieurs élèves étaient désintéressés par l'école à l'écran et décrochaient. Mais, quels pourraient être les effets à long terme de l'enseignement virtuel?

Dre Hilary Myron :

Je suis pas mal certaine que l'éducation virtuelle n'a jamais été jamais été testée sur les populations d'enfants si grandes que celui qui reçoivent les éducations virtuelles actuellement. Et alors, on n'a pas encore développé les meilleures pratiques. Comme parent, comme pédiatre, je me demande qui sont les enfants qui sont mieux adaptés pour cette méthode d'éducation et je me demande si ça c'est celui avec les ressources pour la technologie, une style d'apprentissage qui est adaptable, et ça, ce n'est pas tous les enfants. Je me demande aussi pour les différents âges, comme les enfants pré-alphabétisés, est-ce qu'ils bénéficent de l'école virtuelle de la même façon?

Et finalement, comme on en a déjà discuté, l'école n'est pas juste pour apprendre les habiletés de math, de lecture, certainement ces choses sont très importantes, mais c'est plutôt aussi pour la socialisation. De résoudre les problèmes entre nos pairs, nos collègues, de négocier, de savoir comment gérer nos émotions, de gérer nos frustrations, de gérer les difficultés dans une classe. Ça, c'est une mini société, et ça, c'est clé pour les enfants, d'adapter à une monde de travail pour lequel on les prépare.

Alors, je veux juste aussi rappeler que nos atteintes académiques sont directement reliées à nos capacités de faire des gains d'emplois et je voulais juste rappeler de certains rapports qui sont sortis sur cet thème. Le science table Ontario a écrit un rapport récemment au sujet des fermetures d'école en Ontario en disant que chaque mois manqué à l'école est prévoyé à causer une perte de gain d'emploi dans la vie vers 1 %. Le coût total de ça juste en Ontario pourrait être dans les trillions de dollars. Ces coûts-là ne sont pas distribués dans une façon égale. Celui qui sont déjà plus à risques vont souffrir plus et ça, c'est un thème de cette pandémie. Ça va plus empirer les inégalités dans notre société qui est vraiment une des conséquences les plus aiguës pour moi de cette pandémie. Soit médicale, avec la perte de vie plus significative chez les populations vulnérables, le monde entier, mais aussi les pertes de gains futurs de ces mêmes populations et leurs enfants.

Narration (Alexandra Bassa) : En effet, toutes les familles n'ont pas les mêmes moyens ou les mêmes ressources pour pouvoir s'adapter à l'apprentissage à distance.

J'ai demandé à Dre Myron de nous donner des exemples de comment les groupes vulnérables sont particulièrement affectés par ces mesures d'apprentissage à distance.

Dre Hilary Myron : Je vois que les effets de la situation socio-économique d'un enfant ont un impact sur le bien-être physique et le bien être mental de l'enfant. L'impact académique pour les familles vulnérables, les populations vulnérables, les foyers à faibles ressources sont plus aigu. Un parent qui doit être présent à la maison pour surveiller l'enfant pendant ses cours en ligne et surtout les jeunes enfants qui soient, n'est pas capable d'aller travailler ou va manquer plus de travail. Certains parents n'occupent pas des postes qui leur permettent de faire ça, d'être plus flexibles, de travailler des heures plus flexibles. Certaines enfants n'ont pas l'accès à l'internet ou un ordinateur.

Je pense que, une autre chose à ajouter, c'est que, c'est un effet cumulatif sur les enfants. Ce n'est pas quelque chose qui va… Si ça dure plus longtemps, ça va avoir un effet plus aigu sur les enfants que si c'était quelque chose de bref. Et c'est certain que quand tout a commencé, on a pensé qu'on allait revenir à la vie normale plus vite qu'on a pu faire. Et avec le temps, ces effets sont de plus en plus profonds.

Narration (Alexandra Bassa) : Le nombre d'appareils connectés à Internet, disponibles dans le ménage pourrait également avoir une incidence sur les possibilités d'apprentissage, compte tenu de la demande accrue d'accès à Internet de la part des frères et sœurs et des parents qui peuvent travailler à domicile. Dans l'ensemble, 58 % des ménages qui avaient accès à Internet avaient moins d'un appareil par membre du ménage - ce qui n'est pas assez pour permettre à tous les membres du foyer de travailler ou de faire leurs devoirs, en même temps. Parmi les ménages faisant partie du quartile de revenu le plus bas, 63,0 % des ménages avaient moins d'un appareil pour chaque membre du ménage, comparativement à 56 % des ménages faisant partie du quartile de revenu le plus élevé. Près du quart des ménages du quartile de revenu le plus bas ont déclaré utiliser uniquement des appareils mobiles pour accéder à Internet, soit trois fois plus que la proportion des ménages du quartile de revenu le plus élevé.

Alexandra Bassa : Pouvez-vous donner des conseils aux parents qui doivent faire face aux effets négatifs de l'augmentation du temps d'écran?

Dre Hilary Myron : Ça c'est une question assez difficile parce que les écrans ont un rôle ici qui est important. Je me fie sur les conseils de la société canadienne de pédiatrie pour conseiller les parents au sujet des temps sur les écrans. On sait que les écrans ne sont pas avisés pour les très jeunes enfants. En moins de 2 ans, on les évite le plus possible. On sait que les enfants à l'école ont besoin de leurs écrans. Alors d'après moi, je ne compte pas ce temps devant l'écran comme le temps de loisir. Par contre, si un enfant ne bouge pas, ça, c'est quelque chose qu'on doit corriger. Alors le plus de temps qu'on a devant l'écran, si c'est pour le loisir ou pour l'éducation, je conseille les parents d'aussi prendre en tête les temps d'activité physique. On a besoin d'un équilibre.

Narration (Alexandra Bassa) : L'apprentissage virtuel a exacerbé les inégalités. En 2018, avant la pandémie, environ 60 % des élèves âgés de 15 ans avaient des directeurs d'école jugeant alors que leurs écoles disposaient de ressources suffisantes pour soutenir un enseignement à distance.

Par contre, le degré de préparation entre les écoles et les élèves était inégal dans l'ensemble du pays et des écarts ont été relevés entre les établissements d'enseignement canadiens socio économiquement privilégiés et les établissements défavorisés. Par exemple, environ 88 % des élèves d'écoles défavorisées sur le plan socioéconomique ont déclaré avoir accès à un ordinateur à la maison, par rapport à 98 % des élèves d'écoles socio économiquement privilégiés.

En 2018, bien que seulement 1,2 % des ménages ayant des enfants n'avaient pas accès à Internet à la maison, ce pourcentage est un peu plus élevé pour les ménages dans les 25 % inférieurs de la répartition du revenu (4,2 %) que pour les ménages se situant dans les 25 % supérieurs de la répartition (0.2%).

Alexandra Bassa : Pour les parents dont les enfants n'apprennent pas bien en ligne sur Zoom, et ça doit être le cas pour la plupart des jeunes, est-ce que d'un point de vue, peut-être d'un point de vue plus médical, est-ce qu'il y a un risque pour ces enfants pour qu'ils prennent… qu'ils prennent du retard l'année prochaine?

Dre Hilary Myron : On ne sait pas. Je vais être très clair qu'on ne sait pas si les enfants vont apprendre mieux en ligne ou pire en ligne. Je pense que les données ne sont pas là, en disant que je ne suis pas expert en éducation.

Mais, oui, il y a définitivement celui qui commence à exprimer des inquiétudes au sujet des lacunes qui seront à long terme et on ne sait pas. Alors comme pédiatre dans un bureau qui voit souvent les petits enfants, je me demande si on a des délais, en apprendre l'alphabétisme, l'écriture, est-ce que ça va empirer des retards à la vie longue, ou est-ce qu'on se rattrape? Oui, les enfants ont des cerveaux fantastiques, les enfants s'adaptent bien. Ça, c'est une des qualités des enfants et une des raisons que j'aime aussi être une pédiatre, mais à quel point est-ce qu'on peut les pousser? et à quel point est-ce qu'on est content à expérimenter avec ça ? Ça c'est toute une génération et d'habitude, les changements qu'on fait, on les fait dans une façon petit à petit. Mais ça, c'est un changement très holistique et comme j'ai dit avant, on va avoir des conséquences qu'on ne peut pas prévoir.

Alexandra Bassa : En tenant compte de tout ce que vous observez chez vos patients tous les jours, est-ce que vous diriez que c'est le bien-être mental des enfants ou le bien-être physique qui est le plus préoccupant?

Dre Hilary Myron : C'est absolument les deux, comme ils sont reliés. Je suis bien moins inquiète sur les maladies physiques non diagnostiquées, malgré le fait qu'on a vu un peu ça au commencement de la pandémie avec une hésitation de présenter pour les soins aigus à l'urgence, mais pour la plupart, c'est mieux maintenant. On a vu une petite augmentation des cas de cancer ou de diabète type 1 chez les enfants qui ont présenté un peu plus tard, mais je pense que c'est beaucoup mieux maintenant avec l'éducation.

Et les enfants n'ont pas besoin de surveillance pour les maladies physiques comme les adultes, comme les surveillances pour le cancer du sein ou des intestins chez les adultes, mais comme j'ai dit déjà, les tâches d'enfants sont de grandir et de développer. Alors la surveillance chez les enfants, c'est de surveiller leur développement et leur croissance et on ne sait pas ce qui est normal dans ce contexte d'isolation sociale et s'ils vont rattraper des lacunes et quand.

Alexandra Bassa : Dans un article d'opinion que votre collègue a écrit pour le Ottawa Citizen, on parle de stress toxique. Pourriez-vous nous expliquer ou expliquer aux auditeurs ce que ça veut dire et nous donner des exemples de ces effets sur les enfants?

Dre Hilary Myron : Alors, les exemples du stress toxique, c'est l'exposition des enfants aux choses comme la violence, insécurité de domicile, l'insécurité alimentaire, un manque de routine et certainement les abus. On rappelle que un sur trois adultes peut rappeler de l'abus dans leur passé, et ça c'est un numéro assez étonnant.

Alors le stress toxique es

t l'effet cumulatif de ces défis chez les enfants qui contribuent à comment cet enfant va répondre au stress au futur. Et notre vie est plein de stress. On ne peut jamais protéger de ça. Alors, c'est comment on s'adapte et les enfants qui ont vécu les stress toxiques ont souvent des mal adaptations au stress au futur. Ces stress toxiques sont associés aussi avec moins de stabilité économique et plus de défis médicals au futur.

Alexandra Bassa : Dans nos recherches, nous avons remarqué que plusieurs pédiatres ont mentionné le fait qu'il y avait une tendance à la hausse dans l'apparition des troubles alimentaires chez les enfants, en lien avec la pandémie. C'est assez surprenant comme constat. J'ai demandé à Dre Myron de nous en dire un peu plus sur ça.

Quel est le lien entre la pandémie et les troubles alimentaires?

Dre Hilary Myron : Je ne suis pas expert en trouble alimentaire, mais ce que je sais, c'est que les enfants qui ont une tendance à un trouble alimentaire sont ceux qui ont des tendances plus perfectionnistes. Celui qui sont plus attirés aux routines. Et tout ça est perturbé durant cette pandémie. En plus, ils sont à la maison, sans les influences dans le monde vrai -- tout est sur l'internet et on sait que ça a une influence particulier chez les adolescents, les enfants aussi vers les images du corps non réalistes et non représentatives de la réalité.

Alors en manquant cet contrôle sur leus activités normales -- le manque de sports, des clubs, des autres activités avec la socialisation -- les enfants qui sont déjà vulnérables à ces troubles se présentent plus fréquemment avec ces problèmes. Ça, c'est mon propre théorie de pourquoi on a vu des augmentations dans les taux, mais la question de est-ce qu'on a vu les augmentations des taux des troubles alimentaires, la question est bien répondue. La réponse est oui, on a vu plus d'hospitalisations et derrière chaque hospitalisation, il y a des enfants qui n'ont pas eu besoin d'une hospitalisation, mais qui ont eu besoin de traitements et de support.

De l'autre côté, même s'il n'y a pas un diagnostic d'un trouble alimentaire diagnostiqué, où les enfants ils restrictent ce qu'ils mangent, on voit les changements dramatiques sur les courbes de croissance. Comme les prises de poids qui ne sont pas sains. Je me demande si c'est relié au manque de routine, d'activités physiques et aussi plus de troubles de l'humeur.

Témoignage - Manon Harvey : Et aussi, l'autre grand anxiété que nous avons vue chez les enfants c'est que ils viennent à l'école anxieux...beaucoup plus anxieux que normalement. Nous pensons que c'est probablement parce qu'ils vivent l'anxiété qui est vécue à la maison, de par leurs parents, de par les changements que COVID a donc apporté à chacune des familles.

Narration (Alexandra Bassa) : Nous avons vu que plusieurs de vos collègues de médecine ont des inquiétudes par rapport aux symptômes alarmants qui se présentent chez les jeunes enfants, indiquant une mauvaise santé mentale, comme l'anxiété et la dépression clinique. Pour les parents, quels sont les signes à surveiller?

Dre Hilary Myron : Certainement. C'est de surveiller l'état d'humeur de votre enfant. Est-ce qu'ils ont encore le plaisir à jouer, à manger, les changements dans leur sommeil, les changements dans leur alimentation. Et aussi, chez les enfants, c'est important d'être honnête et transparent avec eux, mais aussi de ne pas trop les exposer aux craintes des adultes.

Narration (Alexandra Bassa) : Une comparaison des réponses des parents avec les réponses des jeunes de 12 à 17 ans révèle que ces derniers n'ont pas souvent la même opinion que leurs parents par rapport à leur santé mentale.

Dans presque la moitié des cas, les parents ont évalué la santé mentale de leurs jeunes de la même manière que ces derniers.

Pour l'autre moitié des cas, la perception des jeunes par rapport à leur santé mentale était différente de celle de leurs parents. Quand cette perception était différente, près de deux tiers des jeunes ont évalué leur santé mentale moins positivement que leurs parents.

Ces résultats laissent entendre que les parents ne sont pas toujours conscients des problèmes de santé mentale de leurs enfants.

Alexandra Bassa : Est-ce que, selon vous, les parents sont-ils toujours conscients de l'état de santé mentale de leur enfant? Est-ce qu'il y a parfois un décalage entre la perception des parents et l'expérience de l'enfant?

Dre Hilary Myron : C'est certain que les parents ne sont pas toujours conscients de l'état de santé mentale de leurs enfants. C'est une famille dynamique, mais c'est important que les parents soient réceptifs aux enfants et à leurs inquiétudes. Les inquiétudes des enfants sont importantes et on doit tenir en tête que les enfants nous observent comme adulte et apprennent de nous, nos réactions. Alors, ils sont très sensibles au fait que nous sommes comme adulte stressés, inquiets, et comme adulte, on a une tendance de vouloir protéger les enfants d'incertitude, mais c'est important d'adresser ça avec les enfants et dire les parents ne savent pas toujours comment on va gérer le prochain défi, mais que nous sommes là pour leur protéger.

Narration (Alexandra Bassa) : Une mauvaise santé mentale peut influer sur un grand nombre de facettes de la vie d'un enfant et avoir des répercussions durables sur son développement, son rendement scolaire et sa capacité à créer des liens sociaux.

En 2019, les enfants et les jeunes ayant une santé mentale passable ou mauvaise avaient des résultats scolaires inférieurs, dans l'ensemble, à ceux des enfants ayant une très bonne ou une excellente santé mentale. Plus précisément, près d'un tiers des enfants et des jeunes de 3 à 17 ans dont la santé mentale était passable ou mauvaise avaient une note moyenne de C ou moins. Par comparaison, 9 % des enfants et des jeunes dont la santé mentale était très bonne ou excellente avaient une note moyenne de C ou moins.

Les enfants et les jeunes dont la santé mentale a été évaluée comme passable ou mauvaise par leurs parents étaient aussi plus susceptibles d'avoir de la difficulté à se faire des amis que ceux ayant une très bonne ou une excellente santé mentale. En 2019, environ le quart des enfants et des jeunes âgés de 5 à 17 ans dont la santé mentale était passable ou mauvaise avait de la difficulté à se faire des amis, par rapport à seulement 1 % des enfants et des jeunes ayant une très bonne ou une excellente santé mentale.

Témoignage - Manon Harvey : Par contre, ce qu'on réalise maintenant à la fin de l'année c'est que, tout c'est plus ou moins replacé, que les enfants sont très résilients et qu'ils ont trouvé une façon de s'adapter à tout ça et d'apprendre quand même. Et nous, on a trouvé des façons originales et créatives de quand même enseigner ce que nous avions à enseigner.

Alexandra Bassa : On entend souvent dire que les enfants vont s'en sortir, ils vont simplement s'adapter et que leur résilience est incomparable. Est-ce une bonne façon de voir les choses? Quelles sont les limites de la résilience des enfants?

Dre Hilary Myron : Je suis d'accord que les enfants vont s'en sortir, ils sont adaptables et ça c'est un élément magnifique des enfants. Ceci dit, on doit être conscient que les demandes qu'on mets sur les enfants et les adolescents sont lourdes et ils répondent à ces demandes pour protéger la société en entier et ont doit donner l'appui pour qu'ils peuvent se rattraper. Il y a une responsabilité chez les adultes de répondre à ces questions importantes que vous avez posées aujourd'hui pour qu'on peut aider les enfants à se rattraper et de devenir mieux après cet changement assez important.

Narration (Alexandra Bassa) : Voici les espoirs de Dre Myron au moment de l'enregistrement, sachant que l'épisode ne sortirait pas avant septembre 2021.

Dre Hilary Myron : Alors, j'ai beaucoup d'espoir que les écoles seront ouvertes et on va reprendre nos activités normales chez les enfants, comme les sports et les autres loisirs. Je dis ça parce que je suis très heureuse de voir les taux de vaccination, même au début de l'été 2021. On fait des progrès énormes et on sait que les vaccinations nous protègent. C'est presque un miracle de science qu'est-ce qu'on a fait et ça nous permettra de reprendre une vie normale pour nos enfants. D'après moi, comme j'ai dit, ils ont beaucoup fait pour nous comme une société et nous avons une responsabilité de reprendre leur vie normale pour qu'ils peuvent développer dans une façon la plus santé et saine possible.

Alexandra Bassa : Et qu'est-ce que vous espérez que nous allons retenir de cette pandémie?

Dre Hilary Myron : Il y a beaucoup d'aspects positifs qu'on devra retenir même dans les horreurs de cette pandémie : être créatifs avec nos réponses, être adaptable quand c'est nécessaire et comment soutenir les autres dans les temps les plus difficiles. Je suis encore positif sur le futur du différente sorte d'éducation pour les enfants, de flexibilité, de mieux choisir les bonnes façons d'éduquer nos enfants avec leurs capacités.

Alexandra Bassa : À la fin de notre entrevue, Dre Myron avait une petite annonce à faire à l'attention des parents de jeunes enfants.

Il y a-t-il un sujet que je n'ai pas abordé dont vous aimeriez discuter?

Dre Hilary Myron : C'était un peu différent, je pense à la natation. Je suis vraiment triste pour les enfants qui n'ont pas pendant deux années n'ont pas eu accès aux leçons de natation. C'est aussi quelque chose qui a un lien au sécurité des enfants. Alors, je voulais juste mettre un petit avertissement sur ça. Je voulais encourager les familles de n'oubliez pas que c'est très important pour les enfants d'apprendre comment nager.

Alexandra Bassa : Vous étiez à l'écoute de Hé-coutez bien! Un merci tout particulier à notre invitée Dre Hilary Myron d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions. Merci également à Marie-Pierre, à Manon et à Zoé et à nos participants anonymes d'avoir partagé leurs expériences avec nous.

Vous pouvez vous abonner à cette émission là où vous obtenez vos balados. Vous pourrez également trouver la version anglophone de notre balado, appelé Eh Sayers. Merci de nous avoir écouté et à la prochaine!

Hé-coutez bien! Épisode 1 - Parlons des obstacles, pas des incapacités : les limitations d'activités et la COVID-19

Date de diffusion : le 25 novembre 2021

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN: 2816-2269

Hé-coutez bien balados

Ce premier épisode du balado Hé-coutez bien! comprend une discussion sincère sur le fait de vivre avec une incapacité dans le contexte de la pandémie de COVID-19. On discute des réalités des personnes ayant une incapacité, de leurs défis et de tous les changements que la pandémie a entraînés dans leur quotidien.

Animatrice

Alexandra Bassa

Invités

  • Tony Labillois, directeur de la Statistique du secteur public et champion des personnes handicapées à Statistique Canada
  • Michelle Maroto, professeure agrégée de sociologie à l'Université de l'Alberta

Écoutez

Hé-coutez bien! Épisode 1 - Parlons des obstacles, pas des incapacités : les limitations d'activités et la COVID-19 - Transcript

Témoignage anonyme 1 : Une de mes histoires cest que moi et moi et ma famille avons une van adaptée, pour ma femme et moi, malgré que moi après mon opération jen ai pas autant besoin. Mais un des un des problèmes c'est que, notre van a commencé à...et puis les adaptations ont commencé à ne pas marcher comme elles devraient. Et les dernières restrictions qui ont été imposées, font en sorte que parce que je vis à Gatineau et l'endroit pour faire réparer la van est à Ottawa, mais avec l'impossibilité de voyager entre Gatineau et Ottawa, encore une fois les restrictions, c'est impossible de faire réparer un des gadgets qui permet à la chaise roulante à ma femme de rester barré dans la van adaptée. Et de cette façon-là, on est comme pris à moins voyager ou à sortir un peu moins souvent, malgré qu'on est supposé rester à la maison. Mais, il y a certaines fois des besoins de sortir, comme ma femme a souvent besoin d'aller voir des médecins et avoir des rendez-vous ici et là.

Témoignage anonyme 2 : Une autre histoire de pandémie que j'ai c'est à l'effet que moi, comme étant une personne de petite taille et ayant quand même de l'anxiété sociale assez importante, la pandémie et les instructions de rester à la maison le plus possible font en sorte que quand je suis forcé d'aller à l'extérieur faire des emplettes, magasiner et tout ça, il y a beaucoup moins de monde, il y a beaucoup moins d'achalandage dans les magasins et les endroits où est-ce que je dois achalander, une fois de temps en temps. Et ça, j'ai remarqué ça diminue beaucoup mon anxiété, mon stress dans ma vie personnelle.

Alexandra : Bienvenue au tout premier épisode de Hé-coutez bien, un balado de Statistique Canada où nous faisons la connaissance des personnes derrière les données et découvrons les histoires quelles révèlent. Je suis votre animatrice Alexandra.

Si vous avez écouté notre mini-épisode qui est sorti le 3 juin 2021, vous pouvez avancer jusquà environ 12 minutes 30 pour écouter les nouveaux extraits de lépisode.

Alexandra : Aujourdhui, nous parlons des incapacités. Selon lEnquête canadienne sur lincapacité de 2017, plus de 6 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus ont déclaré avoir une incapacité. Il sagit denviron 1 Canadien sur 5. Mais, que voulons nous dire par personnes ayant une incapacité.

Tony : Ah, bien, ça peut vouloir dire beaucoup de choses différentes, selon la personne. La personne peut avoir des limitations d'activité ou des conditions qui font que, elle a une incapacité qui est visible à première vue. Par exemple, quelqu'un qui a un problème de mobilité ou un problème sensoriel comme moi, où on voit que mes yeux bougent, mes yeux gigotent la première fois qu'on me rencontre, alors on sait que j'ai probablement quelque chose avec ma vue et puis ça parait, mais il y a beaucoup dautres incapacités, dactivité, de limitation d'activité qui ne sont pas visibles à première vue.

Alexandra : Ça, cest la voix de Tony Labillois.

Tony : Bonjour, je m'appelle Tony Labillois, je suis le directeur de la division de la statistique du secteur public à Statistique Canada et je suis aussi le Champion pour les personnes handicapées et pour laccessibilité depuis 2002, et je suis né avec une basse vision, ce qui fait que pour moi, c'est une vision normale, mais qui est beaucoup plus faible que pour les autres personnes.

Alexandra : Comme Tony, 1,5 million de Canadiens âgés de 15 ans et plus ont une incapacité visuelle. Que voulez-vous dire par incapacité invisible.

Tony : Pensez aux troubles d'apprentissage, ou à, pensez à quelqu'un qui est autiste ou à quelqu'un qui a une hypersensibilité à l'environnement ou quelqu'un qui a un enjeu de santé mentale. Ces choses-là ne sont pas visibles à première vue, et ça ne veut pas dire que, que la personne se considère handicapée pour autant, mais souvent ces choses-là occasionnent une limitation d'activité.

Alexandra : Pourriez-vous en parler un peu plus? Pourquoi une personne pourrait-elle ne pas se considérer comme une personne ayant une incapacité.

Tony : Les limitations d'activité, selon comment on va se percevoir comme individu, on peut décider de les accepter ou non. Et puis quand ça vient graduellement, cest, cest quelque chose qui évolue, mais même quand ça vient à la base comme moi, quand j'étais jeune, on ne peut pas dire que javais le même niveau d'acceptation que maintenant, ni le même niveau de confort pour en parler que maintenant. Puis, quelque part, c'est quelque chose qui évolue dans la vie. Lincapacité malheureusement peut être acquise, ou la limitation d'activité. Et puis c'est une question d'acceptation de soi, mais aussi de confiance, de comment les autres vont nous accepter avec notre façon différente de faire les choses, ou notre accommodement ou notre propre perception de nous-même. Prenez un exemple simple qui arrive dans la vie de beaucoup de gens dans la quarantaine. Où, par exemple, les gens se retrouvent à avoir des difficultés à lire quelque chose. Ils vont essayer de prendre la feuille et puis de la repousser un peu plus loin ou de la rapprocher jusquà temps quils aient le bon euh, la bonne distance pour lire ce qu'ils ont à lire. Ça prend combien de temps avant que quelqu'un va décider par lui-même, ou que les autres vont lui dire d'aller chez l'optométriste pour avoir besoin de lunettes. Quelque part, les lunettes sont un accommodement. Puis, avant que laccommodement soit accepté, pourtant, il est généralement accepté dans la société, avant que la personne laccepte, Il faut qu'elle accepte le fait qu'elle est en train d'avoir une vision qui baisse et puis une limitation dans ses activités quotidiennes ou au travail. Et puis c'est un cas où ça part de l'acceptation de soi. Puis dans la société, on ne fait pas de cas dun accommodement aussi fréquent. Je ne pense pas que personne vous dirait qu'il va être discriminé dans l'obtention d'un poste ou dans lobtention d'une occasion de quoi que ce soit dautre parce quil a des lunettes. C'est relativement bien accepté. Il faut en venir à un niveau d'acceptation des accommodements ou des façons de faire différentes des gens qui ont des limitations d'activité. Aussi, il faut que ça devienne aussi normal que pour des lunettes et puis aller chercher justement les forces de chacun, puis l'inclusion de tout le monde. Et puis, c'est quelque chose quil ne faut pas perdre de vue, justement. Sans faire de jeu de mots.

Alexandra : Les incapacités invisibles sont beaucoup plus courantes que vous pourriez le penser. Par exemple, en 2017, un peu plus de 4 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus avaient une incapacité liée à la douleur et plus de 2 millions de Canadiens avaient une incapacité liée à la santé mentale. Tony nous a parlé un peu plus de ce que cest que de vivre avec une incapacité invisible.

Tony : Ça signifie que la personne a le choix, elle a le choix de divulguer ou non cette incapacité invisible. Elle a le choix de vivre avec les conséquences de ne pas divulguer cette situation ou avec les conséquences perçues de divulguer cette situation. Par exemple, si vous prenez quelqu'un avec un trouble danxiété généralisée, quelquun qui a un diagnostic formel comme ça, il peut ou elle peut choisir de ne rien dire au travail, mais avec le risque que pendant une période de pression puis de beaucoup de livrables à donner, ça va devenir insupportable pour elle et peut-être pour les collègues aussi que ça va devenir difficile. Mais personne ne saura, et personne naccommodera la personne pour cette situation. Par contre si la personne fait le choix de divulguer, cest parce quelle accepte et parce quelle a confiance en les autres. Elle accepte sa condition, elle a confiance aussi que les autres vont accepter sa condition et vont laccommoder. Laccommodement peut être de plusieurs natures, peut être par exemple davoir du coaching, pour aider la personne dans son travail avec son anxiété, peut être de laide ponctuelle dans des moments stressants ou des moments plus intenses ou de de travailler sur autre chose que des choses intenses. Mais ça peut être juste de savoir quelle peut exprimer son anxiété et elle peut dire quelle est stressée, ou quelle peut demander à son patron si tout va bien plutôt que de ruminer des choses pendant la journée ou dans ses moments de vie personnelle. Ça dépend vraiment de ce que la personne peut faire, et puis ça cest pas la même chose pour quelquun qui a un handicap visible où là, tout dun coup, cest peut-être tous les autres qui vont poser des questions à la personne si la personne prétend que ça nexiste pas ou fait semblant de ne pas vouloir en parler.

Alexandra : Donc, cest beaucoup plus compliqué quune simple question à laquelle on peut répondre par oui ou par non. «  Êtes-vous une personne ayant une incapacité, oui ou non? » Ce nest pas toujours aussi simple, nest-ce pas? Alors, comment est-ce que Statistique Canada sy prend pour mesurer lincapacité.

Tony : Statistique Canada mesure lincapacité avec un modèle social. En fait, on ne regarde pas beaucoup la condition de la personne, on regarde l'interaction de la personne avec son environnement professionnel ou personnel, puis on regarde les barrières auxquelles elle peut faire face. On voit que, par exemple, on peut avoir une douleur modérée ou légère ou très incommodante. Alors on va prendre une question comme ça, on va demander à la personne jusquà quel point la douleur, l'affecte dans ses activités. On va faire ça pour la vision ou pour d'autres aspects fonctionnels de notre interaction avec le reste du monde. On a fait ça dans lenquête de 2017, puis on va faire ça dans lenquête sur les personnes handicapées de 2022 aussi, après le prochain recensement. Et puis ça nous apporte une façon de mieux comprendre, puis ensuite on peut classer avec les réponses des personnes un peu mieux les statistiques ou faire les statistiques qu'on a à faire. Ça va nous permettre d'identifier les gens qui probablement cocheraient pas « oui » nécessairement, tout le monde ne cocherait pas oui à la question, « êtes-vous une personne handicapée?

Alexandra : Et, pourquoi est-ce que cest particulièrement important de reconnaître lexistence des incapacités invisibles pendant la pandémie, non seulement chez les autres mais même en soi.

Tony : La pandémie a amené toutes sortes défis, puis en même temps toutes sortes dopportunités. La pandémie a aussi amené des limitations dactivités invisibles auxquelles on ne pense pas nécessairement à prime abord, pour des personnes qui ne se considèrent pas et qui ne se considèreront probablement jamais comme des personnes qui cocheraient la boîte « Oui » à une question « Êtes-vous une personne handicapée? ». Pensez par exemple à des gens qui ont une incapacité, comme un système immunitaire faible ou une maladie pulmonaire chronique ou qui ont tout dun coup malheureusement développé une phobie de lespace public, au moins peut-être épisodique, ou on espère pas permanente, mais ces gens-là ont besoin de certains accommodements, ont besoin de certaines formes daides pour poursuivre leur vie, puis leur travail.

J'ajouterai que ça peut être n'importe qui d'entre nous qui soudainement fait à des défis. La pandémie, nous a appris ça pour certaines personnes qui tout dun coup, avaient des conditions qui ne les dérangeait pas trop, que ce soit des conditions de système immunitaire faible ou des conditions pulmonaires ou même des conditions autres, qui tout d'un coup sont devenus des éléments prépondérants dans leur vie. Et puis, demain matin, notre situation peut avoir évolué, on peut malheureusement acquérir une limitation à cause du contexte ou à cause de notre santé qui se détériore et puis il faut sassurer qu'on bâtit un monde qui ne nous empêchera pas de contribuer ou de participer, même si notre situation personnelle change.

Michelle Maroto : Donc des mesures comme laccessibilité, la flexibilité et les mesures dadaptation sont très importantes. Elles permettent aux personnes ayant des incapacités de travailler, davoir un emploi. Et cest parce que de telles mesures se concentrent sur comment surmonter les obstacles environnementaux et non sur comment lincapacité limite les activités et les possibilités.

Alexandra : Ça, cest la voix de Michelle Marot.

Michelle : Je mappelle Michelle Maroto, et je suis professeure agrée de sociologie à lUniversité de lAlberta. Habituellement, je mintéresse surtout à des enjeux liés à linégalité, ou encore à la stratification, qui est une dimension plus structurelle de linégalité. Et puis parfois, il arrive des choses dans la vie, comme la COVID 19. Il y a beaucoup de choses à étudier dans ce que nous voyons aux nouvelles, et je veux continuer à en apprendre un peu plus sur le sujet.

Alexandra : Michelle et son équipe ont utilisé des données provenant de lEnquête sur la sécurité financière de Statistique Canada pour comparer les actifs non immobiliers, cest à dire les actifs qui ne sont pas liés à un logement, entre les ménages comprenant une personne ayant une incapacité et ceux qui nen ont pas.

Michelle : Dans le cadre de ce projet mené récemment, nous nous sommes concentrés sur les actifs non résidentiels, cest-à-dire les actifs que les gens possèdent qui ne sont pas rattachés à leur logement, comme leurs comptes dépargne et leurs pensions ; ces actifs peuvent être très importants pour assurer la sécurité financière, parce quil est plus facile dy recourir quand ça va mal ; en dautres termes, quand des difficultés financières surviennent, il est plus facile de retirer de largent de son compte dépargne que de réhypothéquer sa maison. Pour cette raison, nous avons utilisé les données provenant de trois vagues de lEnquête sur la sécurité financière. Nous avons constaté que, de 1999 à 2012, les ménages comptant une personne handicapée avaient tendance à posséder beaucoup moins dactifs non résidentiels. Plus précisément, les actifs de ces ménages étaient denviron 25  % moindres que ceux des autres ménages; on a aussi examiné comment cette situation pouvait être reliée à lemploi. Nous savons que le revenu est lun des moyens daccumuler des actifs : si vous avez un emploi mieux rérmunéré, vous pouvez mettre régulièrement de largent de côté et cela aidera à accroître votre richesse. Nous savons aussi que les personnes handicapées ont un accès plus limité au marché du travail, et ce facteur joue un rôle dans lécart que nous avons observé. Par contre, même en tenant compte des disparités en matière demploi, lécart est toujours là.

Alexandra : Une différence de 25 % semble énorme. Est-ce que vous mettre ça en perspective pour nos auditeurs? Est-ce quil y a une différence en dollars entre deux personnes moyennes, une ayant une incapacité et lautre nayant pas dincapacité, lorsque lon prend en compte des facteurs comme léducation, lemploi et la structure familiale.

Michelle : Oui, donc on a décidé dobserver ça en comparant la différence de pourcentage parce que la distribution varie beaucoup. Mais au milieu la différence était denviron 22 000 $, ce qui est quand même une bonne somme dargent, si vous y pensez en termes de richesse.

Alexandra : Et pourquoi est-ce que lécart de richesse est un facteur si important à considérer dans le contexte dune pandémie mondiale.

Michelle : Ouf, pour répondre à cette question, je pense quil faut dabord bien comprendre certaines des différences qui existent entre le revenu et la richesse de façon plus générale, cest à dire leur nature et leur utilisation. Quand on parle de revenu, on parle généralement de largent que lon reçoit, dune source de ressources financières – pour la plupart des gens, cest le revenu dun emploi sous forme de salaire ou de paie. Il y a beaucoup de recherches faites à ce sujet. Cest aussi une mesure que lon utilise très couramment quand on parle dinégalité. Il est facile davoir accès à cette information. On la retrouve dans les enquêtes, ou on peut trouver ces données dans les déclarations de revenus des gens si on le souhaite. Mais cela ne dit pas tout sur la richesse ; le revenu ne permet pas de tout savoir. Cest pourquoi je juge bon de prendre aussi en compte la richesse. La richesse comprend tout ce que vous possédez, après déduction de tout ce que vous devez – ou, si vous préférez, la somme de vos actifs après déduction de vos dettes; cest donc un paramètre de mesure de la richesse qui peut saccumuler au fil du temps. Il présente donc des avantages ainsi quune certaine stabilité. Les gens nont pas nécessairement tous les éléments qui entrent dans la richesse, par exemple largent dans votre compte bancaire, la maison que vous possédez, ou votre épargne retraite. Et je pense que pour la plupart des gens, cela démontre une certaine stabilité. Mais lorsque la pandémie a été déclarée, les disparités sont ressorties encore plus clairement. Donc sur quoi peut-on compter lorsque la source de revenu disparaît soudainement? Lune des premières choses vers laquelle la plupart des gens se tournent quand il y a un besoin financier est leur compte dépargne…sils en ont un. Après ça, ils vont emprunter de largent : ils peuvent faire un emprunt, mais ils utiliseront souvent plutôt leurs cartes de crédit. Mais, là encore, il faut pouvoir avoir accès à des institutions de crédit pour ça. Enfin, les gens peuvent demander de laide de leur famille et leurs amis, mais cette source de fonds est souvent limitée. Cest quand le revenu disparaît, que ce flux de ressources financières est interrompu, cest là que la richesse devient très importante. Et cest pourquoi je pense que ces écarts de richesse se sont davantage manifestés pendant la pandémie.

Alexandra : Selon l'Enquête canadienne sur lincapacité de 2017, 1,6 million de Canadiens ayant une incapacité ont été incapables de soffrir les soins, les appareils ou les prescriptions de médicaments nécessaires en raison des coûts.

Alexandra : Donc, selon vos constatations, est-ce quil y a beaucoup de personnes qui doivent faire face à un réel conflit entre vouloir travailler et vouloir se protéger du virus.

Michelle : Oui, tout à fait. Et cest particulièrement vrai pour les personnes handicapées et celles qui ont des problèmes de santé chroniques. Pour ces personnes, il y a davantage de risques de complications en lien avec la COVID-19. Et, pour beaucoup de répondants qui travaillaient, leur emploi leur permettait de faire la transition vers le télétravail. Dans certains cas, leur emploi aurait permis à ces travailleurs de prendre aussi un congé, mais dautres navaient pas cette possibilité, particulièrement dans les secteurs du commerce de détail et des services. Les travailleurs de ces secteurs ont constamment des contacts avec beaucoup de gens. Ce type de travail entraîne donc des risques importants. Les travailleurs dans cette situation doivent se demander  Est-ce que je continue à travailler et à recevoir mon chèque de paie ou est-ce que je moccupe de ma santé? Et cest une décision très difficile à prendre.

Alexandra : En matière demploi, il y avait une différence de 21 points de pourcentage entre les personnes qui ont une incapacité et celles qui nen ont pas. 80 % des personnes nayant pas dincapacité étaient employées, comparativement à 59 % pour les personnes ayant une incapacité. Alors, pourriez-vous expliquer à nos auditeurs comment quelquun qui a conservé son travail pourrait quand même faire face à une insécurité financière.

Michelle : Oui. Nous avons tendance à considérer le travail comme étant un moyen de sortir de la pauvreté et de source de sécurité financière et aussi comme un outil de mobilité financière ascendante. Cest bien sûr utile, mais ce nest pas vrai pour tout le monde. Pour bien des gens, le fait davoir un emploi aujourdhui ne garantit pas que ce sera encore le cas demain, la semaine prochaine ou le mois prochain. Lorsque nous avons examiné notre échantillon, nous avons constaté quenviron la moitié des répondants occupant un emploi craignaient de perdre leur emploi au cours du prochain mois, et 40 % craignaient de le perdre au cours de la durée de la pandémie. Il y avait donc une grande inquiétude quant à la possibilité de perdre son emploi ; les gens ne savaient pas si leur emploi existerait encore, surtout que les emplois ont un caractère précaire de nos jours. Et surtout, en période de pandémie, même si on travaille, plusieurs emplois sont mal payés et noffrent pas de bonnes options en matières davantages sociaux, et les personnes handicapées ont tendance à être surreprésentées parmi les travailleurs qui occupent de tels emplois. Dailleurs, certains de mes travaux de recherche antérieurs ont porté sur cette surreprésentation dans ces emplois de moins bonne qualité. Bref, le fait de travailler nest malheureusement pas toujours un signe de sécurité financière.

Alexandra : Un tiers des répondants ayant un emploi ont rapporté que leur situation financière avait empiré par rapport à lannée précédente. Il sagissait de personnes qui navaient pas perdu leur emploi et qui se trouvaient quand même dans une pire situation un an plus tard. Le projet de collecte par approche participative de Statistique Canada réalisé à lété 2020, a démontré que près dun tiers des participants ont déclaré que leur revenu avait diminué depuis le début de la pandémie. Parmi ceux-ci, plus de la moitié a rapporté avoir de la difficulté à répondre à leurs besoins, en matière dalimentation et dépicerie.

Alexandra : Pouvez-vous préciser pourquoi plus dun tiers des répondants employés, a constaté que leur situation financière avait empiré par rapport à lannée précédente.

Michelle : La perte de revenus est la principale raison expliquant cette situation. Plusieurs gens avaient encore un emploi, mais leurs heures de travail et leurs revenus avaient diminué. Ceux qui avaient des économies sen tiraient mieux. Mais il sagissait dun faible pourcentage des répondants, et dautres ont mentionné des difficultés additionnelles, comme la perte de soutien et de services communautaires auxquels ils avaient pu avoir accès avant la pandémie, ainsi quune augmentation des coûts. Lorsquune personne se confine à la maison, les coûts de livraison peuvent sajouter à ses frais habituels, et il peut devenir plus difficile de trouver de laide.

Alexandra : La menace de l'insécurité financière, le risque de ne plus pouvoir assurer sa survie, cest toujours stressant. Mais lorsque tout cela vient sajouter à la menace de la pandémie de la COVID-19, cest une recette qui multiplie les pressions sur la santé mentale. Michelle, parlons un peu de santé mentale. Quest-ce qui ressort dans vos recherches.

Michelle :  Bien sûr. Lété dernier, nous avons amorcé une étude pour déterminer comment les personnes handicapées et celles ayant des problèmes de santé chroniques sen sortaient durant la pandémie de la COVID 19. Nous avons mené une enquête en juin, puis nous avons tenu des entrevues pour approfondir la question. Dans le cadre de lenquête, on demandait aux gens sils avaient constaté ou non une augmentation de leur degré danxiété, de stress ou de désespoir pendant la pandémie. Il sagit en quelque sorte de paramètres pour mesurer létat de santé mentale. Il existe différentes façons de mesurer létat de santé mentale. Lapproche que nous avons utilisée nous a permis de le faire rapidement et facilement au moyen dune courte enquête auprès des gens, après laquelle on a examiné les liens entre les résultats et certains facteurs. Lune des questions à létude consistait à savoir si la COVID 19 avait eu des répercussions négatives sur la situation financière des répondants. Par exemple, nous avons demandé aux répondants si la COVID 19 avait réduit leur capacité à payer leurs dettes ou leurs factures, ou à acheter des produits dépicerie. Nous avons fait des comparaisons avec les personnes qui nont pas ressenti ces effets financiers négatifs, afin de démontrer linfluence de la pandémie. Il y a aussi eu des effets sur la santé mentale, et nous avons étudié dautres aspects; notamment on a constaté que les gens qui se disaient être plus inquiets de contracter le virus ont ressenti une augmentation danxiété et de stress. Nous avons aussi observé un lien très étroit entre, les changements reliés à des aspects comme la solitude et le sentiment dappartenance, et la hausse du degré de stress et danxiété. Ainsi, les gens qui avaient un plus fort sentiment de solitude ont ressenti une augmentation importante de leur degré de stress et danxiété. Les personnes qui ont dit que leur sentiment dappartenance avait diminué ont aussi connu cette forte hausse de leur degré de stress et danxiété, ce qui montre en gros que lisolement est associé à ces effets sur la santé mentale.

Alexandra : Les données de Statistique Canada semblent appuyer cette affirmation. Les renseignements recueillis lors dun questionnaire de collecte par approche participative en juin et en juillet 2020 sur les expériences des Canadiens âgés de 15 ans et plus ayant des incapacités ou des problèmes de santé chroniques pendant la pandémie de la COVID-19, ont révélé que plus de la moitié des participants ont rapporté que leur santé mentale est pire quelle ne létait, avant le début de la pandémie. Ce recul en santé mentale a également été observé dans la population générale après le début de la distanciation physique. Cela pourrait être lié aux sentiments disolement et au fait dêtre séparé des soutiens sociaux habituels en raison de la distanciation physique. Les participants ayant un problème de santé de longue durée ou une incapacité, pourraient être davantage touchés pendant la pandémie, puisque plusieurs dentre eux comptent sur des soutiens sociaux formels et informels, et près de la moitié reçoivent de laide pour les activités quotidiennes.

Alexandra : Lisolement est certainement une difficulté éprouvée par beaucoup dentre nous en ce moment. Moi, y compris. Michelle, pourriez-vous nous parler de leffet de lisolement sur les personnes ayant une incapacité.

Michelle : Tout dabord, les personnes ayant une incapacité connaissent déjà un niveau disolement élevé. De nombreux travaux de recherche montrent que ces personnes ont des réseaux sociaux moins étendus. Elles ont moins damis et moins dinteractions sociales. Dune part cest parfois à cause de lincapacité en soi, parce que celle ci peut limiter la mobilité et les interactions sociales; mais je pense que cest aussi attribuable à bon nombre des stéréotypes négatifs sur lincapacité ainsi quaux obstacles qui limitent la participation de ces personnes à la société. Par exemple, si vous navez pas accès à un emploi, vous ne pouvez pas vous faire des amis au travail; vous navez donc pas ce type dinteraction sociale. Pourtant, la pandémie a encore empiré les choses, puisque nous devons limiter nos interactions sociales préexistantes pour rester en sécurité. Ceci est un facteur encore plus important pour les personnes qui ont une incapacité et celles qui ont des problèmes de santé chroniques, parce quelles sont plus susceptibles davoir des complications liées au virus. Elles prennent donc probablement des précautions supplémentaires, ce qui aggrave leur isolement social et limite encore plus leurs interactions.

Alexandra : Michelle nétait pas la seule à mentionner lisolement. Lorsque jai demandé à Tony quels étaient certains des défis auxquels les gens ayant une incapacité ont été confrontés pendant la pandémie, lisolement était au haut de la liste.

Tony : La première pensée qui me vient cest lisolement ou la solitude. On tous fait face à ça, en temps de COVID, mais la personne handicapée, elle, fait face à ça dans certains cas, bien avant ça. Elle fait face à ça même parfois pas seulement chez elle, mais même quand elle est dans la foule, elle est avec d'autres, au travail ou il est autrement. C'est surtout si elle ne ça ne s'accepte pas bien et ne se sent pas accepté par les autres. À peur du rejet, peur de l'exclusion. Cest très important de justement, s'assurer d'inclure tout le monde et puis de fournir les accommodements pour permettre à tout le monde de performer, de contribuer aux objectifs et aux résultats d'une organisation ou de la société en général. Une participation complète, universelle. Et puis on a tout à gagner en même temps, en faisant ça pour améliorer nos résultats et de ne laisser aucun talent sur la table, s'assurer de d'utiliser, tous les talents, toutes les aptitudes, tout le potentiel de toutes les personnes qui ont des limitations d'activité.

Alexandra : Tony nous a aussi donné un exemple de défi particulier auquel les personnes ayant une incapacité font face, lorsque des mesures comme le confinement ou la distanciation sociale sont mises en place.

Tony : Quelques exemples. Par exemple, la personne qui a beaucoup de limitations d'activité qui se fient sur de l'aide à la maison dans sa vie quotidienne, ces personnes-là ont eu beaucoup de difficultés avec l'arrivée de la pandémie à obtenir les services, soit de bénévoles ou de proches aidants, ou même des services habituels publics qui sont offerts. Et puis, cest devenu un enjeu pour ces personnes-là, ça l'était peut-être avant, mais c'est exacerbé certainement par la pandémie. Et puis on voit dans nos statistiques justement que, il y a beaucoup de personnes qui se fient sur laide comme ça, cest particulièrement important den tenir compte dans les besoins des personnes handicapées dans lavenir.

Alexandra : Avant la pandémie, près de la moitié des Canadiens ayant une incapacité recevaient de laide pour effectuer leurs activités quotidiennes en raison de leur état de santé. Parmi ceux-ci, 36 % dépendaient uniquement daide extérieure à leur ménage.

Michelle : Plusieurs personnes reçoivent des services daide, gratuits ou non, fournis par des personnes qui vivent avec eux ou qui viennent de lextérieur, et cette aide est devenue plus limitée, moins accessible, ce qui complique les activités de la vie quotidienne. Mais cela mène aussi à un plus grand sentiment disolement, de sorte que tous ces facteurs saccumulent et sinfluencent les uns les autres.

Alexandra : Une chose qui nous a frappé en lisant votre recherche cétait à quel point les facteurs de stress saccumulent. Une incapacité peut limiter le revenu tout en entraînant également des dépenses supplémentaires, en plus du fait que dautres personnes dans votre foyer pourraient devoir prendre congé de leur travail pour vous aider. En plus, pendant la pandémie, la personne moyenne ayant une incapacité occupe probablement un emploi où il y a un plus grand risque dattraper la COVID-19 et, si elle lattrape, elle est plus à risque de développer des complications. On dirait que ça ne finit jamais.

Michelle : En effet, et je pense que ce constat vaut aussi pour linégalité en général. Nous savons que certains sen tirent mieux que dautres durant la pandémie. Au fil de la pandémie, nous avons pu constater que des disparités sont malheureusement apparues; les personnes qui, au début de la pandémie, avaient de bons emplois, de largent dans leurs comptes bancaires et un logement qui leur appartenait, sen sortaient bien. Certains par contre ont dû faire face à des difficultés. En ce qui concerne les finances, au haut de la distribution, les gens sen tirent bien. Par contre, au bas de la distribution, la situation est très différente et, comme vous lavez mentionné, si nous pensons en particulier aux personnes ayant une incapacité, un groupe qui avait déjà un taux demploi inférieur avant la pandémie, bon nombre de ces personnes, dépendaient de prestations du gouvernement, qui sont relativement convenables et ne suffisent donc pas nécessairement pour joindre les deux bouts chaque mois. Beaucoup dépendent peut-être aussi dune aide extérieure, mais celle-ci est plus souvent fournie par des proches aidants qui, trop souvent, ont dû eux-même renoncer à des emplois et à des salaires pour pouvoir fournir ces soins.

Cest un autre facteur qui a comme effet de souligner les inégalités. En tant que société, nous avons la capacité dintervenir de différentes manières pour dénoncer les inégalités, ou du moins pour les réduire un peu. Malheureusement, nous ne le faisons pas toujours; de ce point de vue, je considère que la Prestation canadienne durgence a apporté des avantages importants et a véritablement aidé les gens qui avaient un emploi avant la pandémie. Il y a beaucoup de données disponibles qui montrent que les personnes qui se situent au bas de la distribution du revenu et qui ont perdu un emploi nont pas été totalement laissées derrière, de sorte quelles ont pu sen sortir. Mais cette situation montre aussi quon ne peut pas continuer dassocier les avantages sociaux à lemploi, parce quon sait maintenant ce qui se passe en conséquence. Si on perd son emploi, on perd tout. Nous devons penser aux avantages de façon plus générale et assurer un soutien aux gens dun bout à lautre de la distribution du revenu, et je pense que lune des choses que cette pandémie a mises en lumière est lurgence de repenser nos politiques dans une perspective plus large, en tenant compte de la situation des différents groupes – les personnes handicapées, bien sûr, mais aussi dautres groupes qui sont en situation minoritaire ou qui ont un niveau de revenu très bas et un niveau de pauvreté élevé. Nous devons tenir compte de ces groupes dans notre processus délaboration de politiques. Nous voulons déterminer comment nous pouvons véritablement redistribuer lensemble des avantages au sein de la société. Comment pouvons-nous faire en sorte que ces avantages ne sont pas uniquement accessible à ceux qui sont au sommet? Cette tranche de gens qui représente 1 % de la population? Nous devons envisager toutes ces choses en adoptant des points de vue différents.

Michelle : Jessaie dêtre optimiste. Jessaie de me dire que la situation actuelle représente un point de rupture. Les crises peuvent également offrir des occasions de changer la manière dont nous faisons les choses. Nous pouvons changer notre façon de concevoir les politiques et doffrir un soutien aux gens dans notre société. Et peut-être que la pandémie aura joué un rôle de révélateur et fait en sorte que les gens prennent conscience des inégalités. Je vais donc essayer de demeurer optimiste pendant que nous demeurons aux prises avec cette nouvelle vague de la pandémie, mais il est difficile de prévoir comment les choses vont évoluer.

Tony : Les panneaux de plexiglas sont des barrières parmi dautres. Mais, il y a beaucoup de barrières qui arrivent dans notre société depuis un an. Et il y a beaucoup dopportunités, comme je vous disais tantôt, puis selon lhétérogénéité des conditions personnelles, puis des façons de fonctionner. C'est pas les mêmes choses qui peuvent être l'opportunité de l'un, puis le défi de l'autre.

Alexandra : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ces défis? Que voulez-vous dire lorsque vous dites que le plexiglas est un défi pour vous.

Tony : Un moment donné, on est dans des situations ou par exemple dans mon cas, je pourrais me promener un peu partout à travers le monde. Je peux prendre des transports en commun, cest sûr que ma plus grosse limitation c'est que je peux pas conduire une voiture. Ça en a été une grosse, mais ça me laisse quand même pas mal de marge pour faire toutes sortes de choses, je peux vous en assurer. Et puis, dans ce contexte-là actuellement, je me limite d'utiliser le transport public parce que pour moi c'est plus de risque d'embarquer dans un autobus pour peut-être attraper le virusé. Avant je pouvais aller acheter un cadeau n'importe où dans un magasin, puis je navais pas peur de me heurter à un nouvel obstacle quest le panneau de plexiglas qui est devant chaque caissier ou devant d'autres choses. Je ne m'inquiétais pas dans quel sens rentrer dans un centre d'achat ou alors par quelle porte. Je rentrais par la porte, et je m'assurais de ne pas accrocher personne. Et puis, je suis dans une situation où je me limite moi-même pour protéger ma santé puis celle de mes proches. Puis, si vous prenez l'exemple de quand j'arrive à la caisse dans un endroit comme ça, et je vais encore faire des commissions de temps en temps, mais même là sil faut que je rentre mon code d'identification personnel, mon NIP, mon numéro d'identification personnel, ma carte de crédit ou ma carte de débit, je dois me coller proche du terminal, c'est quil y a encore plus de risques que j'attrape le virus. Si je suis dans une rangée dépicerie, puis je vais regarder une boîte pour lire pour massurer que jai le bon produit. Je le ferai plus autant qu'avant, ou je le ferai plus comme avant parce que je considère moi-même que c'est moins acceptable dans les conditions actuelles de faire ce genre de geste, que ce soit pour moi ou pour d'autres,cpar d'autres, et puis j'ai hâte que les conditions reviennent à la normale. Autant que j'espère qu'on va garder les bonnes choses, les opportunités, comme de faire des vidéo conférences ou de travailler de la maison ou de se faire livrer ce qu'on veut à la maison, ce qui est excessivement utile pour beaucoup de personnes avec des limitations d'activité. Et puis c'est ça devient bénéfique pour tous, ces choses-là. J'espère quon va garder bénéfice très longtemps, mais qu'on va faire tomber les barrières temporaires aussitôt que la santé publique nous le permettra.

Alexandra : LEnquête canadienne sur lincapacité de 2017 a rapporté que parmi les employés ayant une incapacité âgés de 25 à 64 ans, plus de 1 employé sur 3 avait besoin dune mesure dadaptation pour pouvoir travailler. Cela représente un peu plus de 772 000 Canadiens. Les mesures dadaptation les plus communes étaient des conditions de travail flexibles ( 27 %), comme le télétravail. Le changement le plus évident dans les conditions de travail est sûrement le brusque changement quont vécu de nombreux travailleurs en passant au travail à la maison.

Michelle, est-ce que vous pouvez partager certaines des réactions de vos répondants, positives ou négatives, concernant ces nouvelles mesures dadaptation, que ce soit de travailler de la maison ou toute autre nouvelle situation de travail.

Michelle : Le télétravail a certainement été le changement relié au travail qui a été le plus souvent soulevé par les répondants. Plus de la moitié des répondants qui occupaient un emploi ont fait la transition vers des accommodements de télétravail, que ce soit à temps plein ou à temps partiel, et ce changement représente un changement important pour les gens. Mais ce nest pas entièrement une mauvaise chose, après tout. Ça permet une certaine protection contre lexposition au virus, et ça permet aux gens de continuer à travailler et à gagner un revenu dans un contexte plus sécuritaire. Et ce qui est intéressant cest quil sagit en fait dune mesure dadaptation que réclamaient depuis longtemps les personnes ayant une incapacité et que beaucoup de milieux de travail hésitaient à adopter. Cette transition vers le télétravail a donc eu des effets positifs, notamment la flexibilité associée à ce genre darrangement. Par contre, noublions pas que cet arrangement entraîne aussi un plus grand sentiment disolement.

Alexandra : Les mesures dadaptation dun lieu de travail sont une demande commune daccessibilité et lont été depuis longtemps. Avec la pandémie, de nombreux lieux de travail se sont précipités pour rendre possible le télétravail pour tous leurs employés. En date de mai 2020, environ 14 % des entreprises ont déclaré que 100 % de leurs employées travaillaient à partir de la maison. Nous avons parlé avec Tony de toutes les possibilités et de tous les défis uniques générés par le télétravail.

Tony : Comme gestionnaire, je pense que bon, on a gagné beaucoup. On a plusieurs employés qui apprécient beaucoup la capacité de travailler à distance. Puis je pense que j'aurais une rébellion si je voulais tous les faire rentrer demain matin. J'ai des gens qui, tout d'un coup, ne dépensent plus 3 heures de leur temps, une heure et demie le matin, une heure et demie l'après-midi, pour aller et revenir du bureau. Ils sont souvent moins fatigués pour travailler, ils sont souvent plus aptes à être productifs. Puis, ce nest pas nécessairement ce qu'on veut de façon excessive, mais parfois, il y a une partie de ce travail, de ce temps-là qui est utilisé pour le travail, ce qui est peut-être plus satisfaisant pour eux que d'être pris dans le trafic, la circulation. Alors ça, c'est excessivement important pour nous tous. Et puis on va vouloir garder ça, cest sûr. C'est vrai que c'est quelque chose qui est particulièrement important pour une personne avec un enjeu de mobilité par exemple, qui ne veut pas se retrouver sur la glace un matin froid d'hiver avec du verglas, mais c'est vrai pour vous et moi aussi que c'est maintenant si on est à mieux travailler de la maison. On espère qu'on pourra continuer. Ceci dit, il y a des activités où Il nous manque le côté social du travail, puis selon moi peut-être que je suis vieux, mais je pense quil a des activités pour lesquelles on a hâte de retourner au travail par exemple : la planification stratégique, du rapprochement de séries de données ou certaines tâches comme ça, pour des conversations difficiles par exemple, où c'est...il y a un bénéfice actuellement certain, de pouvoir faire des vidéo conférences, pour partager plus facilement de l'information entre nous. On a appris à mettre en place des mécanismes pour faire ça de façon plus efficace, depuis l'année passée dans notre organisation puis en général dans le monde du travail, mais c'est quelque chose qui, un momment donné on va vouloir garder les bienfaits de la période que l'on vit et puis essayer de retrouver les choses importantes de la période qu'on a vécu avant.

Alexandra : Quand on y pense, même cette entrevue est une mesure dadaptation. Jétais chez moi pour cet enregistrement et il était chez lui, et pourtant, nous voici.

Tony : Je suis vraiment épaté qu'on puisse faire ce genre d'exercice là maintenant à distance, malgré quauparavant on aurait toujours voulu faire ça en personne. Ça illustre comment on était, comment on a changé en un an, comment au début de la pandémie on se sentait handicapé par notre nos outils, par notre façon de travailler, pour notre culture, par nos réactions même. Puis tout dun coup, un an plus tard, on est devenu une organisation beaucoup plus capable, beaucoup plus agile, plus capable de faire des choses qui fleurissent même malgré le contexte, ce qui va nous rendre beaucoup plus fort dans l'avenir, j'espère. Puis surtout quand on pourra revenir avec les bénéfices du passé et les bénéfices acquis depuis cette nouvelle ère de travail à distance.

Alexandra : Quand on parle daccessibilité ou de mesures dadaptation, on pense souvent que celles-ci sont surtout bénéfiques aux personnes ayant une incapacité. Mais pourriez-vous nous en dire davantage sur comment les mesures dadaptation dans un lieu de travail sont bénéfiques à lensemble des travailleurs? Je sais que ce nétait pas exactement votre domaine détudes, mais je pense que vous devez sûrement avoir quelque chose d'intéressant à nous dire à ce sujet?

Michelle : Donc des mesures comme laccessibilité, la flexibilité et les mesures dadaptation sont très importantes. Elles permettent aux personnes ayant des incapacités de travailler, davoir un emploi. Et cest parce que de telles mesures se concentrent sur comment surmonter les obstacles environnementaux et non sur comment lincapacité limite les activités et les possibilités. Lexistence dune incapacité peut entraîner certaines limitations physiques et sanitaires, mais ces limitations sont perçues ainsi uniquement parce que le monde dans lequel nous vivons est conçu en présumant les capacités des gens, où lorganisation du travail et de léducation présume certaines hypothèses concernant le fonctionnement et la mobilité des gens. Il est donc très important doffrir des mesures dadaptation et daccorder une plus grande flexibilité pour habiliter les personnes handicapées qui veulent travailler et avoir un emploi. Et nous pouvons penser à ça dun point de vue encore plus général. L'accessibilité, la flexibilité, les mesures dadaptation sont des choses importantes au-delà des incapacités. Ce sont des choses qui donnent davantage d'autonomie aux travailleurs en ce qui concerne quand ils travaillent et comment. Ce sont des choses qui tiennent compte du fait que le fait davoir une approche unique pour déterminer les heures et les situations de travail ne convient pas à tout le monde.

Nous pourrions être de meilleurs travailleurs. Nous pouvons être plus productifs si nos conditions de travail offrent ce genre de flexibilité en ce qui concerne lhoraire et le mode de travail. Cest donc à lavantage de lemployeur. Cest aussi bien sûr à lavantage des travailleurs. Ça peut réduire le stress, faciliter le travail en général, mais ça peut aussi améliorer la productivité. Les normes relatives au travail ont jusquà présent toujours refleter des attentes en ce qui concerne le lieu de travail et la façon de travailler. Ces normes ont toujours une forte influence sur les choses. Cest à ce niveau, je pense, quil y aura un grand changement entraîné par la pandémie, où plusieurs personnes ont eu à travailler à domicile pendant un an. Ça pourrait se traduire par une plus grande accessibilité et par plus de flexibilité pour les travailleurs, ce qui est à lavantage de tous. Mais cest particulièrement bon pour les personnes ayant une incapacité.

Alexandra : Se concentrer sur laccessibilité au lieu de lincapacité signifie également se concentrer sur ce que lindividu peut faire ou pourrait faire si les obstacles étaient éliminés. Ainsi, ça aide les gens à reconnaître lobstacle comme étant la source de lincapacité. Penser en matière daccessibilité, aide à élargir ce que cela signifie que de vivre avec une incapacité.

Michelle : Je pense quune partie du problème réside dans le fait que nous pensons souvent à lincapacité uniquement du point de vue des limitations. Selon ce point de vue, lincapacité est liée à une personne et cest pour ça que cette personne ne peut pas obtenir un emploi. Cependant, quand on réfléchit un peu plus, il existe en fait des obstacles de taille qui sont vraiment déterminants. Ainsi, dans le contexte de lemploi et du travail, cette manière de penser à la capacité ou lincapacité a été source de grande discrimination. Nous faisons de nombreuses suppositions qui sont carrément fausses au sujet des personnes ayant des incapacités.

Alexandra : Alors Tony, comment est-ce que le fait de parler de barrières plutôt que dincapacité aide les gens à mieux comprendre que laccessibilité est bénéfique pour tous.

Tony : Quand on parle de barrière, c'est quelque chose qu'on peut enlever, quand on parle d'incapacité, on a tendance à associer ça aux gens, aux personnes, et puis cest néfaste pour leur acceptation delle-même et de leur acceptation par les autres. Quand on parle de barrière, on peut sassurer d'identifier les moyens de l'enlever ou de la contourner. C'est beaucoup plus efficace et puis ça c'est plus axé sur l'environnement. Dans notre environnement actuel, on peut voir des barrières, mais on peut aussi voir des chemins vers des opportunités, vers des capacités des personnes. Si on prend mon propre exemple, j'ai une basse vision. J'ai une vision que je considère normale, qui me d'apprécier les beaux paysages, de me promener tout seul, de faire de la photo, de faire toutes sortes de choses que j'aime, jaime apprécier des œuvres artistiques, etc. regarder des films. Mais,tout le monde voit....la grande majorité des êtres humains voit beaucoup plus que moi. Si tout le monde voyait comme moi, les affiches, les étiquettes, les autres choses dans la société seraient écrites plus grosses, ou on aurait tous une accommodation, un accommodement c'est à dire, commun, collectif qui ferait que, il ny en aurait pas de barrières pour moi. Et puis, cest vrai pour l'ensemble des choses sur lesquelles on doit travailler pour rendre la société plus accessible, ou le milieu de travail plus inclusif, des choses comme ça. On a une capacité comme être humain à discuter de ces barrières-là, puis à les éliminer. Ça ne coûte pas souvent plus cher. Si par exemple, dans mon poste de travail, je reçois un document PDF, bien malheureusement, il est souvent pas accessible pour moi. Et puis, si par contre tout le monde voyait comme moi, oh, là, tout d'un coup le document, il serait nécessairement formaté pour tout le monde. C'est quun moment donné, il faut que la majorité prenne compte des besoins de la minorité, peut être et d'habitude, quand on rend quelque chose accessible pour une personne ou même quelques personnes, on le rend beaucoup plus accessible pour tous et ça ne coûte pas nécessairement plus cher.

Alexandra : La pandémie de la COVID-19 a exposé les nombreuses manières dont nous pouvons rendre le monde plus accessible, surtout en ce qui concerne le travail à distance et dautres mesures dadaptation. Mais à quoi ressemblera le monde après la pandémie.

Tony : Je pense que la situation actuelle fait que dans l'espace public, on parle de plus en plus non seulement des différences des gens, mais on parle beaucoup des besoins des gens. Puis il faut que les gens puissent exprimer leur besoin, quils se considèrent comme une personne handicapée ou non. Sils ont une limitation dactivité, quelle soit dû à la pandémie ou à autre chose. Je pense que c'est important qu'on regarde ça actuellement, puis dans l'avenir. Et puis ça va aider, parce qu'on parlait tout à l'heure l'acceptation de soi, mais aussi de lacceptation perçue quauront les autres de nous, dans la société. On a des choses qui se sont vraiment ouvertes dans la pandémie. Si vous prenez le fait que, par exemple, les gens peuvent travailler de la maison. Un moment donné, il va falloir garder le meilleur de la situation actuelle et puis se débarrasser des autres choses qui pourront disparaître lorsque la situation sera revenue à la normale. Puis, j'espère que ce qui va rester dans l'espace public cest une plus grande ouverture dans la société et puis dans l'économie pour assurer qu'on considère et quon se concentre sur les aptitudes des gens et leur capacité à contribuer à la société et à l'économie.

Alexandra : Vous étiez à lécouté de Hé-coutez bien. Un merci tout particulier à nos invités,Tony Labillois et Michelle Maroto.

La voix que vous avez entendue appartenait à une personne ayant une incapacité qui a accepté de partager des témoignages sur son expérience pendant la pandémie. Merci d'avoir partagé votre voix avec nous.

Vous pouvez vous abonner à cette émission là où vous obtenez vos balados. Vous pourrez également trouver la version anglophone de notre balado, appelé Eh Sayers. Merci de nous avoir écoutés et à la prochaine.

Semaine nationale de l’accessibilité 2021

Date de diffusion : le 3 juin 2021

Nº de catalogue : 45-20-0003
ISSN: 2816-2269

Semaine nationale de l'accessibilité 2021

De nouveaux obstacles et de nouvelles libertés : une conversation avec le champion des personnes handicapées à StatCan

Nous rencontrons (en virtuel) Tony Labillois, le champion des personnes handicapées à StatCan, pour discuter des nouveaux défis et des occasions qui se présentent pour les personnes handicapées pendant la pandémie.

Animatrice

Alexandra Bassa

Invité

Tony Labillois, le champion des personnes handicapées à StatCan

Téléchargement : Semaine nationale de l’accessibilité 2021 (MP3, 19.6 Mo)

Semaine nationale de l’accessibilité 2021 - Transcript

Alexandra : En septembre, Statistique Canada lancera son tout premier balado. Il sera disponible en français et en anglais, sous les titres, Hé-coutez bien et Eh Sayers.

Pour célébrer la Semaine nationale de l'accessibilité, nous vous partageons en avant-première une partie de notre premier épisode.

Nous avons travaillé très dur pour le réaliser et nous espérons qu'il vous plaira.

[musique]

Bienvenue au tout premier épisode de Hé-coutez bien, un balado de Statistique Canada où nous faisons la connaissance des personnes derrière les données et découvrons les histoires qu'elles révèlent. Je suis votre animatrice Alexandra.

Alexandra : Aujourd'hui, nous parlons des incapacités. Selon l'Enquête canadienne sur l'incapacité de 2017, plus de 6 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus ont déclaré avoir une incapacité. Il s'agit d'environ 1 Canadien sur 5. Mais, que voulons nous dire par personnes ayant une incapacité?

Tony : Ah, bien, ça peut vouloir dire beaucoup de choses différentes, selon la personne. La personne peut avoir des limitations d'activité ou des conditions qui font que, elle a une incapacité qui est visible à première vue. Par exemple, quelqu'un qui a un problème de mobilité ou un problème sensoriel comme moi, où on voit que mes yeux bougent, mes yeux gigotent la première fois qu'on me rencontre, alors on sait que j'ai probablement quelque chose avec ma vue et puis ça parait, mais il y a beaucoup d'autres incapacités, d'activité, de limitation d'activité qui ne sont pas visibles à première vue.

Alexandra : Ça, c'est la voix de Tony Labillois.

Tony : Bonjour, je m'appelle Tony Labillois, je suis le directeur de la division de la statistique du secteur public à Statistique Canada et je suis aussi le Champion pour les personnes handicapées et pour l'accessibilité depuis 2002, et je suis né avec une basse vision, ce qui fait que pour moi, c'est une vision normale, mais qui est beaucoup plus faible que pour les autres personnes.

Alexandra : Comme Tony, 1,5 million de Canadiens âgés de 15 ans et plus ont une incapacité visuelle.

Que voulez-vous dire par incapacité invisible?

Tony : Pensez aux troubles d'apprentissage, ou à, pensez à quelqu'un qui est autiste ou à quelqu'un qui a une hypersensibilité à l'environnement ou quelqu'un qui a un enjeu de santé mentale. Ces choses-là ne sont pas visibles à première vue, et ça ne veut pas dire que, que la personne se considère handicapé pour autant, mais souvent ces choses-là occasionnent une limitation d'activité.

Alexandra : Pourriez-vous en parler un peu plus? Pourquoi une personne pourrait-elle ne pas se considérer comme une personne ayant une incapacité?

Tony : Les limitations d'activité, selon comment on va se percevoir comme individu, on peut décider de les accepter ou non. Et puis quand ça vient graduellement, c'est, c'est quelque chose qui évolue, mais même quand ça vient à la base comme moi, quand j'étais jeune, on ne peut pas dire que j'avais le même niveau d'acceptation que maintenant, ni le même niveau de confort pour en parler que maintenant. Puis, quelque part, c'est quelque chose qui évolue dans la vie. L'incapacité malheureusement peut être acquise, ou la limitation d'activité. Et puis c'est une question d'acceptation de soi, mais aussi de confiance, de comment les autres vont nous accepter avec notre façon différente de faire les choses, ou notre accommodement ou notre propre perception de nous-même. Prenez un exemple simple qui arrive dans la vie de beaucoup de gens dans la quarantaine. Où, par exemple, les gens se retrouvent à avoir des difficultés à lire quelque chose. Ils vont essayer de prendre la feuille et puis de la repousser un peu plus loin ou de la rapprocher jusqu'à temps qu'ils aient le bon euh, la bonne distance pour lire ce qu'ils ont à lire.

Ça prend combien de temps avant que quelqu'un va décider par lui-même, ou que les autres vont lui dire d'aller chez l'optométriste pour avoir besoin de lunettes.  Quelque part, les lunettes sont un accommodement. Puis, avant que l'accommodement soit accepté, pourtant, il est généralement accepté dans la société, avant que la personne l'accepte, Il faut qu'elle accepte le fait qu'elle est en train d'avoir une vision qui baisse et puis une limitation dans ses activités quotidiennes ou au travail. Et puis c'est un cas où ça part de l'acceptation de soi. Puis dans la société, on ne fait pas de cas d'un accommodement aussi fréquent. Je ne pense pas que personne vous dirait qu'il va être discriminé dans l'obtention d'un poste ou dans l'obtention d'une occasion de quoi que ce soit d'autre parce qu'il a des lunettes. C'est relativement bien accepté. Il faut en venir à un niveau d'acceptation des accommodements ou des façons de faire différentes des gens qui ont des limitations d'activité. Aussi, il faut que ça devienne aussi normal que pour des lunettes et puis aller chercher justement les forces de chacun, puis l'inclusion de tout le monde. Et puis,  c'est quelque chose qu'il ne faut pas perdre de vue, justement. Sans faire de jeu de mots.

Alexandra : Les incapacités invisibles sont beaucoup plus courantes que vous pourriez le penser. Par exemple, en 2017, un peu plus de 4 millions de Canadiens âgés de 15 ans et plus avaient une incapacité liée à la douleur et plus de 2 millions de Canadiens avaient une incapacité liée à la santé mentale.

Tony nous a parlé un peu plus de ce que c'est que de vivre avec une incapacité invisible.

Tony : Ça signifie que la personne a le choix, elle a le choix de divulguer ou non cette incapacité invisible. Elle a le choix de vivre avec les conséquences de ne pas divulguer cette situation ou avec les conséquences perçues de divulguer cette situation. Par exemple, si vous prenez quelqu'un avec un trouble d'anxiété généralisée, quelqu'un qui a un diagnostic formel comme ça, il peut ou  elle peut choisir de ne rien dire au travail, mais avec le risque que pendant une période de pression puis de beaucoup de livrables à donner, ça va devenir insupportable pour elle et peut-être pour les collègues aussi que ça va devenir difficile. Mais personne ne saura, et personne n'accommodera la personne pour cette situation. Par contre si la personne fait le choix de divulguer, c'est parce qu'elle accepte et parce qu'elle a confiance en les autres. Elle accepte sa condition, elle a confiance aussi que les autres vont accepter sa condition et vont l'accommoder. L'accommodement peut être de plusieurs natures, peut être par exemple d'avoir du coaching, pour aider la personne dans son travail avec son anxiété, peut être de l'aide ponctuelle dans des moments stressants ou des moments plus intenses ou de de travailler sur autre chose que des choses intenses. Mais ça peut être juste de savoir qu'elle peut exprimer son anxiété et elle peut dire qu'elle est stressée, ou qu'elle peut demander à son patron si tout va bien plutôt que de ruminer des choses pendant la journée ou dans ses moments de vie personnelle. Ça dépend vraiment de ce que la personne peut faire, et puis ça c'est pas la même chose pour quelqu'un qui a un handicap visible où là, tout d'un coup, c'est peut-être tous les autres qui vont poser des questions à la personne si la personne prétend que ça n'existe pas ou fait semblant de ne pas vouloir en parler.

Alexandra : Donc, c'est beaucoup plus compliqué qu'une simple question à laquelle on peut répondre par oui ou par non. « Êtes-vous une personne ayant une incapacité, oui ou non? » Ce n'est pas toujours aussi simple, n'est-ce pas? Alors, comment est-ce que Statistique Canada s'y prend pour mesurer l'incapacité?

Tony : Statistique Canada mesure l'incapacité avec un modèle social. En fait, on ne regarde pas beaucoup la condition de la personne, on regarde l'interaction de la personne avec son environnement professionnel ou personnel, puis on regarde les barrières auxquelles elle peut faire face. On voit que, par exemple, on peut avoir une douleur modérée ou légère ou très incommodante. Alors on va prendre une question comme ça, on va demander à la personne jusqu'à quel point la douleur, l'affecte dans ses activités. On va faire ça pour la vision ou pour d'autres aspects fonctionnels de notre interaction avec le reste du monde. On a fait ça dans l'enquête de 2017, puis on va faire ça dans l'enquête sur les personnes handicapées de 2022 aussi, après le prochain recensement. Et puis ça nous apporte une façon de mieux comprendre, puis ensuite on peut classer avec les réponses des personnes un peu mieux les statistiques ou faire les statistiques qu'on a à faire. Ça va nous permettre d'identifier les gens qui probablement cocheraient pas « oui » nécessairement, tout le monde ne cocherait pas oui à la question, « êtes-vous une personne handicapée? »

Alexandra : Et, pourquoi est-ce que c'est particulièrement important de reconnaître l'existence des incapacités invisibles pendant la pandémie, non seulement chez les autres mais même en soi?

Tony : La pandémie a amené toutes sortes défis, puis en même temps toutes sortes d'opportunités. La pandémie a aussi amené des limitations d'activités invisibles auxquelles on ne pense pas nécessairement à prime abord, pour des personnes qui ne se considèrent pas et qui ne se considèreront probablement jamais comme des personnes qui cocheraient la boite « Oui » à une question « Êtes-vous une personne handicapée? ».

Pensez par exemple à des gens qui ont une incapacité, comme un système immunitaire faible ou une maladie pulmonaire chronique ou qui ont tout d'un coup malheureusement développé une phobie de l'espace public, au moins peut-être épisodique, ou on espère pas permanente, mais ces gens-là ont besoin de certains accommodements, ont besoin de certaines formes d'aides pour poursuivre leur vie, puis leur travail.

J'ajouterai que ça peut être n'importe qui d'entre nous qui soudainement fait à des défis. La pandémie, nous a appris ça pour certaines personnes qui tout d'un coup, avaient des conditions qui ne les dérangeait pas trop, que ce soit des conditions de système immunitaire faible ou des conditions pulmonaires ou même des conditions autres, qui tout d'un coup sont devenus des éléments prépondérants dans leur vie. Et puis, demain matin, notre situation peut avoir évolué, on peut malheureusement acquérir une limitation à cause du contexte ou à cause de notre santé qui se détériore et puis il faut s'assurer qu'on bâtit un monde qui ne nous empêchera pas de contribuer ou de participer, même si notre situation personnelle change.

Alexandra : Alors Tony, comment est-ce que le fait de parler de barrières plutôt que d'incapacités aide les gens à mieux comprendre que l'accessibilité est bénéfique tous?

Tony : Quand on parle de barrière, c'est quelque chose qu'on peut enlever quand on parle d'incapacité, on a tendance à associer ça aux gens, aux personnes, et puis c'est néfaste pour leur acceptation d'elle-même et de leur acceptation par les autres. Quand on parle de barrière, on peut s'assurer d'identifier les moyens de l'enlever ou de la contourner, c'est beaucoup plus efficace et ça c'est plus axé sur l'environnement. Dans notre environnement actuel, on peut voir des barrières, mais on peut aussi voir des chemins vers des opportunités, vers des capacités des personnes. Si on prend mon propre exemple, j'ai une basse vision. J'ai une vision que je considère normale, et qui me d'apprécier les beaux paysages, de me promener tout seul, de faire de la photo, de faire toutes sortes de choses que j'aime, j'aime apprécier des œuvres artistiques, etc. regarder des films... Mais, tout le monde voit… la grande majorité des êtres humains voit beaucoup plus que moi. Si tout le monde voyait comme moi, les affiches, les étiquettes, les autres choses dans la société seraient écrites plus grosses, ou on aurait tous une accommodation, un accommodement c'est à dire, commun, collectif qui ferait que, il y en aurait pas de barrières pour moi. Et puis c'est vrai pour l'ensemble des choses sur lesquelles on doit travailler pour rendre la société plus accessible, le milieu de travail plus inclusif, des choses comme ça. On a une capacité comme être humain à discuter de ces barrières-là, puis à les éliminer. Ça ne coûte pas souvent plus cher. Si par exemple, dans mon poste de travail, je reçois un document en PDF. Bien, malheureusement, il est souvent pas accessible pour moi, et puis si par contre tout le monde voyait comme moi, oh là, tout d'un coup le document, il serait nécessairement formaté pour tout le monde. C'est que, un moment donné, il faut que la majorité prenne compte des besoins de la minorité peut-être… Et d'habitude, quand on rend quelque chose accessible pour une personne ou même quelques personnes, on le rend beaucoup plus accessible pour tous et ça ne coûte pas nécessairement plus cher.

Alexandra : La pandémie de la COVID-19 a exposé les nombreuses manières dont nous pouvons rendre le monde plus accessible. Par exemple, si on élargit la définition du mot incapacité, on peut se concentrer sur les capacités de chacun et viser une meilleure accessibilité pour tous.

Tony : Un moment donné, il va falloir garder le meilleur de la situation actuelle et puis se débarrasser des autres choses qui, qui pourront disparaître lorsque la situation sera revenue à la normale. Puis j'espère que ce qui va rester dans l'espace public c'est une plus grande ouverture dans la société et puis dans l'économie pour assurer qu'on considère, et qu'on se concentre sur les aptitudes des gens et leur capacité à contribuer à la société et à l'économie.

Alexandra : Et c'est tout pour l'instant! Nous espérons que vous viendrez nous retrouver en septembre pour écouter l'épisode en entier.

Un gros merci à notre invité, Tony Labillois et merci à vous, de nous avoir écoutés. À la prochaine!

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L'Environnement de fichiers couplables

L'Environnement de fichiers couplables

Aperçu

L'Environnement de fichiers couplables (EFC) est un environnement de Statistique Canada dans lequel les microdonnées d'entreprises sont couplées à diverses sources de données administratives et d'enquêtes.

Cet environnement fournit un large éventail de bases de données aux utilisateurs leur permettant l'analyse des caractéristiques des entreprises canadiennes à partir de nombreuses variables sans imposer de fardeau de réponse supplémentaire aux entreprises; ni de fardeau de réponse supplémentaire en matière de collecte de données à Statistique Canada ou aux commanditaires d'enquêtes en matière de coûts.

Grâce au processus de couplage de données, l'EFC exploite la capacité des enquêtes et des données administratives existantes afin d'informer sur les enjeux commerciaux et économiques. L'EFC dispose les enquêtes et données administratives de manière à appuyer les analyses longitudinales et transversales permettant notamment l'utilisation d'autres variables pour évaluer l'entrepreneuriat, l'emploi, la productivité et la compétitivité. Pour plus d'informations sur le processus de couplage d'enregistrements à Statistique Canada, voir Couplage de microdonnées.

Comment utiliser l'EFC

La principale fonction de l'EFC est de fournir des séries de sources de données permettant d'effectuer des analyses longitudinales et transversales. L'EFC peut aider les chercheurs à répondre à des questions de recherche et à intégrer leurs données à une vaste série de données administratives et de données d'enquêtes recueillies auprès des entreprises. Il peut être utilisé pour créer un cadre conceptuel et des rapports visuels permettant aux organismes gouvernementaux de produire leurs propres analyses.

Services

L'équipe de l'EFC apporte son soutien aux utilisateurs et partenaires en travaillant avec eux pour définir les variables en fonction de leur sujet d'intérêt. Une fois définies, les variables appropriées sont extraites des fichiers couplés sous forme d'ensembles de données pouvant être utilisées pour réaliser des recherches, des études d'impact ou des tableaux personnalisés. Ces services sont fournis aux utilisateurs et partenaires sur la base d'un recouvrement des coûts. Pour plus d'informations sur ces services, contactez-nous par courriel à l'adresse suivante (infostats@statcan.gc.ca).

Confidentialité

La loi interdit à Statistique Canada de divulguer toute information recueillie qui pourrait dévoiler l'identité d'une personne, d'une entreprise ou d'un organisme sans leur permission ou sans en être autorisé par la Loi sur la statistique. Les résultats d'analyses et de recherches ainsi que les tableaux personnalisés sont examinés soigneusement avant leur publication afin de veiller à ce que toutes les règles en matière de confidentialité et de divulgation soient respectées. L'accès à l'EFC est restreint au personnel autorisé de Statistique Canada chargé de créer l'EFC, d'élaborer les ensembles de données à l'intention des chercheurs ou de produire des tableaux.

Voici des exemples d'utilisations typiques de l'EFC :

  • couplages particuliers et extraction de données (au moyen d'approches déterministes ou probabilistes);
  • production de bases de microdonnées personnalisées à l'intention des chercheurs;
  • production de totalisations personnalisées au moyen de toutes les variables disponibles dans l'EFC;
  • production d'analyses économétriques, y compris des études d'impact;
  • production de tableaux de bord interactifs facilitant la production de rapports visuels

Exemples de produits générés par l'EFC

L'EFC sert de cadre conceptuel pour de nombreux programmes statistiques, dont les suivants :

Soutien de la croissance et de l'innovation en entreprise

Soutien de la croissance et de l'innovation en entreprise (SCIE) a pour objectif d'améliorer l'évaluation du rendement des volets de programmes liés à la croissance et à l'innovation qui sont mis en œuvre par les ministères et les organismes fédéraux.

Base de données des indicateurs d'entrepreneuriat

Le programme Base de données des indicateurs d'entrepreneuriat (BDIE) fournit des données décrivant la dynamique d'un sous-ensemble d'entreprises canadiennes, comme le nombre d'entreprises actives comptant un employé ou plus, le nombre de créations et de disparitions d'entreprises actives ayant un employé ou plus, le nombre d'emplois associés aux créations et aux disparitions d'entreprises, la survie des entreprises nouvellement créées, ainsi que le nombre d'entreprises à forte croissance et d'entreprises gazelles.

En outre, le programme sur les indicateurs d'entrepreneuriat fournit des données intégrées aux chercheurs du gouvernement et aux universitaires qui ont un intérêt stratégique à promouvoir la croissance des entreprises. En plus de faciliter l'analyse, ces données intégrées peuvent permettre aux chercheurs de fournir des renseignements destinés à encourager et à promouvoir l'entrepreneuriat.

Principales sources de données de l'EFC

Figure 1 - Sources de données de l'EFC
Description - Figure 1 - Toute les sources de données de l'EFC

Sources de données administratives (EFC) :

  • Registre des entreprises (RE) – 2000 à 2020 (SDDS 1105)
  • Programme d'analyse longitudinale de l'emploi (PALE) – 2000 à 2017 (SDDS 8013)
  • Index général des renseignements financiers (IGRF-T1) Entreprises non constituées en sociétés – 2005 à 2019
  • Index général des renseignements financiers (IGRF-T2) Entreprises constituées en sociétés – 2000 à 2020
  • État de la rémunération Payée (T4 fichier supplémentaire) – 2000 à 2019
  • Fichier Principal Personnel du propriétaire principal de l'entreprise (FPP) – 2007 à 2014
  • Base de données T1 améliorée du propriétaire principal de l'entreprise (BDA) – 2012 à 2019
  • Compte de retenues sur la paye (PD7) – 2001 à 2020
  • Commerce par caractéristiques des exportateurs – 2010 à 2019 (SDDS 2201)
  • Commerce par caractéristiques des importateurs – 2018 (SDDS 2201)
  • Brevets (Office de la propriété intellectuelle du Canada) – 2001 à 2006
  • United States Patent Office (USPTO) Entreprises canadiennes seulement – 2000 à 2012
  • Examen horizontal de l'innovation (EHI) – 2007 à 2016
  • Soutien à la croissance et à l'innovation en entreprise (SCIE) – 2007 à 2019 (SDDS 5304)
  • Demande pour les dépenses de recherche scientifique et développement expérimental T661 (RS&DE) – 2000 à 2018

Sources de données d'enquêtes (l'EFC) :

  • Enquête annuelle Recherche et développement dans l'industrie canadienne (RDIC) – 2000 à 2018 (SDDS 4201)
  • Investissements directs canadiens à l'étranger (IDCE) – 2000 à 2013 (SDDS 1537)
  • Investissements directs étrangers au Canada (IDEC) – 2000 à 2013 (SDDS 1537)
  • Échanges de services commerciaux (ESC) – 2000 à 2013 (SDDS 1536)
  • Enquête sur l'innovation et les stratégies d'entreprise (EISE) – 2009, 2012, 2017(SDDS 5171)
  • Enquête sur l'innovation (INNO) – 2003, 2005 (SDDS 4218)
  • Enquête sur le commerce électronique et la technologie (ECET) – 2000 à 2007 (SDDS 4432)
  • Enquête sur les technologies de pointe (ETP) – 2007, 2014 (SDDS 4223)
  • Enquête sur la commercialisation de l'innovation (ECI) – 2007 (SDDS 5140)
  • Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises (EFCPME) – 2007, 2011, 2014, 2017 (SDDS 2941)
  • Enquête sur la gestion de la propriété intellectuelle (EGPI) – 2010 (SDDS 5183)
  • Enquête sur la technologie numérique et l'utilisation d'Internet (ETNUI) – 2012 (SDDS 4225)
  • Enquête sur le coût de la mise en conformité à la réglementation – 2016 (SDD 5093)